Les aboiements des "esclaves de maison"

Le documentaire et les réactions après sa diffusion, le lien ici : Les masques sont tombés

La vérité qui fâche ! :
"Ukraine : les masques de la révolution" 

DOCUMENTAIRE A REGARDER 

N'ayant pas encore vu ce documentaire, je me garderai bien ici de le condamner ou de l'encenser, mais au vu de la polémique qui l'entoure sur les réseaux sociaux depuis quelques jours, il semble bien que ce reportage sur les émeutiers qui ont déclenché la crise ukrainienne, ait mit sur la légende dorée du Maïdan, le doigt où ça fait mal !


Il y a 2 ans la place centrale de Kiev était la proie des flammes, prise en otage par des groupuscules extrémistes au service d'une opposition minoritaire qui n'avait obtenue que 7% des voix aux dernières élections présidentielles. Ce coup de force de ces fanatiques néo-nazis, qui allait renverser le régime du Président Ianoukovitch n'a été rendu possible que grâce au soutien actif des néo-conservateurs étasuniens et de leurs laquais de l'Union Européenne rallumant les braises d'une guerre froide contre la Russie et avides de voir l'Ukraine tomber dans leur domaine militaro-industriel.

Depuis l'Ukraine a sombré dans un chaos total et son espace territorial artificiellement construit par les chantages de l'Histoire a explosé sous les revendications naturelles et légitimes des peuples de Crimée et de Novorossiya.

Depuis 2 ans, nous nous sommes engagés a libérer la Vérité et dévoiler les vraies racines de ce choc de l'Histoire que les médias officiels asservis au système ont tenté de travestir.
Notre révolte est multiple, anti-mondialiste, humanitaire, européenne, mais aussi contre la dictature de cette pensée unique qui met en esclavage la liberté de conscience et d'opinion.  
Les médias officiels, dont la survie est lié à une dépendance économique au système sont devenus les hérauts d'une propagande servant les intérêts de cette ploutocratie mondialiste commanditaire des guerres de préemption menées par les gouvernements occidentaux en Ukraine, Syrie et ailleurs. 

Il y a cependant encore des journalistes qui défendent l'honneur de leur profession passionnante et s'attachant à lui rendre sa liberté et briser les miroirs déformants du mainstream médiatique asservi. Quel est la nature exacte du reportage de Paul Moreira, je ne le sais pas mais le devine au travers des critiques hystériques lancées contre lui par les sympathisants ukrainiens.

Ce qui est révélateur, c'est que sous un vernis d'arguties incohérentes comme par exemple  celle qui reconnait l'existence de "minorités nazies" au sein de la révolution mais "sans importance (il y aurait donc un quota acceptable ?) c'est une nouvelle fois une russophobie pathologique et délirante qui guide la critique et explose dans ses conclusions diverses, comme par exemple dans l'article de Libération du 29 janvier 2016 : Canal+ met en images le discours du Kremlin  pour qui "le plus dérangeant est que le reportage de Paul Moreira épouse au plus près la vision de l’Ukraine véhiculée depuis plusieurs années par le Kremlin."

Dans ces réactions hystériques à l'encontre du travail d'investigation de Paul Moreira et avant même de l'avoir vu, le mainstream médiatique ne prouve q'une seule chose que ces journalistes devenus les fonctionnaires du ministère de la propagande de Washington sont bien devenus les nouveaux "nègres de maison" esclaves domestiques du Nouvel Ordre Mondial.

Erwan Castel, volontaires français en Novorossiya


Pour que vous puissiez apprécier par vous-mêmes ces soit disants "marginaux négligeables" du Maïdan, qui participent toujours aujourd'hui à l'exercice du pouvoir ukrainien et à la guerre menée contre la population civile du Donbass, vous pouvez consulter la photothèque suivante sur Pinterest encours de réalisation et d'autres liens que vous trouverez sur ce blog :

- L'incontournable site d'Olivier Berruyer : Ukraine (voir en particulier le chapitre 3)
- Ce blog : Néo nazisme


Et ceci est toujours d'actualité !


