La nébuleuse "fasciste" à l'aune de la guerre du Donbass


Voici de retour le sujet récurrent du néo-nazisme en Ukraine, exacerbé sur le Maïdan et entretenu depuis sur le front du Donbass par une russophobie occidentale hystérique faisant appel à la propagande d'un IIIème Reich d'hier et ses nostalgiques d'aujourd'hui, idiots utiles d'un impérialisme de l'OTAN continuant sa progression vers la Russie, mais aussi des nationalistes européens qui peuvent y être attirés...

Si le sujet abordé ci après par les journalistes de Slate est intéressant et se veut fourni, il est malheureusement déformé dans son traitement par un prisme antifa simpliste, qui généralise dans la même idéologie racialiste les fachos venus en Ukraine d'une part avec les nationaux bolcheviques et les impériaux venus dans le Donbass d'autre part, amalgame facile à échafauder je le conçois à partir de la poignée de nationalistes français ethno centrés venue effectivement s'échouer un temps du côté de Donetsk (mais qui méritent cependant une autre considération que celle accordée aux crânes rasés d'Azov and Co et même un respect certain pour leur engagement aux côtés de la population bombardée du Donbass).

Dès 2014, alors que le petit indépendantiste breton et fédéraliste européen que je suis (et dont les idées sont au antipodes des centralismes nationalistes ethnocentrés) observe la fracture opérée dans la nébuleuse nationaliste au contact de la crise ukrainienne puis du conflit qui éclate sur les frontières russes, je divise les positionnements et engagements divergents - dont certains vont conduire leurs auteurs jusque dans les tranchées du Donbass - en 3 catégories : 
  • Les "nationalistes-réactionnaires", qui sont principalement quelques idéologues néo-nazis ou fascistes, nostalgiques d'une Europe ethnocentrée dont l'idéologie raciale combinée avec un anticommunisme viscéral donne naissance à une russophobie hystérique. Et bien sûr on retrouve autour de ces réactionnaires du passé, une meute d'idiots utiles rêvant d'affiches mythiques et de marche aux flambeaux mythomanes. On peut sans étirer la réalité avancer que cet amalgame de néo-nazis hooligans, repris de justice etc... sont à l'Ukraine ce que les djihadistes, salafistes et takfiristes sont à la Syrie: à savoir les idiots utiles, chair à canon décérébrée d'un impérialisme mondialiste amoral.
  • Les "nationalistes-conservateurs", qui eux sont moins tournés vers le passé que l'avenir où ils essayent de retrouver des territoires idéologiques et physiques où pouvoir y défendre leurs valeurs. Parmi ces nationalistes "pro-russes", la diversité est déjà plus importante que chez leurs cousins pro-ukrainiens qui revendiquent clairement un ancrage nazi ou bandériste. En effet, des nationalistes ethnocentrés attirés par une "Russie Poutinienne blanche et chrétienne" fantasmée à ceux qui veulent la restauration d'une Russie impériale unie mais diverse en passant par les nationaux bolcheviques, les eurasistes etc. les idéologies sont multiples voire divergentes et ne peuvent certainement pas être résumer à l'adage "Pour la race blanche" présenté ici par les journalistes du Slate.
  • Enfin, les autres et plus rares, qui veulent justement éviter un éclatement de la "fachosphère" européenne en 2 camps s'affrontant politiquement et même physiquement qui, soit regardent ailleurs dans une neutralité à la fois lâche et intéressée, soit dans une argumentation délirante affirment que on peut à la fois soutenir les néo-nazis ukrainiens de "Prayvi Sector" (Secteur Droit) et Vladimir Poutine qui reste leur image fantasmée du "despote éclairé". Cette troisième catégorie est certainement la plus symptomatique de la fracture opéré par la guerre dans le Donbass d'une nébuleuse d’extrême droite qui a révélée à l'occasion sa vacuité et superficialité idéologique.
Cependant je veux souligner ici, ce qui m’apparaît comme la plus grande différence entre les nationalistes engagés face à face de chaque côté du front du Donbass et dont certains sortent pourtant du même nid politique et qui me semble plus important que les slogans agités, à savoir les motivations éthiques de leur engagements :

