Russie / USA, 2ème round

 

Le 12 janvier 2021 s'est déroulé à Bruxelles, dans le cadre de l'OTAN, la deuxième réunion des pourparlers entre Moscou et Washington au sujet de la sécurité collective en Europe concentrée autour des problématiques liées de l'Ukraine et de l'OTAN qui menacent aujourd'hui la stratégie défensive russe.

La Russie était représentée par Alexander Grushko, vice-ministre des Affaires étrangères  et Alexander Fomin, vice-ministre de la Défense, Washington via l'OTAN était représenté par Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'Alliance et des représentants de 30 pays

Même si les premiers comptes-rendus ont souligné les déclarations d'intentions de "maintenir le dialogue", cette réunion, comme celle de Genève le 10 janvier, s'est déroulée dans une atmosphère de plus en plus crispée, car les USA ont refusé catégoriquement d'accéder aux demandes du Kremlin de voir l'OTAN sortir de la zone d'influence sécuritaire de la Fédération de Russie.


1 / Les déclarations de l'OTAN

Pour illustrer cette obstination arrogante et agressive du bras armé de Washington qu'est l'OTAN, il suffit d'écouter les déclarations de son Secrétaire Général, Jens Stoltenberg, à l'issue des 4 heures de discussions et qui relèvent plus d'une catéchèse propagandiste bornée que d'une réflexion politique pragmatique :

Jens Stoltenberg, Secrétaire Général de l'OTAN

Stoltenberg, qui a été le premier à commenter cette réunion de 4 heures a déclaré que la discussion avait été "difficile", Sans vraiment développer concrètement les points traités Stoltenberg a souligné évasivement que, malgré "de grandes différences entre la Russie et l'OTAN, et qui sont difficiles à surmonter", les parties sont favorables à maintenir un dialogue entre elles de poursuivre les discussions. L'un des point de rupture est évidemment le projet d'intégration de l'Ukraine dans l'Alliance atlantique, que la Russie juge "inacceptable" mais sur lequel Stoltenberg a rappelé que "l'OTAN refuse de faire des compromis sur l'admission de l'Ukraine" à l'alliance. Rappelons que Moscou qualifie cette acceptation d'inacceptable.

Comme d'habitude la partie occidentale a voulu jouer avec la montre proposant de "repousser aux calendes grecques" toute réponse concrète aux propositions russes en proposant de multiplier de nouvelles réunions entre l'OTAN et la Russie, alors que cette dernière a clairement exigé de la part de l'OTAN le 20 décembre dernier, que des actes concrets et immédiats en faveur d'une sécurité collective et bilatérale soit engagés. Pour jouer le rôle médiatique du "bon samaritain" et préparer ainsi une future rhétorique occidentale victimaire et russophobe habituelle, Stoltenberg a annoncé qu'il était prêt à rouvrir le bureau de l'OTAN à Moscou et le bureau de la Russie à Bruxelles, ainsi que de discuter des restrictions mutuelles sur les missiles et de la question de la politique nucléaire.

Ensuite le Secrétaire Général de l'OTAN a psalmodié sans honte les ritournelles de la propagande occidentale selon laquelle les affirmations de Moscou selon lesquelles l'élargissement de l'alliance menace la Russie sont un mensonge, puisque l'alliance n'est qu' "une organisation défensive", rajoutant un peu plus tard dans une contradiction totale "qui répand la démocratie" (les populations serbes, afghanes, irakiennes, syriennes, libyennes, donbassiennes savent bien comment est "répandue" du ciel cette "démocratie" droitdelhommistes !).

Pour résumer Stoltenberg, au lieu d'exprimer une position claire sur la demande russe de garanties de sécurité collective a lancé plutôt un ultimatum à Moscou en lui demandant de retirer ses troupes de Crimée, de Transnistrie, d'Ossétie et d'Abkhazie qu'il considère toujours appartenant à l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, et d'accepter leur intégration future au sein de l'OTAN.

  • "La Russie a des forces armées en Géorgie, en Ukraine, en Crimée et en Moldavie. Ces forces sont là sans le consentement des gouvernements de ces pays, personne ne les y a invitées."
  • "Les pays de l'OTAN lors de la réunion ont appelé aujourd'hui la Russie à retirer ces forces et à respecter l'intégrité territoriale et la souveraineté de la Géorgie, de l'Ukraine et de la Moldavie."
  • "L'OTAN est prête à engager un dialogue avec la Russie, mais nous ne transigerons pas sur nos principes, nous ne transigerons pas sur l'intégrité territoriale et la souveraineté des pays européens".
  • "La Russie ne peut pas opposer son veto à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN"

Et bien sûr selon la doxa russophobe occidentale habituelle Stoltenberg a accompagné son ultimatum de menaces déclarant, au sujet des tensions entre l'Ukraine et la Russie dont il admet qu'elles représentent  "un risque réel d'un nouveau conflit armé en Europe: 
  • “Si la Russie utilise à nouveau la force contre l'Ukraine et envahit davantage l'Ukraine, nous devons alors examiner sérieusement la nécessité d'accroître encore notre présence dans la partie orientale de l'alliance.”

