12 décembre Héros de la République Populaire de Donetsk, Oleg Mamiev (indicatif d'appel Mamai), le légendaire commandant de bataillon de la brigade internationale "Pyatnashka", aurait eu 44 ans.
Si le 17 mai 2018, sa vie ne s'était pas tragiquement terminée sous les tirs de mortiers ennemis aux premières lignes de la "promka"...
Nous avons parlé de Mamaï avec un volontaire de France, Erwan Castel, qui a combattu sous ses ordres. Erwan est un tireur d'élite de la brigade Piatnashka et un ancien officier de carrière dans l'armée française, originaire de la province de Bretagne. En janvier 2015, Ervan est arrivé à Donetsk et s'est porté volontaire pour la milice. En septembre 2019, Erwan a été grièvement blessé par l'explosion d'une mine en première ligne, le privant pratiquement de son bras gauche. Voici ce qu'il a dit à propos de Mamaï :
"Depuis que je suis venu combattre dans le Donbass, j'ai eu plusieurs commandants. Je ne veux pas parler maintenant de savoir si l'un d'eux était meilleur ou pire. Mais Mamai est seul parmi eux ¨qui a laissé des souvenirs indélébiles de lui-même. Il y a différents types d'officiers: il y a des officiers d'écoles, théoriciens,, il y a ceux qui construisent une carrière militaire, même si tous les deux sont capables parfois de se montrer à la hauteur du champ de bataille. Mamaï appartenait à la catégorie la plus rare des vrais officiers militaires, ceux formés et forgés par les combats. Pour moi, il était l'incarnation vivante d'un vrai chef militaire..
Mamaï commandait les soldats non par ses galons ou son physique athlétique, mais exclusivement par la force de son exemple personnel. Ceci est très précieux pour un soldat ordinaire. C'était un homme simple et modeste, mais en même temps il possédait une autorité incontestable et savait naturellement inspirer l'obéissance. Mamaï avait une carrure athlétique, il était présent aussi bien dans les formations qu'en première ligne et toujours à l'écoute de ses combattants. Les portes de son bureau étaient toujours ouvertes, même pour les simples soldats.
Par exemple, pour illustrer sa personnalité il était venu à sa dernière Parade de la Victoire le 9 mai 2018 en grande tenue, mais sans décoration Et, à mon avis, c'est très caractéristique de lui. Le pathos, la vanité lui étaient étrangers, tout ce qu'il faisait venait du cœur.
Autre détail très important pour moi en tant que militaire : chaque mois, il était en première ligne. Cela pourrait être à l'occasion d'une fête calendaire, d'une fête patriotique ou à l'occasion de l'anniversaire d'un des soldats. Il venait nous voir avec du thé, des bonbons, un gâteau et restait longtemps avec les soldats sur la ligne de front, essayant de connaître quel était leur état d'esprit et quelle était la situation actuelle.
Je suis tireur d'élite dans la brigade Pyatnashka et je me souviens très bien comment Mamaï est venu me voir et m'a demandé de me montrer les positions à partir desquelles j'effectuais l'observation et le tir. J'ai vu qu'il savait à la fois observer l'ennemi et préparer une position de tireur d'élite. De plus, il s'intéressait très sincèrement à mes préoccupations actuelles, si j'avais des problèmes techniques. Pour tous les soldats de notre unité, il n'était pas seulement un chef de bataillon, il était, sans exagération, un père.
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Quelques jours avant de tomber au combat, "Mamaï "était venu nous visiter sur notre position de Promka du front de Yasinovataya, avec "Snak" notre commandant d'unité |
Avec tous mes camarades nous nous se souviendrons à jamais de cette tragique soirée du 17 mai 2018. J'en parle sincèrement et sans pathos. Le jour où Mamai est mort sur le champ de bataille, j'étais au "bal". Ma position était à environ 500-600 mètres de la position Donaï, où Mamai a été mortellement blessé.
Ce soir-là, les forces ukrainiennes nous ont tiré dessus très fort. Ils nous ont tiré dessus avec des mitrailleuses lourdes, des mortiers de 82 mm et des lance-grenades AGS. La plus grande partie de notre unité était sur la position en état d'alerte, car nos positions sur les avants postes de Promka sont constamment la cible de tirs, et nous ne sommes séparés par endroits que d'une centaine de mètres des lignes ukrainiennes, ce qui les incite aux provocations.
