La bataille de Severodonetsk, qui arrive dans son vingtième jour de combats urbains continue entre le centre ville et les quartiers Sud Est désormais conquis par les forces russes et la rive gauche de la Donets au pied de Lisichansk, où les dernières unités ukrainiennes sont concentrées autour de l'usine chimique "Azot".
J'entends des commentateurs comparer Severodonetsk à Marioupol, et même s'il y aurait pu y avoir une intention politique ukrainienne similaire (sacrifier sa garnison pour faire le buzz médiatique) la situation n'est pas comparable pour les principales raisons que :
- le bastion de Severodonetsk-Lisichansk n'est pas encore complétement encerclé,
- il reste une voie de ravitaillement pour acheminer logistique et renforts potentiels,
- la garnison de Lisichansk sur l'autre rive et domine de ses feux Severodonetsk,
Vue panoramique de Severodonetsk depuis les
hauteurs de Lisichansk (145m) pendant que les tirs
des artilleries russo-républicaines et ukrainiennes
appuient les combats dans les derniers quartiers
tenus et bordant la rivière Donets séparant les villes
Selon les informations croisées, il resterait environ 10 à 15 000 habitants sur les plus de 100 000 que comptait la ville l'année dernière, dont plusieurs centaines (entre 300 et 800 selon certaines sources) réfugiés (bloqués?) dans les abris soviétiques du Kombinat "Azot" cette grande usine chimique située dans l'Ouest de la ville.
Pour les ukrainiens,
La logique militaire que semble aujourd'hui accepter le pouvoir politique est d'ordonner un retrait des dernières unités de Severodonetsk vers Lisichansk pour renforcer sa garnison et sa ligne de défense orientale surplombant sur la rive droite de la Donets Severodonetsk et les forces russo-républicaines qui viennent de la libérer. Cela permettra de poursuivre une stratégie d'attrition.... jusqu'à ce que Lissitchansk subisse à son tour un blocus logistique et un encerclement offensif.
Selon les dernières informations militaires ce retrait ukrainien de Severodonetsk a commencé avec le mouvement vers Lisichansk de plusieurs unités dont les éléments de la 79e Brigade d'assaut par air et la 10 e brigade d'infanterie mécanisée qui étaient venus récemment en renfort Ce retrait est couvert par des combats d'arrière garde articulés autour de l'usine "Azot" la dernière place forte de la garnison ukrainienne dans la ville et qui probablement fera sauter les ponts lorsque sera achevée sa retraite.
Pour les russes et républicains,
Severodonetsk est la première victoire urbaine importante sur le territoire de la République Populaire de Lougansk (le reste du territoire libéré étant majoritairement agricole) et achève le contrôle par les forces alliés de la rive gauche de la rivière Donets.
Cependant le plus dur reste à faire, à savoir prendre le contrôle de Lisichansk ville disposant d'un bouclier collinaire face à Severodonetsk, d'une étendue et d'une garnison 3 fois plus importante. L'Etat Major russe va probablement chercher à encercler rapidement cette ville jumelle en franchissant la Donets au Nord, pour couper la dernière route de ravitaillement ukrainien passant par Siversk et au Sud pour remonter vers Lisichansk, une fois le petit chaudron de Zolotoe liquidé.
En attendant il faut que les forces russo-républicaines de Severodonetsk règlent urgemment le problème de l'artillerie ukrainiennes qui, des hauteurs de Lisichansk les bombarde continuellement. D'importants tirs de contre batterie russes ont d'ailleurs commencé le 7 juin sur les points de tirs ukrainiens repérés (et qui sont malheureusement au milieu des zones résidentielles).
Dans les derniers combats libérant Severodonetsk, les forces russes appuient par des bombardements soutenus et des reconnaissances offensives leur ligne offensive qui est confiée à des unités des 7e et 12e brigades républicaines de Lougansk et des unités de la127e division d'infanterie mécanisée russe notamment.
Une patrouille ukrainienne est détruite
dans une embuscade nocturne menée
par une groupe de reconnaissance russe
La situation des forces ukrainiennes de Severodonetsk est devenue critique et la fenêtre de leur évacuation vers Lisichantsk est même en train de se refermer suite aux assauts et bombardements russes qui rendent périlleux le passage de la rivière Donets comme on peut le constater sur cette vidéo récente du pont "Proletarsky" au Nord de la ville et qui est de plus en plus jonché de carcasses de véhicules ukrainiens détruits:
Autour de Severodonetsk
Au Sud, venant de du saillant de Popasnaya =, les forces russo-républicaines mènent leur offensive sur 3 axes principaux :
- A l'Ouest en direction de Artemovsk dont les ressources et systèmes de défenses sont activement bombardés. la ligne de front n'est plus qu'à 10 km des faubourgs de la ville.
- Au Nord en direction de Siversk pour couper les dernières voies logistiques entre Slaviansk / Kramatorsk / Konstantinovka à l'Ouest et Lisichansk / Severodonetsk à l'Est.
