SITREP du 11 février 2022

"Le règlement du conflit en Ukraine est désormais 
revenu à zéro, au même niveau que 2015".
Dmitry Kozak, vice président russe en charge du District Sud


Entre le refus officiel et renouvelé de respecter les accords de Minsk, sa préparation à une offensive dans le Donbass et l'approvisionnement logistique militaire quotidien envoyé par l'OTAN, l'Ukraine, poussée par l'OTAN et encouragée par le laisser faire des diplomaties occidentales, affiche clairement une tentation de plus en plus forte de se lancer dans une aventure militaire dans le Donbass dont elle sait pourtant l'inévitable issue suicidaire.

1 / Sur le front diplomatique

Dans la nuit du 10 au 11 février 2022, s'est achevée une réunion de 8 heures et demi des conseillers politiques du "format Normandie" (Russie, Ukraine, Allemagne et France) venus au chevet d'accords de Paix restés à l'état fœtal depuis février 2015 ("Minsk 2"). Une telle réunion n'avait pas eu lieu depuis plus d'un an, mais cette fois encore elle s'est soldée par un échec du fait du refus catégorique des représentants ukrainiens de se conformer au calendrier et au processus des accords, à commencer par organiser des consultations et des discussions directes avec les représentants des républiques de Donetsk et Lugansk.

Et c'est ici que s'effondre les rodomontades d'un président/candidat français se créditant d'un sauvetage de la Paix en Europe au retour de rencontres avec ses homologues russe et ukrainien: En réalité, les représentants ukrainiens, et seulement 20 heures après les promesses de Zelensky à Macron, ont réitéré leur refus d'appliquer les accords de Paix, mais les représentants allemands et français, qui pourtant en tant que "garants des accords" doivent faire pression pour leur exécution, n'ont rien dit de contraignant aux représentants ukrainiens sabotant la réunion.... "Qui ne dit mot consent !"

Dmitry Kozak, vice président de la Fédération, plénipotentiaire présidentiel dans le district fédéral du Sud et chef de la délégation russe pour le règlement de la crise ukrainienne a déclaré :

  • "Je n'ai pas vu la volonté (de la France et de l'Allemagne) de faire pression sur Kiev (sur la mise en œuvre des accords de Minsk). J'ai vu des tentatives pour trouver une position commode pour que l'Ukraine poursuive la politique qu'elle poursuit depuis 8 ans."
  • "Le projet de déclaration a même refusé de citer les questions du futur statut post-conflit de ces territoires (Donbass) dans les accords de Minsk, Il s'agit d'un désaccord clé sur lequel l'Ukraine a refusé de s'entendre. Nous avons essayé jusqu'au bout de trouver diverses formulations de compromis, nous avons proposé des citations, voire entre guillemets nous avons proposé d'écrire l'énoncé final. L'Ukraine a catégoriquement refusé de le faire"

Selon Dmitry Kozak, la seule réalisation positive de la réunion est une promesse verbale de Kiev d'entamer des négociations sur les questions politiques au sein du groupe de contact tripartite, en charge de l'application des accords de Minsk. L'expérience acquise au cours des 7 dernières années de réunions du groupe de contact, quasiment toutes stériles hormis quelques rares échanges de prisonniers obtenus, ne permet pas de miser le moindre espoir sur cette nouvelle fanfaronnade ukrainienne.  

Du côté de Moscou en revanche les engagements politiques en faveur des république Populaire de Donetsk et Lugansk se radicalisent comme par exemple ce débat qui doit se dérouler ce 14 février concernant l'opportunité de reconnaitre les républiques du Donbass par le Kremlin suite à un dans ce sens du parti communiste et soutenu par de nombreux autres députés afin de mieux pouvoir protéger les populations bombardées de Donetsk et Lugansk.
Alors qu'initialement ce projet communiste avait été jugé prématuré par des politiciens russes du parti majoritaire "Russie Unie", les récentes déclarations bellicistes des ukro-atlantistes l'escalade militaire ukrainienne ainsi que le soutien massif de l'OTAN à l'effort de guerre de Kiev ont radicalisé la position de certains responsables politiques russes tel que Viatcheslav Volodine, le président de la Douma d'État qui a commenté l'annonce du débat en déclarant sur sa chaîne Telegram: 
  • "La question est très grave et responsable. Nous parlons de protéger la vie de nos citoyens et compatriotes vivant sur le territoire de la RPD et de la RPL. Demain, c'est l'anniversaire de la signature des accords de Minsk. Kiev n'a pas rempli ses obligations pour 7 ans. Les bombardements continuent, des gens meurent. Dans cette situation, cherchez Une décision s'impose"
Selon moi, cela ne signifie pas (malheureusement) que la reconnaissance des RPD & RPL interviendra immédiatement (sauf si une situation humanitaire critique apparait) mais qu'un processus de reconnaissance peut-être officiellement engagé (consultation du Ministère russe des Affaires Etrangères, des gouvernements des Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk... avant un vote au parlement russe).

