La reculade du Kremlin

Une partie des prisonniers libérés par Kiev lors de cet échange du 7 septembre 2019

Le 7 septembre, dans le cadre des accords de Minsk, un échange de prisonniers a été réalisé entre l'Ukraine et la Russie. Cet événement positif important n'est pas une première, mais il a pris une dimension internationale particulière du fait de la libération par Moscou du prétendu cinéaste Nenstsov mais réel terroriste (qui n'a commis qu'un court métrage de d'une qualité bien plus mauvaise que les explosifs découverts chez lui) et des 24 marins ukrainiens arrêtées lors du coup de force organisé par Porochenko dans le détroit de Kertch en novembre 2018.

35 personnes ont donc été échangées de part et d'autre, incluant un effectif important libéré par Moscou (24 marins + Sentsov)

Le cas de Vladimir Tsemakh est révélateur de l'absurdité de la nouvelle équipe de Kiev qui après avoir fin juin kidnappé chez lui, en territoire de la RPD, cet ancien officier de la défense antiaérienne républicaine dans une opération risquée du SBU le libère maintenant après avoir voulu en faire un témoin clé dans le crash du MH17 en juillet 2014 dans lequel l'hystérie occidentale persiste à vouloir accuser la Russie.

Certes on ne peut que se réjouir de la libération de ces prisonniers politiques et militaires  détenus dans les geôles du SBU, mais cette opération ne doit pas devenir un arbre cachant la forêt, car il reste au minimum 255 personnes qui sont incarcérées en Ukraine pour leur engagement pro-russe, dont 152 est généralement détenues dans des prisons secrètes et dont on est sans nouvelle depuis plusieurs années pour certaines d'entre elles. Parmi elles de nombreux volontaires du,Donbass, ukrainiens, russes et même étrangers qui sont venus défendre les républiques de Donetsk et Lugansk.

Si la coïncidence de cette échange de prisonniers avec les commémorations de la libération de Donetsk par l'armée rouge il y a 75 ans est considérée comme un symbole fort par la Ministre Morozova en charge des Droits de l'Homme dans la RPD, je pense pour ma part qu'il est important de rapprocher plutôt cet échange avec la prochaine réunion du Format Normandie (Russie Ukraine Allemagne France) qui doit avoir lieu dans quelques jours. 

Car de toute évidence Vladimlir Poutine, en libérant notamment les marins ukrainiens arrêtés lors de la provocation de Kertch a voulu offrir un cadeau royal à un Zelensky pressé de solder l'héritage Porochenko de sa politique et peut-être aussi un gage de bonne volonté pour la résolution diplomatique du conflit du Donbass... Certains de considérer que ce geste d'apaisement du Kremlin a pour conséquence d'amener la Russie en position de force à la table des négociations de Minsk où toutes les parties prenantes organisent depuis 5 ans une procrastination à le fois de l'escalade militaire mais aussi du naufrage diplomatique européen provoqué par ce coup d'Etat du Maidan qui a libéré une stratégie russophobe criminelle occidentale. 


A Lugansk comme à Donetsk les commémorations des libérations des cités du Donbass par l'armée rouge il y a 75 ans ont été une nouvelle occasion pour la population de renouveler son attachement à la Russie et sa volonté de s’intégrer à la fédération. 

Pour ma part je ne partage pas du tout cet optimisme mécanique des propagandistes serviles qui exhibent à la moindre occasion leurs idolâtries stupides. Pour plusieurs raisons je pense même que cet échange de prisonniers est plutôt favorable à Kiev et constitue une reculade de Moscou. 

Mais tout d'abord peut-on vraiment parler d' "échange de prisonniers" ?

