A la mémoire des volontaires tombés au combat
"Vov populi vox dei" dit-on et ce 26 mai, jour anniversaire du premier bombardement aérien de Donetsk, même si il n'est pas encore officialisé en tant que tel a été choisi par le peuple russe pour honorer la mémoire des volontaires morts au combat.
Depuis mon engagement sur le front du Donbass, début février 2015, de nombreux camarades des unités où j'ai servi ont disparu au combat (17 au minimum), emportés par des mines, des bombardements ou des balles ennemies, et nombre de leurs morts a été cachée par une propagande de guerre certes louable mais dont la logique désuéte, dont je conteste l'éthique et l'efficacité, est non seulement inadaptée à notre époque d'hyper communication mais devient même contre productive.
Dès l'Antiquité, un certain nombre d'auteurs, de philosophes, de militaires ou de politiciens commentant les conflits qui rythment la marche de l'Histoire ont décrit leurss différentes catégories de combattants, soldats de métier, conscrits, auxilliaires, rebelles, mercenaires ou volontaires. Et il y a encore plus de motivations qui poussent un homme à prendre les armes et risquer sa vie dans une guerre: obéissance, intérêt personnel, acte politique, aventure militaire...
Mais au milieu de cette sociologie du combattant, la figure du "volontaire" et qui est proche de celle du rebelle jungérien est certainement comme cette dernière à mettre à part, car toutes les deux se moquent des conventions habituelles qui accompagnent habituellement l'engagement armé comme par exemple l'appartenance citoyenne au pays défendu, la rémunération du service rendu, le carriérisme, l'intéressement ou le lien personnel avec la population ou la terre pour qui le volontaire sacrifie tout y compris parfois sa propre vie physique.
Combien de volontaires sont tombés entre Donetsk et Lugansk depuis 5 ans de guerre dans le Donbass ? nul ne le sais et probablement ne le saura exactement; mais on peut aujourd'hui et sans conteste avancer une estimation de 10 à 15 000 tués dont beaucoup ont échappé aux statistiques, eu égard à l'anarchie administrative inévitable des premiers groupes d'autodéfense bousculés par les combats de 2014 et aux pratiques d'occultation des pertes qui est en cours ici comme dans dans la plupart des guerres et conflits inachevés. Mais quasiment chaque jour, et ce malgré un cessez le feu "officiellement" en vigueur depuis février 2015, la terre noire du Donbass s'ouvre à l'ombre des cimetières pour accueillir les dépouilles de ces hommes et ce femmes qu'on appelle "volontaires".
Hommage avec son père à un camarade de notre unité tué au combat en décembre 2017 et enterré auprès de son frère également tué sur le front un an plus tôt . |
La figure du volontaire
C'est vers Léon Tolstoï, cet auteur russe emblématique de la culture russe que se porte aujourd'hui mon choix référentiel pour commenter ce statut de "volontaire" (que je préfère à celui de "milicien" en usage localement, mais qui dans l'Histoire contemporaine française est négativement chargé par le collaborationnisme de Vichy).
Et cette vision de Tolstoï est très importante car à travers son oeuvre cet auteur a su traduire par le romanesque cette vision philosophique slave qui façonne depuis des siècles l'Histoire de la Russie, qu'elle soit impériale, soviétique ou fédérale et qui n'est pas étrangère à la dynamique du volontariat international observé dans le Donbass.
C'est principalement dans le roman-charnière de son oeuvre "Anna Karénine", que Léon Tolstoï, avec en toile de fond la guerre serbo-turque de 1886-1887, aborde via une polémique entre les personnages Koznychev et Levine, les motivations ontologiques du volontaire de guerre. J'ai partagé en annexe de cet article l'extrait en question (Volume 2, chapitres 15 et 16), très intéressant et surtout toujours d'actualité, même s'il est difficile de l'aborder sans connaître l'histoire de ce roman philosophique dont tous les personnages sont animés par des questions existentielles et certainement autobiographiques de cet auteur au faîte de sa maturité littéraire et humaine et tourmenté par la Mort.
C'est principalement dans le roman-charnière de son oeuvre "Anna Karénine", que Léon Tolstoï, avec en toile de fond la guerre serbo-turque de 1886-1887, aborde via une polémique entre les personnages Koznychev et Levine, les motivations ontologiques du volontaire de guerre. J'ai partagé en annexe de cet article l'extrait en question (Volume 2, chapitres 15 et 16), très intéressant et surtout toujours d'actualité, même s'il est difficile de l'aborder sans connaître l'histoire de ce roman philosophique dont tous les personnages sont animés par des questions existentielles et certainement autobiographiques de cet auteur au faîte de sa maturité littéraire et humaine et tourmenté par la Mort.