Après la normalisation administrative, l'accès au passeports russes (près d'1 million de personnes l'ont déjà obtenu entre Lugansk et Donetsk), ce processus de reconnaissance officielle constituera une étape extrêmement importante dans le long et douloureux chemin vers le retour du Donbass en Russie et permettra de positionner un bouclier militaire russe face aux forces ukrainiennes.


2 / Sur le front du Donbass

La tension continue de monter sur la ligne de front, pas tant à cause des tirs engagés qui restent pour le moment faibles mais surtout à cause des préparatifs offensifs exponentiels menés par les forces ukrainiennes et que confirment les diverses sources de renseignement civiles et militaires : 
  • Ainsi par exemple de nombreuses unités blindées ukrainiennes ont commencé cette semaine des exercices de préparation au combat (provoquant la même chose du côté des républiques de Donetsk et Lugansk).
Exercice d'alerte et de tirs de la 14ème brigade ukrainienne
Exercice d'alerte de combat d'une unité républicaine
  • Les unités de défense républicaines observent une augmentation des activités de reconnaissance ukrainiennes par drones d'observation.et aussi drones d'attaque.
 11 février, sur le front Nord de Donetsk, un drone ukrainien type Evo II 
équipé d'un mécanisme de largage et d'un engin explosif a été abattu.
  • La division antiaérienne de missiles S-300 vient de se déployer dans le Donbass, et cette action est à mettre en relation avec la demande urgente faite au Pentagone déployer des systèmes de missiles antiaériens THAAD dans la région de Kharkov. 
Le système de missiles THAAD (Terminal High Altitude Area Defense) est un système étasunien de la même génération que le S400 russe et son positionnement dans le secteur de Kharkov permettrait de couvrir à la fois une grande partie des frontières Ouest de l'Ukraine ainsi que du Nord de la ligne de front du Donbass.

Evidemment ce type de déploiement de l'OTAN dont les missiles seraient à moins de 5 minutes de Moscou constituerait un casus belli pour le Kremlin, ce qu'à clairement fait entendre le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Ryabkov qualifiant par par avance ceux qui soutiendraient cette "idée folle" de "têtes brulées".

Sergueï Narychkine, le chef du service russe de renseignement extérieur (SVR), , estime que l'Ukraine bat son plein pour se préparer à une guerre dans le Donbass - certaines forces poussent le président Vladimir Zelensky au conflit. Aujourd'hui le renseignement russe confirme que le gros des forces combattantes ukrainiennes est massé le long de la ligne de front du Donbass. Et concernant les causes de l'échec des accords de Minsk Narychkine l'a imputé à la servilité de l'Ukraine: 
  • « C'est l'incapacité à négocier le régime de Kiev et les forces politiques qui sont arrivées au pouvoir lors du coup d'État de 2014. Le président et la Rada semblent ne plus être en mesure de prendre des décisions indépendantes. On a le sentiment qu'ils suivent consciencieusement l'exemple des nationalistes et des mentors occidentaux »

Tourisme propagandiste dans le Donbass 

Après avoir vécu pendant ces dernières années une quasi indifférence médiatique occidentales malgré des bombardements beaucoup plus intenses que ceux du moment, le Donbass vit aujourd'hui un embouteillage de journalistes en tous genres alertés par le bras de fer diplomatique Est-Ouest et poussés par le fantasme propagandiste occidental d'une "invasion russe imminente".