En effet, si côté ukrainien les nationalistes des bataillons spéciaux s'alignent sur un moule d'engagement aux contours exprimés par une idéologie néo-nazie revendiquée, une historiographie bandériste, un racisme russophobe agressif, en revanche du côté des séparatistes, les opinions politiques personnelles s'effacent au profit d'une union sacrée autour de la défense d'une population agressée et pour laquelle se retrouvent côte à côte des nationalistes, communistes,  impériaux, anarchistes, des chrétiens, musulmans, juifs, païens, athées, des européens, asiatiques, caucasiens, sibériens, tatars etc...

Voilà pourquoi je me suis autorisé dans l'article du Slate d'y rajouter des commentaires corrigeant le simplisme de ses auteurs qui gâche parfois un travail qui reste intéressant (je me suis limité à ce qui concerne le Donbass).

Erwan Castel


Source de l'article: Slate.fr

Des recrues du régiment ukrainien Azov, composé de miliciens d'extrême droite, à Kiev le 13 juin 2015 avant leur départ pour aller se battre à l'est de l'Ukraine. | Genya Savilov / AFP

Comment le conflit ukrainien est devenu 
le laboratoire du terrorisme d'extrême droite


Antoine Hasday, Maxime Macé et Pierre Plottu — 25 juin 2020


[Épisode 4]
Depuis 2014, des milliers de suprémacistes blancs étrangers 
utilisent ce combat comme un prélude à la guerre globale 
pour la défense de la «race blanche».

Un nouveau nuage brun s'est élevé au-dessus de l'Europe. Depuis le mois d'avril 2014, un violent conflit oppose les séparatistes pro-russes de la région minière du Donbass, à l'est de l'Ukraine, aux loyalistes (1) du gouvernement central de Kiev. En février 2014, le mouvement pro-européen EuroMaïdan chasse du pouvoir le président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovytch. Ce qui exacerbe les velléités séparatistes des Ukrainien·nes russophones – dont beaucoup se considèrent plus Russes qu'Ukrainien·nes– en Crimée et dans la région du Donbass, où elles et ils sont majoritaires. En mars 2014, la Russie annexe la Crimée après un référendum très contesté (2). En avril 2014, une insurrection armée dans le Donbass, soutenue par Moscou, conduit à la proclamation de deux républiques séparatistes, Donetsk et Lougansk. C'est le début de la guerre du Donbass. (3)

Commentaires:
  1. Le terme "loyaliste" est ici très mal choisi pour désigner des forces composées de mercenaires attirés par les intérêts et de conscrits forcés à se battre par la constitution. Et surtout il est en contradiction avec le rappel historique de la phrase suivante qui évoque le Maïdan, un coup d'Etat incompatible avec le loyalisme...
  2. En quoi le référendum de Crimée est-il contestable ? en dehors du fait que ses résultats ne plaisent pas aux occidentaux qui voulaient offrir à l'OTAN sur le plateau du Maïdan la base navale de Sébastopol. Pour info les résultats de ce référendum du 16 mars 2014, où 96.77 % des votants (83.1% de participation) se prononce en faveur de "la réunification de la Crimée avec la Russie dans les droits de la Fédération de Russie" (contre 2.51 % pour "un statut de la Crimée dans le cadre de l'Ukraine") ne fait que confirmer le séparatisme engagé lors des 2 précédents référendums réalisés par l'Ukraine les 20 janvier 1991, (94,30 % de votes favorables pour l'établissement d'une "République socialiste autonome de Crimée" et le 27 mars 1994, (78.40 %.des votes réclament un élargissement de l'autonomie de la péninsule).
  3. Présenter "l'insurrection armée du Donbass" sans mentionner l'ostracisation des populations engagée par le nouveau pouvoir de Kiev et les massacres opérés par ses séides bandéristes (Odessa par exemple) relève du mensonge par omission. D'autre par le "soutien par Moscou" n'est pas initial dans cette insurrection dont les animateurs sont mêmes issus de l'opposition politique au parti présidentiel (communistes, impériaux, nationaux bolcheviques etc..

