"Défendre le rêve commun"


Lorsque Alexandre Zakharchenko est victime le 31 août d'un attentat terroriste perpétré au cœur de Donetsk, nombre de journalistes pro-maïdan, cachant à peine leur satisfaction de voir la République populaire de Donetsk décapitée, prétendaient que la dernière figure de la rébellion séparatiste venait de disparaître.

Certes, la rébellion du Donbass a vu nombre de ses capitaines être tués comme Dremlov, Mozgovoi, Batman, Motorola, Givi, Mamaï ou partir comme Besler, Strelkov ou Borodaï par exemple, mais il y en a d'autres et non des moindres qui sont toujours là et actifs dans le combat engagé par le peuple du Donbass au lendemain du Putsch du Maidan. Et la campagne électorale qui vient de s'ouvrir pour des élections le 11 novembre prochain en est la parfaite illustration. En effet, les 3 candidats qui se sont présentés dans les starting-blocks de la course présidentielle, ne sont pas en effet des inconnus de l'Histoire de cette jeune République Populaire de Donetsk : 

Denis Vladimirovitch Pushilin, 37 ans, originaire de Makeevka est un des animateurs des premières manifestations anti-maidan. en tant que Président du Conseil suprême il est le premier leader de la République populaire autoproclamé . Par la suite il sera Président de son Parlement , le "Conseil du peuple" jusqu'au 7 septembre dernier ou il est désigné par ce dernier "Président par intérim" en attendant les élections.




Alexandre Sergueivitch Khodakovsky, 46 ans, originaire de Donetsk est chef du bataillon Alpha local (services de sécurité ukrainiens SBU) lorsqu'il rejoint les rangs des séparatistes du Donbass.  Personnage controversé, en cheville avec l'oligarque Akhmetov, il prend le Commandement du bataillon Vostok mais subit des revers militaires importants sur l'aéroport de Donetsk et à Marinovka dans le sud de la République. 


Pavel Yuryevich Gubarev, 35 ans, originaire de Severodosnetsk prend la tête de la première milice de Donetsk, puis devient le 3 mars 2014, le premier gouverneur de l'entité séparatiste. Arrêté 3 jours plus tard par le SBU il emprisonné à Kiev, il subira 3 mois d'interrogatoires et sera torturé avant d'être échangé en mai 2014. En octobre 2014 il est blessé dans une tentative d'assassinat cotre sa personne. En février 2016, il est nommé maire de Yasinovataya.



D'autres candidats vont peut-être se faire prochainement connaître, dans cette campagne présidentielle qui montre déjà le dynamisme démocratique en action dans cette jeune République Populaire de Donetsk. 


Pavel Gubarev,  pionnier de la rébellion du Donbass


Pavel Gubarev, qui vient d'annoncer sa candidature pour les élections présidentielles du 11 novembre prochain est en effet une figure connue et populaire de la République populaire du Donbass et qui est resté fidèle à l'idéal de la Novorossia qui a animé en 2014 le soulèvement anti-maïdan des populations russophones d'Ukraine ostracisées par les putschistes de Kiev, puis agressées par son "Opération Spéciale Antiterroriste". 

Pavel Gubarev est né le 10 février 1983 à Severodonetsk, une importante ville industrielle du Donbass située à 100 km au Nord-Nord Est de Donetsk et appartenant à l'oblast (région administrative) de Lugansk. Cette ville sera le théâtre de violents combats en avril 2014 entre les groupes d'autodéfense locaux et l'armée ukrainienne renforcée du bataillon spécial Aïdar qui commettra de nombreuses exactions sur la population civile de la ville.

Diplômé de la faculté d'histoire de l'Université nationale de Donetsk, Pavel Gubarev , qui travaille dans le domaine publicitaire participe avant la guerre, à diverses initiatives sociales et politiques dans la région. Mais ce sont les événements de 2014 qui vont le faire sortir de l'ombre.

En février 2014 sur le Maïdan à Kiev les protestations dérapent avec la mort aussi bien chez les manifestants que les policiers de près de 100 personnes, tués par des snipers qui rapidement vont être identifiés au service de l'opposition au président Ianoukovitch qui s'empare du pouvoir le 22 février et met immédiatement en oeuvre un politique russophobe primaire articulée autour de l'ostracisation de la langue russe.

Pavel Gubarev à Donetsk en mars 2014

Lorsque les premiers mouvements de protestation apparaissent à Donetsk en mars 2014, Pavel Gubarev est en première ligne et il prend rapidement le direction du mouvement anti-Maïdan réclamant une fédéralisation de l'Ukraine pour protéger l'identité de ses populations russophones. Dès février 2014, alors que dans toute la Novorossia (de l'Oblast d'Odessa à celui de Karkhov) des manifestations populaires s'organisent,  Pavel Gubarev et ses partisans créent la "milice populaire du Donbass" (GCD). C'est à partir de ce noyau initial que vont être organisées et coordonnées les différentes forces de protestation à Donetsk,  et de semaine en semaine, lorsque la crise devient confrontation, le réseau va s'étendre au delà du Donbass et dynamiser l'arrivée des volontaires venant de la Fédération de Russie, mais aussi d'autres pays (anciennes Républiques soviétiques, Serbie, etc.)