En fait, l'approche du terme "volontaire" et de sa fonction guerrière réalisée ici par Léon Tolstoï s'inscrit dans la quête du sens de l'existence qu'il partage et que de nombreux volontaires cherchent à donner à leur engagement armé et dont les caractéristiques suivantes sont abordées (extraits de Anna Karénine en gras):
- La dimension humanitaire, qui mène les volontaires à prendre les armes même si "personne n’a déclaré la guerre, mais, touchés des souffrances de nos frères, nous cherchons à leur venir en aide".
- La décision intime et individuelle qui pousse "sans y être autorisés par le gouvernement, des particuliers osent prendre part à une guerre" à se mettre au service d'une cause collective et d'un combat commun.
Rapidement Tolstoï aborde le thème du "sens commun" populaire, cette "common decency" orwellienne, et qui peut pousser les individus à se révolter "instinctivement" face à une injustice ou un danger collectif,
- Et cette dynamique est rebelle et peut s'exprimer et s'organiser si nécessaire en dehors du cadre étatique réglementaire, car "lorsqu’un gouvernement ne comprend pas la volonté des citoyens, la société impose la sienne"
- Une prise de conscience identitaire qui précède l'engagement et qui est a rattacher à cet "inconscient collecti" décrit par Jung, et qu' "un peuple ne saurait ignorer sa destinée; il en a l’intuition, et dans des moments comme ceux-ci il le témoigne"
A ce stade de la réflexion narrative, il apparait même que la souveraineté du peuple s'engageant volontairement dans le combat est supérieure à celle de l'autorité politique, fut-elle celle d'un tsar tout puissant. Ce qui n'est pas sans rappeler l'attitude paternaliste de Moscou vis à vis de la Rébellion du Donbass qu'elle n'a pourtant pas initié.
- Le pouvoir doit accompagner son peuple lorsqu'il voit "des hommes par centaines abandonner ce qu’ils possèdent, sacrifier leurs derniers sous, s’engager eux mêmes, et accourir de tous les coins de la Russie pour le même motif".
- Il se forme alors une "union sacrée" authentiquedans le combat car "il n’y a plus de divergence d’opinions, tous les organes sociaux s’expriment de même, tous ont compris la force élémentaire qui donne à la nation son impulsion !"
Finalement Tolstoï à travers cette "dispute " de son roman, conclut que "les membres d’une société ont tous un devoir à remplir, et les hommes qui réfléchissent accomplissent le leur en donnant une expression à l’opinion publique.", et que les volontaires "ne sont pas des aventuriers qui se consacrent à cette œuvre, mais les dignes représentants de la nation".
Ainsi la figure du volontaire militaire qui surgit au moment de la guerre, ce pire moment vécu dans l'Histoire d'une nation mais qui est aussi le plus grand libérateur de cet inconscient collectif supra communautaire qui fonde une identité collective profonde; exprime bien cette relation sacrificielle à une terre, un peuple et/ou un idéal dont les valeurs les valeurs sont véhiculées et incarnées par ses traditions.
Il s'agit maintenant de recontextualiser ces réflexions du roman philosophique de Tolstoï à cette guerre du Donbass qui depuis 5 ans passés maintenant attire des milliers de volontaires à venir défendre sa population, sa terre et à travers elles des valeurs civilisationnelles pour lesquels nombre d'entre eux y ont laissé leurs vies.
Lorsque je demandais à une amie en 2016 comment définissait-elle son appartenance identitaire dans cette république de Donetsk, "séparatiste" et coincée entre l'Ukraine et la Russie, elle m'a répondu alors sans l'ombre d'une hésitation : "je suis soviétique", et les explications sociétales données ensuite m'ont révélé que cette identité revendiquée, tout comme d'ailleurs ses frontières était plus idéologique que politique.
Et sur le front de cette guerre, tandis qu'un ethnocentrisme russophobe mis au pouvoir à Kiev par une hégémonie occidentale dont Kiev se prétend être le fer de lance, un suprémacisme bandériste terrorise la population du Donbass, des volontaires accourent de tous les horizons jusqu'aux aux avants postes des Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk, pour mener un combat supra communautariste au service de traditions et libertés locales.
Asiatiques du Kamchataka, musulmans du Caucase, orthodoxes de Russie, communistes, monarchistes, anarchistes etc... des milliers de volontaires internationaux sont venus à leur frais (et pour un salaire de misère) dans le Donbass, défendre non seulement sa population mais également cette destinée commune et cette relation charnelle qui unit entre eux les peuples de la grande Russie aux identités ethniques, culturelles, religieuses pourtant très différentes.
