Une analyse militaire neutre et remarquable


Depuis que les guerres de l'OTAN frappent les pays non alignés nous observons une foule d'experts militaires autoproclamés venir nous asséner des inepties sur les plateaux télévisés ou les réseaux sociaux pour uniquement nourrir des fantasmes propagandistes, des égos narcissiques et au passage des obsessions mercantiles.

Heureusement, il apparait au milieu de ce fatras de dérives intellectuelles de vraies analyses, posées et neutres et qui permettent de se faire une opinion beaucoup plus libre et de défendre le cas échéant un engagement pour l'une ou l'autre des parties prenantes aux conflits.

Voici ici l'analyse assez fouillée de Jacques Baud, un colonel de l'armée suisse spécialiste du renseignement militaire et datée du 11 mars 2022 et que je me suis permis d'illustrer principalement à partir des liens cités par l'auteur :

La situation militaire en Ukraine

Partie 1 – En route vers la guerre

Pendant des années, du Mali à l’Afghanistan, j’ai travaillé pour la paix et ai risqué ma vie pour elle. Il ne s’agit donc pas de justifier la guerre, mais de comprendre ce qui nous y a conduit. Je constate que les « experts » qui se relaient sur les plateaux de télévision analysent la situation à partir d’informations douteuses, le plus souvent des hypothèses érigées en faits, et dès lors on ne parvient plus à comprendre ce qui se passe. C’est comme ça que l’on crée des paniques.

Essayons d’examiner les racines du conflit. Cela commence par ceux qui durant les 8 dernières années nous parlaient de « séparatistes » ou des « indépendantistes » du Donbass. C’est faux. Les référendums menés par les deux républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk en mai 2014, n’étaient pas des référendums d’« indépendance » (независимость), comme l’ont affirmé certains journalistes peu scrupuleux, mais de référendums d’« auto-détermination » ou d’« autonomie » (самостоятельность). Le qualificatif « pro-russes » suggère que la Russie était une partie du conflit, ce qui n’était pas le cas, et le terme « russophones » aurait été plus honnête. D’ailleurs, ces référendums ont été conduits contre l’avis de Vladimir Poutine.

En fait, ces Républiques ne cherchaient pas à se séparer de l’Ukraine, mais à avoir un statut d’autonomie, leur garantissant l’usage de la langue russe comme langue officielle. Car le premier acte législatif du nouveau gouvernement issu du renversement du président Ianoukovitch, a été l’abolition, le 23 février 2014, de la loi Kivalov-Kolesnichenko de 2012, qui faisait du russe une langue officielle ayant droit. Un peu comme si des putschistes décidaient que le français et l’italien ne seraient désormais plus des langues officielles en Suisse.

Cette décision provoque une tempête dans la population russophone. Il en résulte une répression féroce contre les régions russophones (Odessa, Dniepropetrovsk, Kharkov, Lougansk et Donetsk) qui s’exerce dès février 2014 et conduit à une militarisation de la situation et à quelques massacres (à Odessa et à Marioupol, pour les plus importants). À la fin de l’été 2014, ne restent que les Républiques auto-proclamées de Donetsk et de Lougansk.


A ce stade, trop rigides et engoncés dans une approche doctrinaire de l’art opératif, les états-majors ukrainiens, subissent l’ennemi sans parvenir s’imposer. L’examen du déroulement des combats en 2014-2016 dans le Donbass montre que l’état-major ukrainien a systématiquement et mécaniquement appliqué les mêmes schémas opératifs. Or, la guerre menée par les autonomistes est alors très proche de ce que l’on observe dans le Sahel : des opérations très mobiles menées avec des moyens légers. Avec une approche plus flexible et moins doctrinaire, les rebelles ont su exploiter l’inertie des forces ukrainienne pour les « piéger » de manière répétée.

En 2014, je suis à l’OTAN, responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères, et nous tentons de détecter des livraisons d’armes russes aux rebelles et de voir si elle est impliquée. Les informations que nous recevons viennent alors pratiquement toutes des services de renseignement polonais et ne « collent pas » avec les information en provenance de l’OSCE : en dépit d’allégations assez grossières, on n’observe aucune livraison d’armes et de matériels militaire de Russie. Les rebelles sont alimentés par les unités ukrainiennes russophones, qui passent du côté rebelle.

