Des sauts de crapaud...

 La stratégie d'usure choisie par Kiev 
risque d'être à double tranchant...

Conscrit ukrops à l'entrainement
Au cours des dernières attaques de l'armée ukrainienne, force est de constater que cette dernière a réussi à grignoter des lambeaux de terrain, principalement dans cette zone neutre appelée "zone grise". Cette stratégie de "saut de crapaud" cherche par la faiblesse des moyens engagés à provoquer une guerre d'usure sans pour autant bousculer définitivement le processus de paix engagé à Minsk.

Les dernières opérations menées par Kiev pour conquérir ces espaces neutres coincés entre les 2 lignes, ont été engagées dans le secteur de l'Arc Svitlodarsk, et elles s'y déroulent etoujours. Au cours de ces attaques menées le 18 décembre entre Kalinovka et Logvinova (au Nord-Ouest de Debalsevo) puis le 12 janvier dernier entre Kalinove et Novogrogorovski (au Nord-Est de Debalsevo), une série de petites collines et un village (Novoluganskoe) ont été conquis dans cette zone sensée rester démilitarisée. 

Globalement, ces avancées ne redessinent pas le traçé général de la ligne de front et si elles donnent apparemment un avantage à Kiev, qui a l'initiative de l'attaque et de la conquête du terrain, en réalité le prix payé par l'armée ukrainienne s'avère disproportionné et surtout inutile car inexploité par une stratégie désorganisée et hésitante.

Il ne s'agit pas ici de tomber dans un discours propagandiste aveugle et manichéen car il existe bel et bien des avancées ukrainiennes inquiétantes et qui deviennent, mètre après mètre, problématiques pour le dispositif de défense républicain qui voit la profondeur stratégique offerte par la zone grise se réduire comme une peau de chagrin ainsi que des points névralgiques de son territoires à nouveau menacés et sous le feu des canons ennemis (comme à Yasinovataya par exemple). 
Mais moralement ces opérations déstabilisent surtout l'armée ukrainienne qui les exécute aux prix de lourdes pertes et à qui on demande presque toujours d'abandonner ensuite une partie du terrain conquis. 


Une tactique ukrainienne limitée qui avantage les républicains

ZSU 23-2 républicain, canon antiaérien redoutable dans le combat défensif terrestre

Pour illustrer ce ressenti, rien de mieux que de lire les analyses ukrainiennes elles-mêmes qui malgré le carcan d'une propagande de guerre logiquement partiale, révèlent les incohérences, les doutes et le mécontentement d'une armée qui est sacrifiée pour des victoires sans importance et souvent éphémères...Parmi ces analyses ukrainiennes, celle réalisée pour le média ukrainien "Dialog" par Yuri Butuzov au sujet des combats dans le secteur de Svitlodarsk me semble intéressante :
  • Pour tenter de donner une légitimité à leur violation du cessez le feu dans ce secteur sensible de Debalsevo, Butuzov reprend la revendication puérile de Kiev qui, arguant de la présence dans la ville des derniers soldats en cours d'évacuation, au moment de la signature de "Minsk 2", pour la revendiquer aujourd'hui, politiquement et militairement.
  • Il refuse de reconnaitre l'efficacité des contre attaques républicaines préparées par un combat de freinage réalisé par une première ligne se repliant en canalisant l'ennemi vers leurs polygones de tirs de barrage. 
  • Il préfère accuser le commandement ukrainien de "décisions étranges" : ainsi le 29 juin 2016, "après plusieurs heures de combat notre unité a reçu l'ordre de quitter le terrain et revenir à leurs positions initiales".
  • De même pour l'opération offensive suivante du 18 décembre 2016, Butuzov qui confirme les pertes importants subies par Kiev ce jour là, dénonce également l'ordre du commandement d'abandonner la hauteur "223" occupée lors de leur attaque initiale.
  • Concernant l'emploi de l'artillerie il constate à mot couvert que l'artillerie républicaine est plus performante que l'artillerie ukrainienne insuffisante autant dans les appuis à l'infanterie que dans les tirs de "contre-batterie" qui réduiraient sensiblement les pertes.
  • Concernant l'infanterie il reconnait qu'elle n'est pas entraînée à des opérations tactiques réalisée par à l'échelon de petites unités autonomes et mobiles, et qu'il est nécessaire de sortir le soldat ukrainien de la léthargie des tranchées.
Bref, Butuzov reproche l'insuffisance des attaques ukrainiennes réalisées, tant dans leur largeur, leurs moyens que les compétences tactiques requises et qui est responsable de la faible profondeur gagnée autant que des pertes importantes subies.


