La Paix européenne au pied de l'échafaud

Aujourd'hui 10 janvier 2022 commencent à Genève les rencontres probablement historiques entre Moscou et Washington au sujet du conflit du Donbass et plus généralement de l'OTAN dont l'élargissement qui s'est cristallisé en Ukraine est devenue intolérable pour la sécurité de la Russie, et menace par réaction légitime du Kremlin toute la sécurité collective de l'Europe. 

Ces réunions doivent se dérouler en 3 temps : 

  1. le 10 janvier à Genève,
  2. le 12 dans le cadre du Conseil Russie-OTAN à Bruxelles,
  3. le 13 janvier, à l'OSCE (Genève).

Dimanche soir, la réunion préparatoire entre les délégations russe et étasunienne dirigées respectivement par Sergueï Ryabkov, le Vice-ministre russe des Affaires étrangères et Wendy R Shermann secrétaire d'Etat adjointe à la Maison Blanche, s'est déroulée dans une atmosphère tendue, chaque partie ayant reçue comme consigne de ne pas faire de concession à l'autre concernant l'OTAN et qui constitue la pierre angulaire du traité de Sécurité collective proposé par Moscou à Washington le 17 décembre dernier.

L'extension des activités de l'OTAN (directe avec membres ou indirecte avec alliés), qui est le fer de lance de l'hégémonie étasunienne en Europe, en arrivant au contact des frontières de la Fédération de Russie est devenue d'autant plus critique que d'une part, l'évolution des armements stratégiques modernes sur un flanc occidental russe ne disposant pas de profondeur stratégique placent les grands centres névralgiques russes qu'à quelques minutes des missiles étasuniens, et que d'autres part les services spéciaux de l'OTAN ont engagé depuis la fin de l'URSS une stratégie de déstabilisation via des révolutions colorées, des coups d'Etat et des guerres hybrides dont les événements du Maïdan, du Haut Karabagh ou du Kazakhstan ne sont que les derniers exemples, et conformes à la feuille de route proposée par les think tank mondialistes comme par exemple la "RAND, corporation".

D'aucuns argueront des principes de souveraineté nationale, des traités internationaux ou de l'intangibilité des frontières qui ne sont que des arguties à géométrie variable que les mondialistes dogmatisent ou brûlent au gré de leurs intérêts militaro-industriels. Ainsi pour les promesses et les traités concernant l'OTAN (non extension, non prolifération nucléaire...) qui ont été systématiquement bafoués depuis 30 ans par Washington.

Le coup d'Etat du Maïdan, aujourd'hui reconnu comme tel par ses commanditaires et acteurs locaux a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase de la patience russe, surtout lorsqu'on observe depuis 8 ans qu'à défaut des droits de l'Homme ou de la Démocratie, c'est bien l'OTAN qui seul a progressé en Ukraine avec une résurgence du nazisme et sur fond d'une guerre du Donbass à caractère génocidaire que ses auxiliaires de Kiev entretiennent sur les frontières de la région de Rostov sur le Don.

Alors que la propagande de guerre occidentale repoussant chaque jour les limites du paroxysme, ne cesse d'accuser la Russie de vouloir conquérir le Monde, un simple carte de l'évolution de l'OTAN en Europe suffit  à démontrer qu'il ne s'agit en fait qu'une de ces inversions accusatoires séculaires dont est coutumier depuis toujours l'Occident.

« Exiger des concessions de la Russie dans une situation 
où, depuis des décennies, c'est l'OTAN qui s'efforce, soit disant, 
de "repousser" notre pays et de le reléguer, sinon dans un rôle 
de subordonné, ou en tout cas dans des rôles secondaires dans le 
domaine de la politique européenne et internationale. 
Ce comportement, qui provoque des dommages directs à notre 
sécurité, ne fonctionnera plus. Tout cela appartient au passé, c'est 
terminé ! L'OTAN doit maintenant ramasser la monnaie et s'en 
retourner jusqu'aux frontières de 1997 ". Sergueï Ryabkov, janv 2022

Pour résumer, ce que demande la Russie ce n'est ni plus ni moins que le respect juridiquement garanti des principes (réactualisés à l'aune des armes modernes et des guerres hybrides actuelles), qui ont prévalu au règlement de la crise des missiles de Cuba lorsque les USA ont exigé de la Russie qu'elle retire ses bases de Cuba au nom de la trop grande proximité de l'île caribéenne avec les frontières de la Floride étasunienne :

