Quand le bouclier devient glaive !
De la mythologie grecque à la mystification étasunienne |
Aégis, le bouclier de Zeus qui plus tard, orné de la Gorgone arme le bras d'Athéna, la déesse de la guerre |
Pétris d'un héritage symbolique où les armes des héros du Passé, rejoignent par leurs noms les grands mythes fondateurs du Monde, les militaires aiment toujours choisir une sémantique évocatrice pour baptiser leurs opérations ou leurs armes modernes. Et les soldats américains, avec naïveté et arrogance, respectent cette tradition universelle laissant ainsi parfois des indices qui ne trompent pas et dévoilent, au delà des discours hypocrites de la langue de bois diplomatique du Département d'état, la réalité de leurs intentions hégémoniques.
Ainsi de ces grandes manœuvres de l'OTAN menées début juin 2016, officiellement destinées a tester une réaction défensive des pays européens mais qui de fait a porté dans un mouvement offensif leur nom évocateur "Anakonda" jusqu'aux portes de la Russie. Ce nom -en polonais- "Anakonda", n'est pas le caprice d'un général herpétophile mais bien l'expression zoomorphique tout autant que guerrière de la stratégie d'enserrement de l'Empire du milieu ("contaitment") si chère aux thalossacraties anglo-américaines depuis la fin du XVIIIème siècle.
Il en est de même des systèmes d'armes élaborés par l'industrie militaire étasunienne comme par exemple et pour rester dans le cadre géostratégique de l'Intermarum de l'Est européen, le système de combat "Aégis", présenté comme un ensemble défensif de "radars et différents armements tel que des missiles anti-navire et missiles anti-aérien".
Or, le nom de baptême,"Aégis", de ce système de combat est emprunté à la mythologie grecque qui nous révèle que cette arme merveilleuse de Zeus et Athéna, représentée souvent sous la forme d'un bouclier défensif, s'avère dans les faits une arme offensive des plus redoutables.
Or, le nom de baptême,"Aégis", de ce système de combat est emprunté à la mythologie grecque qui nous révèle que cette arme merveilleuse de Zeus et Athéna, représentée souvent sous la forme d'un bouclier défensif, s'avère dans les faits une arme offensive des plus redoutables.
Ornée de la tête hideuse de la Gorgone ou de Pallas, selon les versions du mythe, l'égide (Aégis) est en fait dans les récits mythologiques, et qu'elle soit servie par Zeus, Athéna ou Appolon une arme qui "déclenche le tonnerre et les éclairs, semant ainsi la terreur parmi les mortels" et préside même à la destruction de Troie.
En 1969, face à la menace des missiles anti navires, le marine de guerre étasunienne va développer l'ASMS (Advanced Surface Missile System) "Aégis" et qui va connaitre par la suite des améliorations et des variantes multiples. Ce système d'armes embarqué à bord de croiseurs et destroyers de plusieurs flottes occidentales (USA, Japon, Espagne, Corée du Sud, Australie, Norvège) n'était connu que des experts militaires jusqu'à l'éclatement de la crise ukrainienne.
Ce système d'armes embarqué est composé :
- D'un radar tridimensionnel d'acquisition et de poursuite AN/SPY-1D
- De lanceurs verticaux MK41 du constructeur Lockheed Martin
- Des missiles intercepteurs SM-3 développés par la société américaine Raytheon,
Dernières versions du missiles SM3 capables d'emporter des charges conventionnelles et nucléaires
Une version terrestre de ce système baptisée ("Aégis Ashore") a été conçue récemment. Plus stable et précise, cette version sera prochainement doté de la dernière version du missile SM3 Block IIA aux performances améliorées :
- Portée opérationnelle : 2 500 km
- Plafond : 1 500 km
- Vitesse : 4,5 km/s (Mach 15,25)
Une présentation du système d'arme Aegis embarqué
Une nouvelle crise des missiles entre Washington et Moscou
"Le système anti-missiles des Etats-Unis est une menace
pour la Russie et pour le monde" Vladimir Poutine
Le chef de l'Etat russe, lors de son allocution annuelle
à la Douma, le 4 décembre 2014 a évoqué le système américain
antimissile et les menaces qu'il représente pour la Russie.
Provoqué par le coup d'état du Maïdan et les sécessions légitimes consécutives de la Crimée et du Donbass, le nouveau bras de fer qui oppose Moscou à Washington dans cette région stratégique de l'Intermarum (entre Mer Baltique et Mer Noire) a pris depuis quelques semaines la dimension d'une nouvelle "crise des missiles", 55 ans après celle de Cuba Quand Nikita Kroutchev avait lancé le déploiement à Cuba de missiles soviétiques au large des côtes américaines en réponse à ceux déployés par Washington en Turquie.
Cette nouvelle crispation de dimension nucléaire est cette fois du côté de Moscou, du fait du comportement belliciste de Washington, car non seulement l'OTAN a étendu son territoire vers l'Est jusqu'aux frontières de la Russie (en violation de la promesse donnée par Reagan en 1989) mais Washington y installe maintenant des systèmes d'armes stratégiques dont la portée des radars et des missiles couvre de nombreux centres vitaux de la Fédération.