Une stratégie évolutive mais sans moyens adaptés

La dernière action offensive ukrainienne sur le flanc Est de Svitlodarsk était plus large et dispersée contrairement aux précédentes attaques très limitées dans l'espace.

Si la zone limitée des attaques menées par Kiev en 2016 est surtout un choix politique, elle présente en revanche l'inconvénient d'être très vite repérée et définie par les forces républicaines qui vont alors converger leurs forces de réactions disponibles (renforts blindés et artillerie) vers un point unique du front. C'est ce qui a conduit l'offensive du 29 juin à son échec cuisant et celle du 18 décembre à son arrêt brutal, suite à de lourdes pertes.

L'ukrainien Butuzov confirme cette analyse par des réflexions et des recommandations car en effet, il dénonce des offensives ukrainiennes trop limitées dans l'espace et qui sont donc plus facilement et rapidement traitables par les contre attaques républicaines. Reprenant les théories modernes de la guerre de mouvement Butuzov préconise  "de lancer une offensive sur un large front, avec des attaques sur une bande plus large, de sorte que l'ennemi ne puisse pas localiser rapidement nos actions, de les découvrir, et de concentrer sur une petite zone l'ensemble de ses réserves et de son artillerie, il faut le forcer à réagir disperser."

C'est cette tactique offensive "plus large", avec une "préparation d'artillerie dans la profondeur" qui semble avoir été appliquée lors des derniers combats engagés le 12 janvier 2016 sur le flanc Est de l'Arc Svitlodarsk, mais aux premiers renseignements glanés ici et là elle n'a pas forcément bénéficié de moyens adaptés à la largeur de l'offensive (environ 15 km sur 3 axes) et a donc autant dispersé les forces attaquantes que les forces attaquées !

Le résultat semble donc le même : une offensive qui s'enlise au bout de quelques heures sur quelques mamelons chèrement acquis, et qui passe le relais à une artillerie qui reprend ses pilonnages sur la population civile à défaut de pouvoir casser les défenses républicaines qui elles se sont adaptées, réorganisées et renforcées.


En résumé et en se limitant sur les 3 dernières actions offensives menées contre le front de Debalsevo nous observons :
  • Le 29 juin, les unités de Kiev après avoir bousculé les premières lignes républicaines de 4 km se sont retrouvées isolées et sans appui d'artillerie à la merci des contre-attaques blindées et tirs de barrages qui les ont renvoyé vers leurs positions initiales.
  • Le 18 décembre, les objectifs visés lors des assauts près de Kalinovka étaient moins profonds mais dans une zone trop petite, ils ont permis une concentration rapide des réactions républicaines qui ont forcé à un abandon de la plupart des positions conquises.
  • Le 12 janvier, les objectifs toujours limités dans la profondeur mais cette fois étalés sur la largeur malgré une préparation d'artillerie plus importante et profonde ne semblent pas avoir mobilisé suffisamment de moyens. Ces opérations sont toujours en cours...
Quoiqu'il en soit  cette stratégie ukrainienne de l'usure appelé par leurs propres experts "saut de crapaud" ne pourra pas durer comme cela indéfiniment car elle a besoin de plus de moyens pour aboutir mais cela risque alors de faire exploser à nouveau le front...

En attendant, le seul gain qui est obtenu réellement par Kiev dans cette "guerre grise" c'est le gain de temps pour respecter les accords de Minsk, mais cependant il ne faut pas sous-estimer son adversaire surtout lorsqu'il affiche une évolution rapides de ses moyens et sa tactique, car rester attentif à ses procédures repérer leurs changements permet de mieux anticiper et vaincre....

