"Faire contre mauvaise fortune bon cœur"
Je jette ici pèle-mêle quelques réflexions concernant les élections républicaines et ukrainiennes en cours. Mon devoir de réserve me commande bien sûr d'édulcorer mon écriture, mais ceux qui me connaissent sauront lire derrière mon obéissance fidèle cette liberté de pensée et d'expression que je tiens à conserver en toutes circonstances.
De toute évidence dans l'Histoire du Donbass il y aura un avant et un après Zakharchenko. Car l'assassinat par les services ukrainiens du premier Président de la République Populaire de Donetsk et artisan du rêve républicain a libéré de part et d'autre du front sur le cadavre des accords de Minsk les discours et les réseaux occidentaux et russes qui s'affrontaient jusqu'à cette année par procuration.
Car jusqu'à présent depuis février 2015, date de la signature des seconds accords de Minsk, les lignes générales militaires et politiques ne bougeaient pas dans le Donbass, chacun attendant sur fond de nouvelle guerre froide entre Washington et Moscou un événement qui reprendrait le cours de la stratégie belliciste engagée aux portes de la Russie depuis 2013 par les néo-conservateurs, et que le retour en Russie de la Crimée, le séparatisme du Donbass, la défaite de ses auxiliaires djihadistes en Syrie et l'élection de Trump ont perturbé depuis 4 ans.
Le 31 août 2018, l'assassinat d'Alexandre Zakharchenko a relancé le jeu sur le "grand échiquier", la Russie s'engageant plus encore dans son soutien aux Républiques de Donetsk et Lugansk, en cautionnant la candidature de Denis Pushilin, en injectant de nouvelles aides financières permettant des augmentations de salaire, en lançant des sanctions économiques contre l'Ukraine etc...
Mais c'est aussi sur le plan diplomatique que le discours de Moscou s'est radicalisé. Confirmant la piste ukrainienne dans l'assassinat de Zakharchenko le Kremlin a nettement durci sa position, adoptant désormais une rhétorique accusatrice claire et argumentée.
Vasily Nebenzya, l'ambassadeur russe à l'ONU a récemment élargi l'accusation de violation des accords de Minsk par Kiev à ses partenaires occidentaux de l'Union européenne et de Washington. Ce durcissement de la rhétorique russe est la réponse aux positions occidentales de plus en plus bellicistes et bloquantes comme par exemple les livraisons d'armes létales par les USA et le Canada ou la désapprobation française concernant les élections dans le Donbass et exprimée sous forme de mise en garde accusatrice dirigée contre Moscou.
En effet le cynisme des occidentaux concernant les élections prochaines dans le Donbass a franchi la ligne rouge à la fois du ridicule et de l'intolérable car c'est bien l'assassinat du Président Zakharchenko par les services de Kiev (et avec l'aval certain de ses parrains néoconservateurs étasuniens) qui les a provoqué.
Les occidentaux, finissant par croire leur propre propagande mensongère espéraient un chaos en assassinant Zakharchenko. Or rien ne s'est passé selon leurs prévisions, même pas une représailles militaires contre des forces de Kiev. Donetsk a encaissé le choc avec une retenue exemplaire qui révèle une maturité politique accomplie et une obéissance à la diplomatie russe qui refuse de provoquer une escalade incontrôlable.
Invoquer des accords de paix quotidiennement violés par son propre camp pour rejeter un processus électoral interne est tout simplement de la part des occidentaux une malhonnêteté intellectuelle qui dévoile leur partialité de jugement et leur complicité aux crimes de guerre commis par Kiev depuis 5 ans. Voilà pourquoi Moscou soutient la tenue de ces élections républicaines, surtout que celles qui sont en cours à Kiev ne sortiront pas la paix de l'impasse dans laquelle l'Ukraine l'a jeté avec la gouvernance Porochenko, Timochenko, sa concurrente politique majeure, adopte une ligne encore plus radicale concernant le Donbass.