Présentation du documentaire avec quelques extraits

Avant même que le documentaire de Paul Moreira ne soit diffusé, les Torquemada de la pensée unique lance une croisade contre cette autre vision des événements du Maïdan, et tout en se prétendant les parangons de la Démocratie et des Droits de l'Homme appellent à la censure et allument les feux totalitaires du bûcher de l'intolérance...

Les pro-atlantiste ukrainiens qui se se déchaînent en sciant la branche des valeurs de tolérance sur la quelle ils prétendent asseoir leur arrogance, font, dans leur majorité, partie de ces roquets russophobes qui appellent ouvertement sur les réseaux l'Ukraine a entrainer l'Europe dans une guerre totale contre la Russie, ainsi ce Andrïy Miroslav Tanchak qui lance une pétition réclamant l'interdiction pure et simple du documentaire à sur le site Avaaz .


Je tiens ici à préciser que JAMAIS DANS NOTRE RÉSISTANCE ET  NOS COMBATS , NOUS AVONS RÉCLAMÉ L'INTERDICTION A NOS ENNEMIS DE DROIT DE S'EXPRIMER, persuadé que l'opinion libre ne peut se naître que du débat d'idées contradictoires. La censure n'est que l'expression de la faiblesse des fanatiques et des imbéciles (cumul autorisé) qui veulent cacher la vacuité de leurs idées...

Le débat sur MédiaPart

Voici ici la critique faite au documentaire "les masques de la révolution", qui dans une inversion accusatoire exemplaire reproche à Paul Moreira de servir une propagande russe anti-étasunienne. Reproche d'autant plus stupide que les USA ont reconnu eux-mêmes avoir été les commanditaires et même participé à ce changement de régime intervenu en Ukraine avec leurs soutiens financier (Nuland reconnait 5 milliards de dollars de subventions à l'opposition) politique (visite du Vice Président, du Directeur de la CIA etc...) et technique (formation et encadrement des manifestants, voire participation aux provocations meurtrières)

Paul Moreira répond point par point et en apportant les preuves à chacune des accusations de ses détracteurs. Nous voyons ici comment un travail d'investigation honnête et professionnel peut exploser les dogmes d'une mauvaise foi fondée sur le fanatisme  et l'intérêt.

Réflexions sur le documentaire de Paul Moreira 
(Publié le 29 janvier sur Médiapart)

«D’où me venait cette légère impression de m’être fait avoir?»

L’intention était louable. Dans un documentaire qui sera diffusé sur Canal + le 1er février, le journaliste Paul Moreira se donne pour mission de voir le devenir des groupes ultranationalistes et d’extrême droite – Svoboda, Azov, Secteur Droit - qui ont émergé ou se sont développés en Ukraine il y a deux ans, à l’occasion de la révolution du Maïdan. « Les masques de la révolution » est le titre d’un reportage d’une heure en forme de réquisitoire contre les groupes armés d’extrême droite et le pouvoir américain censé les soutenir.

Un sujet important. Un sujet essentiel sur lequel il y a beaucoup de choses à dire. « Personne ne s’est vraiment demandé qui ils étaient », clame le journaliste dans la présentation de son documentaire sur le site de sa société de production. Personne ? Peut-être, à l’exception de tous les correspondants permanents ou envoyés spéciaux en Ukraine. Pour ne parler que de quelques médias majeurs français, Benoît Vitkine a pointé la question dès le début de la révolution (Le Monde1 , 2); Sébastien Gobert a fait plusieurs sujets dessus pour différents médias (Libération 1 et 2, RFI); Stéphane Siohan a couvert le sujet pour Le Figaro (1, 2, 3) Olivier Tallès pour La Croix; Emmanuel Dreyfus pour Le Monde Diplomatique , Céline Lussato pour le Nouvel Obs. Paul Gogo a fait le portrait d’un combattant du bataillon Azov qui montre toute l’ambiguité de ce genre d’engagements.  

La liste des autres correspondants étrangers couvrant l’Ukraine serait beaucoup plus longue. Ceci sans même évoquer les chercheurs tels que Anton Shekhovtsov qui scrutent obsessionnellement ces groupes extrémistes et en font une analyse précise, par exemple ici même sur Mediapart. Le drame d’Odessa -  plus de quarante morts asphyxiés et brûlés dans un immeuble au cours d’un affrontement entre groupes pro-Maïdan et pro-russes le 2 mai 2014 - est le fleuron de l’enquête de Moreira qui clame qu’on a « omis de raconter » cet épisode tragique en Occident. C’est oublier, bien sûr, son évocation dans tous les grands médias au moment des événements et plusieurs reportages un an plus tard (Le Monde, The Economist) pour faire le point sur l’enquête.