Cette relation souveraine au Monde russe, dont les volontariats vers cette région aux confins de l'Occident et l'Eurasie démontrent qu'elle n'est pas le narratif hors sol d'une imagination propagandiste mais bien la réalité d'une relation charnelle individuelle avec une identité supra communautaire, est certainement à rapprocher de la définition antique de la relation du citoyen à l'Empire. Et même si dans la réalité historique de ses applications politques l'esprit de cette "civitas imperium" fut souvent trahi, il reste cependant l'essence ontologique de tout les systèmes fédéralistes, et en particulier de la Russie qui a su en conserver les principes à travers les métamorphoses systémiques de son Histoire.
C'est cette "unité dans la diversité", qui aujourd'hui est toujours vécue naturellement par les citoyens de "cet immense pays où le soleil ne se couche jamais" (11 fuseaux horaires), que viennent défendre les volontaires de tous ses horizons si différents mais unis entre eux par un authentique patriotisme supra communautaire, d'autant plus fort qu'il est fondé sur le respect de la diversité identitaire (ethnique, culturelle, religieuse etc) du monde russe.
Voilà pourquoi je trouve également incongru (doux euphémisme) de voir venir dans le Donbass certains "volontaires", certes parfois sincères dans leurs engagements mais toujours infectés par le virus d'une pensée unique occidentale dont le suprémacisme idéologique communautariste (par exemple raciste, catholique, centraliste, etc) est radicalement en opposition avec l'idéal d'un monde multipolaire qui est défendu ici.
Quant aux vautours calomniateurs et autres courtisans à breloques qui viennent ramper dans les alcôves ministérielles de Donetsk dans le seul but d'engraisser leurs réseaux affairistes et/ou narcissismes immatures, ils ne sont qu'insectes méprisables venant surfer sur la souffrance médiatisée de sa population. Et derrière le rideau de fumée de discours propagandistes gratuits, leur "volontariat" civil n'est de facto qu'une hérésie nuisible à la cause commune.
Aujourd'hui les volontaires du Donbass sont à la fois une force morale et les gardiens de l'essence même qui a fait naître en 2014 ce "printemps russe" aux confins occidentaux d'un empire millénaire menacé par l'hégémonie occidentale.
L'identité exprimée du volontaire du Donbass n'est pas ici communautariste ou politique, elle est humaniste et militaire, renouant par là avec les anciennes traditions des chevaleries antiques et médiévales qui, en se mettant au service des populations menacées signifaient les valeurs à défendre et incarnaient les devoirs à accomplir. Et chacun des volontaires tués au combat scelle par son sacrifice cette relation sacrée entre le citoyen et l'empire qui est chargé de protéger les libertés de tous ses peuples constitutifs.
Et pour illustrer cette légitimité populaire du volontaire coopté
dans une reconnaissance ascendante par le peuple qu'il vient
défendre, voici une vidéo d'archive datant du 25 mai 2014, lorsque
le bataillon d'autodéfense de Donetsk "Vostok" se déploie au Nord
de la ville, sous les vivats de la population venue à sa rencontre.
La notion d'empire
Il s'agit maintenant de recontextualiser ces réflexions du roman philosophique de Tolstoï à cette guerre du Donbass qui depuis 5 ans passés maintenant attire des milliers de volontaires à venir défendre sa population, sa terre et à travers elles des valeurs civilisationnelles pour lesquels nombre d'entre eux y ont laissé leurs vies.
Lorsque je demandais à une amie en 2016 comment définissait-elle son appartenance identitaire dans cette république de Donetsk, "séparatiste" et coincée entre l'Ukraine et la Russie, elle m'a répondu alors sans l'ombre d'une hésitation : "je suis soviétique", et les explications sociétales données ensuite m'ont révélé que cette identité revendiquée, tout comme d'ailleurs ses frontières était plus idéologique que politique.
Et sur le front de cette guerre, tandis qu'un ethnocentrisme russophobe mis au pouvoir à Kiev par une hégémonie occidentale dont Kiev se prétend être le fer de lance, un suprémacisme bandériste terrorise la population du Donbass, des volontaires accourent de tous les horizons jusqu'aux aux avants postes des Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk, pour mener un combat supra communautariste au service de traditions et libertés locales.
