Une zone "neutre" plutôt noire !
Depuis plus de 2 ans je rends compte régulièrement des "sauts de crapauds" réalisés par l'armée ukrainienne dans la zone neutre dite "grise" située entre les 2 lignes de tranchées et positions des belligérants et qui est sensée restée une zone démilitarisée et d'une largeur minimale de 2 km telle que définie par le protocole des accords de Minsk.
Or depuis que mars 2016 et leur poussée offensive dans la zone industrielle située entre Yasinovataya et Avdeevka (Nord de Donetsk), les forces armées ukrainiennes ont multipliées cette tactique qu'ils nomment eux mêmes "saut de crapaud" et qui consiste à prendre le contrôle de cette zone neutre dite "grise".
Certes le tracé du front ne bouge pas MAIS les comportements et les déploiements sont bousculés par une telle tactique car elle crée des "zones de contact" entre les belligérants en réduisant l'espace qui les sépare à quelques centaines de mètres.
Ainsi l'Etat Major du Lieutenant Général Naiev, commandant l'Opération des forces combinées dans le Donbass (qui a remplacé avant l'été l'Opération Spéciale Antiterroriste déclanchée en 2014 contre la population du Donbass), a récemment annoncé la "libération" d'un "village" situé sur le front de l'arc Svitlodarsk (à l'Est de Gorlovka, et Nord de Debalsevo).
J'analyserai plus loin cette information de la propagande ukrainienne pour tenter d'y discerner le vrai du faux. En attendant l'action revendiquée dans la zone grise même si elle fait l'objet d'une information affabulée est bien une réalité tactique des forces ukrainiennes et qui d'ailleurs, constitue au passage une nouvelle violation flagrante des accords de Minsk signés par Kiev.
Les conséquences d'une telle invasion ukrainienne de la zone neutre jusqu'au contact des défenses républicaines sont en effet multiples :
- L'application du cessez le feu est quasiment impossible au vu de la proximité des belligérants.
- Le temps de réaction en cas d'attaque ukrainienne étant réduit à néant, les forces républicaines sont obligées de renforcer leurs effectifs en première ligne.
- et par conséquent les forces de réserve d'où sont issues ses renforts et affaiblie dans ses effectifs et ses secteurs potentiels d'intervention etc...
A ces considérations militaires on doit rajouter des objectifs psychologiques et politiques ukrainiens dont la propagande de guerre est friande surtout en ce moment, dans un contexte de campagne présidentielle ukrainienne . En effet réaliser ce type d'actions et surtout les médiatiser exagérément permet de faire croire :
- que l'Opération des Forces combinées obtient des "victoires" et des conquêtes de terrain qu'elle nomme avec vantardise "libérations".
- que les promesses politiques de restaurer "l'intégrité territoriale" ne sont pas des mensonges du gouvernement.
- de plus en interne le ramdam propagandiste réalisé autour d'une telle action cherche, à l'entrée de la saison froide, à regonfler le moral d'une armée ukrainienne lassée de cette guerre et vérolée par les désertions, les suicides, l'alcoolisme et les dépressions.
Quand "la montagne accouche d'une souris" !
Voyons maintenant la vidéo réalisée à l'occasion de cette prétendue action ukrainienne dans la zone grise de l'arc Svitlodarsk et dont les images sont très souvent en contradiction avec le compte-rendu narratif :
Plusieurs questions :
- De quel village s'agit-il ? pas de nom et sur la vidéo on ne voit qu'une maison abandonnée et sa dépendance, vraisemblablement une datcha ou une ferme isolée.
- Pas un habitant, ni même de traces d'activité récente attestant d'une occupation civile ou militaire du lieu.
- Quel est la nature des renseignements soit disant recueillis par les ukrops ? cette carte aux couleurs de la République Populaire de Donetsk, dont on ne sait pas si elle n'est pas une mise en scène du reporter.
- L'unité prend t-elle position dans les lieux ? En tout cas son effectif et ses équipements sont bien légers pour capitaliser cette prétendue "libération"
- Rien ne prouve que ce n'est pas en fait un exercice réalisé dans un polygone à l'arrière du front. Car dans les précédentes actions ukrops médiatisées dans la zone grise, les images prenaient un soin attentif à prouver leur avancées en filmant par exemples des positions républicaines observées ou des panneaux de signalisation... ici rien !
Voici 2 captures d'écran réalisées par le reporter "Стас Донецкий" et qui montrent la réalité
de ce hameau détruit et abandonné dans la zone grise au Nord de Debalsevo.
Ces ukropithèques mégalomanes et médiocres ,qui veulent prendre pour modèle l'Occident de devraient commencer à lire le philosophe romain Sénèque repris par le Cid de Corneille qui rappelle qu' "à vaincre sans péril on triomphe sans gloire !"
Conclusion :
Cela dit le problème des invasions et violations régulières de la zone grise par les ukrainiens est bien une réalité que confirment leurs pertes fréquentes dans les champs de mines qui y sont réalisés.
Aujourd'hui les zones de contacts qui étaient que de 2 ou 3 en 2015 (sur les secteurs du front urbanisés tel que Marinka au Sud-Ouest de Donetsk par exemple) se sont multipliés à plus d'une dizaine de secteurs répartis tout le long de la ligne de front, depuis le front maritime au Sud de la République Populaire de Donetsk jusqu'à la zone frontalière russe au Nord de la république Populaire de Lugansk. Et les forces ukrainiennes lorsqu'elles ne partent pas à la conquête de ces zones démilitarisées, y effectuent des missions de reconnaissance en toute impunité.
Si un processus de paix devait être à nouveau et sincèrement engagé (je ne parle pas de la farce de Minsk qui laisse faire faute de moyens et surtout de volonté politique) il faudrait que dans un premier temps soit reconstitué un véritable "no man's land" entre les position des belligérants et des moyens coercitifs fermes contre ceux qui violerait son espace terrestre et aérien.
En attendant, le gouvernement Pushilin et son Etat Major devrait se pencher sérieusement sur ce problème majeur et envisager des options politiques mais aussi militaires pour garantir la neutralité de cette zone grise et repousser les forces ukrainiennes au minimum sur leurs lignes de 2015.
Erwan Castel