Le postulat d’occultation du thème par les médias et les responsables occidentaux sur lequel démarre le documentaire est d’ores et déjà faux. Mais qu’importe : il y avait tellement de choses à évoquer et à comprendre sur les ultranationalistes en Ukraine, ceci d'autant plus que l'intérêt des médias a été happé par d'autres sujets brûlants. Ce documentaire était le bienvenu, mais il échoue dans sa mission, point par point.

Le film est truffé de petites et grandes erreurs factuelles qui feront bondir les spécialistes de l’Ukraine contemporaine, mais passeront sans doute inaperçues du grand public. Ainsi, dès les premières minutes, le reportage montre un long plan du bataillon d’extrême droite Azov, avec brassards et drapeaux. En voix off, le journaliste explique la présence de ces drapeaux à la signalétique extrémiste sur le Maïdan. Faux : le bataillon Azov a été créé en mai 2014, soit deux mois après la fin de la révolution du Maïdan.

De même, l’odieux Igor Mosiichuk, l’un des personnages repoussoirs du film, est décrit comme le porte-parole des héros du Maïdan qui a « longtemps travaillé pour le Secteur Droit [l’un des groupes extrémistes­] ». En fait, non seulement l’individu n'a jamais fait partie de Secteur Droit (il est proche d'Azov), mais il était en prison depuis 2011 quand la révolution a éclaté, et n’a été libéré qu’à la fin du Maïdan. Sur la question ethnique et linguistique, le film succombe aux clichés les plus rassis et refuse toute nuance en divisant le pays en « Russes » et « Ukrainiens », parlant chacun sa langue, les Russes se tournant logiquement vers la Russie, les Ukrainiens étant... Mais qui sont les Ukrainiens ? Le film n’en parle pas vraiment.

Mais cessons de pinailler. Après tout, la force d’un reportage télévisé n’est pas dans ces menus détails qui font les délices de nos querelles de spécialistes, mais dans sa capacité à rendre intelligible au plus grand nombre la place des mouvements d’extrême droite dans une société ukrainienne malmenée par la guerre. Pas sûr que le documentaire y arrive.

Au-delà du désintérêt manifeste et paradoxal de Paul Moreira pour les événements en Ukraine, le film frappe par ses points aveugles, ou disons par son silence sur tout ce qui dépasse le petit bout de sa lorgnette.

Alors qu’il parle de militarisation des groupes extrémistes, le documentaire n’évoque que d’une manière très sommaire la guerre dans le Donbass qui est pourtant la raison de cette militarisation, comme de celle de l’ensemble de la société. Le journaliste nous abreuve d’images de soldats en train de s’entraîner et de s’exercer au maniement des armes, sans jamais indiquer que la raison d’être de ces bataillons est une guerre ravageant l’Est du pays, laissant entendre que ces groupes se militarisent parce qu’ils sont d’extrême droite et cherchent donc forcément à constituer des commandos.

Dans sa vision, l’Ukraine post-Maïdan vit une vie normale. « Ainsi s’achevait en bonheur la révolution ukrainienne », clame le film en racontant la fin de la révolte du Maïdan, « tout est bien qui finit bien ». Dans ce tableau paisible, l’annexion  de la Crimée par la Russie avec le soutien avéré de forces armées russes est présentée comme un moment lisse où la population majoritairement russe « a voté par référendum son allégeance à la Russie ». Mais le bonheur criméen sera gâché par le Secteur Droit, décidé à « affamer la péninsule » en bloquant son ravitaillement. Pour ce qui est du reste, les images montrées sont celles d’un Kiev estival et paisible, avec tout d’un coup, derrière des portails métalliques, des bases d’entraînement militaire qui font froid dans le dos.

