Des paroles et des actes offensifs

Pendant ces premiers jours de l'année 2022 et surtout à quelques jours des négociations russo-étasuniennes sur l'Ukraine et l'OTAN (du 9 au 13 janvier), on peut observer un certain nombre d'activités et de déclarations russophobes essayer d'exacerber la doxa occidentale belliciste à l'égard de Moscou :

1 / Des paroles 

Josep Borrell

Primo, Josep Borrell le chef de la diplomatie de l'Union Européenne se rendra du 4 au 6 janvier en Ukraine et dans le Donbass où il est même prévu qu'il visite le front dès son arrivée avant les réunions à Kiev. Communiquant sur cette visite de son Haut représentant pour les Affaires Etrangères, la Commission Européenne a déclaré :"La destination de son premier voyage à l'étranger cette année souligne le ferme soutien de l'UE à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine à un moment où le pays est confronté à une accumulation de la puissance militaire russe et à des actions hybrides"

Rappelons que, sans surprise, Borrell est un thuriféraire de la rhétorique russophobe occidentale et que récemment il s'est prononcé à plusieurs reprises pour de nouvelles sanctions économiques contre la Russie et a qualifié les propositions du Kremlin concernant la non extension vers l'Est de l'OTAN "d'agenda purement russe avec des conditions totalement inacceptables". 

Secundo, depuis ce 1er janvier, la présidence de l'OSCE est polonaise, ce qui n'est pas pour arranger l'impartialité déjà douteuse de cette Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe lorsque l'on sait combien la Pologne est sans conteste le pays le plus russophobe de l'Union Européenne et l'un des soutiens les plus engagés à la politique atlantiste du régime de Kiev.
C'est Mateusz Morawiecki, le Premier ministre polonais, qui prend la présidence de l'OSCE après avoir déclaré en 2021 que "la Fédération de Russie est aujourd'hui la principale menace" et que la Pologne, depuis 30 ans a toujours considéré l'Ukraine comme un futur partenaire de l'Union Européenne et de l'OTAN. 
A noter également que Varsovie est avec Kiev un des plus virulents opposants à l'ouverture du gazoduc russe North Stream 2 considérant que "c’est un projet purement et simplement politique qui est réalisé, permettant à la Russie d’augmenter la pression sur l’Ukraine et de lancer une nouvelle vague d’agressions dans notre région".

Tertio, lors que la problématique de l'élargissement de l'OTAN (directe avec de nouveaux membres ou indirecte avec des partenariats) est au coeur des crispations entre Washington et Moscou, voilà que la Finlande qui fait déjà partie des pays dits "partenaire "nouvelles opportunités" de l'Alliance (avec entre autres la Géorgie, l'Ukraine et la Suède), choisit de revendiquer haut et fort son droit à intégrer l'OTAN. Plus qu'une réponse, une provocation !
Alors que son statut de partenaire (qui de facto est une intégration militaire non juridique dans l'alliance pour développer une "plateforme d'interopérabilité") a déjà permis à la Finlande de déployer des unités dans des opérations de l'OTAN dans les Balkans, en Afghanistan et en Iraq, voilà que Sanna Marin, la Première ministre finlandaise, a déclaré lors de ses vœux de nouvel an que Helsinki se réservait “le droit de déposer une demande d’intégration à l’Otan”, tandis que son président, Sauli Niinistö, promet de “renforcer la coopération de la Finlande avec l’Union européenne en matière de défense”, considérant les propositions russes de sécurité collective comme un “ultimatum incompatible avec l’ordre prévalant à l’assurance de la sécurité européenne”

Anders Fogh Rasmussen
Quarto, venant en soutien de son successeur 
Jens Stoltenberg, l'ex secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen - dont il est significatif de rappeler qu'il fut conseiller spécial du président Porochenko en quittant ses fonctions à l'OTAN -, a appelé les membres de l'Alliance à répondre fermement aux propositions de la Russie en intégrant au contraire des propositions de Moscou et l'Ukraine et la Géorgie (sans toutefois inclure les territoires de Crimée, du Donbass, d'Ossétie et d'Abkhazie qui mettraient juridiquement (article 5) l'OTAN en situation de guerre).