L'extension de l'OTAN, cette organisation "défensive" occidentale
Ainsi le 12 mai 2016 a été inauguré sur la base aérienne de Deveselu, en Roumanie le premier site de missiles "Aégis Ashore Missile Defense System" d'un coût de 800 millions de dollars et qui était déjà opérationnel depuis décembre 2015. Un deuxième site identique, est en construction à Redzikowo en Pologne. Ces bases s'inscrivent dans un programme de développement d'un réseau Aégis plus vaste comprenant déjà une station radar en Turquie, en Italie, un poste de commandement en Allemagne et des navires lanceurs présents régulièrement dans les mers Baltique, Noire, Adriatique et Méditerranée (notamment sur la base navale de Rota en Espagne). Les USA ont prévu de disposer d'ici 2020 d'une centaine de navires (Croiseurs et destroyers) équipés du système de combat Aegis
Jusqu'à cette année le déploiement du "bouclier Aégis" était officiellement dirigé contre une menace iranienne ce qui aux yeux de nombreux experts et analystes n'est pas crédible, et lorsque le projet de sites de missiles Aégis, dans leur version terrestre, a été annoncé personne n'a été dupe qu'ils seraient dirigés vers Moscou et non vers Téhéran.
D'ailleurs, le 13 mai 2016, au lendemain de l'inauguration e la base "Aegis ashore" de Roumanie, le Président Obama à Washington a lui même justifié la relance du programme Ballistic Missile Defence Système in Europe (BMDE) afin de faire face à « la présence croissante et la posture militaire agressive de la Russie dans la région baltique/nordique ».
Observons qu'en disant cela le Président des USA a désavoué son vice-secrétaire américain à la Défense Robert Work qui la veille niait en Roumanie que le système visait à protéger l'Europe de toute menace russe.
Inauguration du "Aégis Ashore Missile Defense System" de la base de Deveselu, le 12 mai 2016 |
Une menace inacceptable pour Moscou
Le déploiement de ces missiles stratégiques sur les marches de la Fédération de Russie est considéré par Moscou comme une atteinte directe à la sécurité de son territoire car, outre le fait qu'il est une violation du Traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (INF) signé par les USA et l'URSS en 1987 et qui éliminait les missiles à moyenne portée (500-5500 km) du théâtre européen, il menace directement le coeur de la Russie.
En effet 2 aspects sont à considérer concernant le système de combat Aégis :
- Il annihile le principe même de dissuasion nucléaire qui repose sur un équilibre des efficacités des systèmes d'attaques et de défenses de chacun. Or l'intrusion dans le territoire russe de la couverture radar du réseau Aégis risque de neutraliser une riposte russe à une éventuelle frappe initiale étasunienne.
- Ensuite ces lanceurs déclarés aujourd'hui défensifs sont techniquement opérationnels pour des missions d'attaques et cela de l'aveu même de leur constructeur Lockheed Martin qui décrit son lanceur vertical MK 41 en précisant qu'il est en mesure de lancer « des missiles pour toutes les missions offensives: anti-aériennes, anti-navire, anti-sous-marins et d'attaque contre des objectifs terrestres (...) Chaque tube de lancement est adaptable à n'importe quel missile, y compris ceux de plus grande taille pour la défense contre les missiles balistiques et ceux pour l'attaque nucléaire à longue portée ».
De plus si on rajoute à cela qu'aujourd'hui les missiles sont de plus en plus rapides (vitesses supérieures à Mach 15 !) et que les bases de lancement étasuniennes n'ont jamais été aussi proches des frontières russes, on comprendra pourquoi Moscou voit d'un mauvais œil ce déploiement stratégique et le considère tout simplement comme inacceptable !
La nouvelle ligne de fracture Est-Ouest, sur laquelle se déploient les missiles Aégis est correspond à cet axe géostratégique européen appelé Intermarum, entre Baltique et Mer Noire, aux portes mêmes de la Russie et avec l'Ukraine en pivot central. |
La réponse de l'armée russe
Moscou bien sûr renforce à son tour les boucliers de défense stratégique disposés autour de ces centres névralgiques et les systèmes d'armes hypersoniques capable de contrer le rideau des missiles étasuniens. Mais l'armée russe a également, considérant que le principal problème posé par le système Aégis est sa couverture radar, développé des systèmes de contre mesure électroniques capables de rendre aveugles les systèmes d'armes étasuniens et notamment de neutraliser le système de combat Aegis.
C'est ainsi que le 10 avril 2014, alors que le destroyer ultra moderne USS Donald Cook armé de missiles Aégis et Tomahawk arrivait en Mer Noire sur fond de crise ukrainienne, un bombardier tactique russe Su-24, en le survolant a complètement neutralisé ses systèmes électroniques de détection, de tir et même de navigation, avant de simuler une douzaine d'attaques du fleuron de la marine de guerre étasunienne !
Suite à cet incident Washington a émis une protestation auprès de Moscou sans pouvoir cacher le choc provoqué par la neutralisation de tout son système de combat le plus performant...
Panique à bord du super destroyer Donald Cook, paralysé, aveuglé et encalminé par les contre mesure électroniques d'un seul avion russe |
En résumé...
Cette nouvelle crise des missiles provoquée par la poussée agressive de l'OTAN vers les frontières de Russie et le coup d'état organisé par Washington en Ukraine démontre bien la perfidie occidentale de vouloir cacher une stratégie belliciste dangereuse sous les masques hypocrites et cyniques et de "révolutions démocratiques" et de "stratégies défensives"...
Heureusement que la Russie, même menacée directement au coeur de son sanctuaire sait rester calme et confiante et, à la fois gardienne et protégée d'un territoire et d'une histoire millénaires inviolés, elle répond avec fermeté et même humour tout en déviant les pièges et les provocations occidentales.
Erwan Castel
Vladimir Poutine, répondant à un journaliste au sujet des
missiles "défensifs" étasuniens installés en Europe de l'Est.
La présentation initiale du réseau de défense Aégis et son faux prétexte iranien
Lire aussi, l'article sur l'alerte lancée par le Président russe le 21 juin 2016, le lien ici :
Source de l'article :