Asiatiques du Kamchataka, musulmans du Caucase, orthodoxes de Russie, communistes, monarchistes, anarchistes etc... des milliers de volontaires internationaux sont venus à leur frais (et pour un salaire de misère) dans le Donbass, défendre non seulement sa population mais également cette destinée commune et cette relation charnelle qui unit entre eux les peuples de la grande Russie aux identités ethniques, culturelles, religieuses pourtant très différentes.
Cette relation souveraine au Monde russe, dont les volontariats vers cette région aux confins de l'Occident et l'Eurasie démontrent qu'elle n'est pas le narratif hors sol d'une imagination propagandiste mais bien la réalité d'une relation charnelle individuelle avec une identité supra communautaire, est certainement à rapprocher de la définition antique de la relation du citoyen à l'Empire. Et même si dans la réalité historique de ses applications politques l'esprit de cette "civitas imperium" fut souvent trahi, il reste cependant l'essence ontologique de tout les systèmes fédéralistes, et en particulier de la Russie qui a su en conserver les principes à travers les métamorphoses systémiques de son Histoire.
C'est cette "unité dans la diversité", qui aujourd'hui est toujours vécue naturellement par les citoyens de "cet immense pays où le soleil ne se couche jamais" (11 fuseaux horaires), que viennent défendre les volontaires de tous ses horizons si différents mais unis entre eux par un authentique patriotisme supra communautaire, d'autant plus fort qu'il est fondé sur le respect de la diversité identitaire (ethnique, culturelle, religieuse etc) du monde russe.
Voilà pourquoi je trouve également incongru (doux euphémisme) de voir venir dans le Donbass certains "volontaires", certes parfois sincères dans leurs engagements mais toujours infectés par le virus d'une pensée unique occidentale dont le suprémacisme idéologique communautariste (par exemple raciste, catholique, centraliste, etc) est radicalement en opposition avec l'idéal d'un monde multipolaire qui est défendu ici.
Quant aux vautours calomniateurs et autres courtisans à breloques qui viennent ramper dans les alcôves ministérielles de Donetsk dans le seul but d'engraisser leurs réseaux affairistes et/ou narcissismes immatures, ils ne sont qu'insectes méprisables venant surfer sur la souffrance médiatisée de sa population. Et derrière le rideau de fumée de discours propagandistes gratuits, leur "volontariat" civil n'est de facto qu'une hérésie nuisible à la cause commune.
Peinture Alexeï Kryukov |
L'identité exprimée du volontaire du Donbass n'est pas ici communautariste ou politique, elle est humaniste et militaire, renouant par là avec les anciennes traditions des chevaleries antiques et médiévales qui, en se mettant au service des populations menacées signifaient les valeurs à défendre et incarnaient les devoirs à accomplir. Et chacun des volontaires tués au combat scelle par son sacrifice cette relation sacrée entre le citoyen et l'empire qui est chargé de protéger les libertés de tous ses peuples constitutifs.
En revenant d'une de ses innombrables tournées sur le front du Donbass,
la chanteuse rock Yulia Chicherina a réalisé ce clip "Volontaires"
dans lequel où nous revoyons Mamaï le commandeur de Piatnashka
mort au combat le 17 mai 2018, mais aussi Motorola et Givi qui
eux aussi comme tous les camarades connus et inconnus
tombés sur le front et restent à jamais dans nos coeurs...
"Terroristes", "mercenaires" ou "volontaires" ?
Et pour celles et ceux, fidèles et stupides chiens de garde de la propagande occidentale qui voudraient qualifier les volontaires du Donbass de "mercenaires" quand ce n'est pas de "terroristes" (demande ukrainienne de qualification des milices de Donetsk et Lugansk mais que l'ONU a refusé en 2014), voici en rappel d'un article précédent consacré à un Torquemada de la bien pensance les différences essentielles existantes entre un "dobravolné" et un "soldier of fortune" :
"Un mercenaire est un combattant étranger aux parties en conflit, "spécialement recruté dans le pays ou à l'étranger" et qui "prend une part directe aux hostilités". Ce combattant doit également avoir un "avantage personnel" à participer à ce conflit, qui doit prendre la forme d'une rémunération "nettement supérieure à celle de ses homologues de l'armée régulière"
Cette définition n'est pas plus de moi que de Wikipédia où je l'ai trouvé, elle est tirée du "Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I), 8 juin 1977. Méthodes et moyens de guerre; statut de combattant et de prisonnier de guerre #Section II : Statut de combattant et de prisonnier de guerre"[archive], Comité international de la Croix-Rouge, 8 juin 1977 (consulté le 29 juillet 2010)
Examinons donc ce texte du Comité internationale de la Croix Rouge qui malgré sa couleur n'est pas me semble t-il l'émanation d'une doxa soviétique ayant survécu à l'effondrement de l'URSS ! :
