La mort de "Batia"
Il y a 1 an disparaissait tragiquement dans un lâche attentat à la bombe le Président de la jeune République Populaire de Donetsk, Alexandre Zakharchenko. Aujourd'hui les habitants du Donbass, mais aussi du monde russe dans son ensemble et des nombreux réseaux de soutien combattant la dictature de la marchandise se souviennent de celui qui fut et qui reste dans les coeurs bien plus qu'un chef d'état, mais un père.
Hier soir, mon unité est repartie au Nord de Gorlovka, sur ce front durement touché ces derniers jours par des attaques ukrainiennes meurtrières. C'est donc les armes à la main, scrutant de nos sens l'horizon que nous rendrons hommage, mes camarades et moi même à "Batia" qui nous a laissé un exemple de courage et d'héroïsme exceptionnel et immortel.
En 2017 et 2018, j'ai eu l'occasion et l'honneur de croiser Alexandre Zakharchenko sur le front, à proximité des positions sur lesquels j'étais déployé, à Spartak ou Yasinovataya. Le regard attentif, non pas pour lui même mais pour les autres, "Zakhar" montrait une simplicité humaine qui rendait son engagement et les responsabilités encore plus nobles. Lorsque la terrible nouvelle de sa mort nous parvient au soir de ce 31 août je suis déployé sur le front de Promka au Nord de Donetsk et le choc émotionnel provoqué par ce drame pourtant prévisible est tel que je me souviens exactement de mon geste et de ma position précise au moment de l'information qui circule comme un traînée de poudre de tranchée en casemates, mettant immédiatement tous les effectifs en alerte de combat maximum, l'hypothèse d'un attentat majeur précédant une offensive ukrainienne n'étant pas à exclure.
Alexandre Zakharchenko se savait en danger, mais il continuait ses devoirs de chef de l'Etat, mais aussi de commandeur d'un peuple en guerre. Il avait survécu à plusieurs blessures, et de nombreux attentats le visant avaient déjà été déjoués. Il était pour beaucoup, ukrainiens mais aussi opposants et même libéraux moscovites, l'homme à abattre car il incarnait la victoire d'une communauté de l'Etre sur cette société de l'Avoir qui veut dominer le Monde et imposer aux peuples l'esclavage de sa marchandise.
Sa sécurité était importante : voiture blindée, gardes du corps, groupe de protection lourdement armé etc... et une attaque directe par un commando, et même un sniper était quasiment impossible. les lieux habituels ou programmés du planning présidentiel étaient régulièrement inspectés par des services de sécurité, des démineurs et des équipes cynophiles spécialisées.
Il fallait donc, de la ruse et surtout de la lâcheté pour pouvoir atteindre cet homme malgré sa témérité, et ce drame pour le peuple du Donbass allait malheureusement se réaliser ce 31 août 2018 en fin d'après midi. Depuis les détails de sa mort, révélés par l'enquête et les témoignages nous sont mieux connus et permettent de reconstituer les dernières minutes d'Alexandre Zakharchenko et de son garde du corps Vyacheslav Dotsenko;
Dans ce premier article sur le Président Alexandre Zakharchenko je m'intéresse plus particulièrement aux circonstances précises de son assassinat et aux hypothèses humaines politiques qui en découlent.
Explosion de la bombe qui a tué le président Zakharchenko
le 31 août 2019 au café Separ, boulevard Pouchkine, Donetsk
Selon le MGB, les services de sécurité républicains qui ont été assistés pour l'occasion d’enquêteurs du FSB venus de Russie, l'assassinat du président Zakharchenko a été dirigé par le SBU ukrainien. notamment un certain Sergey Motorin, assisté de Vladislav Dolgozvyaga et de Sergey Mushta. les enquéteurs ont même avancé les noms des agents de terrain qui auraient exécuté l'attentat terroriste, à savoir Andrei Baidaly "indicatif d'appel «Swede»), Andrei Otenko et Damir Bashtannikov.
Les résultats de cette enquête, qui à mon avis n'est pas finie, ont donc confirmé l'annonce logique réalisée immédiatement après l'explosion que ""Zakharchenko a été liquidée par ordre de Kiev". Les services spéciaux ukrainiens sont donc sans nul doute derrière ce lâche assassinat du Président de la République Populaire de Donetsk, et cela est même confirmé par des déclarations de certains responsables ukrainiens comme par exemple Alexander Pogorelov, un agent du SBU arrêté en 2017 et soupçonné de l'assassinat de "Motorola", le commandant du bataillon "Sparta" Arsen Pavlov.
Pogorelov, (indicatif d'appel Légionnaire) dans l'article, avait été recruté par le SBU en 2014 qui l'avait ensuite chargé de tuer Motorola. Après cette première un certain "Sergey" son officier traitant, et "Roman", responsable au sein du service de contre-espionnage du SBU, lui avaient ordonner d'éliminer le Président Zakharchenko Alexander Zakharchenko. Mais l'attentat avait alors échoué, le dispositif explosif (avec une mise à feu téléphonique) installé alors dans les toilettes du restaurant Pouchkine à Donetsk, n'ayant pas fonctionné. Cependant, selon les aveux de Pogorelov, son officier traitant Sergei avait préparé un autre groupe pour le meurtre de Zakharchenko et qui était chargé de piéger un autre restaurant où le président avait coutume de se rendre.
