Dans l'enfer de Marioupol
Il y a longtemps qu'une telle bataille urbaine n'a pas cristallisé autour de son nom autant de tensions, de souffrances et d'enjeux, et si après 1 mois de siège, de combats acharnés pour les uns, désespérés pour les autres se poursuivent dans les derniers quartiers de Marioupol encore aux mains des forces ukrainiennes c'est bien que le contrôle de cette ville symbole marquera certainement le commencement d'une nouvelle phase dans cette guerre qui ravage le Donbass depuis 8 ans, dans les opérations militaires russes commencées le 24 février et vraisemblablement aussi dans les négociations entre Moscou et Kiev qui pour le moment restent stagnantes.
Pour les ukrainiens, Marioupol est devenue un peau de chagrin qui se rétrécit inexorablement autour de l'embouchure de la rivière Kalmius, dans les derniers quartiers (industriels rive gauche et résidentiels rive droite) où s'accrochent les derniers bandéristes autour de leurs dernières munitions et conserves.
Il resterait environ 5 000 combattants ukrainiens encore retranchés dans le
centre de Marioupol et, au vu des stocks de munitions qui ont été organisés
un peu partout dans chaque quartier de la ville, ils pourraient encore disposer
d'une autonomie de combat de plusieurs jours, voire une ou deux semaines si
la situation tactique, les ordres reçus, les vivres et le moral le leurs permettent.
Entre les délires des propagandistes qui tous les jours crient victoire du fond des tranchées de leurs fantasmes, le fait est que si les combats de Marioupol mènent chaque jour les troupes russo-républicaines vers la libération de la ville, les ukrainiens leur opposent une résistance acharnée et même honorable, que ce soit les militants fanatiques des unités spéciales comme "Azov" ou même les derniers soldats des unités régulières (12e, 36e, 56e brigades...).
La libération de la ville est donc réalisée prudemment, mètre après mètre au milieu des labyrinthes de béton industriels ou des quartiers résidentiels de centre où vivent encore environ 100 000 civils complétement terrorisés par les combats, les bombardements et les conditions de survie catastrophiques.
Des réfugiés de Marioupol rencontrés à Donetsk m'ont parlé de plusieurs milliers de soldats ukrainiens encore accrochés dans la zone industrielle d'Azovstal (qui en réalité abrite 4 usines différentes) jusque dans ses souterrains qui s'étageraient sur près de 80 mètres de profondeur.
Alors que des analystes de salon pérorent que tous les quartiers résidentiels
de Marioupol ont été libérés, des parents téléphonent à leurs enfants à Donetsk
pour signaler que les combats se rapprochent désormais des quartiers Ouest
du bord de mer (voir carte ci dessus), jusqu'à présent relativement épargnés.
A Donetsk, les drapeaux dans les casernes sont en berne tandis que des salves d'honneur couvrent régulièrement le grondement continu des bombardements du front de Avdeevka et, entre 2 rotations nous visitons les camarades blessés à Marioupol, tandis que des réfugiés de Marioupol comme dans tous les districts de la cité remplissent les écoles voisines réquisitionnées pour les accueillir. Mais le moral est chaque jour plus haut car la libération des territoires républicains continue et avec elle la fin d'un martyr de 8 années !
A Marioupol, des "ukrops" entre désespoir et rage
Récemment dans un communiqué vidéo le commandant du régiment "Azov" rappelait que chaque jour de plus tenu face aux forces russes et républicaines est une victoire, et sur le plan de la propagande mais aussi de la diplomatie on ne peut pas lui donner tort car Marioupol est devenu en quelques semaines le symbole de la résistance de cette armée qui bien que s'effondrant chaque jour un peu plus, surprend par sa combativité mais aussi ses tactiques de combat. Dire le contraire relève d'une malhonnêteté propagandiste stupide et même contre productive !
Lorsqu'au début mars, l'Etat Major ukrainien du secteur de Marioupol demande à replier ses unités avant que la ville ne soit complétement encerclée, il s'entend répondre un refus catégorique de la part d'un commandement militaro-politique qui veut instrumentaliser leur agonie jusque sur la table des potentielles négociations entre Kiev et Moscou:
- militairement, car la capture d'une telle ville bunkérisée mobilise de nombreuses unités et leur coûte cher en hommes et matériels,
- politiquement, même conclue par une défaite inéluctable, la résistance militaire devient au fil des jours un symbole fort pour la propagande,
- psychologiquement, cette résistance urbaine galvanise les unités ukrainiennes repliées dans les autres villes du front,
- médiatiquement, les inévitables pertes civiles, systématiquement attribuées aux russes par la propagande ukro-atlantiste, sont instrumentalisées sur le front diplomatique...
Pourtant, lorsqu'on va sur le terrain des combats, la résistance ukrainienne observée n'est pas aussi héroïque que ce qu'en raconte la propagande occidentale et notamment concernant leurs comportements vis à vis des civils et qui relèvent souvent du crime de guerre:
Débris d'un missile balistique ukrainien "Tochka U"
tiré sur les quartiers résidentiels habités et libérés à
l'Est de la ville par les forces russo-républicaines.