« Les manifestants se sont transformés en combattants contre les pro-russes, à l’Est du pays », se contente-t-il de dire. Quelques minutes plus tard, les « pro-russes » en question sont dans le viseur de sa caméra: des femmes et des vieillards fragiles auxquels les bataillons sont supposés s’attaquer. Suit le récit du drame du 2 mai 2014 à Odessa, centré sur les larmes des victimes et un autre de ces personnages incontrôlables et radicaux, Mark Gordienko qui avait déjà fait l’objet d’un reportage du Monde en mai 2015.

Dans son évocation de ce moment tragique d’emballement où plusieurs dizaines de pro-russes perdront la vie dans un immeuble en flammes, le documentaire est clairement du côté des pro-russes (forcément fragiles) contre les pro-ukrainiens (forcément néonazis). La présence d’une auto-défense armée côté pro-russe, le basculement lorsque l’affrontement fait un premier mort (côté pro-ukrainien) et l’inaction avérée des forces de l’ordre ne sont mentionnés qu’à demi-mot dans le reportage, alors même que ces événements éclairent bien plus la tragédie d’Odessa que l’angle de l'action violente des groupes extrémistes choisi dans le film.

A certains moments pourtant, le reportage touche presque du doigt un vrai sujet, celui sur lequel un excellent travail d’enquête aurait pu être fait: la transformation de la société ukrainienne par la guerre, la raison pour laquelle les institutions d’Etat acceptent la présence d’éléments extrémistes au sein des bataillons combattants, la légitimité de ces bataillons dans la société, les débats qu’ils provoquent, leur recrutement et le degré de contrôle de l’Etat sur leurs actions.

Il aurait aussi pu faire un distinguo entre les différentes formes de nationalisme présentes aujourd’hui dans la société ukrainienne : nationalismes modérés et porteurs de valeurs démocratiques très majoritaires sur le Maïdan et dans les cercles du pouvoir; formes nostalgiques antisoviétiques qui se réfèrent aux combattants pour l’indépendance nationale du XXème siècle en occultant la collaboration de ces groupes avec les nazis ; nationalismes plus durs à composante ethnique représentés par Svoboda, de plus en plus minoritaires ; et enfin, le nationalisme d’extrême droite, ultra-minoritaire, qui considère la violence comme moyen d’action légitime et intègre quelques groupes néo-nazis.

Le film aurait pu s’appuyer sur les résultats électoraux des scrutins présidentiel et parlementaire de 2014 pour montrer la marginalisation de Pravy Sektor et la perte de vitesse de Svoboda – partis non représentés au Parlement faute d’avoir atteint un seuil minimal de voix, mais pointer la présence d’une dizaine d’ultra-nationalistes parmi les députés. Ce questionnement aurait pu donner une enquête riche et inédite. Mais au fond, toutes ces petites affaires ukrainiennes n’intéressent pas Moreira.

Car ce qui l’intéresse manifestement, c’est les Etats-Unis.

A trois reprises, il revient sur une scène qui a fait les délices des médias russes pro-étatiques : Victoria Nuland, Assistante du Secrétaire d’Etat américain, distribuant des gâteaux aux manifestants sur le Maïdan. Le geste un peu incongru de la diplomate américaine est devenu, pour les analystes russes, le symbole de l’intrusion des Etats-Unis dans la politique ukrainienne, destinée à affaiblir la Russie. « La diplomate américaine venue soutenir la révolution pouvait-elle ignorer la présence de groupes paramilitaires ? », interroge le journaliste, montrant au passage sa complète ignorance de la diversité du Maïdan, y compris de ses groupes d’auto-défense. Si la diplomate était là, c’était forcément parce que les Etats-Unis ont soutenu des groupes extrémistes.

« Les Etats Unis souhaitaient de toutes leurs forces le changement de régime politique à Kiev. Sans les forces d’extrême droite, ce changement n’aurait pas été possible ». L’argument massue arrive à la fin du film, sans qu’aucune preuve ne vienne l’étayer, mis à part les discours de quelques anciens responsables américains soutenant l’idée d’un soutien militaire à l’Ukraine, au cours d’un forum à Kiev. Plus l’autre argument massue auquel Moreira n’a pas résisté : la présence conjointe de Dominique Strauss-Kahn et Bernard-Henri Lévy lors de ce même forum, nos propres repoussoirs. Le journaliste se délecte du refus de commentaires de DSK qui n’a rien à faire dans le déroulé du sujet mais aide tellement à discréditer cette réunion d’occidentaux à Kiev.