Les néo-nazis ukrainiens en embuscade
Dans ce duel électoral ukrainien qui oppose Porochenko à Timochenko, les factions nationalistes radicales vont tenter de s'imposer en donnant leurs soutiens à l'un ou à l'autre des candidats qui ont conscience du poids et de la menace qu'ils représentent dans le processus électoral. Ainsi nous avons Arsen Avakov, le Ministre de l'Intérieur et Andrei Biletsky le premier commandant du bataillon Azov et son parti néo-nazi "Corps National" qui soutiennent Timochenko, et de l'autre côté Dmytro Yarosh qui veut "forger la victoire de Porochenko" en échange de faire de ses paramilitaires néo-nazis qu'il vient de rappeler du front pour Kiev, la garde prétorienne présidentielle.
Le résultat de ces pressions des radicaux nationalistes ukrainiens, qui compensent leurs faibles effectifs électoraux par la détention d'une force menaçante (Iarosh a lui-même reconnu que "des excès sont possibles"), est que les discours politiques des 2 principaux candidats ukrainiens restent sur le même schéma d'un programme fondé sur une guerre contre la Russie, cet ennemi N°1 désigné par Washington à ses laquais européens.
Le poids international des élections du Donbass
Si l'argument de Moscou et de Donetsk qui assurent que la tenue des élections n'est pas contraire aux accords de Minsk mais juste une validation interne d'une gouvernance et qui ne concerne que les populations des Républiques, il est évident que ce scrutin va être utilisé comme détonateur ou joker lors des rencontres prochaines qui doivent avoir lieu entre Porochenko et Poutine par exemple.
Et certainement les forces souterraines qui se disputent la gouvernance étasunienne vont-elles tenter de "négocier" des objectifs plus stratégiques à l'occasion de ces élections républicaines et ukrainiennes.
Plusieurs questions existent dont les réponses vont influencer l'évolution de la situation dans le Donbass et le regard porté sur ces élections du 11 novembre :
- Quelle est la position que va adopter Trump concernant Porochenko, candidat à sa propre succession, car son administration est sur ce sujet divisée avec d'un côté Kurt Volker, le représentant spécial US pour l'Ukraine et les néo-conservateurs qui le soutiennent et de l'autre Mike Pompeo le secrétaire d’État américain qui veut son départ. On peut imaginer que Trump en profite pour négocier avec le candidat soutenu l'implantation de bases de l'OTAN voire de missiles à moyenne portée sur le territoire ukrainien.
- De son côté quelle va être la réaction de Kiev aux élections dans le Donbass. encouragé par les condamnations occidentales du scrutin républicain qui ont même été portées devant le conseil de sécurité de l'ONU, Porochenko pourrait être tenté de lancer une nouvelle offensive sur le front ou de commettre de nouveaux attentats politiques dans le Donbass. Et cette menace d'être elle aussi pour le satrape de Kiev négociable auprès de ses partenaires occidentaux qui ne veulent pas encore franchir le Rubicon vers Moscou, pour obtenir de nouvelles aides ou soutiens.
Une nouvelle distribution des cartes
Alexandre Zakharchenko, tout en étant soutenu et respectant la ligne diplomatique du Kremlin avait su se construire une marge d'initiatives non négligeable pour donner aux République une maturité identitaire et faire entendre leur projet sociétal identitaire auprès du Kremlin. La campagne électorale déclenchée par son assassinat a certainement inquiété le Kremlin qui y a vu un risque de radicalisation brutale et non contrôlée de la politique locale tant vis à vis de Kiev que de la Russie. Or Moscou, fort l'expérience de sortie de route du gouvernement Ianoukovitch en 2014, mais tout en envisageant les pires scénarios, Poutine veut garder désormais le contrôle sur la gestion des crises existant dans sa zone d'influence géo-stratégique.
Soutenir Denis Pushilin est pour le Kremlin certainement plus un choix pragmatique par défaut et servant une realpolitik préférant encore le dialogue à la force plutôt qu'un choix idéologique métapolitique. Optant pour un candidat connu de la diplomatie au chevet du Donbass (Pushilin a été représentant pour Minsk pendant plus de 3 ans), le Kremlin s'est certainement assuré de la servilité du futur président de la République Populaire de Donetsk pour qu'il ne contrarie pas sa vision métapolitique et sa gestion de la crise.