Article 47 [ le lien ici ] - Mercenaires
1. Un mercenaire n'a pas droit au statut de combattant ou de prisonnier de guerre.
- Ce point est peut-être le plus intéeressant car il expliqu pourquoi les volontaires étrangers dans le Donbass sont souvent qualifiés par la partie ukrainienne (qui n'a pas obtenu pour les républiques la qualification de "terroristes" par l'ONU ) de "mercenaires". En effet les conséquennces juridiques lié au statut de "mercenaires" restreignant considérablement les droits des intéressés, Kiev cherche ainsi à les palcer hors du cadre des accords de Minsk qui prévoit une amnistie et pas seulemant pour la poignée d'occidentaux venus dans le Donbass mais aussi pour les russes, les serbes, les ossètes, les abkhazes etc et qui sont pléthore depuis 2014.
2. Le terme «mercenaire» s'entend de toute personne :
a) qui est spécialement recrutée dans le pays ou à l'étranger pour combattre dans un conflit armé ;
- Ici il n'y a aucun "réseau de recrutement" organisé recrutant et accompagnant les volontaires venant combattre dans le Donbass. Au contraire il s'avère que pour les occidentaux, c'est plutôt "la croix et la bannière" pour arriver jusqu'à Donetsk et ensuite trouver un bataillon. et seules des cooptations individuelles et des infos directes et personnelles permettent aux intéressés de faire le trajet jusqu'à Donetsk et Lugansk, et à leurs frais. Ceci expliquant entre autres les faibles effectifs observés des occidentaux ainsi que les très nombreux cas de refoulement à la frontière russe pour ceux qui n'ont ni visa double entrée ni contact sur place.
b) qui en fait prend une part directe aux hostilités ;
- Sur ce point de la participation aux hostilités, d'accord, en notant toutefois que la dimension médiatique des volontaires occidentaux a souvent incité dans les premiers temps de la guerre les autorité locales à ne pas exposer trop dangereusement ces étrangers particuliers pour éviter l'exploitation diplomatico-juridique qu'aurait immanquablement provoqué leur mort au combat (voir l'exemple des djihadistes étrangers tués ou capturés en Syrie par exemple)
c) qui prend part aux hostilités essentiellement en vue d'obtenir un avantage personnel et à laquelle est effectivement promise, par une Partie au conflit ou en son nom, une rémunération matérielle nettement supérieure à celle qui est promise ou payée à des combattants ayant un rang et une fonction analogues dans les forces armées de cette Partie;
- Après être arrivé à Donetsk au début de l'année 2015, je me suis engagé dans la milice républicaine, sans intégration administrative et sans salaire, en tant que volontaire. Puis ce fut à partir de mars 2015 au sein du 4ème bataillon de la "Garde Républicaine" où, avec d'autres français après avoir servi bénévolement plusieurs mois nous avons perçu notre première solde de 2000 hryvnias (un peu plus de 50 euros). Au fil des mois et des mutations mon salaire mensuel a augmenté jusqu'à la barre actuelle des 15000 roubles (200 euros), ce qui correspond sans aucune prime spéciale au même salaire en vigueur dans l'armée républicaine. Personnellement je n'appelle cela (pour l'avoir vécu dans le passé) une rénumération de "mercenaire".
d) qui n'est ni ressortissant d'une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit ;
- Sur ce point particulier, je dirai oui et non, car si les volontaires occidentaux arrivent effectivement dans le Donbass en tant que ressortissants étrangers, en revanche (pour ceux qui ne sont pas venus y faire des safaris-selfies) une normalisation administrative est engagée pour ceux qui s'intégrent et s'inscrivent dans la durée : livret militaire, certificat de résidence et passeport national. Le volontaire devient alors un citoyen à part entière de la République où il vit et travaille.
e) qui n'est pas membre des forces armées d'une Partie au conflit;
- Les volontaires étrangers dans le Donbass sont intégrés et dispersés individuellement dans les unités régulières du Corps de la milice ou du Ministère de l'Intérieur des républiques de Donetsk et Lugansk. Il n'y a pas dans le Donbass indépendant des Sociétés Militaires Privées style "Blackwater" comme il en existe du côté de Kiev, où d'unités spécialisées dans l'accueil des volontaires étrangers comme les bataillons spéciaux autonomes ukrainiens, par exemple.
f) qui n'a pas été envoyée par un Etat autre qu'une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit Etat.