Au fond, l’auteur du film n’a pas besoin de preuves. Il a une idée fixe qu’il cherche à confirmer. Tatiana Guerassimova, coordinatrice du « Groupe du 2 mai » qui milite pour une enquête indépendante sur le drame d’Odessa, a livré ses impressions sur l’entretien avec Moreira : elle le décrit comme peu intéressé par sa présentation des événements, posant uniquement des questions sur les groupes d’extrême droite pro-ukrainiens, mais pas les provocateurs pro-russes, demandant à la militante d’identifier les membres du Secteur Droit sur des vidéos.

Au final et en dépit de ses efforts pour produire une enquête haletante, le documentaire n’apporte aucun fait nouveau, aucun élément qui ne fasse partie de la rhétorique habituelle des médias russes alignés sur le discours poutinien. Rien qui soit au niveau des investigations conduites par les journalistes qui ont passé du temps en Ukraine et se sont penchés un peu en détail sur la question. A ceux qui voudront apprendre quelque chose sur la relation des groupes extrémistes avec l’Etat ukrainien, suggérons plutôt de lire le tout récent article d’Anton Shekhovtsov, « L’Ukraine aura-t-elle une Junte ? ».

« D’où me venait cette légère impression de m’être fait avoir ? », s’interroge Moreira au début de son documentaire. Oui, Paul, la question mérite d’être posée.


Anna Colin Lebedev, chercheuse au Centre d'Etudes des Mondes Russe, Caucasien et Centre-Européen (CERCEC EHESS)

Ioulia Shukan, maître de conférences à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense


Réponse aux critiques par Paul Moreira 
(Publié le 30 janvier sur Médiapart)

Quand j'ai commencé cette enquête sur l'Ukraine, j'ai découvert avec sidération à quel point le massacre d'Odessa en mai 2014 avait disparu des mémoires... 45 personnes tuées dans un incendie au coeur d'une grande ville européenne en plein milieu du XXIème siècle. Tout avait été filmé par des dizaines de caméras et de téléphones portables. Autour de moi, personne ne s'en souvenait.

45 Ukrainiens d'origine russe sont morts dans l'incendie d'un bâtiment provoqué par les cocktail-molotovs de milices nationalistes ukrainiennes.

Après une rapide recherche, je découvrais que l'évènement n'avait pas été censuré. Il avait été abordé, évoqué, mais jamais enquêté. Comme s'il gênait.

 Pourquoi ? Probablement parce que les victimes étaient d'origine russe. Ces victimes étaient rapportées comme des "personnes", sans qu'on sache qui elles étaient, qui les avaient tuées et pourquoi elles étaient mortes. Des "personnes" qui n'étaient personne. 

Pour qu'on parle de ces morts, il aurait fallu que nos démocraties s'en émeuvent un peu, officiellement, solennellement. Des réactions fortes des chancelleries. Des communiqués des Ministères des Affaires Etrangères. 
Et après l'invasion russe de la Crimée, les populations russophones, dans ce conflit, allaient garder le mauvais rôle.

 Qu'est ce qui s'est passé ce 2 mai 2014, à Odessa ? Je l'ai découvert après avoir visionnés des heures d'images, interviewé des dizaines de témoins, retrouvé des victimes et des agresseurs, croisé les récits jusqu'à obtenir une relation des faits qui fasse sens de cette furie. Précision importante : je n'ai interviewé et diffusé que les témoins directs des faits, les gens que je voyais à l'image, cela me permettait de filtrer un peu les exagérations et les mensonges qui naissent toujours, du côté des attaquants comme des victimes. Le résultat de ce travail minutieux est au coeur du film qui est diffusé lundi soir par Canal Plus.

Lors de mon enquête sur ce massacre à bas bruit, j'ai vu l'importance des milices nationalistes. Elles étaient en première ligne dans les combats de rue à Maïdan, puis s'étaient formées en bataillons pour aller combattre à l'Est les troupes russes. Mais ces bataillons ne s'étaient pas dissous dans l'armée. Ils ne s'imposaient pas la même discipline. Ils pouvaient servir de supplétifs au gouvernement. Ou bien s'ériger en police parallèle. Et, oui, dans leurs rangs, les signes d'une idéologie néo-nazie étaient patents.

