La métamorphose de Piatnashka
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L'écusson de la Brigade internationale "Piatnashka" (drapeaux abkhaze et républicain) avec celui du 2ème bataillon (drapeau ossète et gueule de félin évoquant Staï, le lynx de feu le commandeur Mamaï |
Dans le tsunami sous-marin qui a frappé les structures de la République Populaire de Donetsk au lendemain de l'assassinat du Président Alexandre Zakharchenko, le régiment de Donetsk "hors ministère" et dans lequel notre brigade "Piatnashka" forme le 2ème bataillon a entamé son intégration vers les forces spéciales du Ministère de l'intérieur.
Dès l'annonce de cette migration administrative les rumeurs les plus pessimistes ont circulé parmi les volontaires déçus par cette nouvelle normalisation s'éloignant du projet initial, ou par ceux qui y étaient venus pour des considérations exclusivement personnelles ou matérielles. Ainsi a t-on entendu que les effectifs diminueraient drastiquement, que nous perdrions plus d'un tiers de notre salaire, que nos missions et nos positions sur le front de Yasinovataya seraient confiées à d'autres unités, pendant que nous serions assignés à des opérations de police, qu'une nouvelle organisation serait imposée etc etc... La communication n'étant pas le fort du commandement russe un vent d'inquiétude a soufflé pendant plusieurs semaines dans les couloirs de notre caserne aux lisières du jardin botanique et de Makeevka.
Qu'en est t-il réellement ? :
- Oui, nous migrons vers le Ministère de l'Intérieur avec les avantages administratifs comme par exemple des habilitations supplémentaires comme le port d'armes de poing et l'obtention d'un passeport DNR pour ceux qui ne l'avait pas encore.
- Non, nous ne quittons pas nos positions du front, au contraire ces dernières sont renforcées et de nouvelles sont en projet, et de nouvelles missions mobiles sur le front sont en préparation avec par exemple des groupes mobiles de reconnaissance et de snipers.
- Oui, nous subissons une perte de salaire mensuel de 1000 roubles environ soit moins de 7 % compensés prochainement par des primes. La solde moyenne est donc entre 13 et 14 000 roubles (logé nourri) soit un salaire honorable là où un professeur d'université gagne 5000 roubles de salaire et une grand mère 3000 roubles de pension.
- Non, il n'y a pas de coupe sombre dans les effectifs, au contraire des groupes de volontaires du bataillon Prilepine nous ont rejoint. Ceux qui quittent la brigade font leur "rapport" soit de leur propre chef ou/et suite à des problèmes d’enquêtes, médicaux ou disciplinaires (ou pour passer l'hiver au chaud).
- Oui, nous effectuons une réorganisation des unités, laquelle est toujours en cours, comme par exemple me concernant le regroupement des snipers dans un groupe d'intervention autonome dédié aux missions spécifiques sur le front. dans ce cadre là de nouveaux équipements individuels et collectifs seront attribués au bataillon.
Formation et entrainement des snipers sur la deuxième ligne du front |
La grande inconnue concerne les accueils de volontaires étrangers au sein de la Brigade car la mutation au sein du Ministère de l'Intérieur est plus stricte et exige un passeport "régional" (DNR, russe ou ukrainien). Le dossier important et sensible de l'accueil des volontaires étarngers au sein de la "brigade internationale Piatnashka" est donc pour le moment mis de côté et sera défendu par notre commandement à l'issue de la mutation administrative et organisationnelle. Espérons qu'une procédure particulière soit imaginée rapidement.
En attendant que toutes nos nouvelles identités administratives, procédures et organisations soient achevées, nous sommes dans le labyrinthe de la bureaucratie russe qui nous promène pendant des jours tels des boules de flippers au bord du "game over" de files d'attente en files d'attente dans les bureaux des Etat majors aux hôpitaux, pour une grande quête de papiers et de tampons qui valideront notre métamorphose.
Quelqu'un a dit un jour que "la patience est la mère de toutes les vertus" et je peux sans hésiter une vous affirmer qu'ici elle est mise à rude épreuve... mais le jeu en vaut la chandelle !
Il appartient ensuite aux volontaires, au milieu de ces vagues et vents de la normalisation, a conserver dans leurs cœurs la flamme intacte de la rébellion qui n'est pas un cadeau a recevoir en arrivant dans le Donbass mais un don de soi que l'on offre à son peuple en guerre contre la dictature de la marchandise !
Erwan Castel
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