- Non, le volontariat dans le Donbass est une décision individuelle personnelle qui ne correspond aucunement à une politique étatique et pour parler de la Russie qui est accusée d'organiser ce "mercenariat" dans le Donbass, il suffirt de regarder pour s'en convaincre le nombre de faits de justice où les tribunaux russes renvoient en Ukraine des anciens miliciens en situation irrégulière (ce que je trouve scandaleux eu égard aux risques mortels qui les attendent dans les prisons ukrainiennes) . Et pour ne parler que des volontaires français étant venus dans le Donbass, parmi ceux qui sont repartis en France via la Russie après expiration de leur visa d'entrée initial, ils ont écopé après leurs interpellations d'une amende, d'une expulsion juridique, d'une interdiction de territoire de 5 ans et même pour certains d'une peine d'emprisonnement à Rostov de plusieurs mois. On ne peut pas vraiment pas parler ici de réseau du Kremlin en soutien aux défenseurs du Donbass ! (depuis une procédure a été organisée aux ministères des affaires étrangères de Donetsk et Lugansk pour demander sur place un visa de transit auprès des services consulaires de Rostov)
Donc en conclusion, toute tentative de nous qualifier, les volontaires engagés sur le front du Donbass de "terroristes" et même de "mercenaires" relève d'une malhonnêteté intellectuelle flagrante visant à diaboliser notre statut afin de nous retirer tous les droits inhérents aux combattants réguliers engagés dans des conflits armés et de pouvoir le cas échéant les condamner lourdement au titre d'un terrorisme inversé.
Erwan Castel
Annexe :
Anna Karenine tome 2 - Léon Tolstoï
Voici l'extrait cité plus haut du roman culte de Tolstoï "Anna Karénine" mis en avant par Mikhaïl Roustalin sur les réseaux sociaux à l'occasion de cette journée du 26 mai, et qui est une polémique opposant les personnages Koznychev à Levine autour des motivations qui poussent des hommes à se porter volontaires dans la guerre serbo-turque de 1886-1887. Les arguments philosophique avancés ici rendent ce texte intemporel et transposable aisément aux événements contemporains qui nous intéressent.
Chapitre XV
« Sais-tu, Kostia, avec qui Serge Ivanitch vient de voyager ? dit Dolly après avoir donné à chacun de ses enfants sa part de concombres et de miel. Avec Wronsky : il se rend en Serbie.
– Il n’y va pas seul, il y mène à ses frais tout un escadron, ajouta Katavasof.
– Voilà qui lui convient ! répondit Levine. Mais expédiez-vous encore des volontaires ? » ajouta-t-il en regardant son frère.
Serge Ivanitch, occupé à dégager une abeille prise dans du miel au fond d’une tasse, ne répondit pas.
« Comment, si nous en expédions ! s’écria Katavasof mordant au concombre ; si vous nous aviez vus hier !
– Je vous en supplie, expliquez-moi où vont tous ces héros, et contre qui ils guerroient ! demanda le vieux prince en s’adressant à Kosnichef.
– Contre les Turcs, répondit celui-ci souriant tranquillement et remettant sur ses pattes son abeille délivrée.
– Mais qui donc a déclaré la guerre aux Turcs ? Seraient-ce la comtesse Lydie et Mme Stahl ?
– Personne n’a déclaré la guerre, mais, touchés des souffrances de nos frères, nous cherchons à leur venir en aide.
– Ce n’est pas là ce qui étonne le prince, dit Levine en prenant le parti de son beau-père, mais il trouve étrange que, sans y être autorisés par le gouvernement, des particuliers osent prendre part à une guerre.
– Pourquoi des particuliers n’auraient ils pas ce droit ? Expliquez-nous votre théorie, demanda Katavasof.
– Ma théorie, la voici : faire la guerre est si terrible qu’aucun homme, sans parler ici de chrétiens, n’a le droit d’assumer la responsabilité de la déclarer ; cette tache incombe aux gouvernements ; les citoyens doivent même renoncer à toute volonté personnelle lorsqu’une déclaration de guerre devient inévitable. Le bon sens suffit en dehors de toute science politique, pour indiquer que c’est là exclusivement une question d’État. »
Serge Ivanitch et Katavasof avaient des réponses toutes prêtes.
« C’est ce qui vous trompe, dit d’abord ce dernier : lorsqu’un gouvernement ne comprend pas la volonté des citoyens, la société impose la sienne.