Il est dommage que cette stratégie occidentale de la carotte et du bâton ne soit pas appliquée également à ses alliés comme par exemple l'Ukraine, qui depuis plus de 7 ans viole quotidiennement les accords de paix signés à Minsk et même au contraire bénéficie d'une aide politique, financière et militaire croissante de la part de ces donneurs de leçons atlantistes. 

Ce faisant, Stoltenberg qui agite menaces et principes à géométrie variable (comme le prouve la création du Kosovo) se fait plus le thuriféraire des Etas Unis que des pays européens, dont les prochaines résolutions vont montrer s'ils sont tous les soldats bêtes et disciplinés de la stratégie étasunienne où s'il subsiste encore dans leurs cerveaux atrophiés une once de souveraineté nationale. Et c'est probablement pour éviter des fissures au sein de l'alliance que depuis 2008, les USA préfèrent, dans leur guerre contre la Russie l'option économique à l'option militaire directe qui n'intéresserait pas tous les membres de l'OTAN et pourrait meme signer son éclatement interne.

Quant à Julianne Smith, la représentante permanente des États - Unis à l' OTAN, elle a déclaré dans une interview donnée à l'issue de la réunion :
  • "L'OTAN ne reviendra pas à la configuration en 1997, qui a précédé l'élargissement de l' OTAN à l'est. L'Alliance ne peut pas remonter le temps à une toute autre époque, où nous avions une toute autre alliance à une échelle plus modeste"

2 / Les actions de l'OTAN

En parallèle de ces discussions diplomatiques et pour prouver que les occidentaux ont déjà écrit leurs conclusions voici quelques actions de Washington réalisées par Washington depuis le 10 janvier, date des premiers pourparlers à Genève :

  • Le 10 janvier, un groupe de sénateurs démocrates étasuniens  a présenté un projet de loi sur de nouvelles attaques économiques contre la Fédération de Russie en cas de nouvelle aggravation de la crise en Ukraine et qui visent :

- des sanctions économiques contre le président russe Vladimir Poutine, le Premier ministre Mikhail Mishustin, le ministre des Affaires Etrangères Sergueï Lavrov, le chef d'état-major général des forces armées Valery Gerasimov,  ainsi que des commandants des différentes branches des forces armées...

- des restrictions à au moins trois banques et institutions financières répertoriées : Sberbank, VTB, Gazprombank, Moscow Credit Bank, Alfa-Bank, Otkritie Bank, PSB, Sovcombank, Transcapitalbank et le Fonds d'investissement direct russe (RDIF) . ) et VEB. R" ;

- le droit d'imposer des sanctions aux outils de messagerie financière tels que SWIFT ; exige des rapports sur les mesures visant à mettre fin à la fourniture de services aux banques sous sanctions ;

- l'interdiction des opérations avec la dette publique primaire et secondaire de la Russie.

Intitulé de la nouvelle proposition de loi au sénat US:
« Pour contrer l'agression russe contre l'Ukraine et ses alliés d'Europe de l'Est, 
pour accélérer la fourniture d'une assistance à la sécurité de l'Ukraine, 
pour renforcer les défenses de l'Ukraine et pour imposer des sanctions liées 
aux actions de la Russie contre l'Ukraine, et à d'autres fins »

Il est à noter, n'en déplaise aux trumpinolâtres bas du front, que  pour une stratégie de "containment" de la Russie, républicains et démocrates sont "copains comme cochons" comme ce Michael McCall, un sénateur républicain influent du Comité  des affaires étrangères qui déclare :

  • "La diplomatie a peu de chance de succès si elle n'est pas abordée en position de force. Vladimir Poutine devrait prendre note que le Congrès ne tolérera pas la restauration d'une sphère d'influence russe et ne permettra pas que l'Ukraine et nos autres alliés et partenaires d'Europe centrale et orientale soient abandonnés"

Le 10 janvier, un autre avion cargo militaire étasunien C17 a livré à Kiev un chargement inconnu qui entre certainement dans l'enveloppe supplémentaire de 200 millions de dollars  accordé en urgence" par le président Biden en décembre 2021, et qui se rajoute aux 300 millions d'aide militaire à l'Ukraine déjà votés par le Sénat américain pour le budget 2022.

  • Le 11 janvier, le Pentagone, en plus des livraisons d'armes croissantes et des 8000 "instructeurs" encadrant les forces ukrainiennes a décidé d'augmenter son ingérence dans la politique de défense du Kiev en nommant 2 fonctionnaires auprès de la Direction politique du ministère ukrainien de la Défense (créée en 2020). Les principales missions des conseillers US comprendront 

- des conseils sur la politique et la gouvernance,

- des conseils sur la normalisation occidentale des organisations et procédures, 

 - des conseils sur l'intégration euro-atlantique dans le domaine de la défense.

