La souffrance du Donbass
Le 23 juin s'est réuni pour la énième fois, par visio-conférence, le sous groupe pour la sécurité du groupe de contact chargé d'accompagner la mise en oeuvre des accords de Minsk. Et une fois de plus les participants ont noté le peu de progrès réalisé depuis les dernières négociations (sans déconner !) mais, pour justifier leurs présences ont néanmoins "progressé dans la conclusion d'un autre document important - un ajout à la décision-cadre sur la séparation des forces et des actifs, qui devrait résoudre des problèmes qui n'étaient pas pris en compte par le document principal - la décision-cadre du 21 septembre 2016". J'espère juste que les tonnes de documents pondus lors de ces réunions de Minsk sont imprimés sur du papier recyclé et biodégradable... qu'on puisse les stocker par la suite dans les toilettes des ministères !
Même le Ministère russe des affaires étrangères a reconnu que le Donbass était aujourd'hui dans une impasse comme l'a souligné Alexander Glushko, le chef adjoint du ministre Sergei Lavrov au cours d'un communiqué de presse.
- «La Russie contribue activement à un dialogue direct entre les parties - Kiev, Donetsk et Lugansk. Cependant, la situation est malheureusement proche d'une impasse », a déclaré le service de presse du ministère russe des Affaires étrangères.
Sur la front du Donbass en revanche, point de discussions toutes aussi interminables que stériles, les républiques populaires de Donetsk et Lugansk haussent le ton devant la nouvelle exacerbation du front initiée par les forces de Kiev. Désormais les avertissements politiques des président Pasechnik (Lugansk) et Pushilin(Donetsk) fusent en direction du président Zelensky tandis que leurs milices de défense engagent des ripostes sur les positions de tir ukrainiennes responsables des bombardements quotidiens sur les civils.
Et si ce 24 juin, jour bousculé par le covid 19 de la commémoration de la victoire de 1945 résonne particulièrement fort dans le coeur des habitants du Donbass, c'est parce que venant de l'Ouest (aux sens géographique et politique du terme) résonnent encore et toujours les canonnades qui frappent leurs foyers et fauchent leurs pères, leurs frères et leurs fils depuis 6 ans.
Engagé dans la réinformation autant que sur le front militaire du Donbass, j'avoue avoir du mal a faire comprendre le quotidien des enfants, femmes et des hommes qui depuis 6 ans vivent nuit et jour sous la menace permanente et mortelle des forces armées ukrainiennes.
Voici 2 courtes vidéos prises ces derniers jours à 10 heures du soir ou 4 heures du matin, lorsque le "canon-réveil" ukrainien rappelle aux habitants proches du front que le cauchemar est bien réel:
Front de Donetsk - 19 juin -
secteur Oktyabrsky
- "Tout le Nord de Donetsk est comme ça, tremble tous les soirs, mais tous les médias restent honteusement silencieux! "Ukry" (l'ukrainien) nous donne une bagarre diabolique. Les mortiers et l'artillerie nous pilonnent tous les soirs! De gros calibres travaillent sur nous! Ils martèlent comme ça à Yasinovataya et sa zone industrielle. cela s'entend dans tout le nord Donetsk et Avdeevka. Les combats s'intensifient chaque jour. Le grondement des tirs s'intensifie. On dirait que je suis de retour en 2015. Soit le front éclate et il y aura bientôt une percée, soit quelques semaines nous attendent avec de tels concerts d'artillerie jusqu'à la prochaine trêve et à nouveau pendant un certain temps. Mais nous ne seront pas d'accord et ne négocieront pas au détriment de nos vies! "
Front de Lugansk - 23 juin -
secteur Pervomaisk
secteur Pervomaisk
Le front de Lugansk, après une éphémère semaine silencieuse, est à nouveau secoué jour et nuit par les bombardements ukrainiens, du matin au soir et du soir au matin, comme ici dans le secteur de Pervomaisk où les résidents sont réveillés très régulièrement à 4h00 du matin pour se précipiter ans leurs caves.
Aucun secteur du front n'est épargné comme le montre cette carte récente tirée des comptes rendus quotidiens de la mission de l'OSCE dans le Donbass :
Nous sommes loin des rodomontades propagandistes et même des tergiversations diplomatiques qui remuent à intervalles réguliers le cadavre de Minsk.
"Comment pouvons-nous vivre?":
Dans le Sud de la République Populaire de Donetsk, les villages proches du front sont depuis 6 ans sous les tirs des forces ukrainiennes déployées dans le secteur de Mariupol la ville portuaire de la République occupée actuellement par Kiev. Le 17 juin dernier le village de Kominternovo a subi un des bombardements les plus forts depuis des années: les ukrops l'ont pilonné à coups de mortiers de 60, 82 et 120mm depuis leurs positions situées à Talakivka. Les résidents ayant eu le temps de se mettre à l'abri, personne n'a été blessé mais plusieurs maisons d'habitation et infrastructures collectives ont été endommagées. Régulièrement privés d'électricité à cause des bombardements, de nombreux habitants sont ravitaillés en eau potable par les milices.
On peut se perdre en conjectures géopolitiques ou idéologiques interminables concernant ce conflit du Donbass qui a fait au bas mot plus de 20 000 morts (officiellement 13 000), mais le fait est que nous assistons bien à une lente hémorragie génocidaire opérée par les forces ukrainiennes contre les populations de Donetsk et Lugansk, au seul prétexte qu'elles sont russes et veulent le rester.
Alors que les sociétés occidentales sont secouées par des polémiques politco-médiatiques identitaires stériles sur fond de crise migratoire organisée ou de crime raciste instrumentalisé, l'opinion publique auto proclamée "internationale" ignore et même méprise les crimes perpétrés contre une population européenne vivant à quelques heures seulement de ses parlements droitdelhommistes et moralisateurs. Et pourtant, ce peuple du Donbass demande seulement à pouvoir user chez lui de ce souverain "droit des peuples à disposer d'eux mêmes", qui est invoqué lors des révolutions, rebellions et coups d'Etat fomentés à travers le Monde par ce même système mondialiste qui le bombarde jour et nuit depuis 6 ans.
Comment cet Occident dégénéré a-t-il pu pousser l’incohérence entre sa moraline hypocrite et ses actes politiques jusqu'à parrainer le massacre d'un peuple alors que justement il incarne exactement les valeurs humaines que les démocraties droitdelhommistes prétendent défendre ?
Aujourd'hui l'identité russe du peuple du Donbass, n'en déplaise aux idéologies diverses comme celle des cosmopolites hors sol et des nationaliste ethnocentrés par exemple, est une réalité populaire, historique et culturelle qui n'est pas un concept mais un héritage fondateur. Cette identité supra communautaire est définie, non par une idéologie politique ou ethnique crispée, mais par une résistance commune à l'envahisseur ukraino-occidental et dont la russophobie haineuse et génocidaire de ce dernier à son encontre confirme sa réalité populaire.
Et surtout comment ces populaces occidentales, pourtant immergées en permanence et jusqu'à l'addiction dans les avalanches d'informations émotionnelles diverses, peuvent elles rester complètement indifférentes, pour ne pas dire méprisantes, à la tragédie qui se joue depuis 6 ans sur leur propre sol européen et qui plus est, menace directement leur avenir déjà bien fragile ?
Car tous devraient comprendre que la Liberté pour lequel combat et souffre le Donbass est aussi leur Liberté.
Erwan Castel