Errance au milieu des ruines
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Et instinctivement, au sortir de la caserne, ce 9 avril, mes pas m'ont mené vers l'horizon Nord de la cité, dans ce quartier d'Oktyabrsky que j'affectionne tant que j'y ai posé mon sac à dos il y à déjà 5 ans.
Vendredi 9 avril 2021
Sous un ciel déserté par les chants des oiseaux et les rêves des enfants au milieu du cimetière bombardé d'Iversky, un ange sombre mordoré de cicatrices veille sur une sépulture martyrisée, offrant aux vivants la force d'une épée que le feu ukrainien n'a pas su fondre dans les larmes et le sang, bien au contraire....
A l'horizon où résonne l'écho des armes, au delà du squelette de l'église Saint Iver aux murs griffés par 7 années de bombardements mais toujours debouts, se pressent depuis un mois de nouvelles nuées sombres chargées de haine et d'acier.
Si l'ange pouvait parler...
il nous raconterait sûrement les grêles d'acier venues faucher les offrandes de fleurs, éclabousser de sang et de larmes les vitraux éclairant les prières des vivants et réveiller les âmes endormies,
Il se souviendrait en tremblant des bombardements et des combats profanateurs, des blessés couvrant les explosions avant que de rejoindre cette foule silencieuse et souterraine que la Camarde réveille dans l'au-delà pour une deuxième danse macabre.
Il crierait le traumatisme de ces pluies de phosphore apportant l'enfer dans ce sanctuaire où pourtant des croyants chantent le Paradis, et que les oiseaux peinenr à regagner tant les arbres à l'entour n'y sont plus que fantômes calcinés.
Il chanterait avec les fidèles qui malgré le danger continuent plusieurs fois par semaine d'apporter la foi et l'espérance dans ce lieu sacré, ainsi que les rêves des enfants dans les caves à l'entour réfugiés.
Mais les lèvres de pierre restent closes, car finalement, dans ce décor dantesque d'une "divine comédie" où se joue la tragédie humaine, seul le silence peut décrire avec justesse la souffrance du Donbass.
Erwan Castel