Demain est un autre jour.

Erwan Castel, volontaire en Novorossiya


Ci dessous un article de Karine Bechet-Golovko sur cette "guerre molle" (mais meurtrière) pratiquée par Kiev dans les zones grises :



Source de l'article : Russie Politics

Donbass: l'Ukraine développe une "guerre molle"

Maison à Kominternovo après les tirs de l'armée ukrainienne
 par Karine Bechet-Golovko

14 janvier 2017

"L'armée ukrainienne n'est pas actuellement apte à remporter d'importants affrontements directs, comme l'a démontré sa dernière tentative vers Debaltsevo. Par ailleurs, sa position est "inconfortable" à certains endroits de la ligne de front. Afin de renforcer ses positions, elle a développé une nouvelle technique, celle que l'on pourrait appeler la guerre molle. Il s'agit de gagner quelques mètres ici, un kilomètre par là, stabiliser une nouvelle ligne de front qui lui permette d'avoir, à moyen ou long terme, un point de départ plus fort pour une offensive de grande ampleur.

Ces derniers temps, malgré le cessez-le-feu du 24 décembre qui, selon le dirigeant de la République de Donetsk, Zakharchenko, n'a été respecté que 2 jours par l'armée ukrainienne, les combats s'intensifient.

L'artillerie reprend du service depuis le réveillon de Noël orthodoxe, le 6 janvier:

« Dans l'espace des dernières 24 heures, les forces de sécurité ukrainiennes ont violé le cessez-le-feu 253 fois. En cela, l'ennemi a tiré contre la république 28 projectiles de calibres 122 et 152 mm, 69 obus de calibres 82 et 120 mm, ainsi que 90 munitions de divers types de lance-grenades. De même, des véhicules blindés et des armes d'infanterie ont été utilisées ».

Les nouvelles dans l'ensemble sont mauvaises. En une semaine, l'on compte 1500 tirs de mortiers et d'obus. L'armée ukrainienne renforce ses positions, fait venir des tireurs d'élite, rappelle les bataillons punitifs, augmente sa force de feu avec les tanks et les blindés. Les résultats sont évidents: les civils sont les cibles. 

A Débaltsevo, 500 maisons se sont retrouvées sans électricité suite aux tirs incessants de l'armée ukrainienne dans la nuit du 12 au 13 janvier qui ont touché la ligne électrique. Dans le village de Kalinovo, ce sont 900 abonnés qui sont sans électricité parce que l'armée a bombardé toute la nuit du 13 au 14 janvier. Deux maisons ont été détruites et une personne est décédée à Irmino lorsqu'un obus est tombé sur sa maison. Dans le village de Kominternovo, une maison a brûlé cette nuit suite aux tirs de l'armée ukrainienne.

L'armée met quasiment toute la ligne de front sous pression, même les anciennes zones de combat, comme l'aéroport de Donetsk ou Gorlovka. D'une manière générale, l'armée attaque des petites zones, cherche à renforcer ses positions. Selon les experts militaires ukrainiens:

"Faire la guerre maintenant, ce n'est plus attaquer Donetsk. Faire la guerre, c'est éliminer les dangers pour notre armée sur tous les points du front où l'ennemi est encastré dans nos défense. Ce qui concerne Popasnaya, Svetlodarsk, Gorlovka, Adeevka, Marinka, Peskov, Dokutchaevsk, Vodianovo, Chirokino ... Pour cela, il faut préparer l'armée à de réels combats locaux, qui se conduisent dans les forêts et sur les hauteurs. Et cela va durer encore de nombreuses années."

Avec cette technique, l'armée ukrainienne a déjà réussi à déplacer à son avantage la ligne de front dans cette zone, qui est la zone neutre entre les deux camps, revendiquant certains villages par exemple ou certaines zones industrielles. C'est aussi une guerre d'usure. De cette manière, elle peut préparer à terme une offensive de plus grande ampleur."

Publié par Karine Bechet-Golovko

Des drapeaux ukrainiens marquant des sauts de crapauds 
inutiles et sanglants dans la boue gelée des tranchées


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