"Nous avons promis des sièges à la Géorgie et à l'Ukraine à la table de l'OTAN en 2008 et il est temps d'élaborer un plan d'action pour tenir notre promesse"

Tiens tiens, il y a quand même un terrain sur lequel les occidentaux et l'OTAN se souviennent de leurs promesses et tiennent à les honorer... Quand cela arrange leur russophobie hystérique bien sûr !

Quinto, concernant l'OTAN justement, son commandement politique vient de convoquer en urgence une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de ses pays membres avant le début des négociations entre Moscou et Washington. 
Et selon son communiqué, l'ordre du jour de cette réunion virtuelle prévue ce 7 janvier, est centré sur la réponse ferme à donner face au "renforcement de la puissance militaire de la Russie sur le territoire de l'Ukraine et à ses frontières".

Juste avant ce communiqué de l'OTAN, le chef du département d'État américain Anthony Blinken, qui s'était illustré début décembre par un ton agressif à l'encontre de Sergeï Lavrov, a contacté le secrétaire général de l'Alliance Jens Stoltenberg pour s'entendre sur le maintien renforcé d'une position commune soutenant l'Ukraine ainsi que d'une position ferme vis à vis de la Russie avec laquelle le faucon étasunien promet d'avoir "une conversation significative".

Kalle Laaneta 
On voit bien, à travers toutes ces déclarations diplomatiques occidentales, auxquelles il faudrait rajouter celles de concert des diplomaties françaises ou baltes par exemple, que l'OTAN et ses partenaires, non seulement font bloc en maintenant un cap d'élargissement de l'Alliance vers les frontières russes, mais tentent d'influencer les gouvernements de l'Union Européenne pour que leur politique (notamment économique) rejoigne la stratégie militaire de Washington dans l'endiguement de la Russie. 

Et cela fonctionne à priori si on en croit les déclarations du ministre estonien de la Défense, un certain Kalle Laaneta qui a accusé la Russie d'être "un réel danger menaçant la Paix et la démocratie" et de fantasmer dans une pure paranoïa : "Le voisin oriental de l'Union européenne ne veut pas vivre seul et permettre aux autres de vivre dans la paix et la démocratie. Les autres pays ne sont pour lui que des territoires à conquérir".