  • 1. Arrêt de l'élargissement de l'OTAN vers la Russie et retrait des unités et bases étasuniennes qui ont avancé jusqu'aux frontières russes après 1997, soit sous couvert du statut de membre ou de celui de partenaire de l'Alliance Atlantique. 
  • 2. Concernant l'Ukraine, retirer tout le personnel et les infrastructures de l'OTAN et exiger de Kiev le respect immédiat des accords de paix signé à Minsk. 5. Commencer immédiatement à mettre en œuvre les accords de Minsk. 
Mais ce qui change grandement par rapport aux précédentes discussions Est-Ouest, c'est le ton employé par les autorités russes et qu'on pourrait résumer laconiquement par "trop c'est trop !". 

Le Kremlin ne veut plus de promesses mais exige maintenant de la part de ses "partenaires" occidentaux des actes à effet immédiat, sans concession de sa part, et prévient qu'en cas de refus occidental à son traité de Sécurité Collective, la Russie sera alors contrainte d'assurer elle-même sa sécurité, par des moyens militaires et militaro-techniques.

Cette réaction russe radicale mais somme toute légitime n'est pas sans surprendre l'arrogance étasunienne, et la récente et fulgurante réaction de Moscou menant un déploiement de forces internationales de l'OTSC, en 72 heures pour faire face au chaos kazakhstanais, est un message clair adressé à Washington que la patience de l'Ours russe est réellement épuisée.

Est ce que pour autant cela va dissuader les ukro-atlantistes d'arrêter leur stratégie russophobe et de valider les propositions russes ?

Personnellement je ne le pense pas et pour plusieurs raisons :
  • Un recul de l'OTAN en Europe désavouerait totalement Washington aux yeux de ses alliés et signerait même la fin de l'Alliance militaire sur laquelle repose la plus grande partie de leur stratégie militaro-industrielle internationale qui court désespérément derrière une dette astronomique qui menace de l'avaler (28000 milliards de dettes pour 22000 milliards de PIB).
  • Les déclarations récentes des faucons étasuniens montrent bien que, pour le moment Washington, qui ne veut, et ne peut pas affronter militairement directement avec les forces régulières de l'OTAN les forces armées russes en zone d'influence maitrisée et position défensive avantageuse, mais cherche à intensifier à outrance une guerre économique contre Moscou et ses alliés.
Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l'OTAN, a très bien résumé ce positionnement suicidaire de Washington, excluant dogmatiquement tout retrait de l'OTAN des pays frontaliers de la Russie, toute interdiction d'un pays d'y postuler à son intégration, toute amputation de pays membres des moyens stratégiques et a au contraire menacé la Russie de voir  "l'alliance militaire durcie pour la guerre" si elle persistait à vouloir imposer un glacis sécuritaire autour de ses frontières.

Dans cette stratégie belliciste étasunienne qui est une convergence de fantasme hégémonique et de fuite en avant survivaliste d'un système mondialiste exsangue, Washington est probablement prêt (comme d'habitude) à voir les pays européens payer le prix fort de son vampirisme, que ce soit avec des "sanctions économiques infernales" (Victoria Nuland), qui impacteront autant les économies de l'UE que celles de la Russie et ses alliés, où même si nécessaire pour déclencher l'embargo total contre Moscou, une guerre européenne entre Russie et Ukraine qui sera alors sacrifié sur le compte "pertes et profits" de la ploutocratie mondialiste.

Le problème majeur de la situation actuelle est que ,ni Washington qui ne peut s'arrêter sans tomber, ni Moscou qui ne peut plus reculer sans disparaître, sont en mesure d'accepter les conditions de l'autre.

Oh bien sûr, nous assisterons certainement au cours de ces discussions dont la conclusion est déjà écrite à des simulacres étasuniens de bonne volonté pour se victimiser, comme par exemple le retour des USA au traité de non prolifération des armes NBC de moyenne portée (INF) mais qui en réalité maintient des sites "anti-missiles" type AEGIS convertibles en sites offensifs. On peut également s'attendre de la part des USA à des pirouettes diplomatiques pour encore et toujours gagner du temps pendant que se poursuit la militarisation de l'Ukraine, comme par exemple refuser de discuter des propositions russes concernant des pays de l'OTAN sans leur présence...