Depuis les guerres de Yougoslavie (1991-2001), aucun conflit armé d'une telle intensité n'avait secoué l'Europe.

Après la Seconde Guerre mondiale, les militant·es d'extrême droite radicale ont cherché des conflits où s'engager militairement pour une cause qui leur semblait juste. Ainsi des volontaires, principalement en provenance de France, sont parti·es se battre au Liban dans les années 1970 aux côtés des phalangistes chrétien·nes de Bachir Gemayel, dans les rudes combats de rues qui ont ravagé Beyrouth. On retrouve ces mêmes volontaires en Birmanie, auprès de la minorité Karen en rébellion contre le gouvernement, ou en Angola dans les rangs de l'UNITA, qui combat le régime marxiste soutenu par Cuba dans la décennie suivante.

Des combattants de l'UNITA au camp d'entraînement de Capolo le 28 janvier 1976. | STF / AFP
Les guerres de Yougoslavie donneront également l'occasion aux va-t-en guerre de l'extrême droite radicale de faire le coup de feu, notamment dans les rangs des forces croates.

Faute de conflit d'envergure où combattre depuis la fin des conflits balkaniques, nombres de personnes qui étaient passées du côté du militantisme radical avaient choisi de s'engager dans leurs armées nationales mais aussi dans le milieu du mercenariat, où elles sont légion.


Le creuset ukrainien

Le déclenchement du conflit ukrainien a permis à toute une frange de l'extrême droite radicale d'assouvir ses fantasmes de guerre dans un conflit de haute intensité, qui a déjà fait plusieurs milliers de morts et qui n'est toujours pas résolu. Tous viennent se battre au nom de leur idéologie xénophobe et racialiste, même si l'on retrouve ces radicaux d'extrême droite aussi bien dans le camp loyaliste que chez les séparatistes (1).

Chacune des parties du conflit cherche à attirer l'attention médiatique autour de cette guerre qui se déroule aux confins de l'Europe. Pour les loyalistes, il s'agit de faire vivre leur combat auprès des puissances occidentales tandis que la Russie, qui soutient les séparatistes, cherche à rétablir sa position de premier plan sur la scène internationale et à rappeler son pouvoir de nuisance (2). Pour les acteurs suprémacistes blancs du conflit ukrainien, quelle que soit leur allégeance, l'objectif est d'attirer le plus de personnes possibles au combat dans cette guerre présentée comme un prélude à un conflit racial global. Un thème fédérateur, qui, comme d'autres conflits auparavant, pourrait servir de terreau voire de mythe fondateur à toute une génération de militant·es d'extrême droite et faire émerger une nouvelle mouvance violente, racialiste et transnationale.

L'ancien blason du bataillon Azov
utilisant le symbole nazi du Soleil
noir. |MrPenguin20 via Wikimedia
Dans les rangs des loyalistes, plusieurs unités de miliciens se sont constituées en enrôlant massivement des membres d'organisations et des hooligans d'extrême droite qui avaient fait le coup de poing dans les manifestations d'EuroMaïdan, qui ont conduit au renversement du président pro-russe Viktor Ianoukovytch (3). Le régiment Azov est la plus connue de ces anciennes milices.

Alors que l'unité n'était encore qu'un bataillon de volontaires, elle s'est illustrée lors des combats pour reprendre le port stratégique de Marioupol aux mains des séparatistes en avril 2014. Le groupe ne cache alors pas ses convictions néonazies, en témoignent le Soleil noir et la Wolfsangel –«crochets du loup», ancien insigne héraldique germanique que se sont appropriés les nazis et symbole du parti d'extrême droite Svoboda avant 2003– qu'elle arborait sur son ancien blason.



