Retour sur Donetsk

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Fin de cette 27ème rotation sur le front Nord de Donetsk dans la zone industrielle de Promka, entre Yasinovataya et Avdeevka. Je laisse derrière moi un secteur taché par les premières neiges saisonnières, où le gel brutal est certainement responsable de la baisse des provocations ukrainiennes, à l'exception de la journée d'hier où nos postions ont subi un pilonnage de tirs de canons sans recul SPG9 de 73mm et de mitrailleuse lourde Utios de 12,7mm.


Jeudi 15 novembre 2018

Après une nouvelle nuit gelée ponctuée au petit matin par les tirs des mitrailleuses lourdes ukrainiennes de 12,7mm, notre équipe de Piatnashka a été relevé aux premières heures du jour par des camarades de la compagnie pour un retour à Donetsk et surtout au chaud.

Arrivé à la base, nous retrouvons la jungle bureaucratique coutumière des paperasseries médicales, de ceux du transfert ministériel auxquels se rajoute la procédure administrative pour les passeports DNR. une montagne de petits papiers qui s'accumule sur les bureaux... La normalisation engagée depuis l'assassinat d'Alexandre Zakharchenko semble s'accélérer avec la confirmation de Denis Pushilin dans ses fonctions. Désormais pour notre "Brigade Internationale", les survivances révolutionnaires du projet "Novorossiya" telle que le volontariat étranger doivent  passer par des fourches caudines administratives strictes, comme par exemple la détention d'un passeport ukrainien, républicain ou russe. La sélection administrative se rajoute donc à la sélection médicale et militaire.

La Russie qui a initié le retour de la Crimée auprès d'elle, a en revanche dans le Donbass suivi le mouvement initié par la population qui est ethniquement russe et veut une politique convergente. Mais le caractère révolutionnaire du mouvement de résistance au Maïdan a également inquiété le Kremlin qui ne veut pas être entraîné dans une guerre ouverte prématurée avec Kiev et donc l'OTAN, surtout dans le contexte très tendu des dossiers syrien et Criméen. Depuis fin 2014 le Kremlin a donc sans intervenir militairement ni abandonner la population du Donbass à la psychopathie russophobe ukrainienne amorcer un contrôle progressif de la gouvernance des jeunes républiques. Des stratégies de temporisations militaires via les accords de Minsk et politiques via la normalisation russe des structures administratives ont été engagé tandis que l'accrochage économique des territoires séparatistes à la Fédération de Russie était finalisé (encouragé d'ailleurs par un blocus ukrainien).

Sur un chemin de crête entre la guerre totale aux menaces internationales et l'abandon des républiques aux enjeux nationaux, cette realpolitik russe dans le Donbass a décidé après l'assassinat de Zakharchenko et les risques de radicalisation d'une situation déjà explosive, d'assurer pleinement son contrôle en cooptant Denis Pushilin, un politicien modéré et expérimenté au jeu diplomatique même s'il ne fait pas l'unanimité. 

Ce dernier dès ses prises de fonctions intérimaires au lendemain de l'assassinat de Zakharchenko a accéléré la normalisation de la République, et notre bataillon la "Brigade Piatnashka" est au cœur de ces réformes à la fois militaires et administratives. 

Cette stratégie russe appliquée par Denis Pushilin ouvertement et cooptée par la population lors des élections du 11 novembre portée aux urnes par les promesses de poursuite du processus d'intégration dans la Fédération de Russie, constitue donc une rupture dans la continuité. Personnellement je regrette la disparition du projet révolutionnaire, celui de la "Novorossiya", comme la disparition d'une flamme éclairant la nuit, mais c'est ainsi le feu de la passion est remplacé par le radiateur de la realpolitik et il faut parfois contre mauvaise fortune savoir faire bon cœur.

Aujourd'hui je me concentre sur le front militaire, conséquence du choc métapolitique entre la thalassocratie étasunienne et l'empire russe qui subit de la part des occidentaux un assaut protéiforme exponentiel (politique, culturel, économique, militaire, idéologique etc.) de la part de l'impérialisme de la pensée unique occidentale. 

Je suis toujours confiant dans les choix de la Russie, certain qu'à long terme elle agit pour le bien de ses peuples, mais dans mon cœur brûle toujours la flamme de la Novorossiya dont j'espère qu'un souffle prochain ravivera le feu à travers l'Europe. Cet idéal de Liberté des peuples a germé un printemps de 2014 à l'ombre des terrils du Donbass, il attend désormais confiant le moment opportun pour éclore !


En attendant, je préfère mille fois plus les ruines de Promka tendant vers le ciel triste leurs moignons noircis par les explosions aux salons climatisés et superficiel des ministères où le port de masques hypocrite et servile est de mise pour qui veut survivre à l'Histoire en marche.

Car "si nous ne pouvons pas changer le monde, le monde, en revanche ne nous changera pas", et mes yeux et mon cœur se portent plus encore aujourd'hui en direction de Mariupol et de Slaviansk, qui sous la botte ukrainienne attendent leur libération, que du centre ville de Donetsk vitrine propagandiste et royaume des lèches cul que j'ai déserté depuis longtemps.

Erwan Castel

Les autres extraits de ce journal du front peuvent être retrouvés ici : Journal du front

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