Cette évolution de la crise politique vers une confrontation armée est provoquée par l'attitude du nouveau régime de Kiev qui refuse d'entendre les revendications de l'Est du pays et va même radicaliser ses positions russophobes, Encouragé par l'exemple de la Crimée qui vient de réaliser sa réintégration référendaire en Russie, le mouvement fédéraliste se transforme rapidement en rébellion séparatiste et les premières barricades se dressent autour des villes du Donbass tandis que les foules de plus en plus nombreuses rejoignent les manifestations.

Tous les événements vont alors s’enchaîner très vite :

Le 28 février, Pavel Gubarev intervient lors d'un réunion du Conseil de la ville de Donetsk et proclame un "ultimatum de la milice du peuple" demandant aux autorités restées fidèles au régime de Kiev de se destituer en faveur des représentants du mouvement populaire.

Le 1er mars, a lieu une grande réunion sous le drapeau russe, au cours de laquelle Pavel Gubarev lance le projet politico-historique de la Novorossiya : "L'Ukraine du Sud-Est s'appelle Novorossiya ! Cette terre est intrinsèquement russe. Elle n'a jamais été ukrainienne" déclare t-il sous les applaudissements de la foule. Dans son livre "Gubarev, la flamme de la Nouvelle Russie,  Zhuchkovskogo  écrit à propos de cette journée : "Au début de 2014, le mot « Nouvelle Russie » fait irruption dans la réalité actuelle, comme si il traversait un tunnel, le portail fantastique d'un passé glorieux. Encore une fois son nom a retentit après avoir été soigneusement effacé de la mémoire nationale durant tout le siècle passé ».

Entre le 3 et le 5 mars, les manifestations se multiplient et s'amplifient et les bâtiments de l'administration régionale sont occupés tandis que ceux de la police et des services de sécurité sont encore évités pour éviter un débordement de violence incontrôlées (les miliciens n'en prendront le contrôle que le 6 avril). Au cours de ces journées Pavel Gubarev est désigné "Gouverneur du peuple de la République Populaire de Donetsk". Le 5 mars, Sergueï Glaziev, conseiller du Président Vladimir Poutine chargé d'observer les manifestations en Novorossiya contacte depuis Moscou Pavel Gubarev lui assurant de l'intérêt attentionné du Kremlin devant ce mouvement anti-maïdan. 

Mais le lendemain, le jeune gouverneur du peuple est enlevé par un commando des services de sécurité ukrainiens (SBU) toujours opérationnels sur le territoire, et qui l'exfiltre vers Kiev où il va subir pendant 2 mois des interrogatoires poussés et des tortures dans les geôles du SBU. 

Pendant cette période d'emprisonnement de Gubarev, les événements vont s'enflammer dans le Donbass et la confrontation va devenir une guerre civile lorsque Oleksandr Turtchinov le Président ukrainien par interim déclenche le 14 avril (après la visite de John Brennan, le patron de la CIA !) une hallucinante et disproportionnée "Opération Spéciale Antiterroriste" lancant ses avions de combat et ses blindés contre les populations russophones du Donbass. 
Les groupes d’autodéfense qui ont fleuri un peu partout autour de Donetsk s'équipent alors très vite à partir des dépôts et armureries tombées entre leurs mains quand ce ne sont pas des unités qui ont rallié directement la rébellion.


A Donetsk Ekatérina, l'épouse de Pavel Gubarev, a repris le flambeau de la révolte, . Réfugiée en Russie pour sa sécurité et celle de ses 3 jeunes enfants dont un nouveau né (Radoslav (2008), Radomir (2010) et Milana (2013)), elle s'engage dans l'action humanitaire en faveur de la populations et des volontaires du Donbass. Ekaterina va aussi animer les manifestations demandant la libération de son mari, le Gouverneur du peuple :
  • Le 9 mars a lieu la première manifestation réclament la libération de Pavel Gubarev
  • Le 18 mars, une pétition similaire recueille 50 000 signatures à Donetsk
  • Le 29 mars, le philosophe Alexandre Douguine lui assure du soutien du Kremlin 
  • Le 11 avril, elle est nommée ministre des Affaires étrangères de la République
  • Le 15 avril, elle lance un appel pour soutenir Slaviansk et les cités proches assiégées par Kiev
  • Le 16 avril, elle est considérée par le média "Kyiv Post" comme un des leaders séparatistes
Finalement, les ukrainiens en voulant faire taire Pavel Gubarev ont donné à sa pensée et son action une deuxième voix passionnée et aimante qui va amplifier sa popularité dans le cœur des habitants du Donbass.

