Un "fight spirit" ukrainien dans le coma

Une armée ukrainienne en pleine décomposition


Lorsque l'armée ukrainienne arrive en 2014 dans le Donbass avec armes et bagages elle révèle un niveau opérationnel lamentable, lié à d'énormes problèmes d'organisation et de discipline, auxquels se rajoute un manque de motivation général des soldats engagés dans une guerre contre une partie de leur propre population. De nombreuses désertions vont être observées dès les premiers combats tandis qu'un manque de combativité et une incompétence du commandement participent activement aux défaites militaires successives que Kiev collectionne alors dans les "chaudrons". 

L'engagement des bataillons spéciaux formés à partir de paramilitaires des mouvements radicaux et néo-nazis, et de prisonniers libérés sous contrat d'engagement ne va pas arranger la situation générale. Même si ces bataillons spéciaux (Azov, Donbass, Dniepr, Tornado etc...) sont souvent utilisés comme image de propagande, leurs combattants vont défrayent plus la chronique par des faits divers crapuleux et criminels que par des faits d'armes où leur incompétence militaire est à la hauteur de leur motivations extrémistes... De nombreux officiers et soldats seront arrêtés et des unités seront même dissoutes (comme Tornado par exemple)...

Bref, une armée composée d'une minorité d'extrémistes motivés mais ne sachant pas se battre, et d'une majorité de soldats, certes entraînés et même expérimentés, mais ne voulant pas se battre...

Profitant de l'accalmie provoquée par les accords de Minsk, Kiev depuis 2 ans tente de réorganiser son armée et d'élever son niveau opérationnel qui avait été abandonnés depuis l'indépendance de l'Ukraine. Modernisation du matériel, formation aux nouveaux procédures de combat de la guerre moderne, Instruction de l'encadrement etc...  le tout inscrit dans une volonté politique d'intégrer l'OTAN à moyen terme et dont les normes sont déjà définies comme modèles à suivre tandis que des exercices interalliés de l'Alliance avec l'Ukraine se multiplient chaque année. 

Sur le terrain, les bataillons spéciaux disséminés sur toute la ligne de front sont intégrés au commandement des brigades en charge de leurs secteurs mais restent souvent des "électrons libres" indisciplinés et responsables de forfaits et de crimes réguliers tant au sein de l'armée que à l'encontre de la population civile occupée. Quant au reste de l'armée ukrainienne, si son image s'est nettement améliorée en 2 ans (tenues équipements etc...) les dernières opérations offensives qu'elle a mené en 2016 (dans les secteurs de Shirokino et Debalsevo notamment) montre que son niveau opérationnel reste très faible et son niveau moral des plus bas...

Dans son rapport de fin d'année, le major Général Muzhenko, chef d'Etat-Major de l'armée ukrainienne déclaré que les pertes hors combat subies par l'armée déployée dans le Donbass étaient plus importantes que les pertes au combat (256 contre 211) Et ces chiffres sont encore à revoir à la hausse car, comme dans toutes les guerres en cours, depuis le début de l'Opération Spéciale lancée contre le Donbass en avril 2014, les pertes militaires subies (et des 2 côtés du front) sont systématiquement minimisées par le commandement politico-militaire à des fins de propagande logique. 


L'alcool entre tradition communautaire et suicide collectif


Un cocktail ukrainien quotidien d’imbécillité, drogues, médicaments, et alcool se révèle depuis le début de la guerre un des problèmes majeurs que le commandement ukrainien n'arrive pas à résoudre. 
Pour la première semaine de 2017 par exemple 18 soldats ont été tuées et 11 ont été hospitalisés à la suite de différents blessures et empoisonnement grave (alcool frelaté) , auxquels il faut rajouter 11 déserteurs (4 de la 54ème, 2 de la 93ème, 3 du 24ème, 2 de la 14ème) dont 8 qui sont partis avec leurs armes. Il faut rajouter à ce bilan pathétique de la semaine du réveillon 12 accidents de la circulation impliquant des soldats en état d'ébriété dont un qui a provoqué le décès d'une femme civile. 