Au fur et à mesure des échecs ukrainiens, des bataillons de chars, d’artillerie ou anti-aériens passent au complet, avec armes et bagages, du côté des autonomistes. C’est ce qui pousse les Ukrainiens à s’engager dans les Accords de Minsk.

Mais, juste après avoir signé les Accords de Minsk 1, le président ukrainien Petro Porochenko relance la vaste opération antiterroriste (ATO) (Антитерористична операція) contre le Donbass. Bis repetita placent : mal conseillés par des officiers de l’OTAN, les Ukrainiens subissent une cuisante défaite à Debaltsevo qui les oblige à s’engager dans les Accords de Minsk 2…

Il est essentiel de rappeler ici que les Accords de Minsk 1 (septembre 2014) et Minsk 2 (février 2015), ne prévoyaient ni la séparation, ni l’indépendance des Républiques, mais leur autonomie dans le cadre de l’Ukraine. Ceux qui ont lu les Accords (ils sont très, très, très peu nombreux) constateront qu’il est écrit en toutes lettres que le statut des républiques devait être négocié entre Kiev et les représentants des républiques, pour une solution interne à l’Ukraine.

C’est pourquoi depuis 2014, la Russie a systématiquement demandé leur application tout en refusant d’être une partie aux négociations, car il s’agissait d’une affaire intérieure à l’Ukraine. De l’autre côté, les Occidentaux – France en tête – ont systématiquement tenté de substituer les Accords de Minsk par le « format Normandie », qui mettait face à face Russes et Ukrainiens. Or, rappelons-le, il n’y a jamais eu de troupes russes dans le Donbass avant le 23-24 février 2022. D’ailleurs, les observateurs de l’OSCE n’ont jamais observé la moindre trace d’unités russes opérant dans le Donbass. Ainsi, la carte des services de renseignements américains publiée par le Washington Post le 3 décembre 2021 ne montre pas de troupes russes dans le Donbass.

En octobre 2015, Vasyl Hrytsak, directeur du Service de sécurité ukrainien (SBU), confessait que l’on avait seulement observé 56 combattants russes dans le Donbass. C’était le même phénomène que les Suisses qui allaient combattre en Bosnie dans les années 1990, et en Ukraine aujourd’hui. 

À ce stade, l’armée ukrainienne est dans un état déplorable. En octobre 2018, après 4 ans de guerre, le procureur militaire ukrainien en chef Anatoly Matios déclarait que l’Ukraine avait perdu 2700 hommes hors-combat au Donbass : 891 cas de maladies, 318 d’accidents de la route, 177 d’autres accidents, 175 d’empoisonnements (alcool, drogue), 172 de manipulations d'armes imprudentes, 101 d’infractions aux règles de sécurité, 228 de meurtres et 615 de suicides.

En fait, l’armée est minée par la corruption de ses cadres et ne jouit plus du soutien de la population. Selon un rapport du ministère de l’Intérieur britannique, lors du rappel des réservistes de mars-avril 2014, 70 % ne se sont pas présentés à la première session, 80 % à la deuxième, 90 % à la troisième et 95 % à la quatrième. En octobre-novembre 2017, 70 % des appelés ne se sont pas présentés lors de la campagne de rappel « Automne 2017 ». Ceci sans compter les suicides et les désertions (souvent au profit des autonomistes), qui atteignent jusqu’à 30 % des effectifs dans la zone de l’ATO. Les jeunes ukrainiens refusent d’aller combattre dans le Donbass et préfèrent l’émigration, ce qui explique aussi, partiellement au moins, le déficit démographique du pays.

Le ministère de la Défense ukrainien s’adresse alors à l’OTAN pour l’aider à rendre ses forces armées plus « attractives ». Ayant déjà travaillé à des projets similaires dans le cadre des Nations Unies, j’ai été sollicité par l’OTAN pour participer à un programme destiné à restaurer l’image des forces armées ukrainiennes. Mais c’est un processus de longue haleine et les Ukrainiens veulent aller vite. 