Si on peut deviner quelle sera, après l'échec prévu de ces négociations, la réaction des ukro-atlantistes (provocations militaires- réactions-russes- sanctions occidentales), en revanche des inconnue subsistent concernant les réactions russes dont l'éventail est large, allant d'une reconnaissance des républiques populaires de Donetsk et Lugansk, du déploiement de moyens de défense russes dans le Donbass, de systèmes de missiles sur le flanc européen, de verrouillage électronique de zones régionales comme la Mer Noire ou la Baltique etc... 

Ce qui est certain c'est que ces discussions Est-Ouest des 10, 12 et 13 janvier ne sont là que pour acter une rupture radicale des discussions diplomatiques déjà consommée en Ukraine, et ce n'est pas la crise au Kazakhstan où les ficelles occidentales apparaissent chaque jour un peu plus qui va apaiser à Moscou la colère qui a pris le relais d'une patience exténuée.


Lors des rencontres préparatoires de Genève, la Russie était représentée par Sergueï Ryabkov
vice-ministre des Affaires étrangères et 
le colonel-général Alexander Fomin vice-ministre de la
Défense. et les USA étaient représentés par 
Wendy Shermans secrétaire d'Etat adjointe à la Maison Blanche et le lieutenant-général James Mingus, chef des opérations de l'Etat Major général .


Sur le front du Donbass

Tandis qu'à Kiev, les ukro-atlantistes désespérés de ne pas vor arriver de chars étasuniens dans le Donbass, défilent dans la rue en scandant "pas de négociations sur l'Ukraine sans l'Ukraine", alors qu'ils refusent depuis 8 ans de négocier le conflit avec les républiques...

Pendant ce temps, loin des salons helvètes et des rues kiéviennes, sur le front de Donetsk et Lugansk, le vent d'hiver est à nouveau chargé des odeurs de la guerre, 

Le réveil des ukropithèques se confirme avec une augmentation de leurs tirs sporadiques sur l'ensemble de la ligne de front, Voici les violations notifiées par les observateurs du Centre de Contrôle et de Coordination du Cessez le feu pour la journée du 9 janvier (calibre supérieur ou égal à 12,7mm):

  • 09h30: Bombardement ukrainien de Lozovoye (Ouest RPL) depuis les positions de Svetlodarsk. 12 grenades automatiques AGS tirées.
  • 11h15: Bombardement ukrainien de Zolotoe 5 (Nord Ouest Lugansk) depuis les positions de Zolotoe 4. 3 roquettes RPG tirées.
  • 11h40: Bombardement ukrainien de Krasny Yar (Nord Ouest Lugansk) depuis les positions de  Kondrashevskaya Novaya. 3 obus de mortier de 82mm tirés.
  • 11h55: Bombardement ukrainien de NovaTavria (Sud RPD) depuis les positions de Vodianoe.  3 roquettes RPG et 15 grenades automatiques AGS tirées.
  • 13h40: Bombardement ukrainien de Jelobok (Nord Lugansk) depuis les positions de Prchepilovka. 3 obus de SPG 9 (73mm) tirés.
  • 14h07: Bombardement ukrainien de Sokolniki (Ouest RPL) depuis les positions de Krimskoe. 4 grenades automatiques et 10 rafales de mitrailleuse lourde tirées. 
  • 14h40: Bombardement ukrainien de Molodejnoe (Ouest RPL) depuis Katerinovka. 2 obus de SPG 9 (73mm).
  • 15h40: Bombardement ukrainien de Kominternovo (Sud RPD) depuis les positions de Talakovka. 3 obus SPG 9 (73mm) tirés
  • 18h20: Bombardement ukrainien du Nord Ouest de Gorlovka depis les positions de Mayorsk.10 grenades automatiques AGS ont été tirées et tirs de mitrailleuses lourdes
Et au matin du 10 janvier, à 7h35, les forces ukrainiennes positionnées à Peski tiraient 4 roquettes SPG9 sur le village de Veseloe (quartier d'Oktyabrsky, au Nord de Donetsk).

Cette semaine risque d'être à la fois décisive et sans surprise !

Erwan Castel

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