Mon enquête allait à l'encontre de la narration communément admise. Je savais que j'allais rencontrer une opposition virulente, qu'on allait m'accuser de faire le jeu de Poutine, de reprendre des éléments de sa propagande. Je ne m'attendais pas à tomber sur autant de déni, frisant parfois l'hystérie. Sur un site ukrainien, je suis qualifié de "terroriste" à la solde des services secrets russes. On demande l'interdiction du film. Et même l'ambassadeur d'Ukraine fait pression sur Canal Plus. C'est ce qui m'étonne le plus. Car il me semble que l'Ukraine doit de toute urgence se poser la question de ces groupes paramilitaires. Ils sont, comme l'affirme le film, la plus grande menace pour la démocratie ukrainienne.Renoncer à dire ce que l'on sait parce que "ça fait le jeu de la propagande" russe, c'est soi-même devenir un propagandiste. On omet. Pas parce qu'on est menteur mais parce qu'on est pétri de bonnes intentions. Ne jamais oublier : de ces renoncements, naissent les pires théories du complot.

En France, les accusations sont venues principalement de deux blogs militants et d'un papier inhabituellement violent du journaliste chargé de l'Ukraine au Monde, Benoit Vitkine. Dans les trois publications, les arguments se ressemblent. Je n'ai pas assez nuancé ma perception de l'extrême-droite, elle va du néo-nazi brun-foncé, au beige clair du nationalisme. J'ai exagéré l'importance de ces groupes paramilitaires armés de kalachnikovs et parfois de tanks. Je n'ai pas assez souligné leur rôle héroïque dans leur combat contre les russes. J'ai exagéré l'influence des Américains dans le changement de régime.

 Et puis on désigne certaines erreurs factuelles. Je vais tenter d'y répondre ici.

Pour mettre en cause la rigueur de mon documentaire Benoit Vitkine ne cite qu'un seul exemple. Il m'accuse d'avoir sorti de mon imagination la fabrication d'une nouvelle génération de chars par le bataillon nationaliste Azov (pour lequel il semble nourrir une indulgence attendrie). C'est pourtant le cas. Et André Biletsky, le chef du bataillon, m'en a fait l'éloge avec beaucoup de fierté. 1,20 m de blindage à l'avant et des caméras vidéo en guise pilotage. On peut trouver les détails techniques de ces nouvelles bêtes de guerre ici.


 Par ailleurs, Benoit Vitkine ne l'ignore pas, André Biletsky vient de l'extrême droite la plus radicale. Son poids électoral est faible (il est député tout de même) mais son poids en acier et en hommes aguerris est fort.

 Ensuite, Benoit Vitkine insinue, sans rien citer à l'appui, que mon propos serait de mettre en lumière "l'installation d'un nouveau fascisme en Ukraine." Vitkine doit être sacrément en colère pour écrire des choses pareilles. Je n'ai jamais dit que le fascisme s'était installé en Ukraine. La phrase clé de mon doc est : "La révolution ukrainienne a engendré un monstre qui va bientôt se retourner contre son créateur." Puis je raconte comment des groupes d'extrême droite ont attaqué le parlement et tué trois policiers en aout 2015. Jamais je n'ai laissé entendre qu'ils étaient au pouvoir. Même si le pouvoir a pu se servir d'eux.

 Le seul "bon point" que veut bien me décerner Benoit Vitkine, c'est d'avoir travaillé sur le massacre d'Odessa, un "épisode souvent négligé". Je ne vous le fait pas dire, cher confrère...

 Anna Colin-Lebedev tient un blog sur Mediapart. Elle, en revanche, me reproche justement mon traitement du "drame" d'Odessa. Elle prend un soin précautionneux à ne jamais écrire le mot "massacre", "tuerie", à ne jamais nommer précisément la sauvagerie de ces meurtres. Anna Colin-Lebedev affirme que ce "drame" donc n'est pas passé sous silence du tout. Et comme unique preuve, elle pose en référence des papiers publiés... un an après les faits. Ceux du Monde (de Benoit Vitkine) et de The Economist. Un blogueur Olivier Berruyer, s'est livré à l'analyse des titres dans les jours qui ont immédiatement suivi le massacre. Cette analyse est disponible sur son site. Elle est éloquente. (http://www.les-crises.fr/ce-qui-s-est-passe-a-odessa/)