Pour compenser l’émigration des jeunes vers l’Europe, le gouvernement ukrainien recourt alors à des milices paramilitaires. Elles sont essentiellement composées de mercenaires étrangers, souvent militants d’extrême-droite. En 2020, elles constituent environ 40% des forces ukrainiennes et comptent sont fortes de 102 000 hommes. Elles sont armées, financées et formées par les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et la France. On y trouve plus de 19 nationalités – dont des Suisses. Les pays occidentaux ont donc clairement créé et soutenu des milices d’extrême droite ukrainiennes.
En octobre 2021, le Jerusalem Post sonnait l’alarme en dénonçant le projet Centuria. Ces milices opèrent dans le Donbass depuis 2014, avec le soutien des Occidentaux. Même si on peut discuter le terme « nazi », il n’en demeure pas moins que ces milices sont violentes, véhiculent une idéologie nauséabonde et sont virulemment antisémites. Leur antisémitisme est plus culturel que politiquec’est pourquoi je n’aime pas beaucoup le qualificatif « nazi ». Leur haine du juif vient des grandes famines des années 1920-1930 en Ukraine, consécutive à la confiscation des récoltes par Staline afin d’augmenter les exportations et ainsi financer la modernisation de l’Armée Rouge. Or, ce génocide – connu en Ukraine sous le nom d’Holodomor – a été perpétré par le NKVD (ancêtre du KGB) dont les échelons de conduite étaient principalement composés de juifs. C’est pourquoi, les extrémistes ukrainiens demandent à Israël de s’excuser pour les crimes du communisme, comme le relève le Jerusalem Post.

Ces milices, issues des groupes d’extrême-droite qui ont animé la révolution de l’Euromaïdan en 2014, sont composées d’individus fanatisés et brutaux. La plus connue d’entre elles est le régiment Azov, dont l’emblème rappelle celui de la 2e Panzerdivision SS « Das Reich », qui fait l’objet d’une véritable vénération en Ukraine, pour avoir libéré Kharkov des Soviétiques en 1943.

Parmi les figures célèbres du régiment Azov, on trouvait l’opposant Roman Protassevitch, arrêté en 2021 par les autorités bélarusses à la suite de l’affaire du vol RyanAir FR4978. Le 23 mai 2021, on évoque le détournement délibéré d’un avion de ligne avec un MiG-29 (avec l’accord de Poutine, bien évidemment), pour arrêter Protassevitch, bien que les informations alors disponibles n’indiquent absolument pas ce scénario. Mais il faut alors montrer que le président Loukachenko est un voyou et Protassevitch un « journaliste » épris de démocratie. Pourtant, il avait fait l’objet d’une enquête assez édifiante par une ONG américaine en 2020, qui mettait en évidence ses activités militantes d’extrême droite. Le complotisme occidental se met alors en marche et des médias peu scrupuleux « toilettent » sa biographie.

Finalement, en janvier 2022, le rapport de OACI est publié et montre que malgré quelques erreurs de procédure, le Bélarus a agi conformément aux règles en vigueur et que le MiG-29 a décollé 15 minutes après que le pilote de RyanAir a décidé d’aller atterrir à Minsk. Donc pas de complot Bélarus et encore moins avec Poutine. Ah !... Encore un détail : Protassevitch, cruellement torturé par la police bélarusse, est libre. Ceux qui voudraient correspondre avec lui, peuvent aller sur son compte Twitter.

La qualification de « nazi » ou « néo-nazi » donnée aux paramilitaires ukrainiens est considéré comme de la propagande russe. Peut-être, mais ce n’est pas l’avis du Times of Israel, du Centre Simon Wiesenthal ou du Centre de Lutte contre le Terrorisme de l’académie de West Point. Mais cela reste discutable, car, en 2014, le magazine Newsweek semblait plutôt les associer à l’État Islamique… Au choix !...