Car en toute logique un échange de prisonniers est réalisé entre les 2 belligérants d'une guerre et concerne des combattants militaires ou éventuellement politiques engagés dans le conflit. Or ici nous observons : 
  • Un échange réalisé entre Kiev, certes belligérant du conflit et Moscou qui en revanche ne l'est pas et intervient seulement en tant que signataire des accords de Minsk.
  • D'un côté Kiev libère des prisonniers politiques et militaires impliqués dans le conflit et de l'autre Moscou libère des criminels et des terroristes qui ont été arrêtés ailleurs.
Je vois deux conséquences à cette dissymétrie de l'opération :
  1. Moscou en étant un acteur décisionnel de l'échange se présente désormais comme partie prenante au conflit au même niveau que Kiev
  2. Les Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk qui sont déjà écartées des négociations sont ici le dindon de la farce 
Et surtout, cet échange est un tube de vaseline présentée pour mieux faire passer le retour des négociations de Minsk sur l'avant scène internationale, accords de paix qui, rappelons le, organisent surtout sous couvert de cessez le feu et d'actions humanitaires une capitulation des Républiques via ce "statut spécial" qui sous entend un retour en Ukraine. Ce retour en Ukraine revient après 5 années d'un conflit meurtrier et inachevé à conduire les populations pro-russes de Donetsk et Lugansk vers l'abattoir dans leurs territoires redevenus oblasts où, à part le droit de pleurer en russe, elles n'auront ni droit de référendum ou de veto, ni armée, ni contrôle des frontières etc... et donc seront à la merci d'une épuration russophobe des services de sécurité ukrainiens, répression qui est déjà annoncée par de nombreux responsables politiques à Kiev.

Une amie de Kharkov vivant aujourd'hui en Russie, me disait justement il y a quelques jours: "Le Donbass ne peut être vaincu mais il peut être trahi "


Moreau ou l'art de se montrer quitte à dire n'importe quoi 

Dès l'annonce de cet échange de prisonniers qualifié d' "historique" par les certains (alors que ce n'est pas le premier) on a pu assister dans les studios feutrés des médias à toutes sortes de logorrhées insipides d'experts autoproclamés, tel ce Xavier Moreau à qui on devrait donner l'indicatif de "Girouette" tant ses analyses versatiles révèlent autant un syndrome du larbin qu'une absence totale de colonne vertébrale idéologique (sauf si on considère l'ultra libéralisme d'intérêts affairistes personnels comme une idéologie métapolitique). 

C'est ainsi que cet intriguant qui recherche par un réseau de censeurs et calomniateurs le monopole pour éviter l'analyse contradictoire a soutenu tour à tour depuis 5 ans le projet Novorossiya, et les accords de Minsk, et le statut spécial, et l'intégration dans la Fédération de Russie et nous parle aujourd'hui d'une "autonomie" (terme plus rassurant que statut spécial sauf qu'il n'est pas mentionné dans ces accords de Minsk pour la simple raison qu'il est inacceptable pour KIev et les occidentaux du fait de son pouvoir constitutionnel, son droit de veto et référendum. 

Et dans un discours dithyrambique à l'égard de Zelensky, Moreau en nous présentant le retour du Donbass en Ukraine via le statut spécial nous montre ici la vacuité de son argumentaire idéologique. En effet, peu lui chaut l'avis de la population du Donbass dont il approuve que sa destinée soit décidée dans un huis clos à Minsk. Lorsque l'on soutient en 2014 référendum populaire de Crimée face au coup d'Etat du Maïdan c'est aussi pour défendre le "droit des peuples à disposer d'eux mêmes" qui est un droit universel et inaliénable, et qui ne doit pas être agité ou ignoré en fonctions au gré de la cupidité ou de la servilité des analystes. Je suis sûr que si demain les autorités grâce auxquelles il fait son business entre France et Russie lui demande de porter un slip bleu banane, nul doute que Moreau le mettra sur sa tête avant que de courir vers les caméras de RT ou de TV Libertés !