Alors que les occidentaux, jouant le fantasme d'une invasion russe imminente recommandent à leurs ressortissants d'évacuer urgemment l'Ukraine, leurs diplomates, en toute quiétude viennent visiter le front... côté ukrainien bien sûr !: 

  • Le 7 février, les ministres des Affaires étrangères de la République tchèque, de l'Autriche et de la Slovaquie ont survolé la ligne de contact et visité des Block-posts,
  • Le 8 février, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Burbock est arrivée en Ukraine, 
  • Le 9 février, Zbigniew Rau, le ministre des Affaires étrangères de la présidence polonaise de l'OSCE, effectue une visite sur le front . 
  • Le10 février, le Premier ministre lituanien Ingrid Simonyte effectue une visite. 
  • Etc.
Lorsqu'on écoute ses larbins de Washington, tous prétendent venir pour se faire une idée objective de la situation. Mais dans ce cas pourquoi ne viennent-ils pas aussi visiter les républiques populaires du Donbass pour écrire réellement leurs conclusions seuls et après leurs voyages ?

Et de chaque côté du front, des équipes de reporters tentent de retrouver au milieu des quartiers bombardés les échos des communiqués officiels, mais seul un silence inquiétant les accueille dans le dégel de l'hiver. Difficile de montrer la tension régnant sur le front, surtout du côtés des Républiques où les autorités - même si leur politique de communication est "nulle à chier" - ont au moins la décence de ne pas donner à leurs caméras des simulacres d'échanges de tirs ou pire d'organiser des safaris photos organisés:

Sur la 2ème ligne du front d'Avdeeka (au Nord de Donetsk) des reporters occidentaux 
en troupeau suivent leurs guides ukrainiens pour une propagande théâtrale du front 


4 / Du côté de l'OTAN

Les jours se suivent et se ressemblent entre la poursuite des livraisons d'armes et munitions occidentales à l'armée ukrainienne et le renforcement des troupes de l'OTAN aux frontières orientales de l'Alliance:

Le gavage des idiots utiles continue


Le 11 février 2 nouveaux avions cargos sont venus déverser des aides militaires en Ukraine: Un Boeing 747 de la compagnie Kalitta Air, vol  N782SK est arrivé à Kiev
depuis la base aérienne de Douvres aux USA. Un autre Boeing 747, vol 4B5F a 
suivi avec d'autres lots de systèmes  antichars Javelin, des grenades et autres 
munitions diverses. Depuis 1 mois, les Américains ont envoyé par avions cargos
pas moins de 15 cargaisons d'armes et munitions à Kiev soit plus de 1 200 tonnes.

Le fret militaire est aussitôt chargé dans des camions militaires
pour être livré sur le front du Donbass (ici des missiles "Javelin"

Et les États-Unis ont annoncé ce 11 février vouloir fournir à l'Ukraine 90 tonnes supplémentaires de munitions et de systèmes "Javelin" dans les prochaines heures.

La Lettonie a aussi commencé commence à fournir des armes à l'Ukraine avec un
C17 de l'armée de l'air canadienne  sur des vols logistiques entre Riga à Lvov.

Le renforcement de l'OTAN continue 

Les unités de la 82ème airborne étasunienne continuent d'arriver en Pologne sur la frontière avec l'Ukraine 2 nouveaux transports aériens ce 11 février.

Paras de la 82ème Division aéroportée étasunienne débarquant en Pologne 

De plus, la Maison Blanche a approuvé un plan présenté par le Pentagone pour les quelque 2 000 soldats américains en Pologne afin d'aider les Américains qui pourraient tenter d'évacuer l'Ukraine en cas d'invasion russe. Les troupes n'iront pas en Ukraine même.

Les États-Unis ont également envoyé en renfort de leur 6e flotte opérationnelle de Méditerranée les destroyers "Donald Cook", "Mitscher", "The Sullivans" et "Gonzalez" . Chaque navire  est armé de 56 missiles de croisière Tomahawk d'une portée de 1 600 km et sont équipés du système de défense antimissile Aegis. Ils viendront compléter le groupement de destroyers similaires déjà déployé composé du "Roosevelt", "Porter", "Ross" et "Arleigh Burke" stationnés à la base espagnole de Rota.

Chaque heure tombent sur les réseaux d'information de nouveaux communiqués militaires ou politiques qui malheureusement, tous confirment une accélération des tensions entre les ukro-atlantistes et la Fédération de Russie; le Belarus ou les républiques du Donbass, ainsi par exemple de cet ultimatum du Ministre ukrainien des Affaires étrangères, Kubela, qui a donné 48 h à Moscou pour donner les détails et le programme des exercices interalliés "Union resolve 2022" commencés le 10 février au Belarus....

A suivre...

Erwan Castel



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