– Tu n’expliques pas suffisamment le cas, interrompit Serge Ivanitch en fronçant le sourcil. Ici il ne s’agit pas d’une déclaration de guerre, mais d’une démonstration de sympathie humaine, chrétienne. On assassine nos frères, et non seulement des hommes, mais des femmes, des enfants, des vieillards ; le peuple russe révolté vole à leur aide pour arrêter ces horreurs. Suppose que tu voies un ivrogne battre une créature sans défense dans la rue : demanderas-tu si la guerre est déclarée pour lui porter secours ?
– Non, mais je n’assassinerais pas à mon tour.
– Tu irais jusque-là.
– Je n’en sais rien, peut-être tuerais-je dans l’entraînement du moment ; mais dans le cas présent je ne vois pas d’entraînement.
– Tu n’en vois peut-être pas, mais tout le monde ne pense pas de même, repartit Serge Ivanitch mécontent : le peuple conserve la tradition des frères orthodoxes qui gémissent sous le joug de l’infidèle, et il s’est réveillé.
– C’est possible, répondit Levine sur un ton conciliant, seulement je n’aperçois rien de semblable, autour de moi. Je n’éprouve rien de pareil non plus, quoique je fasse partie du peuple.
– J’en dirais autant, fit le vieux prince. Ce sont les journaux que j’ai lus à l’étranger qui m’ont révélé l’amour subit de la Russie entière pour les frères slaves, jamais je ne m’en étais douté car jamais ils ne m’ont inspiré la moindre tendresse. À dire vrai, je me suis tout d’abord inquiété de mon indifférence, et l’ai attribuée aux eaux de Carlsbad, mais depuis mon retour je vois que je ne suis pas seul de mon espèce.
– Les opinions personnelles sont de peu d’importance quand la Russie entière se prononce.
– Mais le peuple ne sait rien du tout.
– Si papa, – interrompit Dolly, occupée jusque-là de son petit monde, auquel le vieux gardien des abeilles prenait un vif intérêt. – Vous rappelez-vous, dimanche, à l’église ?
– Eh bien ? que s’est-il passé à l’église ? Les prêtres ont ordre de lire au peuple un papier auquel personne ne comprend un mot. Si les paysans soupirent pendant la lecture, c’est qu’ils se croient au sermon, et s’ils donnent leurs kopeks, c’est qu’ils s’imaginent qu’on leur parle de sauver des âmes. Mais comment ? c’est ce qu’ils ignorent.
– Le peuple ne saurait ignorer sa destinée ; il en a l’intuition, et dans des moments comme ceux-ci il le témoigne », dit Serge Ivanitch fixant avec assurance les yeux sur le vieux garde debout au milieu d’eux, une jatte de miel à la main, et regardant ses maîtres d’un air doux et tranquille, sans rien comprendre à leur conversation. Il se crut cependant obligé de hocher la tête en se voyant observé, et de dire :
« C’est comme cela, bien sûr.
– Interrogez-le, dit Levine, vous verrez où il en est. As-tu entendu parler de la guerre, Michel ? demanda-t-il au vieillard ; tu sais, ce qu’on vous a lu dimanche à l’église ? Faut-il nous battre pour les chrétiens ? qu’en penses-tu ?
– Qu’avons-nous à penser ? Notre empereur Alexandre Nicolaevitch pensera pour nous ; il sait ce qu’il doit faire. Faut-il apporter encore du pain ? demanda-t-il en se tournant vers Dolly pour lui montrer Grisha qui dévorait une croûte.
– Qu’avons-nous affaire de l’interroger, dit Serge Ivanitch, quand nous voyons des hommes par centaines abandonner ce qu’ils possèdent, sacrifier leurs derniers sous, s’engager eux mêmes, et accourir de tous les coins de la Russie pour le même motif ? Me diras-tu que cela ne signifie rien ?
– Cela signifie, selon moi, que sur quatre vingts millions d’hommes il s’en trouvera toujours des centaines, et même des milliers, qui, n’étant bons à rien pour une vie régulière, se jetteront dans la première aventure venue, qu’il s’agisse de suivre Pougatchef ou d’aller en Serbie, dit Levine en s’échauffant.
– Ce ne sont pas des aventuriers qui se consacrent à cette œuvre, mais les dignes représentants de la nation, s’écria Serge Ivanitch avec susceptibilité, comme s’il s’agissait d’une question personnelle Et les dons ? N’est-ce pas aussi une façon pour le peuple de témoigner sa volonté ?
– C’est si vague le mot peuple ! Peut-être un sur mille parmi les paysans comprend-il, mais le reste des quatre-vingts millions fait comme Michel, et non seulement ils ne témoignent pas leur volonté, mais ils n’ont pas la plus légère notion de ce qu’ils pourraient avoir à témoigner. Qu’appellerons-nous donc le vœu du peuple ? »
Chapitre XVI
Serge Ivanitch, habile en dialectique, aborda un autre côté de la question.