Mais aujourd'hui il apparaît évident qu'une telle opération, même en incluant un facteur chance maximale pour son succès, n'a pas pu se réaliser sans une complicité interne et peut-être même une trahison au sein même de l'équipe chargée de la sécurité d'Alexandre Zakharchenko.
En effet, non seulement l'organisation, la planification de l'attaque jusqu'à l'installation de la bombe, et sa mise en oeuvre dans les circonstances fortuites de l'événement où la présence à cet endroit et à ce moment précis de leur cible ne pouvaient être connus que sur place, laissent à penser qu'au moins un des auteurs de l'attentat était aussi dans l'entourage immédiat d'Alexandre Zakharchenko et physiquement présent au moment de son assassinat.
Ici le schéma des lieux au moment précis de l'explosion avec les positions précises des personnes (en rouge le président Zakaherchenko, suivi de Dotsenko, le garde du corps tué avec lui. Les autres personnes réchapperont à l'attentat mais avec des blessures variables comme Volkova et Timofeiev qui suivaient Dotsenko.
Le café "Separ" où a été tué Zakharchenko est non seulement en plein centre ville, mais surtout dans une zone administrative hautement surveillée et les différentes vidéos de l'attentat existantes nous montrent bien le maillage de caméras de surveillance existant dans ce secteur urbain.
- La bombe était disposée à l'intérieur du café, dans le faux plafond de l'entrée, ce qui suppose non seulement mais aussi des délais importants pour poser le dispositif explosif (démontage du faux plafond, installation de la radio commande, camouflage visuel et olfactif etc...).
- Il est techniquement improbable que l'impulsion électrique de la mise à feu du détonateur ait été réalisé ,comme cela été dit initialement, par un appel téléphonique. Tout d'abord parce qu'un appel non prévu peut intervenir sur le numéro relié à la bombe et la déclencher accidentellement, mais surtout qu'entre l'appel et la sonnerie le temps n'est pas maîtrisé car il dépend de l'encombrement du réseau, du délai de transmission des relais téléphonique etc. Or, dans le cas précis de l'attaque du café Separ, la "fenêtre de tir" pour déclencher l'explosion sur une cible dynamique était de l'ordre de la seconde. La preuve en est que les personnes précédant ou suivant le président sont sorties vivantes de l'attentat avec des blessures variables, et que seuls Alexandre Zakharchenko et son garde du corps rapproché, Vyacheslav Dotsenko ont été tués dans le court et étroit passage d'entrée du restaurant.
- Ce jour là l'agenda présidentiel était comme d'habitude très chargé et le soir il a subi des changements de lieux et d'itinéraire de dernière minute et à l'initiative du président Zakharchenko lui-même :
- 1 heure avant l'attentat le Président et sa suite (collaborateurs et sécurité) se sont rendus dans une salle d'entrainement du mouvement de jeunesse "Oplot Donbass", ("forteresse Donbass") où se déroulait une instruction sur le combat au couteau. Avec le président de la RPD sont le vice-Premier ministre Alexander Timofeev, ministre du Revenu et des Devoirs de la République, et la responsable de "Oplot Donbassa" Natalya Volkova qui seront tous les deux blessés dans l'attentat une heure plus tard.
Alexandre Zakharcheko et Natalya Volkova qui sera sérieusement blessée dans l'attentat |
- A l'issue de cette rencontre avec les jeunes de "Oplot Donbassa", le Président Zakharchenko prévient son escorte qu'il se rendra à l' "artemis" un complexe de restaurants et un club de tir situé à la sortie Sud de Donetsk, pour discuter avec Natalya Volkova de projets concernant le mouvement de jeunesse "Oplot Donbassa". Mais d'autres réunions devant avoir lieu rapidement avec Tachkent au bureau de Dmitry Trapeznikov, vice-Premier ministre chargé de la politique intérieure, Natalya Volkova a suggéré de trouver un endroit sur leur chemin pour discuter des projets la concernant.
- Il est 17h20, et à cet instant, Alexandre Zakharchenko prend lui même le volant de sa Lexus 570 blindée noire et emmène le convoi des 5 voitures présidentielles via l'avenue Artyom et le boulevard Pouchkine vers le restaurant le Sun City de ce quartier. Mais en arrivant à 17h20 devant les lieux, les parkings sont pleins (nous sommes un vendredi soir à une heure d'affluence). Zakharchenko reprend son chemin et dirige le convoi vers la "rue des universités", et les personnes pensent alors qu'il se dirige vers le Geese Swans un autre café restaurant qu'il fréquentait régulièrement.