Commentaires:
  1. Alors que je rejette moi-même avec force les idéologies ethnocentrées et centralisatrices, je ne peux accepter un tel amalgame simpliste qui insulte en premier lieu le travail de ses auteurs. En effet le terme "idéologie xénophobe et racialiste" ne peut s'appliquer a ceux qui connaissent la réalité de la Russie et sont venus la défendre dans le Donbass aux côtés de volontaires asiatiques ou musulmans par exemple pour ne citer que 2 des communautés de cette diversité russe déjà évoquée plus haut. Et s'il existe ici comme ailleurs des "racistes" ils sont encore plus minoritaires car la Russie est par définition un empire multi-communautaire.
  2. La russophobie des auteurs semble ici tenir plus du réflexe psychotique que de l'analyse, car évoquer le "pouvoir de nuisance" de la Russie au lieu d'évoquer sa "zone d'influence" géopolitique par exemple, et que tout le monde reconnait, relève d'un positionnement propagandiste manichéen que j'estime être incompatible avec un journalisme d'investigation. 
  3. Ici la prose propagandiste russophobe des auteurs est plus subtile: certes ils évoquent honnêtement le factuel "renversement du président Ianoukovitch" mais sans préciser toutefois qu'il avait été démocratiquement élu, et pire en précisant qu'il était "pro-russe" (quelle horreur ! Vade retro Satanas !) légitimant ainsi en filigrane ce qui reste un coup d'Etat inadmissible dans une Europe dite civilisée !
Un reportage de la télévision norvégienne auprès des combattants d'Azov avait permis de constater que certains d'entre eux arboraient sur leurs casques le symbole de la SS ou la croix gammée.

Des membres du régiment Azov paradent dans la ville de Marioupol à l'occasion du cinquième anniversaire de la libération de la ville le 15 juin 2019 avec un drapeau expurgé d'une partie de sa symbolique néonazie. | Evgeniya Maksymova / AFP






















L'idéologie nazie promue par cette milice n'a pas empêché l'ancienne unité paramilitaire d'être intégrée à la garde nationale ukrainienne fin 2014, la rattachant ainsi directement au ministère de l'Intérieur, pour pallier les faiblesses d'une armée régulière en pleine déliquescence. (1)

Le régiment Azov a depuis tenté de dédiaboliser son image à la fois en Ukraine et à l'étranger. Le nouveau blason de l'unité, plus neutre, a été expurgé de son Soleil noir. Ses dirigeants ont également tenté de rejoindre le jeu politique ukrainien en créant en 2016 le parti Corps national dont les membres sont quasi uniquement d'anciens combattants de l'unité. Le parti est dirigé par Andri Biletsky, par ailleurs commandant du régiment Azov.

Commentaire: 
  1. Il est exact que l'armée régulière ukrainienne est en pleine déliquescence en 2014 et que seuls les bataillons spéciaux néo-nazis composés de soldats politiques viscéralement russophobes acceptent de tirer sur des populations qui encore étaient la veille composante de la nation ukrainienne moderne. Nombre d'unités ukrainiennes ne sont pas motivées en effet pour participer à une guerre civile idéologique et les implantations militaires ukrainiennes par recrutement régionaux (les gens du Donbass dans des unités déployées dans l'Est etc.) a augmenté le malaise et même favorisé les défections avec armes et bagages, en faveur des séparatistes. L'intégration de ces unités spéciales dans l'armée régulière ukrainienne avait pour but surtout de les mettre aux normes et  hors de portée des accords de Minsk qui demandent le désarmement des formations paramilitaires.

Pôle d'attraction néo-nazi

Opposé à la fois à l'impérialisme russe et à l'influence de l'Union européenne, Corps national fait reposer son projet international autour de «l'Intermarium», un concept géopolitique porté dans l'entre-deux-guerres par l'autoritaire chef de l'État polonais (1918-1922) Józef Piłsudski d'union territoriale de la Baltique à la Mer noire avec pour modèle la République des Deux Nations, née de l'union de la Pologne et de la Lituanie au XVIe siècle.

L'avatar politique du régiment Azov y voit une union politique de la «vraie Europe», qui constituerait à la fois un bloc face à l'expansionnisme et l'agressivité de la Russie de Poutine à l'Est –volontiers qualifiée de «néo-bolchevisme»– mais aussi un rempart face aux valeurs honnies de l'Occident: le libéralisme, le multiculturalisme, la laïcité, le féminisme et la défense des droits des minorités. C'est en quelque sorte la Troisième voie tant recherchée par les nationalistes-révolutionnaires, par exemple le GUD et ses héritiers en France avec lequel des liens sont entretenus.