 Anna Colin-Lebedev me reproche un récit "centré sur les larmes des victimes". C'est vrai, j'ai donné la parole à une mère de famille qui avait perdu son fils de 17 ans, Vadim Papura. Elle m'a parlé avec réticence, elle était certaine que je ne garderais pas ses déclarations, que l'Occident ne se souciait pas de leur sort. Je donne la parole aussi à des nationalistes Ukrainiens dont certains avouent même un remord. J'ai interviewé les témoins directs de tout bord. D'après Anna, tout est de la faute de la police, pas suffisamment efficace. C'est là dessus que le film aurait du se concentrer, affirme-t-elle. Pas sur les miliciens qui lancent des cocktails molotov sur le bâtiment ou achèvent les blessés à terre. Pas sur le fait qu'aucun de ces tueurs n'a fait de prison et que le gouvernement ukrainien a saboté toute enquête judiciaire, comme le rappelle le papier de The Economist qu'elle a la bonté de citer en référence mais qu'elle n'a peut-être pas pris le temps de lire.

Voilà pour l'essentiel des critiques concrètes.

Après, on descend dans le minuscule.

Ainsi, Anna Colin-Lebedev me dit que j'évoque la présence du symbole d'Azov à Maïdan alors que le bataillon n'était pas encore créé. Il sera formé 3 mois plus tard. Certes, mais pour moi, c'est juste un changement de nom : leur symbole est partout à Maïdan, c'est celui du groupe Patriotes d'Ukraine; c'est le même chef, Biletzky, les mêmes hommes et ils se transformeront en bataillon militaire pour aller combattre à Marioupol.


Donc, pour des raisons de clarté, j'ai pris la décision éditoriale de ne pas rentrer dans ce niveau de détail. Et ce fameux symbole, ça n'a pas l'air d'émouvoir mes critiques, est emprunté à une division SS, Das Reich.

Igor Moysichuk, d'après Anna Colin-Lebedev, n'était pas porte-parole du Pravy Sektor. Pourtant, il était présenté comme tel dans ce débat télévisé


Igor Moysichuk est une figure des groupuscules nationalistes qui naviguait entre Azov et Pravy Sektor mais c'était surtout un escroc qui jouait pour son compte personnel. Il a rejoint le parti Radical de Oleg Liashko et il a été emprisonné, devant notre caméra, après avoir extorqué 100 000 Krunas à un gars de son parti.

Dans le blog "Comité Ukraine" tenu par Renaud Rebardy, je suis accusé de ne pas signaler que le bataillon Azov avait intégré l'armée régulière. Renaud Rebardy, aura mal entendu et surtout mal compris la nature des relations entre Azov et le gouvernement ukrainien.Voilà le verbatim du commentaire tiré du film quand je rencontre Azov :

 " Officiellement, cette brigade obéi à l'armée nationale ukrainienne. Et pourtant, nombre d’entre eux restent masqués."

 Et voilà ce que me dit leur chef André Biletsky sur leurs moyens.

 " - Bon, si on parle finances, en ce qui concerne l'armement, il nous est fourni par l'Etat ainsi qu'une partie de notre équipement.Tout le reste est le fruit du travail des activistes parmi lesquels il y a des petits et des moyens businessman qui investissent de l'argent et qui rendent tout cela possible."

 Lors de l'interview et dans des propos que j'ai finalement coupés au montage, Biletsky profère une menace voilée contre le gouvernement qu'il juge trop corrompu. La subtilité de Azov c'est qu'ils sont officiellement dans l'armée mais qu'ils gardent une grande marge d'autonomie. Ensuite, Renaud Rebardy affirme qu'il n'a "jamais été question" de supprimer le russe comme langue officielle dans 13 régions ukrainiennes.

Les faits : le parlement ukrainien l'a proposé le 23 février 2014 et dès le lendemain la guerre démarrait. Les populations russophones s'inquiétaient pour leur avenir et Poutine en profitait pour déclencher des manoeuvres militaires. Le 28 février, le président Ukrainien abroge la mesure. Mais c'est trop tard, le diable était sorti de la boite.