Donc, l’Occident soutient et continue à armer des milices qui se sont rendues coupables de nombreux crimes contre les populations civiles depuis 2014 : viols, torture et massacres. Mais alors que le gouvernement suisse a été très prompt à prendre des sanctions contre la Russie, n’en n’a adopté aucune contre l’Ukraine.

Dans le système militaire ukrainien, les forces paramilitaires font partie des forces armées, mais pas de l’armée ukrainienne : elles ne sont pas des formations de manœuvre, mais conviennent parfaitement pour le combat urbain et la maîtrise des populations russophones dans les grandes villes.

C’est pourquoi elles seront déployées dans les villes russophones. Au fil des années elles ont été responsables de très nombreuses atrocités, dont certaines seront rapportées par la journaliste AnneLaure Bonnel. A ces troupes s’ajoutent des mercenaires de la CIA, composés de combattants ukrainiens et européens, pour mener des actions de sabotage.


Partie 2 – La guerre

Ancien responsable des forces du Pacte de Varsovie au service de renseignement stratégique, j’observe avec tristesse – mais sans étonnement – que nos services ne sont plus en mesure de comprendre la situation militaire en Ukraine. Les « experts » auto-proclamés qui défilent sur nos écrans relaient inlassablement les mêmes informations modulées par l’affirmation que la Russie – et Vladimir Poutine – est irrationnel. Prenons un peu de recul.

Depuis le mois de novembre 2021, les Américains ne cessent de brandir la menace d’une invasion russe contre l’Ukraine. Pourtant, les Ukrainiens ne semblent pas du même avis. Pourquoi ?

Il faut remonter au 24 mars 2021. Ce jour-là, Volodymyr Zelensky promulgue un décret pour la
reconquête de la Crimée et commence à déployer ses forces vers le Sud du pays. Simultanément, la conduite de plusieurs exercices de l’OTAN entre la mer Noire et la mer Baltique, accompagnés d’un accroissement important des vols de reconnaissance le long de la frontière russe. La Russie, mène alors quelques exercices, afin de tester sa préparation et montrer qu'elle suit l'évolution de la situation.

Les choses se calment jusqu’en octobre-novembre avec la fin des exercices ZAPAD 21, dont les mouvements de troupes sont interprétés comme un renforcement en vue d’une offensive contre l’Ukraine. Pourtant, même les autorités ukrainiennes réfutent l’idée de préparatifs russes pour une guerre, et Oleksiy Reznikov, ministre de la Défense Ukrainien déclare qu’il n’y a pas de changement à sa frontière depuis le printemps.

En février 2022, les événements se précipitent. Le 7 février, lors de sa visite à Moscou Emmanuel Macron, réaffirme à Vladimir Poutine son attachement aux Accords de Minsk, un engagement qu’il répétera à l’issue de son entrevue avec Volodymyr Zelensky, le lendemain. Mais le 11 février, à Berlin, la rencontre des conseillers politiques des dirigeants du « format Normandie » s’achève au bout de 9 heures, sans résultat concret, car les Ukrainiens refusent encore et toujours d’appliquer les Accords de Minsk, apparemment sous la pression des États-Unis. Vladimir Poutine constate que les promesses de Macron sont des promesses en l’air et que les Occidentaux ne sont pas prêts à faire appliquer les Accords, comme ils le font depuis 8 ans. 

Les préparatifs ukrainiens dans la zone de la zone de contact continuent. Le Parlement russe s’alarme et, le 15 février, demande à Vladimir Poutine de reconnaître l’indépendance des Républiques, ce qu’il refuse.

Le 17 février, le président Joe Biden annonce que la Russie va attaquer l’Ukraine dans les prochains jours. Comment le sait-il ? Mystère…

Mais depuis le 16, le pilonnage d’artillerie sur les populations du Donbass augmente de manière dramatique, comme le montrent les cartes des observateurs de l’OSCE. Naturellement, aucun média ne le relève et aucun gouvernement occidental n’intervient. On dira plus tard, qu’il s’agit de désinformation russe.

Simultanément, on signale des actes de sabotages dans le Donbass. Le 18 janvier, les combattants du Donbass interceptent des saboteurs équipés de matériel occidental et parlant polonais cherchant à créer des incidents chimiques à Gorlovka.