Le régiment Azov a accueilli un nombre conséquent de volontaires venus de l'étranger, principalement d'Europe (France, Allemagne, Grèce, Croatie, Suède…) mais aussi d'Amérique du Nord et du Sud, d'Australie et même de Russie. Si dans les premiers temps du conflit tous n'adhèrent pas à l'idéologie de l'unité, celle-ci a ensuite constitué un pôle d'attraction pour de nombreux militants suprémacistes blancs occidentaux, ouvertement nazis. Une milice d'extrême droite radicale, la Misanthropic Division (dont des membres ont déjà été condamnés pour des faits en lien avec le terrorisme), a même développé des réseaux dans les pays occidentaux pour favoriser l'arrivée en Ukraine de ces militants particulièrement radicaux.


«Mon engagement en Ukraine, 
c'est un peu comme un laboratoire du fascisme. 
Les conditions sont optimales.»


Joachim Furholm, vétéran norvégien de la guerre du Donbass


Sur place, ils ont acquis une expérience au combat qu'ils jugent cruciale pour l'avenir. Nombre de ceux qui ont rejoint les rangs d'Azov considèrent la guerre civile ukrainienne comme un terrain d'entraînement en vue de la guerre raciale qui viendrait pour la défense de l'Europe blanche. «On a là des individus qui sont des combattants endurcis, probablement plus radicalisés qu'au moment de leur départ. On a aussi désormais affaire à un réseau international de suprémacistes blancs violents qui peuvent facilement dialoguer entre eux via différentes plateformes puis revenir chez eux, diffuser leur propagande, organiser des entraînements ou passer au prochain combat», expliquait en juin 2019 à Vice Mollie Saltskog, analyste renseignement au sein du cabinet de conseil stratégique Soufan Group.


En témoigne l'interview dévoilée par le site d'investigation Bellingcat d'un vétéran norvégien, Joachim Furholm, par une radio suprémaciste, Radio Wehrwolf. L'homme se décrit lui-même comme «un révolutionnaire national-socialiste» et un «admirateur d'Anders Behring Breivik». Il est suspecté d'avoir tenté de favoriser le départ de volontaires suprémacistes blancs américains vers l'Ukraine pour rejoindre les rangs d'Azov, par l'entremise de son aile politique Corps national.

«Je me suis retrouvé à diriger un petit groupe de volontaires originaires de tout l'Occident pour engranger un peu d'expérience militaire et, espérons-le, être capable de renvoyer quelques-uns de ces gars chez eux pour qu'ils transmettent leurs compétences et leurs connaissances», a expliqué Furholm à l'auditoire de la radio suprémaciste au sujet de son engagement en Ukraine. «C'est un peu comme un laboratoire du fascisme. Les conditions sont optimales», avait-il poursuivi. Et de conclure: «Ils [le régiment Azov] ont réellement la ferme intention d'aider le reste de l'Europe à reprendre les terres qui lui appartiennent de droit.»

Les messages de propagande de ce type sont abondements relayés sur les réseaux sociaux: celui d'une «Reconquista européenne» qui partirait d'Ukraine, pour reprendre les termes employés par Olena Semenyaka, figure de Corps national et chargée de son développement à l'international. On trouve ainsi dans plusieurs langues européennes, et notamment en français, des chaînes Telegram qui glorifient les actions du régiment Azov, jusqu'aux crimes de guerre comme les décapitations de combattants séparatistes. Certaines d'entre elles, plus radicales que les autres, n'hésitent pas à faire la promotion des attentats de Brenton Tarrant ou d'Anders Breivik. Pour les administrateurs de ces chaînes, le conflit ukrainien et les actes terroristes de l'extrême droite sont deux batailles dans une guerre plus globale au nom de la «défense de la race blanche».


