L'amour vache
Depuis le début du mois de juin une dizaine de civils du Donbass ont à nouveau été blessés par des tirs de l'artillerie ukrainienne dirifées contre les quartiers résidentiels des villages et districts urbains proches de la lignes de front.
Lorsqu'on est loin d'une guerre il est difficile de connaître parfois les motivations de celles et ceux qui tentent de survivre sur cette ligne de front où chaque minute à vivre appartient aux dieux de la guerre. Certaines personnes restent par volonté, d'autres parce qu'elles ne savent pas où aller où ne peuvent ni veulent abandonner leurs sanctaires, où vit comme une flamme dans l'obscurité du présent,l'histoire et l'héritage de leur famille dont les aieux reposent dans les champs de croix aux alentours.
L'histoire que je vais rapporter ici, reflète dans sa singularité l'âme collective de cette population russe attachée par dessus tout à sa terre de champs et de terrils, ses traditions slaves et les devoirs sacrés qui sont les tuteurs des âmes et les répères des vies lorsque les tempêtes de l'histoire obscurcissent de peur et de haine l'environnement de ce peuple paisible du Donbass.
Andreï Mikhailovich Kirichenko est un paysan de 33 ans qui vit dans le village de la mine Gagarine, sur le front en lisière de Gorlovka (Nord de la République Populaire de Donetsk), un secteur qui ne cesse d'être bombardé depuis 5 ans. Les fenêtres de sa maison donnent sur le village de Chigiri et sur les terrils de la mine Sud, occupés par des unités ukrainiennes renforcées par des groupes de nationalistes de Prayvi Sector.
Au cours des derniers bombardemenst ukrainiens, le 5 juin 2019, Andreï a été blessé pour la sixième fois depuis le début de la guerre, lors d'un nouveau bombardement de son village par l'artillerie ukrainienne, En 2015, il avait été blessé 2 fois à l'épaule par des éclats d'obus, plus tard Andreï avec été touché à la tête par une balle, puis 6 mois plus tard à son poignet gauche par un éclat de genade à fusil. En 2017 il recoit une nouvelle blessure grave par balle à l'omoplate, puis hier de nouveaux éclats de mortier dans l'épaule gauche.
La première question qui vient à l'esprit bien sûr est de se demander : "mais pourquoi reste t-il dans une zone aussi dangereuse ?" Et lorsqu'on lui demande, ce paysan du Donbass attachée à sa terre comme les racines d'un arbre centenaire répond naturellement, avec cette logique simple et noble qui n'appartient qu'aux vrais paysans : "Mais enfin, j'ai 3 vaches, je ne vais quand même pas les abandonner !"
3 vaches me direz vous cela ne pèse pas lourd à coté de la vie d'un homme ! Sauf qu'à travers elles c'est à toute cette terre façonnée par des milliers de générations à force sueur et sang, que le paysan porte soins et attention. Abandonner ces bêtes reviendrait pour lui à trahir ses ancêtres et insulter la terre qui les a porté jusqu'à lui, et qui a nourri chaque membre de sa paranetèle depuis des siècles jusqu'à accueillir leurs derniers voyages.
L'histoire incroyable de ce paysan du Donbass n'est pas exceptionnelle, et elle n'est que le le reflet singulier de milliers d'autres histoires aux héroismes silencieux et fragiles de femmes et d'hommes désarmés qui doivent survivre à l'enfer du front armés de leur foi, leur courage et cet amour infini et sacré porté à leurs traditions et terre, éternellement vivantes autour d'eux et dans leurs coeurs.
Erwan Castel