En clair, Joe Biden sait que les Ukrainiens commencent à pilonner les populations civiles du Donbass, mettant la Russie devant un choix difficile : aider le Donbass militairement et créer un problème international ou rester sans rien faire et regarder les russophones du Donbass se faire écraser.

Vladimir Poutine n’a plus beaucoup de choix : il sait qu’il devra intervenir, ne serait-ce qu’en vertu de l’obligation internationale de la « responsibility to protect » (R2P). Il sait également, que son intervention déclenchera une pluie de sanctions. Dès lors, que son intervention soit limitée au Donbass ou aille plus loin pour faire pression sur les Occidentaux sur la question du statut de l’Ukraine, le prix à payer sera le même. C’est d’ailleurs ce qu’il expliquera plus tard dans sa déclaration du 21 février.

C’est pourquoi, le 21 février, il décide d’accéder à la demande de la Douma et de reconnaître
l’indépendance des deux Républiques du Donbass. Dans la foulée, il signe avec elles des traité d’amitié et d’assistance. Le 23, devant la pression de l’artillerie ukrainienne, les deux Républiques demandent l’aide de la Russie. Le 24, celle-ci invoque l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit l’entraide militaire dans le cadre d’une alliance défensive.

Dans son allocution du 24 février, Vladimir Poutine énonce les deux objectifs de son opération:
« démilitariser » et « dénazifier » l’Ukraine. Il ne s’agit donc pas de s’emparer de l’Ukraine, ni même, vraisemblablement de l’occuper ou la détruire.

En fait, dès le début de l’opération ses contours apparaissent clairement : 
a) encercler l’armée ukrainienne qui s’est massée à la frontière du Donbass, par une attaque venant de l’Est par Kharkov et une venant du Sud depuis la Crimée ; 
b) détruire les milices paramilitaires qui contrôlent notamment les villes d’Odessa, Kharkov et Marioupol.

L’offensive russe se déroule de manière très « classique ». Dans un premier temps – comme l’avaient fait les Israéliens en 1967 – il s’agit de détruire au sol l’aviation ukrainienne et neutraliser ses structures de commandement et de renseignement (C3I). C’est ce qui est fait en quelques heures.

Puis, avancer selon plusieurs axes simultanément selon le principe de « l’eau qui coule » : on avance partout où la résistance est faible et on laisse les villes (très voraces en troupes) pour plus tard. Au nord, la centrale de Tchernobyl est occupée immédiatement afin de prévenir des actes de sabotage. Les images de soldats ukrainiens et russes assurant ensemble la surveillance de la centrale ne sont naturellement pas montrées…

L’idée que la Russie cherche à prendre Kiev, la capitale, est typiquement occidentale. Vladimir Poutine n’a jamais eu l’intention d’abattre ou de renverser Zelensky. L’encerclement de Kiev n’a pour seul objectif que de créer une pression incitant le pouvoir à négocier. Beaucoup de commentateurs se sont étonnés que les Russes aient continué à chercher une solution négociée tout en menant des opérations militaires.

(observation personnelle: concernant le statut de Zelensky, je ne suis pas d'accord avec le colonel Jacques Baud, car je pense qu'aujourd'hui la chute du gouvernement de Kiev est nécessaire et même prioritaire compte tenu de son allégeance totale aux directives de Washington et son fanatisme à vouloir sacrifier et son armée et sa population pour faire durer ce conflit car il alimente la guerre socio-économique menée prioritairement contre la Russie par les occidentaux)

L’explication est dans la conception de la stratégie russe, depuis l’époque soviétique. Pour les
Occidentaux, la guerre commence lorsque la politique cesse. Les Russes ont une approche influencée par Clausewitz : la guerre est la continuité de la politique. Il est dès lors possible de passer de manière fluide de l’une à l’autre, pour créer une pression sur l’adversaire.

L’offensive russe a été – du point de vue opératif – un exemple du genre : en six jours, les Russes se sont emparés d’un territoire plus grand que le Royaume-Uni, avec une vitesse de progression plus grande que ce que la Wehrmacht avait réalisé en 1940 en France.