- Au Nord Est, pour liquider le petit chaudron de Zolotoe et faire ensuite la jonction avec les forces alliées au Sud-Est de Severodonetsk.
Sur le front Ouest de Popasnaya, un MI 8
russe détruit des véhicules blindés ukrainiens
A noter que sur le front au Nord de Slaviansk le secteur de Sviatogorsk a été conquis jusqu'à la rive gauche de la Donets sur laquelle une tête de pont serait en cours de réalisation à Tetianovka, soit à 20 km seulement de Slaviansk.
Le célèbre monastère de la Laure de Siatogorsk avec son église
du 16e siècle a malheureusement gravement souffert des combats
et des bombardements à l'entour. Si la version des propagandistes
pro-russes qui affirment une destruction ukrainienne intentionnelle
est possible car on connait des antécédents nationalistes d'attaques
sur des églises orthodoxes russes, celle des propagandistes ukrainiens
qui affirment quant à eux un bombardement russe intentionnel est juste
ridicule car la Laure est un haut lieu du patriarcat orthodoxe de Moscou.
Plus vraisemblablement il s'agit d'un dommage collatéral dramatique
Je reviendrai plus en détails sur ces mouvements opératifs russes dans un prochain SITREP sur ce front Nord Donbass.
Concernant les mercenaires de l'OTAN, de Géorgie and Co
Ils ont fait le buzz début juin ces mercenaires de la "Légion Internationale pour la Défense de l'Ukraine", portés au pinacle de la propagande de Kiev autant que sont ignorés par les autorités de Donetsk les volontaires étrangers venus dans le Donbass, mais aujourd'hui ils ne jouent plus les fiers à bras sur le terrain réel des combats, et il est probable que leur humiliation subie à Severodonetsk achève définitivement l'espérance kiévienne de voir affluer en Ukraine des brigades internationales pléthoriques et faiseuses de miracles..
Mercenaires géorgiens pris sous le feu continu
de l'artillerie russe dans le secteur de l'usine "Azot"
Encore des mercenaires géorgiens en mauvaise
posture dans un accrochage près de Borovskoe
dans la périphérie Sud de Severodonetsk.
Ailleurs, ces mercenaires de l'OTAN sont utilisés (et sacrifiés) pour tenter de freiner les progressions des russes et républicains le temps que les débris unités ukrainiennes puissent être évacués vers Lisichansk. Ainsi ceux de la Légion Internationale rattachés à la 79e Brigade qui opèrent autour des ponts encore praticables.
Ici une équipe mobile de mercenaires étasuniens
servant un mortier de M222 assisté par un drone
d'observation pour des tirs de barrage.
Cette vidéo propagande ukrainienne est intéressante car elle illustre l'évolution actuelle du champ de bataille où de plus en plus opèrent ce type de groupe mobile à vocation antichar et travaillant dans la troisième dimension offerte par des drones d'observation en dotation ou en connexion directes.
En conclusion
A Severodonetsk sonne le glas du corps de bataille ukrainien dans le Donbass qui désormais voit l'encerclement du coeur de son dispositif (Kramatorsk / Slaviansk) se profiler à l'horizon mais cette bataille marque aussi l'engagement augmenté et radical de l'OTAN dans ce conflit européen qui non seulement finance l'effort de guerre et équipe les forces ukrainiennes mais organise des unités de mercenaires occidentaux (et probablement les encadre) de plus en plus visibles sur le front :
A Severodonetsk, un groupe de mercenaires étasuniens
tente, à coups de M4, de NLAW et de jurons d'opposer
une résistance à un assaut russe vers la rivière Donets.
Entre les équipements offensifs et les mercenaires d'une OTAN de plus en plus co-belligérante, la question est de savoir jusqu'où peu aller la patience de Moscou avant que son Etat Major décide de frapper directement les bases arrières de cette ingérence militaire occidentale ainsi que leurs ressources aériennes renseignant l'Etat Major ukrainien.
D'ici là, le besoin d'une victoire militaire pour aborder les négociations diplomatiques potentielles en position favorable organisera probablement autour de la libération de Severodonetsk un tapage propagandiste logique et quelque part légitime, cependant il ne faut pas oublier que ce bastion ukrainien à l'Est de Kramatorsk ne sera vaincu qu'une fois Lisichansk libéré et pas avant. Et la position vulnérable de Severodonetsk sous les défenses d'une garnison de Lisichansk appuyée sur la rivière Donets ne permettra pas de faire une pause militaire comme celle qui a suivi la libération de Marioupol.
Si Kiev décide d'y maintenir sa garnison, a bataille de Lisichansk commencera dans les prochains jours, plus longue et plus violente.
Erwan Castel
Malheureusement, comme dans toute bataille urbaine, les infrastructures civiles
ne peuvent pas échapper aux destructions des combats et bombardements et le
martyr de Severodonetsk risque fort de continuer pendant le siège de Lisichansk
Un quartier de Severodonetsk avant et après le début du mois de juin
Pour rappel de l'évolution de la bataille de Severodonetsk, voici les précédents SITREP la concernant publiés ici :