Car le Donbass, que la Russie ne peut abandonner mais où son armée ne peut intervenir directement, reste un piège armé organisé par les occidentaux contre le Kremlin au lendemain de l'évasion de la Crimée du carcan ukrainien.
Poutine gère depuis 2014 cette crise devenue guerre comme un braquage qui a mal tourné, où le commanditaire étasunien a demandé à son braqueur ukrainien de prendre le Donbass en otage.
D’où la priorité pour Moscou de contrôler la politique du Donbass car là aussi, du comportement de l'otage dépendent la réussite ou l'échec de cette crise majeure.
Poutine gère depuis 2014 cette crise devenue guerre comme un braquage qui a mal tourné, où le commanditaire étasunien a demandé à son braqueur ukrainien de prendre le Donbass en otage.
D’où la priorité pour Moscou de contrôler la politique du Donbass car là aussi, du comportement de l'otage dépendent la réussite ou l'échec de cette crise majeure.
Et les récentes injections financières russes importantes dans le Donbass, aidant à la réalisation immédiates d'améliorations sociaux économiques menées par le Président par interim et candidat Pushilin, confirment et même intensifient le soutien du Kremlin, sa volonté d'atténuer l'impopularité de son poulain jugé ici trop mou et magouilleur et de consolider en retour sa fidélité à une politique de sortie de crise dirigée par la Russie qui est la cible réelle de cette guerre déclenchée entre Donetsk et Lugansk.
En assassinant Zakharchenko via leurs petites mains kiéviennes, les occidentaux espéraient rendre fou furieux le Donbass et le voir ainsi déclencher une guerre débridée imputable à Moscou et surtout un jeu des alliances international contre une Russie finalement obligée d'intervenir dans la défense de sa population du Donbass.
Cette stratégie du chaos occidentale est un donc échec total car le Donbass, après le meurtre de son président s'est encore plus rapproché de la Russie qui désormais contrôle totalement son appareil politique.
Le 11 novembre prochain, les élections confirmeront Denis Pushilin au poste de Président de la République Populaire de Donetsk (et leader du Donbass), car la liberté du Donbass se joue sur un échiquier immense et dont les joueurs sont très loin de Donetsk et Lugansk... et même de Kiev.
Quant à Moscou, en imposant les accords de Minsk dans le concert des nations européennes d'une part et en organisant un parrainage serré des gouvernements du Donbass, la Russie cherche à préserver ses intérêts dans la région autant que le sort des populations en évitant prioritairement que le conflit redevienne une guerre ouverte meurtrière et incontrôlable qui entraînerait dans son sillage la Russie et l'OTAN..
Le 11 novembre prochain, les élections confirmeront Denis Pushilin au poste de Président de la République Populaire de Donetsk (et leader du Donbass), car la liberté du Donbass se joue sur un échiquier immense et dont les joueurs sont très loin de Donetsk et Lugansk... et même de Kiev.
Quant à Moscou, en imposant les accords de Minsk dans le concert des nations européennes d'une part et en organisant un parrainage serré des gouvernements du Donbass, la Russie cherche à préserver ses intérêts dans la région autant que le sort des populations en évitant prioritairement que le conflit redevienne une guerre ouverte meurtrière et incontrôlable qui entraînerait dans son sillage la Russie et l'OTAN..
Et les enjeux et les menaces qui se jouent ici entre le Dniepr et le Don sont tellement importants tant pour les habitants du Donbass que pour l'avenir des peuples et la Paix mondiale menacés qu'il nous faut d'abord dans notre engagement accorder sa confiance, renouveler sa fidélité aux chefs choisis par ceux qui incarnent le monde multipolaire que nous défendons, quitte à mettre un temps son casque sur les principes de la vraie démocratie.
Car lorsque la guerre a commencé seule la Victoire est importante !
Erwan Castel