L’objectif de démilitarisation est atteint par l’encerclement de l’armée ukrainienne dans le « chaudron » entre Slavyansk, Kramatorsk et Severodonetsk. Les forces russes resserrent lentement l’étau, mais ils n’ont plus aucune contrainte de temps. Quant aux Républiques du Donbass ont « libéré » leurs territoires et la ville de Marioupol.

La défense des villes de Kharkov, Marioupol et Odessa sont de la responsabilité des milices
paramilitaires ukrainiennes, dont la destruction correspond à l’objectif de « dénazification ». C’est pourquoi la Russie cherche à créer des couloirs humanitaires, pour vider les villes des civils et ne garder que les milices, afin d’obtenir leur reddition ou leur anéantissement. C’est la raison pour laquelle ces milices sont réticentes à mettre en œuvre ces couloirs : ils peuvent ainsi utiliser la population civile comme « boucliers humains ». 


Conclusions

Ces développements dramatiques ont des causes que nous connaissions, mais que nous avons refusés de voir : 

a) l’expansion de l’OTAN (que nous n’avons pas traité ici) ; 
b) le refus de mettre en œuvre les Accords de Minsk et 
c) les attaques continues et répétées des populations civiles du Donbass depuis 8 ans et la dramatique augmentation de la fin février 2022.

Nous pouvons naturellement déplorer et condamner l’attaque russe. Mais NOUS avons créé les conditions pour qu’un conflit éclate. Nous témoignons de la compassion pour le peuple ukrainien et les deux millions de réfugiés. C’est bien. Mais si nous avions eu un minimum de compassion pour le même nombre de réfugiés du Donbass qui se sont accumulés en Russie durant 8 ans, rien de cela ne serait probablement passé.


Que le terme de « génocide » s’applique aux exactions subies par les populations du Donbass est une question ouverte. On réserve généralement ce terme à des cas de plus grande ampleur (Holocauste, etc.), néanmoins, la définition qu’en donne la Convention sur le génocide, est probablement suffisamment large pour s’y appliquer. Les juristes apprécieront.

Clairement, ce conflit nous a conduit dans l’hystérie. Les sanctions semblent être devenues l’outil privilégié de nos politiques étrangères. Si nous avions respecté les Accords de Minsk que nous avions négocié et cautionné avec l’Ukraine, tout cela ne serait pas arrivé. La condamnation de Vladimir Poutine est aussi la nôtre : il ne sert à rien de pleurnicher après coup, il fallait agir avant et ni Emmanuel Macron (comme garant et comme membre du Conseil de Sécurité de l’ONU), ni Olaf Scholz, ni Volodymyr Zelensky n'ont respecté leurs engagements.

Finalement, Vladimir Poutine atteindra vraisemblablement ses objectifs avec l’Ukraine. Ses liens avec la Chine se sont solidifiés. La Chine émerge comme médiatrice du conflit, tandis que la Suisse fait son entrée dans la liste des ennemis de la Russie. Les Américains doivent demander du pétrole au Venezuela et à l'Iran pour se sortir de l’impasse énergétique dans laquelle ils se sont mis : Juan Guaido quitte définitivement la scène et les USA doivent revenir piteusement sur les sanctions imposées à leurs ennemis.

Des ministres qui cherchent à faire s’effondrer l’économie russe et faire en sorte que le peuple russe en souffre, voire appellent à assassiner Poutine, montrent, même s’ils sont – partiellement – revenus sur la forme de leurs propos, que nous n’avons pas plus de valeurs que ceux que nous détestons.

La leçon à tirer de ce conflit est notre sens de l’humanité géométrie variable : qu’est-ce qui rend le conflit en Ukraine plus blâmable que la guerre en Irak, en Afghanistan ou en Libye ? Quelles sanctions avons-nous adopté contre ceux qui ont délibérément menti devant la communauté internationale ?

Avons-nous seulement adopté une seule sanction contre ceux qui alimentent en armes et qui frappent le conflit du Yémen (377000 morts) ? 

Jacques Baud

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