La tentation du pire
Les alertes menaçantes et les alarmes médiatiques qui fusent de part et d'autre de la ligne de front du Donbass ressemblent depuis 4 ans à ce conte populaire du jeune berger qui criait tellement de fois "au loup" que plus personne ne l'a crû je jour où l'attaque survint réellement. Et je ne compte plus depuis longtemps les surenchères propagandistes des rapports militaires réalisées par ces pseudo-journalistes rampant dans les alcôves ministérielles à la recherche de sensationnalisme et cherchent à entretenir la peur et se donner de l'importance. Il est devenu lassant de trier le bon grain de l'ivraie dans cette avalanche de communiqués banalisant la menace et l'alerte. Et pourtant au milieu du bluff et de l'exagération, du mensonge et de l'omission, de la confusion et de l'erreur mixés par une propagande médiocre réalisée par des amateurs finissant même par croire à leurs impostures, se cache souvent des faits réels et inquiétants.
Ainsi, depuis l'incident de Ketch, derrière l'accélération de la guerre habituelle des communiqués, des décisions et des actions importantes sont engagées tant sur le plan politique, économique que militaire.
Par exemple la loi martiale décrétée en Ukraine et limitée aux oblasts russophones, frontaliers de la péninsule de Crimée, Russie, Mer d'Azov et Donbass a déclenchée une ostracisation et des mesures répressives à l'encontre des russes travaillant en Ukraine et de la population locale :
- Interdiction d'entrée dans le territoire pour les russes de 17 à 60 ans
- Mobilisation des réservistes
- Réquisition par l'armée de véhicules et domiciles privés
- Interpellations accrues parmi les civils traversant les blockposts du front
- etc...
Sur le plan économique, la situation est plus cocasse car si de nombreux portes-paroles de ce camp occidental soutenant Kiev préconisent de nouvelles sanctions pour la Russie, sur le terrain, c'est plutôt l'Ukraine qui avec la fermeture du détroit de Kertch et la loi martial paye un coût économique fort à sa provocation.
Sur le plan militaire, on observe un renforcement des positions ukrainiennes et surtout une agitation au niveau des bases arrières et des bases logistiques qui dépasse celle des habituelles rotations d'unités qui rythment l'activité militaire du front depuis plus de 4 ans.
Dans cette ébullition nouvelle il faut observer tout d'abord que :
- Ce nouveau séisme politico-militaire a largement débordé le théâtre d'opérations du Donbass pour s'étendre par son épicentre de Kertch et son onde de choc internationale à toute la région maritime partagée entre la Russie et l'Ukraine et qui remet la péninsule de Crimée dont le retour référendaire en Russie malgré les discours de principe était quasi acté par la communauté internationale, au cœur des discussions et des tensions bellicistes.
- Ensuite c'est la première fois que forces ukrainiennes et forces russes sont sciemment confrontées directement l'une à l'autre, et même si il est très exagéré de parler de "bataille navale", les bateaux ukrainiens en infraction frontalière s'étant rendus dès la première action coercitive russe, la crise russo-ukrainienne, après 5 ans de mensonges ukrainiens le prétendant est réellement passé au stade de la confrontation armée.
Les objectifs de cet incident de Kertch sont simples et multiples :
- Restaurer l'union occidentale autour d'une Ukraine de moins en moins crédible.
- Remettre en cause les accords maritimes internationaux des Mer Noire et mer d'Azov
- Activer la militarisation par l'OTAN de la Mer Noire et sa rive ukrainienn
- Prolonger et augmenter les sanctions économiques anti-russes (vote en décembre).
- Stigmatiser une nouvelle fois la Russie sur la scène internationale.
Le Président ukrainien Porochenko même s'il n'a pas d'autres choix que d'obéir aux directives étasuniennes y voit quant à lui l'opportunité de redorer son image et revêtant l'uniforme de commandeur et de tenter de prolonger une vie présidentielle fortement menacée par son impopularité à la veille du scrutin présidentiel de mars 2019.
De leur côté, les nationalistes de la rue, aux bataillons en passant par les rouages de l'administration profitent aussi de cette escalade pour exprimer à nouveau leur russophobie haineuse en paroles et en actes dans des manifestations,des répressions et provocations contre les russes ethniques..Ce contexte rend également plus facile l'ostracisation des russes par les pouvoirs de l'Etat ukrainien comme la saisie des biens de l'Eglise orthodoxe russe en Ukraine, les interpellations ou les interdictions de territoire par exemple.
Enfin, l'armée ukrainienne peut passer à l'étape suivante de la "loi de réintégration du Donbass" grâce aux pleins pouvoirs dont elle dispose via la loi martiale, sur les autorités civiles et militaires comme par exemple le transfert de la Garde Nationale sous son autorité, la mobilisation des réservistes etc.
C'est ainsi que l'on a observé la mise en formation de combat de 3 brigades ukrainiennes dans la région de Mariupol (front Sud de la RPD), l'arrivée d'une brigade parachurtiste à Kontantinovka (front ord de la RPD), des renforts logistiques, des réquisitions de moyens civils et hospitaliers pour l'armée etc...