Des deux côtés de la ligne de front

Particularité du conflit ukrainien, on retrouve également des combattants d'extrême droite de l'autre côté de la ligne de front. Par fascination pour la Russie de Vladimir Poutine –dont la figure est très populaire dans ces milieux–, par nationalisme panslave, par opposition à l'Union européenne ou à l'OTAN ou encore parfois par simple volonté d'aller faire le coup de feu, plusieurs milliers de volontaires étrangers ont rejoint les rangs des combattants des deux républiques séparatistes de Lougansk et de Donetsk. Ces combattants se sont dispersés dans une multitude d'unités au début du conflit se regroupant généralement par nationalités, comme le groupe franco-serbe "Unité continentale", avant d'être progressivement repris en main par les autorités locales courant 2015 sous la pression de Moscou (1) (2).

Parmi ces multiples groupes, la Légion impériale, dirigée par Denis Gariev, a permis à plusieurs centaines de Russes de se déployer dans la région minière de l'est de l'Ukraine pour combattre les loyalistes. Branche militaire d'une organisation ultranationaliste russe, elle considère à la fois que l'Ukraine est un territoire historiquement russe à reprendre et que les Ukrainien·nes sont des «schismatiques» qu'il faut combattre au nom de l'orthodoxie (3).

Dmitry Gaydun surnommé «Donskoy», un membre du Mouvement impérial russe le 28 février 2015 se prépare à aller se battre auprès des rebelles séparatistes pro-Russes à l'est de l'Ukraine. | Olga Maltseva

Diplômé de la prestigieuse université d'État de Saint-Pétersbourg, Denis Gariev est donc à la fois un chef milicien et le dirigeant d'une organisation d'extrême droite radicale russe, le Mouvement impérial russe (MIR).

Cette dernière présente la particularité d'être la première formation suprémaciste blanche à avoir été placée par les États-Unis sur sa liste noire des organisations terroristes mondiales en avril dernier. Fort de quelques centaines de militants, le MIR est un parti monarchiste qui exalte le souvenir du régime tsariste en y agrégeant d'un profond sentiment islamophobe et une volonté de défense de la civilisation «blanche». Un logiciel xénophobe qui s'inscrit parfaitement dans le mouvement racialiste global émergent.

Pour cette formation, une nouvelle croisade serait «la seule réponse adéquate et possible à l'expansion islamique agressive». Le parti revendique avoir envoyé des combattants en Syrie pour se battre aux côtés des forces de Bachar el-Assad mais également en Libye (où au moins deux combattants seraient morts) et en République centrafricaine. «Les chrétiens doivent se défendre en attaquant l'ennemi sur son territoire, dans son antre», justifie un manifeste du MIR diffusé sur les réseaux sociaux.(4)