"Le 11 janvier 2022, les conseillers américains Chris Rizzo et Todd Brown ont
commencé à travailler de manière permanente à la Direction de la politique de
défense du ministère de la Défense de l'Ukraine" (communiqué ministériel ukrainien)
  • Enfin, sur le front du Donbass qui de réveille depuis le 9 janvier, les activités de soutien des ressources de renseignement stratégique de l'OTAN, au profit des forces ukrainiennes engagées contre les républiques de Donetsk et Lugansk, sont toujours en continuelle augmentation, avec leurs satellites "Sentinelle" leurs drones "Global Hawk" ou  leurs avions de  reconnaissance et d'appui électronique.
Le 10 janvier, alors que commençaient à Genève les pourparlers autour de l'extension
de l'OTAN aux frontières russes, un autre vol de reconnaissance électronique était
réalisé par un Boeing "Rivet Joint" de l'US Air Force le long du front du Donbass.

Et, à ses actions de l'OTAN en Ukraine il convient d'ajouter la reprise des provocations militaires ukrainiennes sur le front du Donbass et qui elles aussi coïncident avec les discussions où les accords de paix signés à Minsk sont également un des points principaux abordés.

3 / Les déclarations de la Russie

Les représentants de la Fédération de Russie, tout en accordant une bienveillance polie au principe de maintenir le dialogue entre Moscou et Washington n'ont pas cédé une ligne des propositions de Sécurité collective  envoyées à Washington le 17 décembre dernier. et qui ont initié les discussions en cours.

Alexander Grushko, vice-ministre russe des Affaires étrangères 

Lors de sa conférence de presse informant des discussions réalisées avec les représentants de l'OTAN, Alexander Grushko a rappelé que la présence de l'OTAN sur les frontières de la Fédération de Russie est inacceptable et que la demande russe concernant son retrait n'est pas négociable.

  • "Cela détériore également sérieusement notre sécurité et crée des risques inacceptables pour elle, que nous contrerons"

Concernant l'obstination agressive de l'OTAN de poursuivre en augmentation ses activités le long des frontières de la Fédération de Russie et le processus d'intégration de pays (déjà "partenaires" de l'alliance) problématiques comme l'Ukraine, Grushko a déclaré que si la situation ne peut pas être résolue par des moyens politiques et diplomatiques, la Russie prendra alors des mesures militaro-techniques. 
  • "Nous ne pouvons pas être d'accord avec cela, c'est pourquoi nous prendrons toutes les mesures appropriées pour contrer la menace par des moyens militaires."
Concernant l'Ukraine, le représentant de la Russie a réitéré que la Russie n'avait pas l'intention de l'envahir comme le prétendent les ukro-atlantistes et que "La seule menace pour l'Ukraine, c'est l'Ukraine elle-même. Personne d'autre."

Certains de commenter ce positionnement russe comme nouveau, je pense pour ma part qu'il n'est pas nouveau mais juste peut aujourd'hui être exprimé grâce :
  1. à la restauration de la puissance militaire russe qui redonne à Moscou une place internationale respectable et la possibilité de faire valoir désormais ses arguments,
  2. à l'urgence de mettre fin à la progression militaire russophobe de l'OTAN vers ses frontières occidentales et centres névralgiques. 

Ces discussions avec les pays de l'OTAN n'on donc rien apporté de significatifs pour espérer une entente sur la sécurité collective européenne, mais elles confirment ce que le ministère russe des Affaires étrangères avait déclaré au début du mois de janvier: "parler avec des pays qui ne décident de rien n'est qu'une perte de temps".

Comme prévu malheureusement les discussions Est-Ouest sont loin, très loin d'engager une quelconque désescalade de la situation en Europe de l'Est et particulièrement en Ukraine où les ukro-atlantistes continuent de faire jouer au régime fantoche de Kiev le rôle d'un bélier sacrifiable dirigé contre la forteresse Russie.

La poursuite des pourparlers Est-Ouest, cette fois sur les garanties de sécurité, est prévue ce 13 janvier à Vienne dans les locaux de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe.

Ce n'est qu'à l'issue de ce cycle de 3 réunions que la déchirure Est-Ouest sera réellement actée et que les diplomates vraisemblablement passeront le relais aux militaires...

Erwan Castel

Pour rappel graphique, je remets ici la carte de l'évolution historique de l'OTAN 
sur laquelle on peut observer l'avancée progressive de l'alliance militaire (qui est 
sous commandement étasunien) depuis 30 ans vers un flanc occidental russe dont 
l'immense faiblesse est de ne disposer d'aucune profondeur stratégique séparant 
ses frontières des grands centres névralgiques de la Fédération, d'où la volonté 
légitime de préserver un "glacis" indépendant entre Mer Baltique et Mer Noire.


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