Aleksandr, la pierre d'angle de l'unité
De la Russie au Donbass en passant par la Légion
Depuis 3 mois un volontaire de grande valeur est présent au sein de notre groupe de volontaire, et ceux qui ont l'habitude de me lire savent que je suis avare des superlatifs, et si je fais une exception c'est bien parce que Aleksandr Nabiev est un homme exceptionnel.
Ce russe né dans sur les plateaux de l'Oural près de Tcheliabinsk il y a 37 ans. Après avoir travaillé dans des mines de charbon Aleksandr s'est engagé dans l'armée pendant 3 ans,et passionné d'Histoire militaire il s'intéresse alors à l'aventure de la Légion Étrangère française au point de rejoindre ses rangs et servir sous le képi blanc pendant 10 années, pendant lesquelles il servira au 2ème Régiment Etranger Parachutiste à Calvi ,puis au 1er Régiment Etranger à Aubagne.
Durant ce passage à la Légion, Aleksandr s'est également intéressé avec passion à la France, sa culture, son Histoire, et sa maîtrise parfaite de notre langue au point de pouvoir réaliser des traductions instantanées montre à quel point il a su enrichir son identité d'un héritage français fondé sur les valeurs de nos traditions...
Dès son arrivée dans le groupe Aleksandr s'est lui même proposé pour non seulement traduire les conversations mais aussi pour nous donner des cours de langue russe. Attentif et modeste Aleksandr qui est devenu le chef du 3ème groupe a su imposer au groupe un style fondé sur l'exemple et avec Dietrich le chef du 1er groupe ils forment l'ossature opérationnelle et expérimentée de la section.
Homme de Fidélité autant que de culture, Aleksandr a fait rapidement preuve de compétences militaires essentielles servies par une connaissance technique approfondie, un sens du terrain et une audace calculée...
" BOULE DE FEU ! "
Au cours des dernières semaines, "Apach" a réalisé des missions de reconnaissance risquées, infiltrant au milieu de zones minées et observées les lignes ennemies pour détecter la nature des unités ukrops s'y terrant sur leurs bases d'assaut. Le calme de la vielle légion reste la caractéristique de ce combattant aguerri menant avec calme et maîtrise son groupe au plus près de l'ennemi.
Une aventure militaire n'existe en vérité qu'à travers sa dimension humaine, le reste n'étant que longs moments d'attente entrecoupés par le fracas fulgurant de combats qu'on ne peut évaluer pleinement qu'après leur extinction... L'intensité de la vie militaire n'est que l'écho des valeurs humaines qui l'écrivent à force de sueur et de sang.
J'ai aujourd'hui la chance et surtout l'Honneur de côtoyer des Hommes exceptionnels, de tous les âges et origines, aux motivations diverses mais soudés autour d'un engagement commun au service du Donbass. Si cette unité, petit maillon de la grande chaîne militaire qui protège les jeunes Républiques de Donetsk et Lugansk, constitue aujourd'hui un édifice solide c'est grâce à des hommes tel que Dietrich ou Aleksandr qui en sont les pierres d'angles.
Erwan Castel, volontaire en Novorossiya
Aleksandr et Dietrich, au cours d'un entrainement tactique, des hommes au grand coeur rigoureux et chaleureux |
La présence de russes dans les rangs de la Légion Étrangère n'est pas anecdotique, elle est même une composante fondatrice de ce corps d'élite qui compta jusqu'à 75 % de russes au moment du grand exode des russes blancs fuyant la révolution bolchevique.
"J’étais Général, mon Colonel"
Par Ilia-Lakstygal
Défilé de la Légion à Orange pour ses 40 ans de garnison |
"J’ai un ami aventurier. En été 2013, après avoir économisé une grosse somme pour partir pour Paris, Il intégra la Légion étrangère, en espérant gagner de l’argent pour acheter un appartement à Moscou et obtenir le passeport français.
La guerre, dit-il, c’est une occupation naturelle de l’homme. Il rêvait des combats dans les déserts d’Afrique ou au Proche-Orient et s’imaginait lui-même dans le nouveau Lawrence d’Arabie. Mais il s’en évada trois semaines plus tard. En fait, il trouvait son futur service dangereux, trop dur et mal payé. Il revint en Russie avec pleins d’autres projets fous.