 Renaud Rebardy, toujours, m'accuse de signaler que la nouvelle ministre des finances ukrainienne est une ancienne diplomate américaine.

 Natalie Jaresko a été naturalisée ukrainienne en décembre 2014 pour entrer au gouvernement. Elle a travaillé d'abord comme diplomate au State Departement, spécialisée dans les pays de l'Est, de 1989 à 1995 mais par la suite, elle a maintenu un lien fort avec le gouvernement américain puisqu'elle a pris la présidence du Western NIS Enterprise Fund (WNISEF), un fond d'investissement chargé d'investir de l'argent d'une agence d'état américaine (USAID) dans l'économie ukrainienne. Elle y restera jusqu'à sa prise de poste au gouvernement ukrainien (en plus du fonds d'investissement privé qu'elle dirigeait : Horizon Capital). C'est pas banal, non ?

Benoit Vitkine m'accuse de signaler que les nouveaux ministres de l'économie sont "pro-business". C'est pourtant de cette politique qu'ils se revendiquent : "agressivement pro-business", j'ai ça dans mes rushes. Et ça se traduit, par exemple, par une multiplication par 4 des prix du gaz. Entre autres. 

Rebardy m'accuse aussi d'être trop sévère avec Oleg Tiagnibok, le chef de Svoboda. Je dis de lui : "Historiquement, il appartient à la mouvance néo-nazie". Cet homme a maintes fois déclaré qu'il voulait débarrasser le pays de sa "mafia judéo-moscovite" il utilise assez souvent le terme de" youpin". Il a par ailleurs été le fondateur du parti social-national (ça vous rappelle quelque chose ?).

Autre critique, venue du blog militant euromaidan : j'ai donné la parole à Alexis Albou, un militant communiste d'Odessa qu'ils accusent d'être homophobe et rouge brun.

Pourquoi j'interroge Albou ? Pas sur ses opinions mais parce que j'ai découvert sur les images amateur sa présence dans le bâtiment d'Odessa, ce fameux 2 mai 2014. Et, je le rappelle, mon dispositif est de retrouver les gens qui sont sur les images et les faire commenter ce qu'on voit. J'essaye d'établir les faits. Et ce qui m'intéressait avec Albou, c'est qu'on le voit sortir intact de la maison des syndicats puis, peu après, à terre, très gravement blessé à la tête. Qu'est ce qui s'était passé entre les deux ?

Enfin Anna Colin-Lebedev a relevé une phrase écrite dans la présentation du site internet de Premières Lignes qui annonce mon documentaire : "Personne ne s'est vraiment demandé qui ils (les groupes paramilitaires nationalistes ukrainiens) étaient.". Cette phrase est bien évidemment factuellement fausse. Mais si elle a vu le film et écouté surtout, elle sait que cette phrase ne s'y trouve pas. Elle a été écrite pour "vendre" le film sur le site internet de la boite de production et on peut donc l'imputer à un marketing maladroit.

Ceci étant dit. Si on en reste au niveau de la perception publique globale, oui, il est clair que le grand public ne connait ni l'importance des groupes néo-nazis ukrainiens, ni l'existence du massacre d'Odessa. Et cela, parce que cette question a été sous-traitée (ce qui est différend de : pas traité du tout). On sait, un peu, que du côté russe, des nationalistes d'extrême droite sont allés combattre dans le Donbass. Mais moins de l'autre bord.

Pour conclure, j'invite tout le monde à regarder le film, lundi soir sur Canal Plus et de se faire son jugement sur pièces. Car, sur les réseaux sociaux, les gens qui m'insultent et me menacent sont précisément ceux qui n'ont pas vu le documentaire. Ils l'ont imaginé. La foi est une drogue puissante.

Paul Moreira, journaliste


Concernant cette polémique et les menaces à l'encontre du reportage,

L'article de RT  le lien : ICI
L'article de l'humanité, le lien : ICI

Olivier Berruyer vient à son tour de réagir sur son site incontournable "Crises.fr" dans un article intitulé :



Sources de l'article

- Site "Premières lignes" : ICI
- Site "Médiapart", le lien :  ICI ( critiques) et ICI (réponse aux critiques)
- Site "Les Crises.fr", le lien : ICI

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