- Là encore, un nouveau changement intervient quand président tourne à gauche pour remonter vers le Boulevard Pouchkine qui est en parallèle de la Rue des Universités" pour se diriger vers le café restaurant Separ qui n'est qu'à 250 mètres, soit environ une douzaine de secondes du carrefour.
Il est évident que les changements d'itinéraires et de programme, ne permettait pas d'alerter à temps l'opérateur de la bombe dormante installée au Separ. De même il est impossible d'organiser une veille permanente dans l'espace public de ce quartier sous haute surveillance sans être repéré. Il fallait donc que ce soit quelqu'un de physiquement et professionnellement présent au moment des faits.
La bombe qui a tué Zakharchenko et Dotsenko était composée de 1 à 1,5 kg de TNT de fabrication étasunienne tiens tiens encore la griffe américaine), détail confirmé par Pogorelov, l'agent du SBU arrêté et mentionné ci dessus). Installée dans le faux plafond de l'entrée du restaurant Separ, la charge était conditionnée dans une enveloppe bourrée de billes de métal. la mise en oeuvre du détonateur était assuré par une radio commande dont la portée de l'antenne est d'environ 1500 mètres, et son alimentation du dispositif électrique de l'engin assurée par une connexion réalisée sur le câblage électrique des plafonniers du restaurant.
Non seulement l'engin explosif révèle une certaine complexité mais aussi la nécessité de disposer de moyens et de temps importants et spécifiques pour l'installer à l'intérieur du restaurant, en hauteur et en démontant le plafond, en connexion avec le réseau électrique etc. Lors des premiers rapports publics il a été évoqué la présence d'une caméra munie d'un dispositif de reconnaissance faciale ce qui aurait pu accréditer la possibilité d'actionner le dispositif à distance, mais il reste les délais de transmission et de commande susceptibles de minuscules différés mais ici très importants dans la "fenètre de tir" limitée de cet attentat.
Si le café Separ était un lieu public fréquenté par le président de la République Popualire de Dontesk, ce dernier n'y allait pas avec une régularité prévisible. ce soir là c'était la première fois depuis 2 mois et de façon inopinée que Alexandre Zakharchenko retournait au Separ.
Vue de l'attentat à partir des vidéos de surveillance du restaurant Separ
Lorsque le convoi présidentiel arrive sur le parking,un premier garde du corps, "Spartak" rentre en premier, inspecte rapidement les lieux et revient vers l'entrée ou il fait signe que tout est normal, Alexandre Zakharchenko entre alors suivi du garde du corps Vyacheslav Dotsenko puis de Natalya Volkova et Alexandre Tymofeev. Le passage mortel sous la bombe à cet endroit ne dure pas plus de 1,5 seconde comme en témoigne la survie de ceux qui suivaient Dotsenko et sur la vidéo on peut même observer une entrée rapide du groupe présidentiel.
Vyacheslav Dotsenko, un fidèle garde du corps et ami de Zakharcheko qui l'accompagnera jusque dans la mort ce 31 août 2019. |
Une mise à feu aussi précise n'a donc pu être réalisée qu'à partir d'un boitier de commande électrique utilisant des basses ou hautes fréquences peu encombrées et situé à proximité immédiate de l'explosion, vraisemblablement, par une personne située dans un rayon de 20 mètres environ dégagé de tout obstacle pour l'observation et la transmission radio., peut-être même un personnel de sa garde rapprochée qui ne pouvait éveiller les soupçons de ses camarades observant les alentours lors de l'arrivée sur les lieux.
Nous voilà donc arrivé à la triste hypothèse d'une complicité et d'une trahison interne sans laquelle "Batia" serait encore probablement en vie aujourd'hui. cela ouvre d'autres supputations quant aux connexions politiques éventuelles pouvant exister entre l'Ukraine, le Donbass et pourquoi pas même la Russie où on connait l'existence d'une "5ème colonne" qui, sous un masque libéral, aux revendications sociales ou politiques, tente de déstabiliser le pouvoir russe et ses alliés.
Il est évidemment trop tôt pour lancer des accusations mais j'ai ma petrite idée et je pense que l'enquête concernant l'assassinat du Président Alexandre Zakharchenko est loin d'être finie, seules ayant été identifiées aujourd'hui des "petites mains ukrainiennes", et que de grosses et désagréables surprises risquent un jour de remonter à la surface de l'Histoire.
Cependant, et je terminerai là dessus, si cet attentat contre celui qu'on peut à juste titre considéré comme le "père" de la République Populaire de Donetsk a physiquement réussi, force est de constater qu'il a politiquement et même spirituellement échoué, prouvant au passage que "Zakhar" n'était pas le dictateur décrit par la propagande ukro-occidentale, car aujourd'hui l'immense majorité du peuple du Donbass pleure toujours sa disparition mais affirme avec force sa volonté de continuer sur le chemin qu'il a ouvert devant sa Liberté.
Et dans le coeur des femmes et des hommes libres, Alexandre Zakharchenko restera toujours par le souvenir vivant de son exemple héroïque le Commandeur de leurs actes et de leurs pensées !
Erwan Castel