Vers neuf ou dix heures du soir, un message passa parmi les soldats d'une sentinelle à l'autre que Mamaï avait été blessé. À ce moment-là, nous étions inquiets, mais pas surpris : il était souvent en première ligne, surtout si la situation était tendue. Pour nous, Mamai ne pouvait pas mourir, il était notre commandant de bataillon, et à nos yeux il était immortel. Nous connaissions tous son histoire : c'était un volontaire d'Ossétie, venu dans le Donbass dès les premiers jours du "printemps russe', dans les rangs de l'unité d'alors « Vostok », il participa aux combats aux frontières sud de la république, où il fut grièvement blessé à l'œil à Stepanovka, Il a survécu à de nombreuses batailles majeures en 2014. Pour nous, il était immortel...
Mais aux environs de minuit, de nouvelles informations sont passées par la position annonçant que Mamai était mort de ses blessures. Nous avons été choqués. Mais ce choc ne nous a pas dévasté, ne nous a pas paralysé, mais il nous a fait serrer plus fort l'arme dans nos mains. Mais en même temps, nous avons ressenti un vide dans nos cœurs. Il était notre commandant, aux yeux d'un soldat, un commandant ne doit pas mourir au combat, il doit résister, survivre. Habituellement, un simple soldat sacrifie sa vie sur la ligne de front. À ce moment-là, nous avons ressenti le véritable héroïsme de Mamai. »
A propos des funérailles du commandant du bataillon, Ervan a du mal à retenir ses larmes :
"Après la rotation, nous sommes venus aux funérailles de Mamai à Donetsk. Vous n'avez pas besoin de penser que les militaires sont des gens insensibles. Au contraire, si la guerre ne rend pas les soldats trop émotifs, en revanche elle leur fait ressentir plus intensément les tragédies, la souffrance et la misère autour d'eux, ce fut une journée terrible, mais ce jour-là, j'ai vraiment senti que Mamaï était un vrai héros.
On pensait dire au revoir au commandant en cercle étroit, au sein de ses proches et sa famille militaire, notamment son unité de combat, la brigade internationale "Piatnashka", une unité de combat qui avant tout est une grande famille. Mais lorsque nous sommes arrivés avec des couronnes mortuaires dans le centre de Donetsk, j'ai vu une foule immense de civils affluer en un flot incessant vers l'opéra, où la cérémonie d'adieu a eu lieu. La foule était presque aussi nombreuse que celle qui, quelques mois plus tard, viendrait dire au revoir au premier chef de la RPD, Alexander Zakharchenko. J'ai vu devant moi des dizaines de milliers de personnes qui s'étaient rassemblées pour dire le dernier adieu à Oleg Mamiev. Pour nous, ce fut une reconnaissance inestimable et inouïe non seulement de ses mérites personnels, mais aussi la reconnaissance de nous, ses combattants, et de tout le Donbass.
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Le volontaire ossète Mamaï, lors des premiers combats de 2014 |
Mamaï n'était pas originaire du Donbass, il était de nationalité ossète. Mais il a réussi, avec toute sa modestie naturelle, à devenir une véritable personnification de la résistance du Donbass. Avec de véritables émotions, je me souviens de ses camarades d'Ossétie, dont certains sont venus ici avec lui pour se battre comme volontaires . Ce sont des gens extraordinaires, comme un bloc de granit brut : simples, durs, mais avec une âme généreuse. Je les ai vus sangloter de manière incontrôlable à l'opéra, où était exposé le cercueil avec le corps de Mamai, et cette image restera à jamais dans ma mémoire.
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Un camarade ossète de Piatnashka, sur le parvis de la cérémonie d'adieu à Mamaï |
Je me souviens aussi d'une photo prise par Svetlana Kisileva lors du premier défilé de la victoire à Donetsk le 9 mai 2015. On y voit Mamai tenant une petite fille dans ses bras. Il se tient au milieu d'une foule très dense de gens de Donetsk qui se sont rassemblés pour admirer le défilé militaire, et une aura puissante semble émaner de lui.
Oleg Mamiev n'était pas un homme des tribunes, il était un homme du peuple et a toujours voulu être avec le peuple. C'était un homme simple, mais il possédait de telles qualités qu'il incarnait ¨malgré lui la vraie noblesse de l'âme."
Erwan Castel