Washington persiste et signe
Alors que Washington avait expressément demandé que sa réponse bicéphale (MaisonBlanche / OTAN) aux propositions russes de sécurité collective ne soit pas rendu publique, des documents authentifiés ont fait surface via le journal espagnol "El Païs".
Rappel :
- Depuis 1995, l'OTAN qui pourtant se définit comme une organisation "défensive" ne cesse de progresser vers les frontières occidentales de la Fédération de Russie qui ne dispose pas à l'Ouest de profondeur stratégique.
- En 2008 (Géorgie) et 2014 en Ukraine, la progression factuelle et russophobe de l'OTAN sur les frontières russes provoque des séparatismes et des guerres régionales (Ossétie, Abkhazie, Donbass).
- Depuis 2015, la crise ukrainienne ne cesse de s'envenimer sur fond d'échec d'accords de Minsk, de militarisation atlantiste de l'Ukraine et d'actions politiques, économiques et militaires occidentales russophobes croissantes.
- En février-mars 2021, une première escalade majeure initiée par des provocations et renforts ukrainiens importants sur le front du Donbass, oblige la Russie à une mobilisation dissuasive de troupes sur les frontières ukrainiennes, menant à une désescalade en avril.
- Pendant l'année 2021, bien que l'Ukraine ne soit pas membre officiel de l'OTAN, cette dernière augmente sensiblement ses aides militaires à Kiev et le déploiement de ressources techniques et de renseignement sur son territoire et jusque dans le Donbass.
- En octobre 2021, une nouvelle escalade majeure est initiée par les forces ukrainiennes (notamment dans le secteur de Telmanovo) obligeant la Russie a répéter ses manœuvres dissuasives et a revendiquer des "lignes rouges" sécuritaires autour de ses frontières.
- Le 17 décembre 2021, Moscou envoie un document à Washington proposant un traité de Sécurité collective en Europe où l'OTAN s'engage à ne pas se déployer dans les pays frontaliers de la Fédération de Russie.
- Entre décembre et janvier, plusieurs discussions ont lieu entre les présidents russe et étasunien, leurs diplomaties, l'OTAN et l'OSCE mais sans amorcer une désescalade politico-militare et encore moins s'accorder sur des garanties juridiques sécuritaires mutuelles.
- En janvier, tandis que Washington ne cesse de menacer Moscou de sanctions économiques maximales sur fond de psychose russophobe médiatique, l'OTAN, qui refuse d'arrêter son expansion, intensifie ses aides militaires logistiques et techniques aux forces de Kiev.
- Le 26 janvier, après 1 mois de manœuvres diplomatiques dilatoires Washington remet enfin sa réponse écrite aux propositions sécuritaires de Moscou, actant noir sur blanc son refus catégorique de renoncer à poursuivre sa militarisation de l'Europe de l'Est.
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Ce 2 février 2022, alors que Washington voulait préserver leur confidentialité, les documents de sa réponse aux propositions de Moscou ont "fuité" via le quotidien espagnol "El Païs": il s'agit de 5 pages émanant de l'administration de Biden et de 4 autres pages émanant de l'OTAN.
Cette réponse bicéphale si elle ne nous apprend rien de plus qui n'ait déjà été prononcé oralement par Biden, Blinken ou Stoltenberg a au moins le mérite d'acter officiellement la volonté de Washington de poursuivre sa stratégie belliciste aux frontières de la Fédération de Russie, car si Washington, pour se donner l'apparence d'un bon samaritain évoque la possibilité de négociations bilatérales concernant le contrôle des armements stratégiques par exemple, le coeur du traité de sécurité collective proposé par Moscou, qui est le renoncement des activités de l'OTAN à ses frontières, est radicalement rejeté :
1 / Points de négociations proposés par Washington
- Principe de non-déploiement des missiles de croisière Tomahawk dans les bases de l'OTAN en Roumanie et Pologne,
- Engagements réciproques sur le déploiement des systèmes de missiles et de forces en Ukraine et régions limitrophes,
- Accord alternatif au Traité New Start (réduction des armes stratégiques) relatif aux nouvelles armes nucléaires,
- Contrôle réciproque des missiles de courte et moyenne portée déployés en Europe,
- Mesures supplémentaires visant à prévenir des incidents en mer et dans les airs.
2 / Points de négociations rejetés par Washington
- Tout d'abord, les négociations proposées ci dessus par Washington sont conditionnées :
- à une désescalade militaire en Ukraine (où la Russie n'est pas partie prenante).
- au retrait des forces russes de la péninsule de Crimée, de Transnistrie, d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie (la bonne blague).
- Et surtout, Washington refuse catégoriquement de renoncer à l'expansion de l'OTAN vers l'Est sous prétexte que la Géorgie, l'Ukraine ou la Finlande on droit de "choisir leurs accords de sécurité sans ingérence".
Le seul point où Moscou et Washington s'entendent réellement, c'est sur l'évidence qu'un conflit nucléaire entre eux n'apportera de victoire à personne mais que des destructions irréparables. Bon, c'est déjà ça ! mais à l'heure où des armes conventionnelles peuvent avoir la capacité de destruction de la bombe d'Hiroshima, je ne suis pas sûr que la dissuasion nucléaire empêche d'autres conflits qu'une guerre atomique, et l'actualité militaire post-moderne nous le prouve tous les jours.
Voilà c'est écrit : Washington maintient sa pression offensive contre la Russie, en refusant l'arrêt de l'extension de l'OTAN vers les frontières de la Fédération ce qui revient à bafouer:
- Les accords internationaux tel que les "Déclarations d'Istanbul et d'Astana de l'OSCE" de 2010, qui ont inscrit l'obligation de tout pays "de ne pas renforcer sa sécurité aux dépens d'autres États" (accords votés par les 56 États participants et de 12 partenaires de l'OSCE).
- Ses propres exigences sécuritaires qui, à l'instar de celles de Moscou, refusent de voir des bases étrangères s'installer dans des pays frontaliers aux USA, comme l'a rappelé encore récemment Anthony Blinken à propos de l'éventualité d'installation de bases russes à Cuba.
- La souveraineté des pays européens à définir entre eux, de l'Atlantique à l'Oural, leur propre sécurité collective et dans "des accords de sécurité sans ingérence" comme le rappelle justement ce document étasunien et que Washington devrait commencer par respecter lui-même.
Pour conclure par des actes confirmant cette stratégie belliciste de Washington dans une Europe vassalisée à son Hegemon capitaliste, un 7ème gros porteur étasunien vient de décoller de la base de Dover ce 3 fevrier 2022, en direction de Kiev chargé d'armes et de munitions pour les forces ukrainiennes en guerre contre les populations russes du Donbass, tandis que le POTUS a donné son accord pour le déploiement de renforts US en Europe...
Et Biden veut donner des leçons de "désescalade" à Poutine !
Erwan Castel