Commentaires:
  1. Concernant "Unité Continentale", groupe de volontaires occidentaux venus en 2014-2015 dans le Donbass, s'il est exact que certains de ses membres sont issus de la droite radicale française, il est complètement faux en revanche que ce groupe ait porté un discours raciste ou même politique comme le démontre d'ailleurs sa composition à base de français, mais aussi de communistes espagnols ou de brésiliens. D'autre part si le groupe se délité après le 17 janvier 2015, c'est juste par fatigue, conflits de personnalité et non à cause d'une "reprise en main par les autorités locales sous pression de Moscou", lesquelles ont eu au contraire le défaut de ne jamais considérer la présence de volontaires occidentaux et de l'opportunité qu'ils offrent aux Donbass en terme de communication.
  2. Et puisque est abordé ici le sujet des volontaires français je précise ici que si une action a été entreprise pour dissoudre les groupes de volontaires français venant dans le Donbass depuis 2014, elle émane des services français peu désireux de voir un jour revenir au pays des activistes antimondialistes et pro-russes aguerris. Ayant été personnellement au coeur d'une tourmente de calomnies cherchant à discréditer ce volontariat, j'ai depuis eu la confirmation de l'existence d'un réseau français libéral présent en Russie et toujours connecté aux services francais, via des affairistes comme Xavier Moreau. Et comme 'par hasard" ce sont ces prétendus "pro-russes", Brayard, Moreau, Tarrade, qui avec leurs idiots utiles '(Néant and Co) sont venus semer la discorde puis la censure au sein des volontaires français du Donbass, tout en se médiatisant au passage pour se faire valoir au sein de leurs réseaux moscovites. Dans le document ci dessus les aveux de Brayard résument a eux seuls la stratégie de calomnies et divisions organisée via son réseau par les services francais "afin d'arrêter l'arrivée de nouveaux volontaires étrangers dans le Donbass.                                                
  3. Ben oui messieurs Hasday, Macé et Plottu, l'Ukraine est bien historiquement russe, depuis la fondation originelle de la Russie réalisée par la "Rus de Kiev" jusqu'à l'Etat ukrainien moderne qui est une création soviétique difforme qui y a arbitrairement rajouté entre autres territoires extérieurs, le Donbass russe (1921-2014), la Galicie Polonaise (1939), la Crimée (1954_2014) etc... Ensuite, concernant la juridiction autocéphale de l'église orthodoxe ukrainienne elle est effectivement schismatique, tant sur le plan religieux que politique comme cela a été entériné en 2018 avec sa définition finale initiée par le président ukrainien Porochenko ce qui a provoqué au passage un schisme religieux plus important entre les patriarcats de Moscou et Constantinople. 
  4. Votre assujettissement à la doxa mondialiste de la bien pensance vous conduit à des incohérences de discours hallucinantes comme ici par exemple où vous prétendez d'une part que le Mouvement Impérial Russe "exalte un profond sentiment islamophobe et une volonté de défense de la civilisation «blanche»" mais d'autre part combat en Syrie aux côtés de l'armée arabe syrienne de Bachar el Assad et du Hezbollah, musulmans sunnjites et chiites combattant les djihadistes pro-occidentaux. Un tel paradoxe demande des explications non ? A savoir que le MIR combat effectivement un islam radical et politique MAIS en tant que mouvement impérial reconnait et défend la diversité des communautés constituant la Grande Russie où on peut même trouver des républiques musulmanes (Caucase par exemple) 
Propagande du Russian Imperial Movement capturé sur l'une d'une de leur page.



Stages d'instruction paramilitaires

En effet, selon le Centre sur le terrorisme, l'extrémisme et le contre-terrorisme (CTECT) basé à Monterey, en Californie, «le MIR est une organisation extrémiste dangereuse impliquée dans l'entraînement de suprémacistes blancs afin de participer à des violences à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de la Russie». (1)

Le groupe propose à des citoyen·nes non-russes de venir assister à des stages de préparation au combat de «Camp Partizan» dont le siège est installé à Saint-Pétersbourg, à proximité du parc de Sosnovka. Des volontaires, dont nombre de membres de la jeunesse européenne affiliée à des partis d'extrême droite, y apprennent le maniement des armes, des rudiments de médecine de guerre, le déplacement tactique ou encore la topographie. Début juin, le magazine Focus, s'appuyant sur des informations des services de renseignements allemands, a révélé que des jeunes de la mouvance néonazie du parti Troisième Voie («Der Dritte Weg») et de la branche jeunesse du NPD («Junge Nationalisten») s'étaient rendus sur place et avaient participé à ces stages.

Parmi les «stagiaires» en provenance d'Europe du Russian Imperial Mouvement, certains sont déjà passés à l'action terroriste dans leur pays. Ainsi, Viktor Melin, Jimmy Jonasson et Anton Tulin, trois Suédois, ont été condamnés à huit ans et demi de prison par le tribunal de Göteborg en 2017 pour des attentats à la bombe commis en novembre 2016 dans les locaux d'une organisation syndicale et d'un camp de réfugié·es. (2)


À la suite des attentats, des protestations ont eu lieu le 12 novembre 2016 dans le centre de Stockholm pour s'opposer au mouvement néonazi auquel appartiennent les trois terroristes. | Jonathan Nackstrand / AFP


Tous trois membres du Mouvement de résistance nordique, une organisation néonazie pan-nordique suédoise fondée en 1997, ils avaient été formés au maniement d'explosifs au «Camp Partizan» en août 2016 pendant onze jours. Preuve que le conflit ukrainien participe à la radicalisation et à l'entraînement d'individus qui rentreront ensuite dans leur pays, tel ces djihadistes partis se former en Afghanistan auprès d'al-Qaïda. Avec les suites que l'on connaît."


