Un bélier européen sacrifié


Le conflit meurtrier qui sévit entre Ukraine et Russie depuis plus de 4 ans ne trouvera probablement pas de solution interne car autant les commanditaires, que les enjeux et menaces de cette guerre que beaucoup veulent ignorer pour ne pas avoir honte ou peur, sont loin de Kiev et Donetsk.

Le Donbass est en effet au cœur de ce "pilier stratégique" qui permet à celui qui le contrôle de faire sa loi dans le rayonnement international Nord-Sud et Est-Ouest des rives de la Mer Noire.

Voici un rappel des principes de 
Zbigniew Brzezinski, ce grand théoricien et zélé serviteur de l'impérialisme étasunien et conseiller de plusieurs Présidents US, qui dans plusieurs conférences et ouvrages dont "Le Grand Echiquier" et  "L’Amérique et le reste du monde" a très bien expliqué pourquoi la lutte pour le contrôle de l'Ukraine était inévitable et précurseur d'un nouveau grand cataclysme européen.

Erwan Castel

Source de l'article : Une France à faire

Faire de l’Europe un bélier qui brisera la Russie

Former US national security advisor Zbigniew Brzezinski speaks during a forum on US-Saudi relations ON April 27, 2009 at a hotel in Washington. AFP PHOTO/Mandel NGAN (Photo credit should read MANDEL NGAN/AFP/Getty Images)
Cuny Petitdemange (2016)

L’avenir de l’Europe a peut-être été écrit dès 1997 par le géostratège étasunien d’origine polonaise, Zbigniew Brzezinski, dans son ouvrage L’Amérique et le reste du monde (Bayard Éditions).

Selon lui, l’autonomie dont les alliés des États-Unis bénéficient par rapport à la politique que ceux- ci tendraient à leur imposer est minime :

« À bien des égards, la suprématie globale de l’Amérique rappelle celle qu’ont pu exercer jadis d’autres empires, même si ceux-ci avaient une dimension plus régionale. Ils fondaient leur pouvoir sur toute une hiérarchie de vassaux, de tributaires, de protectorats et de colonies, tous les autres n’étant que des barbares… » (page 34)

Depuis le passage à l’Élysée d’un Sarkozy et d’un Hollande, il semble bien que la France ait largement fait la démonstration des liens d’absolue vassalité qui l’unissent à l’Oncle Sam.

Ensuite, nous constatons que, dès 1997 également, et alors que Vladimir Poutine n’était encore que très peu connu, Brzezinski avait deviné que l’effacement de la Russie ne durerait pas. Il écrivait : « La Russie, est-il besoin de le préciser, reste un joueur de premier plan. Et ce, malgré l’affaiblissement de l’Etat et le malaise prolongé du pays. » (page 72)

La suite lui permet de préciser sa pensée, mais aussi de poser une question qui a désormais trouvé sa réponse :

« La Russie a de hautes ambitions géopolitiques qu’elle exprime de plus en plus ouvertement. Dès qu’elle aura recouvré ses forces, l’ensemble de ses voisins, à l’est et à l’ouest, devront compter avec son influence. Par ailleurs, en ce qui concerne son choix stratégique fondamental, elle n’a pas encore tranché : doit-elle considérer l’Amérique comme un partenaire ou comme un adversaire ?  » (page 72)

Les dés étant jetés, lisons attentivement la suite des propos de Zbigniew Brzezinski. Il se pourrait fort bien qu’il ait vu juste :

« Désormais, les États-Unis auront probablement à faire face à des coalitions régionales visant à bouter l’Amérique hors de l’Eurasie et menaçant ainsi son statut de puissance globale. » (page 84)

Ici, il nous paraît d’abord aller un peu trop loin… Nous n’en sommes pas encore là ! Mais la suite fait que nous avons soudain une sorte de doute :

« Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran, coalition « anti-hégémonique » moins par des affinités idéologiques que par des rancunes complémentaires. Similaire par son envergure et sa portée au bloc sino-soviétique, elle serait cette fois dirigée par la Chine. » (page 84)

La Chine, la Russie et l’Iran, voilà qui sonne étrangement, et avec une certaine vérité…

Dans ce cas, comment les États-Unis pensent-ils réagir ? Quels conseils leur donnerait notre géostratège ? Voici ce qu’il annonçait il y aura bientôt vingt ans :

« Aujourd’hui, l’Europe sert une nouvelle fonction. Elle fournit un tremplin à l’expansion de la démocratie vers l’est du continent. Après la chute du mur de Berlin, en 1990, l’élargissement de la Communauté européenne peut servir à consolider cette victoire. » (pages 87-88)

Nous découvrons ensuite une formule qui rejoint ce qui s’est effectivement passé en Ukraine, sous l’impulsion d’une Europe qui agissait dans le sens que lui proposait dès 1997 Brzezinski :

« Tissant un réseau de relations avec les Etats situés plus à l’est, elle exercerait alors un formidable pouvoir d’attraction sur l’Ukraine. » (page 88)

Mais alors, la suite ? Puisque cette suite, c’est aujourd’hui !… Que va-t-il se produire ? Où en sommes-nous de la tragédie qui se développe déjà à feu plus que moyen ?…

Souvenons-nous : la Libye. Qui aurait imaginé qu’elle allait être détruite ? Et aussi rapidement ? Dans le silence total de la population du principal agresseur : la France. Silence qui dure, et qui dure encore.

Comment une guerre se prépare-t-elle ? Comment les prétendues « zélites » d’un pays, toutes tendances confondues, se partagent-elles le travail ? Justement, à ce titre, la Libye est exemplaire. C’est ce qu’il est possible de montrer avec une certaine minutie.


Michel J. Cuny

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