Retour de la thalassocratie britannique en Mer Noire


Si Zbigniew Brzeziński, le géostratège étasunien (d'origine ukraino-polonaise) est souvent cité en référence pour expliquer les enjeux que représente l'Ukraine dans la stratégie impérialiste occidentale en Europe, il ne faut pas oublier que ce conseiller spécial de 5 présidents US n'a fait que réactiver à la fin de la guerre froide cette "stratégie du containment" (endiguement) visant à isoler et contrôler la Russie ce "heartland" majeur du Monde. 
Et les origines de cette stratégie d’étouffement économique et militaire de la Russie remontent à la fin du XIXème siècle, lorsque la Grande Bretagne du gouvernement Pitt, thalassocratie du moment voulait empêcher la Russie de Catherine II de la concurrencer sur les routes commerciales vers l'Orient passant par la Méditerranée orientale que la Russie accède par la porte de la Mer Noire.

Cette stratégie britannique russophobe qui provoquera la guerre de Crimée (1853-1856, 700 000  morts) dans laquelle la France a été entraînée, sera ensuite développée par Mackinder puis Mac Kenan qui la baptise de "containment" au moment de la guerre froide. La crise ukrainienne récente, déclenchée avec la révolution orange (2004) puis le coup d'Etat du Maïdan en 2014 montre que les prétentions occidentales sur ce pivot stratégique de l'Europe sont toujours d'actualité et toute la stratégie de préemption de ce plus grand pays européen à cheval sur les blocs eurasiatique et occidental hypocritement présentée comme une ouverture démocratique n'a pour objectif prioritaire que d'intégrer Kiev dans l'OTAN et de militariser l'Ukraine contre Moscou et ce, quelle que soit la nature politique du régime qui y est mis en place par Washington et ses clébards européens.


Cette intégration à l'OTAN, qui est déclarée régulièrement par le pouvoir de Kiev comme un objectif prioritaire de la politique ukrainienne dont tout le monde sait qu'elle est pilotée depuis Washington, et de facto l'OTAN est déjà présente dans ce pays européen devenu une colonie militaire étasunienne. Poltarak, le Ministre ukrainien de la Défense a d'ailleurs affirmé lors de sa rencontre récente avec son homologue britannique, "continuer à réformer le secteur de la défense afin de se conformer aux normes de l'OTAN".

L'armée ukrainienne est désormais partie intégrante des exercices militaires de l'alliance qui s’enchaînent tout au long de l'année chez elle (Sea Breeze, Rapid Trident, Clear Sky, Anaconda etc.), des conseillers et instructeurs militaires occidentaux encadrent et normalisent ses procédures et organisations aux normes de l'alliance, dont les principaux pays membres (USA, Grande Bretagne, Canada et France) livrent matériels équipement et même armements pour la guerre dans le Donbass et malgré leurs engagements dans le processus de Paix signé à Minsk.

La validation politique par l'OTAN de la candidature de l'Ukraine à son intégration confirme l'objectif final de Washington qui est d'avancer plus encore ses bases stratégiques et conventionnelles vers une Russie dont les principaux centres vitaux sont le long de ses frontières occidentales.

Parmi les pays occidentaux engagés dans ce processus de militarisation russophobe de l'Ukraine se trouvent principalement :
  • Les USA bien sûr qui disposent d'une myriade de conseillers et instructeurs militaires, sans compter les forces de renseignement stratégiques, les forces spéciales et les "contractors" qui encadrent et soutiennent l'armée ukrainienne. Dans le cadre de ces "missions d'assistance", des infrastructures militaires étasuniennes devenues permanentes sont aménagées en Ukraine comme sur le "polygone" de Yavoriv (région de Lvov dans l'Ouest ukrainien) ou une unité de 300 militaires étasuniens (chiffre "officiel") forme les unités de combats ukrainiennes engagées sur le front du Donbass.. 
  • Le Canada, ce zélé collaborateur de l'Oncle Sam et de plus soumis à un fort lobby émanant d'une communauté bandériste ukrainienne ayant migré dans le pays à la chute du 3ème Reich, a également déployé plus de 200 militaires (Opération "Unifier") pour former les unités ukrainiennes.
  • La Grande Bretagne, quant à elle a également entamé un programme de formation dès 2015 principalement dans la région de Nikolaiev et essentiellement orienté sur les forces maritimes et les troupes de marine. Parallèlement à cette présence au sol des bâtiments de la Royal Navy viennent régulièrement réaliser des missions en Mer Noire.

