Photo du 24 septembre
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Dans l'obscurité quasi permanente de "Forteruine", notre position sur le front de Yasinovataya, l'ambiance est parfois surréaliste, les ombres apparaissant ou s'évanouissent aux lisières fragiles des halos rougeâtres et limités de nos lampes frontales.
Une lumière rouge, en dehors de l'ambiance "gothique" qu'elle génère présente un double avantage tactique :
1 / Sauf si la source est directement visible la lumière est difficilement perçue du fait que dans le spectre des couleurs dont le jaune est celle qui est la plus visible pour l'oeil humain, le rouge (comme son opposé le violet) est en limite de "bande passante".
2 / Lié à cette première caractéristique, l'utilisation d'une lumière rouge permet de préserver sa vision nocturne qui réclame un temps d'adaptation à l'obscurité pour la pupille qui agit comme un diaphragme.
Dans certaines zones de "Forteruine", les plus exposées aux tirs ennemis, une obscurité quasi permanente nous soustrait aux couleurs changeantes du temps.
Mais il y a toujours dans l'obscurité de ces espaces confinés un doigt de lumière, glissant par une lézarde ou la bouche étroite d'une meurtrière, et qui nous offre une aiguille lumineuse perçant la poussière ambiante, pour nous rappeler dans son cheminement mural la course extérieure de plus en plus courte du soleil.
Erwan Castel
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