Russie / USA, 3ème round

Clôturant un triathlon diplomatique autour de la sécurité collective en Europe réalisé d'abord  les 10 et 12 janvier à Genève et Bruxelles, les représentants de Moscou et Washington (étasuniens ou occidentaux qui ne sont que leurs "alignés") se sont rencontrés à Vienne sous les hospices de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) à l'occasion d'une de ses réunions régulières.

Alexandre Loukachevitch, le représentant permanent de la Russie à l'OSCE a rencontré les responsables de cette organisation composée de 57 pays européens et eurasiatiques, dont la présidence tournante vient de passer à la Pologne depuis le 1er janvier.

Cette troisième réunion de Vienne, confirmant les 2 précédentes n'a pas été vraiment l'occasion de réels pourparlers" mais plutôt un constat de blocage grave des relations entre Washington (et ses larbins de l'OTAN) et Moscou au sujet de la Sécurité collective en Europe.

Sans vouloir me faire l'apôtre de ce manichéisme que je hais par dessus tout, force est de constater que dans cette crise majeure des relations russo-étasuniennes que beaucoup d'analystes considèrent plus grave que celle des missiles de Cuba qui était en 1961 du même registre sécuritaire, le rôle des Etats Unis et de l'OTAN n'est que de jeter de l'huile sur le feu en méprisant les revendications de la Fédération de Russie que même un enfant penché sur une carte de l'Europe comprendrait aisément  qu'elles sont légitimes.

En fait, la partie occidentale a montré au cours de ces trois réunions qu'elle refusait de discuter des clauses mêmes du traité de sécurité collective proposé par Moscou le 17 décembre dernier et qui pourtant était l'ordre du jour de ce triathlon diplomatique. Et pire que cela, les occidentaux ont profité de ces rencontres pour multiplier leurs ultimatums et menaces antirusses autour de l'escalade militaire observée dans le conflit du Donbass, dont ils sont pourtant bien plus partie prenante que la Russie avec leurs conseillers et instructeurs, leurs moyens de reconnaissance, leurs livraisons d'armes, leur logistique etc...

Extrait de la conférence de presse de Alexandre Loukachevitch, 
le représentant permanent de la Russie à l'OSCE, qui acte le
blocage des discussions Est-Ouest au sujet de l'OTAN et de 
l'Ukraine et ses conséquences catastrophiques potentielles 
pour la sécurité collective en Europe et dans le Monde.

Même la secrétaire générale de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) Helga Schmid a déclaré que "la situation dans la région est périlleuse", pendant l’ouverture de ce Conseil permanent. 

  • "Il est impératif de trouver, par la voie diplomatique, un moyen d’enrayer l’escalade et de commencer à rebâtir la confiance, la transparence et la coopération... c'est un besoin urgent face à un environnement imprévisible"
Je veux bien la croire mais comment l'OSCE, qui certes est une plateforme d'échanges internationale où Russie et USA sont sur un pied d'égalité juridique mais n'a aucun pouvoir décisionnel et encore moins coercitif pourrait forcer l'OTAN à s'engager vers une désescalade en Europe de l'Est ? Sans remonter jusqu'à la crise yougoslave où en 1999 l'OSCE a même collaboré à l'agression de l'Alliance atlantique contre la Serbie (via les mensonges de Walker, son directeur de mission, au sujet du massacre de Račak), il suffit d'observer son impuissance actuelle face aux violations ukrainiennes quotidiennes des accords de Minsk dans le Donbass dont elle rend compte pourtant à chacun de ses rapports d'observation.

Pour résumer ma pensée, l'OSCE n'est qu'un arbitre sans cartons rouge et jaune, sans sifflet et de plus corruptible ! Et le fait que sa présidence tournante (1 année) est depuis 2022 confiée à la Pologne réputée pour être un des pays les plus russophobes de l'Union Européenne n'augure pas une amélioration de son rôle; même si son représentant actuel, le ministre polonais des Affaires étrangères Zbigniew Rau a déclaré en façade: "Il semble que le risque de guerre dans la zone de l’OSCE n’ait jamais été aussi intense au cours des 30 dernières années. C'est un défi de taille pour l’Organisation dont le but est précisément de bannir la guerre d’Europe."

Alexandre Loukachevitch, représentant permanent russe à l'OSCE 

Malgré ces belles déclarations l'issue de cette réunion, Alexandre Loukachevitch a exprimé une nouvelle fois "la déception" et "le manque d'optimisme" de la partie russe de n'y avoir pas vu d'avancées significatives, et de positionnements véritablement indépendants de la part des pays occidentaux dits "souverains".