Londres ouvre une base navale à Odessa


A la fin de ce mois de novembre Kiev et Londres ont finalisé une augmentation importante de l'engagement des forces britanniques en Ukraine, et cette coopération accrue qui porte sur une assistance auprès des forces navales et forces spéciales ukrainiennes a immédiatement été visible avec l'envoi vers le port d'Odessa du navire hydrographique polyvalent "Echo" de la Royal Navy, avec un équipage de 72 marins 

Ce bâtiment qui a d'ores et déjà reçu un poste d'amarrage permanent dans la base navale  ukrainienne de la Mer Noire sera renforcé par un groupe de frégates modernes de type "Duke" qui sont armées de complexes de missiles anti-navires, d'une puissante artillerie, de torpilles de 324 mm et d'un système de missiles anti-aériens. 

En faisant cela, Londres dépasse d'un seul coup mais avec son accord et même ses ordres les projets militaires étasuniens qui ont lancé le chantier d'un Centre des Opérations maritimes à Ochakov (plus à l'Est d'Odessa) et qu'ils ont promis de livrer ensuite à l'armée ukrainienne (avant d'en reprendre, soyons en sûr, le contrôle dans le cadre de l'OTAN). 

Cette embryon de base navale britannique, qui est une violation de l'article 17 de la Constitution ukrainienne interdisant expressément le déploiement de bases militaires étrangères sur son territoire, est à mettre en perspective de l'escalade des tensions entre Moscou et Londres depuis que les services britanniques ont organisé la farce du Novichok russe pour diaboliser à outrance la Russie. Et dans le cadre de cette nouvelle guerre froide la perfide Albion a rouvert son appétit historique dans la région de la Mer Noire, profitant de l'escalade russo-ukrainienne au sujet de la Mer d'Azov qui la prolonge à l'Est.

C'est ainsi que dans une interview au Daily Telegraph  le Ministre britannique de la défense Gavin Williamson élargissant sans vergogne le conflit de la Mer d'Azov à toute la Mer Noire a récemment déclaré (fin octobre) : "Nous aidons l'Ukraine à défendre notre liberté et notre démocratie (...) La Grande-Bretagne envisage de créer sa propre base navale à Odessa dès 2019 (...) "qui entravera le projet de la Russie de bloquer la mer Noire pour l'Ukraine". Dan la même veine hystérique, le général britannique Mark Carlton-Smith, qui dirige l'état-major du royaume Uni a déclaré que "la Russie était pour les occidentaux une menace plus importante que l'Etat Islamique" (forcément Ducon étant donné qu'ils parrainent ce dernier !)

Pour finir et confirmer cette intention forte de la Grande Bretagne de revenir sur la scène ukrainienne quelques 130 années après la guerre de Crimée, Londres vient d'annoncer qu'elle soutiendra l'Ukraine dans sa lutte contre "l'agression étrangère" en allouant à Kiev une enveloppe financière supplémentaire de 11 millions de livres sterling (environ 14122 000 dollars) au titre du "Fonds pour la prévention des conflits, la promotion de la stabilité et de la sécurité pour 2018-2019".


Et cette ingérence britannique ne risque pas de rester loin du front du Donbass, confinée à des tâches de formation classiques mais rapidement montrer ses tronches de "goddams" sur le front du Donbass comme en ce moment du côté de Artemvosk (Nord de la République de Donetsk) où des membres des SAS spécialistes des armes chimiques ont été repérés avec des forces spéciales ukrainiennes.

A suivre donc et attentivement ce nouveau pas important de l'OTAN vers les frontières russes.

Erwan Castel

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