« Il est évident que, ne possédant pas le suffrage universel, nous ne saurions obtenir l’opinion de la nation par voie arithmétique ; mais il y a d’autres moyens de la connaître. Je ne dis rien de ces courants souterrains qui ont ébranlé la masse du peuple, mais en considérant la société dans un sens plus restreint : vois, dans la classe intelligente, combien sur ce terrain les partis les plus hostiles se fondent en un seul ! Il n’y a plus de divergence d’opinions, tous les organes sociaux s’expriment de même, tous ont compris la force élémentaire qui donne à la nation son impulsion !
– Que les journaux disent tous la même chose, c’est vrai, dit le vieux prince, mais les grenouilles, aussi, savent crier avant l’orage.
– Je ne sais ce que la presse a de commun avec des grenouilles, et ne m’en fais pas le défenseur; je parle de l’unanimité d’opinion dans le monde intelligent.
– Cette unanimité a sa raison d’être, interrompit le vieux prince. Voilà mon cher gendre, Stépane Arcadiévitch, que l’on nomme membre d’une commission quelconque, avec huit mille roubles d’appointements et rien à faire, – ce n’est un secret pour personne, Dolly, – croyezvous, et c’est un homme de bonne foi, qu’il ne parvienne pas à prouver que la société ne saurait se passer de cette place ? Les journaux en font autant ; la guerre doublant la vente des feuilles publiques, ils vous soutiendront la question slave et l’instinct national.
– Vous êtes injuste.
– Alphonse Kerr était dans le vrai lorsqu’avant la guerre de France il proposait aux partisans de la guerre de faire partie de l’avant-garde et d’essuyer le premier feu.
– Nos rédacteurs auraient là du plaisir, dit en riant Katavasof.
– Mais leur fuite gênerait les autres, fit Dolly.
– Rien n’empêcherait de les ramener au feu à coups de fouet, reprit le prince.
– Ceci n’est qu’une plaisanterie d’un goût douteux, mais l’unanimité de la presse est un symptôme heureux qu’il faut constater ; les membres d’une société ont tous un devoir à remplir, et les hommes qui réfléchissent accomplissent le leur en donnant une expression à l’opinion publique. Il y a vingt ans, tout le monde se serait tu ; aujourd’hui, la voix du peuple russe, demandant à venger ses frères, se fait entendre ; c’est un grand pas d’accompli, une preuve de force.
– Le peuple est certainement prêt à bien des sacrifices quand il s’agit de son âme, mais il est question ici de tuer les Turcs ! dit Levine, rattachant involontairement cet entretien à celui du matin.
– Qu’appelez-vous son âme ? Pour un naturaliste, c’est un terme vague. Qu’est-ce que l’âme ? demanda Katavasof en souriant.
– Vous le savez bien.
– Parole d’honneur, je ne m’en doute pas, reprit le professeur en riant aux éclats.
– « Je n’apporte pas la paix, mais le glaive », a dit Notre-Seigneur, fit Serge Ivanitch, citant un mot de l’Évangile qui avait toujours troublé Levine.
– C’est comme cela, c’est vrai, répéta le vieux gardien toujours debout au milieu d’eux, et répondant à un regard jeté sur lui par hasard.
– Allons, vous êtes battu, mon petit père », s’écria gaiement Katavasof.
Levine rougit, non de se sentir battu, mais d’avoir encore cédé au besoin de discuter. Convaincre Serge Ivanitch était impossible, se laisser convaincre par lui l’était tout autant. Comment admettre le droit que s’arrogeait une poignée d’hommes, son frère parmi eux, de représenter avec les journaux la volonté de la nation, alors que cette volonté exprimait vengeance et assassinat, et lorsque toute leur certitude s’appuyait sur les récits suspects de quelques centaines de mauvais sujets en quête d’aventures ? Rien ne confirmait pour lui ces assertions ; jamais le peuple ne considérerait la guerre comme un bienfait, quelque but qu’on se proposât. Si l’opinion publique passait pour infaillible, pourquoi la Révolution et la Commune ne deviendraient-elles pas aussi légitimes que la guerre au profit des Slaves ?
Levine aurait voulu exprimer ces pensées, mais il songea que la discussion irriterait son frère, et qu’elle n’aboutirait à rien ; il attira donc l’attention de ses hôtes sur la pluie qui les menaçait."