Dire que l'alcool est un problème réservé à la seule armée ukrainienne serait un mensonge grossier, car il existe également du côté des unités républicaines, mais dans des proportions moindres, un contexte moral complètement différent, et surtout un encadrement qui vis à vis de ce problème qui est intransigeant et particulièrement sévère.

Dans le Donbass, 3 facteurs sont cependant primordiaux pour empêcher de fusionner les problèmes liés à l'alcool existant de chaque côté de la ligne de front et de mettre sur le même niveau de gravité leurs motivations et surtout leurs conséquences :
  • Les soldats de Donetsk et Lugansk se battent pour leur liberté pour leur droit à vivre leur identité dans le respect de la culture et de des traditions héritées, tandis que les soldats ukrainiens se battent pour une propagande nihiliste et dont tous savent que les fondements comme l'invasion russe sont mensongers;
  • Les soldats de Donetsk et Lugansk sont tous des volontaires combattant à la lisière de leurs villes et dans les forêts de leur enfance, tandis que la majorité des soldats ukrainiens sont des conscrits et des mobilisés déployés à plusieurs centaines de kilomètres de leurs foyers;
  • Les soldats de Donetsk et Lugansk retrouvent leurs compagnes, leurs enfants et leurs parents à la moindre occasion, lors des permissions et même simples quartiers libres tandis que les soldats ukrainiens sont isolés et éloignés de leurs familles dont ils savent les difficultés économiques de plus en plus importantes.
Même si l'alcool est un dénominateur commun les proportions, les comportements et leurs conséquences sont très différents selon que l'on soit du côté ukrainien ou républicain, et sans tomber dans une caricature simpliste et généraliste le problème de l'alcool observé dans le Donbass est aussi lié à une convergence de plusieurs paramètres :
  • C'est un pays slave où (comme les scandinaves), l'alcool fort est une tradition.
  • C'est un pays de mines, au travail difficile avec une classe ouvrière plus vulnérable.
  • C'est un pays en guerre, drame où l'alcool est un exutoire à la peur ou à la tristesse
  • Sur le front l'éloignement, la camaraderie, le désœuvrement incitent à l'alcoolisme
  • etc...
Prendre en considération cette réalité est déjà une garantie de mieux prévenir le problème et surtout d'en éviter les conséquences. Lorsque la professionnalisation de la milice est intervenue en 2015, ce problème a fortement diminué du côté républicain, par une stabilisation du front et une diminution des massacres ukrainiens, un encadrement rigoureux et une discipline stricte, et enfin la mise en oeuvre d'un programme d'instruction et d'entrainement militaires denses, améliorant les capacités morales et techniques des combattants et diminuant drastiquement le moments de désœuvrement.

Du côté ukrainien en revanche, les beaux uniformes ou les hummers flambants neufs offerts par l'oncle Sam ne suffiront pas, et de beaucoup, à compenser le manque de motivation de la grande majorité des soldats déployés dans le Donbass et qui depuis plus de 2 ans (au moment du "chaudron" de Debalsevo) vivent un désarroi grandissant devenu aujourd'hui un traumatisme profond, qui touche également une société civile plongée dans une crise économique grave et qui désespère de voir chaque jours des cercueils revenir d'un front immobile...


Des défaites maquillées en victoires pour éviter le désert...

Soldat ukrainien tué le 18 décembre dans les combats de Svitlodark

Le commandement ukrainien sait très bien qu'aucune armée dans l'Histoire n'a pu rester loin de ses foyers, plantée sur une ligne de front statique, sans subir rapidement une désagrégation physique, morale, et sociale importante.

Cette situation, pourtant provoquée par Kiev se répète et se retourne aujourd'hui contre elle, car en dehors de l'érosion politico-économique du pouvoir que provoque la guerre dans le Donbass, cette "Opération Spéciale Antiterroriste" se transforme petit à petit en "Désert des tartares" où l'armée ukrainienne, si elle reste immobile va voir dans une décadence sans combats, ses tranchées devenir les tombes de ses soldats... 

Dans son roman l'italien Buzatti évoque parfaitement cette situation psychologique qui peut être pire que celle d'une défaite, cette "déception de la guerre manquée que personne n’eut jamais eu le courage d’avouer." 