Moreau est un français que j'ai appris à découvrir au fil de ces années dans le Donbass à travers ses interventions et surtout de son réseau de calomniateurs et d'intrigants. "Expert" autoproclamé vivant à Moscou mais toujours enlisé dans un jacobinisme papiste et un anticommunisme primaire, Moreau jette dans les vents changeants de ses intérêts personnels des écrans de fumée pro-russes pour cacher la réalité de son réseau d'affaires collabo. Dans cet interview il nous offre la consternante réalité d'une vision manichéiste et d'une servilité pitoyables qui aujourd'hui le mène à avoir envers Zelensky, un angélisme au moins égal à sa précédente diabolisation de Porochenko.

Car, après la programmation d'un nouveau sommet  "Format Normandie", la réalité de cet échange n'est pas comme le prétend Moreau "gagnant gagnant", mais consacre d'abord et surtout la légitimité présidentielle de Zelensky alors qu'il n'est rien d'autre qu'une nouvelle marionnette occidentale et un impuissant incapable de faire respecter le cessez le feu à ses troupes déployées sur le front du Donbass. 

Car avant de se masturber sur les rodomontades du nouveau maître de Kiev et l'idolâtrie d'accords de Minsk stériles, encore faudrait-il que l'officier Moreau prenne le temps de regarder la faisabilité technique de leur application. Car pour arriver à un vrai cessez le feu il faudrait que Kiev :
  • Libère la zone grise que ses troupes envahissent depuis 2016 jusqu'au contact avec les défenses républicaines
  • Retire les pièces d'artillerie supérieures à 100 mm conformément aux accords 
  • Cesse les tirs de provocation et les vols de drones
  • etc...
Il faudrait aussi que les signataires des accords mettent en place des moyens coercitifs pour les faire respecter comme par exemple le gel des subventions accordées à Kiev  après chaque bombardement des populations du Donbass...

Et je parie que on va nous resservir bientôt le joker des casques bleus en force d'interposition et qui sera applaudi par les Moreau and Co si jamais le Kremlin réalise encore une nouvelle reculade diplomatique. Ce déploiement de casques bleus dans le contexte de la guerre civile du Donbass ouvrirai la porte au scénario croate qui par leur intermédiaire a autorisé dans le passé un processus d'épuration ethnique criminelle à l'encontre des populations serbes.

Les femmes et les hommes du Donbass ne sont pas dupes et savent pertinemment que les accords de Minsk cherchent à imposer leur capitulation, tout comme les passeports russes leur offrent une sortie de secours. A part les courtisans et les vautours d'un centre ville artificiel qui s'en iront à nouveau de Donetsk (comme en 2014) pour protéger leurs petits culs de bourgeois, l'immense majorité de la population restera devant leurs maison les armes à la main pour défendre leur liberté et leur indépendance.  

Vraisemblablement le président Pushilin de la République Populaire de Donetsk, bien qu'il accepte dans un certaine mesure le jeu incontournable des diplomaties internationales rappellera bientôt une nouvelle fois qu'elles ne peuvent décider seules de la destinée du Donbass sans l'accord de sa population, laquelle a cette année encore, à l'occasion de la polémique autour du "flash mob maladroit" adressé à Zelensky, réaffirmé sa volonté d'être définitivement séparée de l'Ukraine et d'intégrer la Fédération de Russie, physiquement ou par alliance.

Pour finir, j'invite Xavier Moreau pour sa prochaine visite dans le Donbass à sortir des salons feutrés des ministères et des hôtels de luxe de Donetsk pour passer, non pas une heure sous l'oeil des caméras, mais quelques jours au milieu de sa population vraie, celle dont les discours et les sentiments ne sont pas travestis par les rodomontades propagandistes et les duperies diplomatiques qu'à force de les fréquenter il finit par prendre pour la réalité.

Et reste à espérer que cette reculade du Kremlin n'a été réalisée finalement que pour mieux acculer Kiev au mur de ses engagements et lui sauter ensuite à la gorge...

A bon entendeur salut !

Erwan Castel



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