Alors que "les occidentaux avaient largement le temps d'étudier les lignes directrices des propositions russes, aucune réponse approfondie n'a été formulée et nous allons essayer d'accélérer la diplomatie" a déclaré Alexander Loukachevitch lors de sa conférence de presse. Sans ambages et tout en restant strictement sur le terrain diplomatique ouvert, le représentant russe à l'OSCE, regrettant que les recommandations passées du "groupe des sages" visant améliorer le fonctionnement de  l'organisation n'est pas été prises en compte, constate:

  • "Le pire c'est que nous avons perdu l'habitude de nous écouter les uns les autres et de se mettre d'accord, donc il y a une confrontation ouverte qui se fait contre la Russie, et cela est un grand problème. Il faut renoncer à cette logique vicieuse qui consiste à considérer la Russie comme un adversaire". A. Loukachevitch
  • "La gravité du problème c'est que la dégradation des instruments de contrôle des armements (abandon étasunien du traité INF) et les activités militaires (extension de l'OTAN) sont allés tellement loin que se sont effondrées toutes les barrières de la stabilité stratégique. Par l'action des américains et de l'OTAN l'architecture de  sécurité en Europe a été détruite". A. Loukachevitch

La Russie demande donc que les occidentaux d'envoyer rapidement une réponse écrite à ses propositions de garanties juridiques solides concernant la Sécurité collective à ses frontières et en attendant ne juge pas utile de poursuivre des discussions stériles et d'où ne sort qu'une agressivité russophobe occidentale.

  • "C'est pour cela que nous avons demandé la formulation juridique et de façon contraignante pour éviter tout scénario militaire de cette démarche de l'OTAN contre les intérêts de la Fédération de Russie". A. Loukachevitch
  • "Cette situation en elle même, la vitesse avec laquelle les territoires sont conquis (par l'OTAN) et sur lesquels des armements peuvent être installés pouvant touchés très rapidement des intérêts de la Fédération de Russie, est à mon sens factuelle". A. Loukachevitch
  • "Dire que l'Alliance a un caractère défensif c'est faux ! Cela fait longtemps que ce n'est plus le cas, je dirai même de façon beaucoup ferme s'agissant de l'extension de l'OTAN qu'il s'agit en réalité d'une expansion de la présence de l'OTAN en Europe et c'est le coup le plus fort qui a été donné contre son propre système de défense ! Il s'agit donc de bloquer cela de façon juridique". A. Loukachevitch
Concernant la souveraineté des Etats européens et l'indépendance des décisions prises au sein de l'OSCE le représentant russe a constaté:
  • "On a l'impression que la Fédération de Russie ne travaille pas avec des Etats souverains qui sont membres de l'OSCE, mais avec les membres différents groupes et alliances, et donc les représentants sont groupés autour de cette discipline euro-atlantique, et ils parlent et s'expriment de la même façon (...) c'est une érosion du décalogue d'Helsinki, et on s'éloigne de la Sécurité Européenne. Même lorsque les documents sont préparés nous avons ces instruments de sujétion qui sont mis en place et qui ne correspondent pas aux intérêts nationaux et cela est dangereux". A. Loukachevitch

Et Alexandre Loukachevitch de rappeler aussi certaines positions étasuniennes trahies:
  • Le 5 février 1990, lors du mémorandum sur la réunification allemande, le représentant étasunien James Baker déclarait : "En réponse à Monsieur Gorbatchev, concernant la réunification de l'Allemagne et la possible extension de l'OTAN, "si vous acceptez une présence de l'OTAN en Allemagne qui une part de l'OTAN, il n'y aura pas une extension de l'OTAN d'un pouce vers l'Est et c'est ma promesse" (extrait de la transcription des pourparlers - Archives du Pentagone).
  • Le 12 février 1990, lors de la conférence sur le traité "Ciel ouvert" James Baker à Edouard Chevardnadzé  "Et si l'Allemangne unie rentre dans l'OTAN, nous devrons faire attention à ce qu'il n'y ait pas d'extension de l'OTAN vers l'Est".

En Russie, le vice ministre des Affaires Etrangères Sergueï Ryabkov, qui avait dirigé la délégation russe à Genève est arrivé aux mêmes conclusions:

  • "Les négociations avec les États-Unis et l'OTAN sur les garanties de sécurité sont au point mort, et ni Washington ni Bruxelles ne sont prêts à discuter des exigences de la Russie". S. Ryabkov.
  • "Les pourparlers ont montré que les États-Unis et l'OTAN ne sont pas prêts à discuter des principales exigences de la Russie, ils ne les perçoivent tout simplement pas. Dans le même temps, ils expriment leur volonté de ne discuter que des questions qui leur conviennent. Ainsi, les prédictions sur l'absence de surprises dans les négociations se sont confirmées." S. Ryabkov.
  • "Par conséquent, s'il n'est pas possible de parvenir à un accord, d'autres méthodes et techniques seront utilisées pour tenir compte des besoins de la Russie. Jusqu'à présent, rien ne garantit que les États-Unis feront des concessions, mais les contacts entre les pays se poursuivront selon diverses orientations. Dans le même temps, il n'y aura pas de nouveau cycle de négociations entre la Russie et les États-Unis. S. Ryabkov.
Concernant particulièrement l'Ukraine et le Donbass, le vice ministre russe des Affaires Etrangères a déclaré :
  • "L'Ukraine se délecte de l'illusion de la vengeance Les choses les plus impensables peuvent arriver à la tête des autorités ukrainiennes, il faut mettre un terme à cela. Nous mettons fermement en garde l'Ukraine, l'OTAN et les États-Unis contre les attaques contre les habitants de Donetsk et de Lougansk. Nous appelons l'Ukraine à revenir à la mise en œuvre du paquet de mesures des accords de Minsk L'hystérie anti-russe totale règne au Congrès américain, la volonté de torpiller les moindres germes de bon sens dans les relations avec la Fédération de Russie domine". S. Ryabkov.

Et Sergueï Ryabkov de rappeler à l'occasion quelques exemples du "2 poids, 2 mesures" de la vision étasunienne du droit international. 

  • "Il semble que les États-Unis défendent le droit des pays de choisir leurs propres arrangements de sécurité uniquement lorsque ces arrangements profitent aux États-Unis eux-mêmes. S'ils vont à l'encontre des intérêts américains, les États-Unis feront tout pour les faire dérailler. 

• Angela Merkel pensait que North Stream 2 était bon pour la sécurité énergétique allemande. Mais les États-Unis voulaient vendre leur GNL, alors ils ont fait (et font encore) un long chemin pour arrêter le projet. 

• La Turquie et l'Inde veulent acheter des systèmes d'armes russes. Mais les États-Unis veulent augmenter leurs propres ventes d'armes et menacent donc ces pays de sanctions. 

• Le Brésil voulait renforcer sa sécurité médicale avec des vaccins russes. Mais les États-Unis veulent leur vendre leurs propres produits, alors ils les pressent ouvertement de ne pas coopérer avec la Russie. 

Et ce ne sont là que quelques exemples très récents. Quoi que vous pensiez des exigences russes pour que l'Ukraine ne rejoigne pas l'OTAN, ne vous laissez pas berner par des déclarations hypocrites sur des principes et des droits sacrés.". S. Ryabkov.

Pour rester optimiste malgré tout, je pense que les USA ont été surpris de la fermeté de la position russe et surtout de la rapidité de ses réactions et dans ce domaine sécuritaire, le paquet de garanties juridiques proposés en décembre, la réaction fulgurante et internationale des forces de l'OTSC au Kazakhstan et la détermination de la diplomatie russe aux 3 réunions des derniers jours.

C'est pour le moins un coup d'arrêt à l'arrogance étasunienne qui est d'autant plus surprise qu'elle a du mal à définir précisément, quels sont les types de réactions et les secteurs où pourrait être déclenchées les mesures militaro-techniques de la défense russe, qui peuvent âtre multiples et internationales comme l'a laissé entendre Sergeï Lavrov, le Ministre russe des Affaires Etrangères; en lançant le 13 janvier après midi que la Fédération de Russie autorise le déploiement de son armée et de ses infrastructures au Venezuela et à Cuba "en réponse à l'expansion de l'OTAN vers l'Est"

Que les réactions russes, même les plus radicales, s'exercent sur le continent européen dont les populations sont quantité négligeable pour les USA, comme l'ont prouvé les dizaines de villes européennes rasées par leurs bombardiers il y a 75 ans, c'est une chose, mais qu'elles mettent le pied dans leur pré carré latino-américain, c'est autre chose qui va piquer sérieusement les pieds de l'Oncle Sam.

Aussi, Washington vient-il de promettre une réponse écrite et fouillée au propositions russes dans la semaine (laquelle sera étudiée par le ministre russe de la Défense pour rapport au Président), tandis que Stoltenberg demandait instamment à la Russie de maintenir le dialogue diplomatique... La machine de guerre occidentale à priori n'est pas équipée de vision nocturne ni de gilet pare balles efficaces.

En attendant la réponse écrite de Washington (qui pour moi ne changera rien et cherchera encore à gagner du temps), un grand coup de chapeau aux représentants de la diplomatie russe qui donnent à leurs "partenaires" occidentaux une nouvelle leçon d'éthique et de culture politique internationale, franche et ferme, sans agressivité ni langue de bois. Cela change des Blinken, Le Drian et autres laquais aboyeurs de la ploutocratie mondialiste !  

Erwan Castel

Conférence de presse de Alexander Loukachevitch
le 13 janvier 2022 au siège de l'OSCE, à Vienne.

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