Pendant cette période, la ligne rouge au delà de laquelle la confrontation devient guerre civile est franchie, les 15 et 24 avril les forces ukrainiennes mènent leurs premiers assauts blindés contre les défenses de Slaviansk à 100 km au Nord de Donetsk, le 2 mai à Odessa avec le massacres de manifestants pro-russes à la maison des syndicats, et le 9 mai le bataillon spécial "Azov" va récidiver à Mariupol en envoyant ses blindés à l'assaut de la ville et des manifestants désarmés. 

A Slaviansk (et Kramatorsk) Strelkov à la tête d'une milice qui atteindra plusieurs milliers de volontaires, fixe alors autour de la ville l'avancée de l'armée ukrainienne, laquelle donnera au cours de ses 3 mois de siège 4 assauts de plus en plus violents jusqu'à l'abandon de la ville par les rebelles au début juillet.

C'est dans cette ville assiégée de Slaviansk que va être réalisé le 7 mai 2014, sous la direction de Strelkov, un échange de 3 prisonniers ukrainiens du SBU contre 3 prisonniers républicains dont le gouverneur Pavel Gubarev (avec Igor Perepechaenko, et Sergey Zlobin). 

Pavel Gubarev à sa libération début mai 2014

Lorsque Denis Pushilin (l'actuel Président par intérim) qui avait été nommé au moment de l'emprisonnement de Pavel Gubarev "Gouverneur adjoint" de la République (le 5 avril 2014) lui redonne les rênes du pouvoir, ce dernier s'attache à aider du mieux possible la résistance de Slaviansk, notamment par l'acheminement de convois logistiques, tout en normalisant la situation à Donetsk


Sur le front sociétal, il faut rappeler qu'à cette période, le trouble provoqué par la guerre invite l'anarchie à régner dans les rues de Donetsk où circulent des groupes de miliciens de tendances et motivations diverses avec des administrations encore contrôlées par Kiev et une jeune République dont la priorité est de s'organiser autour de la défense de son territoire, tout en devant assumer l'urgence de rétablir une zone de droit.

Sur le front de la guerre, Gubarev va aussi relever le défi en créant et dirigeant personnellement le département de mobilisation du ministère de la Défense de la République. L'administration était entièrement dédiée alors à l'accueil des volontaires (une trentaine par jours à cette époque), leur sélection et leur déplacement vers Slavyansk.

Sur le front politique la pensée politique de Gubarev, après des premiers pas au sein du "Russian Natioanel Unity", le parti nationaliste radical russe, et qui évolue ensuite avec "Parti Socialiste d'Ukraine", va aboutir le 14 mai 2014 avec la création du mouvement "Novorossiya".

Mais en octobre 2014, Pavel Gubarev est victime d'un attentat dirigé contre sa voiture au cours duquel il est blessé à la tête. Quelques semaines plus tard, faute d'avoir pu déclarer dans les formes son parti, les candidats de "Novorossiya"  se présenteront aux législatives de novembre sous la bannière jaune du parti "Donbass libre".

En 2015, Pavel Gubarev va créer "Novorossiya Today", une plateforme médiatique (TV quotidien, radio, internet) qui est le premier média (et indépendant) qui diffuse l'information du Donbass vers l'étranger (Départements anglophone et francophone entre autres)

En février 2016, Pavel Gubarev est nommé maire de Yasinovataya par Alexandre Zakharchenko.

Lorsque le 31 août, le Président et organisateur de la République Populaire de Donetsk, Alexnadre Zakharchenko est victime d'un attentat terroriste ukrainien au cœur de Donetsk, une crise politique menace le pays déjà confronté à une guerre aux portes de ses cités. 
Pavel Gubarev, sentant la menace peser sur les milliers de souffrances endurées pour la Liberté et la dignité du peuple s'engage à nouveau dans l'agora républicaine pour défendre ce "rêve commun. Un rêve d'une vie heureuse, libre et riche. Un rêve de réunification avec la Russie. Un rêve d'un avenir paisible et beau". et il annonce début septembre sa candidature pour les élections présidentielles du 11 novembre prochain.



Dans ce combat pour le Donbass dont ils sont parmi les premiers initiateurs, Pavel et Ekaterina Gubarev n'ont jamais baissé les bras, travaillant sans relâche dans les domaines politique mais aussi de l'information et de l'humanitaire, entretenant avec passion cette flamme de la Novorossiya qui avait allumé la révolte anti-maïdan et éclairé la Liberté de ce peuple des terrils.


Erwan Castel

Référence de l'article : V Kontake, une note du journaliste A.Zhuchkovskogo 

Voir aussi l'interview de Pavel Gubarev, réalisée par Kristina Melnikova pour Eurasia Daily 

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