2 / Des actes

Parallèlement à ces déclarations bellicistes, chaque jour des actions convergentes sont réalisées par les ukro-atlantistes, soit pour soutenir l'effort de guerre ukrainien, soit pour nuire aux intérêts de la Russie. En voici pèle mêle quelques exemples récents :
  • A compter du 1er janvier 2022 il est interdit à tout navire russe, commercial ou privé d'entrer dans un port ukrainien quelle que soit sa cargaison ou son motif qu'ils fournissent à l'Ukraine, sont interdits d'entrer dans les ports maritimes (Mers Noire et d'Azov) et fluviaux (Dniepr, Danube etc...) ukrainiens. La conséquence pour l'Ukraine d'une telle mesure débile sera une augmentation des produits importés de ou via la Russie dot les navires marchands changeront simplement de pavillon pour continuer à honorer leurs contrats commerciaux.
  • Le Pentagone a ordonné la construction de 2 nouveaux patrouilleurs militaires rapides Mark VI destinés à l'Ukraine (qui a prévu d'en acheter entre 12 à 16) et qui devront comme les 2 premiers livrés en décembre 2021 être déployés en mer Noire et Mer d'Azov. A noter que ces patrouilleurs qui seront équipés de canons télécommandés MSI Seahawk A2 (deux par bateau) avec des canons automatiques 30-mm Mk 44 Bushmaster ont vu au passage de la nouvelle année leur prix unitaire passer de 20 millions à 25 millions de dollars.Sur 
  • Sur le front du Donbass, les forces ukrainiennes poursuivent les renforcements de leurs dispositifs offensifs pour lesquels sont déployés de nouvelles unités de volontaires nationalistes (DUK, UDA...) s'installant au milieu de zones résidentielles utilisées comme bouclier humain. A noter, en plus du maintien de tirs de harcèlement quotidiens sur les positions défensives républicaines du retour à une stratégie terroriste visant les populations civiles qu'elles soient en zone républicaine ou en zone occupée par Kiev, comme par exemple la coupure d'approvisionnement en eau potable par les forces de Kiev et qui touche les deux côtés du front de Lugansk.  
  • Si les canons sont relativement silencieux depuis 2 semaines, en revanche les unités ukrainiennes de guerre électronique clouent au sol depuis plusieurs jours les drones d'observation de l'OSCE, tandis qu'au sol plusieurs zones du front côté ukrainien leur sont interdites d'accès, certainement pour cacher au maximum les mouvements et déploiements d'armes interdites par le processus des accords de paix de Minsk.
  • Des renforts ukrainiens importants continuent de se diriger vers le Donbass, convois ferroviaires ou routiers, avec des matériels blindés et d'artillerie comme par exemple :
30 décembre 2021, grand convoi ferroviaire ukrainien dans 
l'Ouest de l'Ukraine et faisant route vers la Crimée ou le Donbass.
Géolocalisation du convoi ukrainien du 30/12/21
  • L'OTAN continue ses missions de reconnaissance et d'observation au profit de l'Etat Major ukrainien, que ce soit vers la Crimée, le long de la ligne de front du Donbass ou vers les régions frontalières russes bordant l'Est de la  Mer Noire :
Un  Boeing RC-135W Airseeker R.1 de la Royal Air Force n° ZZ665 décollant de la base 
de Mildenhall a effectué une mission de reconnaissance et d'observation électronique le long 
des côtes de Crimée et Krasnodar  Approches à 46 km de Sébastopol et 47 km de Novorossiysk,


Dernière minute !

Dans le Kazakhstan, cet immense pays d'Asie Centrale partageant avec la Russie méridionale près de 7000 kilomètres de frontières, des manifestations antigouvernementales qui animent les rues d'Amaty depuis quelques jours semblent vouloir dégénérer en émeutes. 

04 janvier 2022, voitures de police incendiées au Kazakhstan
tandis que les manifestants se dirigent vers la centre des médias.

Si les revendications initiales sont économico sociales, notamment vis à vis de la hausse du prix du gaz qui touche tout le pays, il est à noter que les manifestants sont exclusivement membres de la communauté kazakhe (70 % de la population) et que des slogans russophobes sont déjà lancés par les manifestants alors que le Nord du pays où vivent les communautés russophones restent calme.

Sans pouvoir affirmer à ce stade que nous sommes en face d'une nouvelle tentative de déstabilisation d'un pays frontalier avec la Russie et apparentant à sa zone d'influence politico-économique traditionnelle (ancienne république socialiste soviétique jusqu'en 1991) il est légitime dans le contexte de nouvelle guerre froide actuel d'y penser. Le Kazakhstan dispose de 8% des réserves minérales mondiales (uranium, manganèse, fer, chrome, charbon...), mais c'est aussi un grand producteur de pétrole en constante progression. Le contrôle total et exclusif de cette case du grand échiquier permettrait aux occidentaux de poursuivre leur stratégie d'endiguement occidentale de la Russie ("Heartland") par le contrôle de sa ceinture continentale frontalière ("Rimland"), mais aussi de mettre la main sur des réserves de matières premières exceptionnelles (notamment uranium et pétrole). 

04 janvier 2022,  Almaty (place Astana) Affrontements violents
entre manifestants et des forces de l'ordre qui seraient débordées 

A suivre donc attentivement car les événements de cette région d'Asie Centrale sur le flanc méridional de la Russie sont probablement en connexion avec ceux de son flanc occidental...

Il est clair que la Russie ne peut se permettre de voir un nouveau Maïdan éclater au Sud tandis qu'elle fait face à un post Maïdan de plus en plus agressif à l'Ouest  et probablement interviendra rapidement si la situation en Almaty dégénère !

Erwan Castel

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