Dans l'ombre ambulante de la vie

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Nous sommes toujours déployés sur le front Nord de la République Populaire de Donetsk, aux lisières Nord de Gorlovka, et ce matin, après 3 jours de calme relatif rompus seulement par quelques tirs sporadiques, les forces ukrainiennes ont déclenché une nouvelle campagne de bombardements dans les secteurs de Zaitsevo et Dolomite.



Mercredi 28 août 2019

05h30, alors que les premières lueurs éveillent le monde diurne, des crépitements me sortent de mon duvet où je viens à peine de me glisser au sortir de ma garde. A nouveau l'horizon vers Zaitsevo se rempli de détonations multiples : lance grenades automatiques, mortiers de 82 et 120mm, canon de 30mm de BMP et rafales de mitrailleuses lourdes et armes légères. 
Le festival ukrainien continue et s'intensifie, au delà de l' "habituel" réveil matinal qui secoue régulièrement la ligne de front depuis 5 années de guerre de tranchées, au point que tout notre groupe est rapidement réveillé et debout le café dans une main et l'arme à portée de l'autre.

Après une courte accalmie de 10 minutes environ, les tirs reprennent sur nos positions d'où partent parfois des tirs de riposte, histoire de signifier aux ukrops que notre comité d'accueil est opérationnel. 

Mais cette fois encore, la pression offensive ukrainienne ne sortira pas de ses tranchées et après 45 minutes de tirs de tous calibres, les armes laissent la place aux chants des oiseaux, bourdonnements des abeilles et chant des coqs saluant un soleil indifférent  et souverain qui désormais s'est élancé dans le ciel à la poursuite de son zénith.



Tandis que les branches bordant les sentiers et les jardins continuent de courber vers nos mains leurs offrandes de fruit, une amplitude thermique s'installe dans l'alternance du soleil et de la lune, annonçant l'arrivée prochaine d'un nouvel automne sur la steppe du Donbass. 

Au cours de nos rondes sur les flancs de cette ligne de front de Gorlovka nous cohabitons avec une faune qui semble bien s’accommoder des folies humaines labourant son environnement. En journée, chiens et chats, pigeons et volailles domestiques se dandinant entre jardins et rues marquent de leurs batifolages les maisons encore habitées. Et la nuit ce sont les renards, les batraciens, les hérissons ou les chouettes, entre autres noctambules, qui nous environnent de leurs bruissements et de leurs chants. 

Par les dieux que la Terre serait belle sans la folie des Hommes ! 

Et de conclure ce note de mon journal, avant un nouveau café par cette belle mais triste tirade de Macbeth, plus que jamais appropriée à notre espèce humaine, et que me rappelait il y a quelques heures Éric, un ami de Guyane: 


"La vie n'est qu'une ombre ambulante, un pauvre joueur,
Qui se pavane et frète son heure sur la scène,
Et puis on n'entend rien de plus. 
C'est une histoire
Racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur,

Qui ne signifie rien."

07h30, le soleil est maintenant haut dans le ciel et un nouvel obus de mortier humain frappe la Terre...

Erwan Castel


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