(fin de l'article du Slate)

Commentaires:
  1. La qualification d' "organisation terroriste" lorsqu'elle est faite par le CTECT étasunien, organisme affilié à la CIA englobe aussi et d'abord toute organisation et mouvement s'opposant à l'impérialisme des intérêts occidentaux dans le Monde dont beaucoup ne se retrouvent pas la liste noire de l'ONU qui fait référence (et encore parfois contestable ).
  2. Effectivement ce qui est relevé ici est l'attraction exercée par les structures paramilitaires (mouvements de jeunesse, associations historiques, camps d’entraînements ou survivalistes, stands de tir, salles de sports de combat, etc) auprès de radicaux de tous bords et horizons et qui parfois ont même des idéologies divergentes voire contraire à celles des organisateurs. Dans de nombreux pays des formations paramilitaires sont proposées et des stagiaires dérapent et se radicalisent dans le terrorisme. Quel est le niveau de responsabilité technique, idéologique et juridique des centres concernés cela reste un vrai débat et un problème réel a traiter. Cependant condamner ad principio une organisation X ou Y au prétexte que des stagiaires sont devenus par la suite des terroristes reviendrait alors à considérer tous les services occidentaux, qui ont formé et soutenu les futurs djihadistes de Al Qaida, Daesh and Co, comme des organisations terroristes majeures (cela dit pourquoi pas...)
________________________________________

Conclusion personnelle:

Cet article du Slate reste globalement intéressant et pertinent car il met en lumière la résurgence d'un néo nazisme européen à partir de la matrice ukrainienne qui tente de mobiliser autour de sa vision ethnocentrée et russophobe les mouvements nationalistes les plus divers.

MAIS, sous couvert d'un enquête sérieuse  - mise à part sa tentation à une reductio ad hitlerum de la nébuleuse nationaliste radicale européenne - j'observe que Antoine Hasday, Maxime Macé et Pierre Plottu ne peuvent pas s’empêcher de mettre, dans un amalgame simpliste les individus et les groupes soutenant le séparatisme du Donbass. Ceci je pense pour s'aligner servilement sur une politique éditoriale pro globaliste et russophobe hystérique qui discrédite leur travail et salit l'éthique de leur profession.

Aussi pour compléter leur investigation et leur regard sur la guerre du Donbass, je les invite fortement à venir y rencontrer les acteurs de la rébellion et les populations des républiques populaires de Donetsk et Lugansk qui se battent toujours, 6 années après pour leurs libertés, leurs traditions russes et leur territoire qu'elles souhaitent voir rejoindre sa Russie matricielle.

Ils pourront apprécier à sa juste valeur cette rébellion du Donbass et les motivations et identités multiples des volontaires qui, à travers leur immense diversité ethnique, religieuse, politique, culturelle, géographique, témoignent de la réalité d'une "idée d'empire" incarnant une destinée commune supra-communautaire et a-politique qui les incite à tout abandonner pour défendre l'identité d'un peuple faisant partie de cette grande "matrie" russe commune.

Et pour terminer, et éviter d'être à mon tour étiqueté ou amalgamé outrancièrement, je précise encore que, militant pour une véritable Europe, celle "aux cent drapeaux" défendue par Yann Fouéré je suis donc comme l'immense majorité des volontaires du Donbass un fédéraliste anti jacobin, anti UE et un antifasciste actif (pas dans la définition des "antifas" des manifs, qui à l'instar des antiracistes actuels ne sont de facto que les idiots utiles du pouvoir dominant). Et surtout j'essaye d'être un homme qui refuse toute forme de pensée unique manichéenne et dogmatique, qu'elle soit religieuse, politique, économique ou culturelle...

Seule la liberté et le pouvoir des peuples, dans leur diversités communautaires, animent mes pensées et mes actions...


Erwan Castel

Posts les plus consultés de ce blog

Attentats à Lugansk !

Volontaire français sur le front

L' UR 83P "Urki" au combat