Devant un ennemi russe qui n'existe que dans l'imagination d'une propagande désireuse de motiver sa population, l'armée ukrainienne, comme la garnison de fort Bastiani perdue dans le désert des tartares, lutte aujourd'hui elle aussi contre la fuite du temps, cette maladie mortelle qui ronge sa capacité et surtout sa volonté de combat. Le Commandement ukrainien, tout en exécutant le sabotage des accords de Minsk ordonné par le pouvoir de Kiev, en organisant des attaques de plus en plus fréquentes, cherche certainement autant à provoquer les forces républicaines qu'à réveiller le "fight spirit" de son armée comateuse qui depuis 2 ans est enlisée dans des tranchées tantôt boueuses tantôt gelées.

Ainsi, depuis juin 2016, l'armée ukrainienne s'est lancée à la conquête de la zone grise, cette bande normalement neutre qui est située entre les 2 lignes de front, engageant des actions limitées à la fois dans la durée, l'espace que les moyens mis en oeuvres et qui ne dépassent pas ceux qui sont à la portée d'un bataillon d'infanterie et de ses appuis.


Les quelques centaines de mètres de terrain que l'armée ukrainienne a réussi à "grignoter" ici et là au cours de ces attaques localisées ont eu un prix d'autant plus démesuré qu'il ne fait pas évoluer la ligne de front (on évoque par exemple une centaine de tués à Svitlodarsk entre le 18 et le 20 décembre 2016).  
Outre le fait que ces pressions ukrainiennes occupant la zone grise provoquent les forces républicaines et créent de nouvelles zones de contact au cessez le feu ingérable, elles ont aussi pour objectif de tenter de réveiller les unités de Kiev de leur léthargie qui elle aussi est mortelle.... 

Aussi vit-on une propagande de Kiev claironner à chaque fois une victoire héroïque sur des "unités russes" nombreuses et agressives (sinon comment justifier les pertes importantes ?) Mais le problème est que cette propagande simpliste et mensongère, si elle est efficace pendant un temps très court et à l'arrière du front, est en revanche complètement inefficace au sein des unités engagées et qui connaissent la réalité de ces opérations suicidaires, comme le montre d'ailleurs la vague de désertions observée sur le front de Svitlodarsk aux lendemains des combats. 

La seule solution pour que l'armée de Kiev ne sombre pas dans un coma irréversible serait qu'elle obtienne une vraie victoire sur le terrain (capture d'une ville ou d'un carrefour stratégique) et puisse surtout ensuite s'y maintenir pour capitaliser son avancée sur le plan militaire et politique. 

C'est certainement le rêve des chefs des états majors politiques et militaires de Kiev qui, penchés sur leurs bilans ou leur cartes, élaborent un conquête militaire du Donbass...  mais ils savent également que, pour l'Ukraine qui est déjà mal en point, c'est un pari risqué, un quitte ou double perdant  qui risque de voir s'effondrer la colonne du Maïdan, car les 60 000 hommes de leur armée ne sont finalement qu'un vieux fusil à 1 coup et dont la poudre est mouillée par les larmes et la vodka...

Erwan Castel, volontaire en Novorossiya

Extrait du "Désert des tartares" de Buzatti :

"Effectivement s’avançait contre Giovanni Drogo l’ultime ennemi. Non point des hommes semblables à lui, tourmentés comme lui par des déserts et des douleurs, des hommes d’une chair qu’on pouvait blesser, avec des visages que l’on pouvait regarder, mais un être tout puissant et méchant ; il n’était pas question de combattre sur le sommet des remparts, au milieu des coups de canon et des cris exaltants, sous un ciel printanier tout bleu, il n’y avait pas d’amis à coté de vous dont la vue vous redonne du courage, il n’y avait pas non plus l’acre odeur de la poudre, ni de fusillades, ni de promesses de gloire. Tout va se passer dans la chambre d’une auberge inconnue, à la lueur d’une chandelle, dans la solitude la plus totale. On ne combat pas pour repartir couronné de fleurs, par un matin de soleil, au milieu des sourires des jeunes femmes. Il n’y a personne qui regarde, personne ne vous dira bravo. Oh, c’est une bataille bien plus dure que celle qu’il souhaitait jadis."





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