Alors que Marioupol dispose de nombreuses zones non
habitées (parcs, industries...) des obusiers ukrainiens qui
utilisent les civils utilisés comme des boucliers humains.
Depuis que les forces russes ont libéré les sorties de la ville de
Marioupol, plus de 200 000 civils ont pu quitter leurs quartiers
détruits, témoignant de l'enfer vécu sous la botte ukrainienne
Les évacuations des civils de Marioupol sont devenues par leur importance un défi à la hauteur de la catastrophe humanitaire vécue par eux depuis 1 mois. Evacuations, accueils, soins, aides sociales, hébergements, accompagnements psychologiques... et dans des villes comme Donetsk où les combats et les bombardements provoquent une pénurie d'eau courante importante et la mobilisation un ralentissement drastique de l'activité économique.
Cette action humanitaire d'envergure est également présente sur le front de Marioupol où des aides massives sont distribuées aux habitants restant dans leurs quartiers coupés de tout. Une occasion d'apprécier l'efficacité opérationnelle exceptionnelle et rapide des forces russes qui ici aussi sont en première ligne avec leur camarades républicains.
Pour conclure sur ce paragraphe concernant les civils pris dans les combats je me refuse à cette tentation des propagandistes de les instrumentaliser, les pro-ukrops racontant que les réfugiés arrivant à Zaporodje fuient la barbarie des russes tout comme leurs homologues nous racontent que tous ceux qui vont en Russie ou à Donetsk fuient celle des ukrainiens. Si effectivement il y a des choix militants, comme dans toute guerre, il faut savoir raison garder et comprendre que les civils sortant de Marioupol d'abord fuient la guerre en choisissant souvent la première opportunité qui s'offre à eux où la possibilité de rejoindre des amis ou de la famille se proposant de les accueillir. Ainsi il y a des pro-ukrops à Donetsk (ce qui peut poser des problèmes aux services de sécurité) et des pro-russes à Zaporodje (qui eux se font très discrets pour éviter la répression du SBU).
La destruction du Régiment "Azov"
Si le régiment nazi "Azov" (qui est devenu aussi un parti politique depuis 2018) sera probablement reconstitué ailleurs dans quelques semaines, il n'en demeure pas moins que Marioupol qui était son fief symbolique est devenu aujourd'hui son tombeau.
Le 28 mars, un hélicoptère ukrainien MI8 qui tentait de rejoindre Marioupol a été abattu au dessus de la mer d'Azov, alors que probablement il tentait une évacuation d'officiers de l'Etat major bandériste, et le même jour un assaut était mené sur la caserne du régiment "Azov", aussitôt abandonnée par ces "invincibles guerriers de lumière" abandonnant piteusement aux russes les symboles de leur idéologie nauséabonde une nouvelle fois vaincue.
La capture de la base du régiment "Azov", devenue le
symbole du nazisme ukrainien, entre état major politique
musée nostalgique, caserne militaire et dépôt de munitions
Ailleurs cependant, du côté de la Kalmius notamment, les combats continuent entre les nationalistes et les forces russes et républicaines leur reprenant mètre après mètre les derniers quartiers de Marioupol où ils mènent un dernier combat désespéré, refusant obstinément les différents appels à déposer les armes.
Combats à l'intérieur d'un bâtiment industriel de
Marioupol où résistent des éléments d' "Azov".
Je pense que seule la destruction totale du régiment "Azov" mettra un point final à cette bataille infernale enflammant les rivages calmes de la mer d'Azov.
Sur le terrain des combats, les unités russo-républicaines avancent avec précaution, car si le dispositif ukrainien diminue d'heure en heure son tissu défensif devient plus dense et fanatisé par sa résistance surdimensionnée par une propagande ukro-atlantiste en quête d'héroïsme pour tenter de transmuter ses revers.
Char de combat russe touché par un tir en caponnière
depuis un bâtiment par un RPG ukrainien du régiment "Azov"
qui n'a pas cependant causé des dommages importants.
Les combats sont très durs car les derniers résistances ukrainiennes sont positionnées au milieu des civils, organisées en groupes mobiles et autonomes menant une tactique de harcèlement avec des unités antichars et des snipers, contre lesquels sont envoyés des unités spéciales aguerries à ces opérations difficiles où les progressions au milieu des embuscades et des pièges doivent être lentes et les sécurisations au milieu des dédales urbains méticuleuses.
Soldat tchétchène blessé pris en charge par ses
camarades avant son évacuation sanitaire vers
les centres de secours organisés à l'arrière.
Les combats continuent donc dans le centre de Marioupol sous la progression victorieuse des unités républicaines et russes continuant de réduire des nids de résistance et tireurs isolés ukrainiens, de secourir les habitants terrés dans leurs caves dans une situation humanitaire catastrophique, et de protéger les corridors humanitaires en filtrant les soldats ukrainiens qui tentent de s'y glisser.
Cette bataille de Marioupol, dont le rayonnement politico-médiatique a d'ores et déjà rejoint celui du mythe s'impose déjà comme un symbole élevé de cette nouvelle guerre fratricide européenne et je souhaite qu'un jour elle devienne aussi le lieu de la réconciliation des peuples slaves divisés et jetés ici les uns contre les autres dans l'arène de l'hégémonie atlantiste.
Erwan Castel