La tentation du pire du Président Porochenko
Si on peut dire que la provocation ukrainienne organisée à Kertch a réussi du fait qu'elle a obligé les russes à employer la force et se placer ainsi dans le collimateur de la propagande de guerre lourde occidentale, en revanche le sacrifice par Kiev de cette vingtaine de marins n'a pas atteint la dramatisation tragique espérée (pas un tué ni un bateau de coulé) et qui aurait fait de Kertch un "casus belli" (intention que l'on retrouve dans la sémantique des réactions ukrainiennes). La provocation malgré sa gravité importante reste dans la catégorie des incident frontaliers rares mais classiques qui sont observés sur ces zones dites "contestés frontaliers" et qu'on retrouve un peu partout à travers le Monde.
Et Kiev semble vouloir aujourd'hui s'engager dans une fuite en avant !
A ce stade Porochenko, qui n'a plus rien à perdre, est pris à son propre piège et s'est donc lancé dans une surenchère délirante d'invectives à l'encontre de la Russie et dans lesquels il tient des discours dont l'incohérence exacerbée par l'inversion accusatoire coutumière de la propagande occidentale frise une stupidité affligeante.
Ainsi dans une interview récente au "Funke Média Group" allemand, le gouverneur de la colonie Ukraine par exemple considère les marins appréhendés par les gardes frontières russes de "prisonnier de guerre". Or pour qu'il y ait des "prisonniers de guerre" faufrait-il qu'il y ait une guerre entre les pays concernés . Ce qui n'est pas (encore) le cas et qui a même été souligné par le Porochenko lui-même lorsqu'il expliquait il y a quelques jours les conséquences de l'instauration de la loi martiale 'partielle) en Ukraine Moscou de son côté n'a pas accordé le statut de prisonnier de guerre incarcérant les 21 marins (officiers sous-officiers, marins et agants du SBU) au seul chef d'inculpation de "franchissement illégal de la frontière de l'État" aux termes de la partie 3 de l'art. 322 du Code pénal de la Fédération de Russie (franchissement illégal de la frontière d'un État, commis par un groupe de personnes lors d'un complot préliminaire, par un groupe organisé, ou faisant l'objet de violences ou de la menace de les utiliser).
Ensuite Porochenko, poussant son délire alcoolisé jusqu'à la limite du comique troupier, a prétendu que Moscou "tente de créer un corridor terrestre reliant le Donbass occupé à la Crimée occupée, en capturant Berdyansk et Marioupol". D'une part cette assertion n'a aucun rapport avec l'infraction maritime commise par ses marins, et d'autre part le satrape de Kiev semble oublier que c'est Moscou justement qui, pour ne pas envenimer la crise en septembre 2014, avait empêché aux milices du Donbass poursuivant les débris de l'armée ukrainienne laminée dans le chaudron d'Illiovaisk, de prendre la ville de Mariupol, de se replier et de geler les opérations militaires pour engager des pourparlers diplomatiques (Minsk 1)
A ce stade de la crise, le seul qui fait raccord entre le Donbass et son front de Mariupol avec la Crimée et son détrit de Kertch c'est bien Porochenko, dont le discours belliciste doit-être mis en perspective avec plusieurs indicateurs qui sur ce front Sud du Donbass viennent de se mettre au rouge :
- La mise en ordre de bataille de 3 brigades d'assaut ukrainiennes dans le secteur de Mariupol,
- L'arrivée concentrée de correspondants de grands médias occidentaux dans ce secteur (6 médias serves de la propagande occidentale dont CNN, Associated Press et la BBC.
On peut donc raisonnablement, au vu du contexte et des observations réalisées, s'attendre à une nouvelle provocation ukrainienne cherchant à accuser la Russie d'une nouvelle agression. Un false flag comme par exemple un bombardement de civils des quartiers ouvriers de Mariupol (dont on sait qu'ils sont majoritairement pro-russes) et qui serait médiatisé et présenté comme un "casus belli" accélérant encore plus les sanctions économiques anti-russes, la militarisation de l'OTAN, le projet de déployer une force d'interposition pro-occidentale et servirait peut-être même de prétexte à des opérations offensives ukrainiennes.
Conscientes du nouveau caractère de cette menace ukrainienne ainsi que de son contexte augmentant sa probabilité d'exécution pendant la période de cette loi martiale pré électorale, les Républiques populaires de Donetsk et Lugansk, sans toutefois procéder à une mobilisation ont augmenté le niveau d'alerte de leurs unités et élevé le niveau opérationnel de leurs forces de sécurité (police par exemple) pour participer si nécessaire à la défense militaire de leurs territoires.
Sur les polygones d'entrainement de la République populaire de Donetsk proches du front de Mariupol, des exercices tactiques des forces blindées et de leur artillerie d'appui ont été réalisés pour envoyer un message clair à Kiev : "nous sommes prêts à vous accueillir !"
Erwan Castel