Aujourd’hui, la Légion étrangère se compose de français (par exemple, le célèbre Guy Marchand était légionnaire dans sa jeunesse), des originaires des pays post-soviétiques et russophones, ainsi que des gens d’Europe d’Est, d’ex-Yougoslavie, d’Afrique et d’Amérique du Sud. La Légion fut fondée dans les années 1830 pour aider l’expansion coloniale française et pour nettoyer la métropole des émigrés et des éléments criminels. Jusqu’à nos jours, elle attire des hommes qui n’ont que leur volonté de combattre. Des gens privés de leur patrie ou chassés par la justice peuvent obtenir asile au sein de la Légion. Et en échange du sacrifice de leur vie et de leur sang, et tout en mettant leur expérience militaire pour la gloire et les intérêts de la France dans le monde entier, il peuvent obtenir de l’argent et la citoyenneté française.
Au XX siècle, les officiers russes qui perdirent leur pays dans les combats sanglants de la guerre civile avaient obtenu une grande expérience militaire. Beaucoup d’entre eux étaient des vétérans de la Grande Guerre. Les premiers soldats russes apparurent dans la Légion au début de XXème siècle. C’étaient des natifs de la Pologne russe, des allemands des régions occidentales de L’Empire Russe.
C’étaient des aventuriers. Il y avait des exemples exotiques comme ce jeune et pauvre étudiant Nicolas Lossky : un philosophe religieux en devenir. En 1916, au cours de la Grande Guerre, la Russie envoya son Corps Expéditionnaire au secours de la France. Après le coup d’Etat d’octobre 1917 en Russie, la mutinerie et la décomposition du Corps, quelques centaines d’officiers et des soldats russes fidèles au pouvoir légitime formèrent un noyau russe à la Légion étrangère. Ils prirent part aux derniers combats de la Grande Guerre de 1918.
En 1918 la Légion aussi apparut au Nord de la Russie pour soutenir les militants locales, fidèles aux devoirs de L’Alliance contre les bolchéviques et pour restaurer le front de l’Est. La plupart des effectifs du nouveau bataillon fut formée des habitants de cette région. A vrai dire, le bataillon engagé dans les combats contre les bolchéviques en 1918-1919, fut comme les autres régiments français évacué vers la fin de 1919. La cause est à imputer à l’impuissance de l’Entente de mener une politique d’intervention militaire en Russie, après la fin de la Grande Guerre et l’inclination des troupes françaises en Russie à la mutinerie…
La véritable histoire des russes au sein de la Légion étrangère commença en novembre 1920 à Constantinople, occupé par des puissances de l’Entente, où plus de 150 milles réfugiés russes (les restes de L’Armée Blanche, les fonctionnaires, les intellectuels avec leur familles) arrivèrent de l’exil volontaire sans moyen, sans espérance, privés de fierté et de leur patrie. La guerre civile toucha à sa fin. Les Blancs perdirent leur parti. Ils s’enfuirent de la Crimée, prise par les Rouges. Les français et les anglais (les anciens alliés de la Russie et du mouvement Blanc) placèrent leurs alliés les plus successifs dans des camps de réfugiés qui ressemblaient plutôt à des camps de concentration (au Gallipoli et sur Lemnos). La plupart des réfugiés n’avaient pas de profession civile.
1er régiment étranger de cavalerie au Maroc |
Dans ces camps, les recruteurs de la Légion étrangère apparurent. L’Empire colonial français s’agrandit après la Grande Guerre et elle avait besoin de soldats pour étouffer les soulèvements dans les nouveaux territoires – en Syrie, en Algérie, au Maroc et au Liban. Pour les anciens militaires russes – mais également pour les soldats, officiers et généraux – il fallait choisir entre la faim, la misère, l’humiliation et la profession d’un simple mercenaire. Les recruteurs français promettaient 100 francs par mois et 500 francs d’avance. En réalité c’étaient d’abord 7 francs par mois, mais cela n’empêcha pas que plus de 10000 réfugiés participèrent à la Légion Etrangère de 1920 à 1940.
Le 1er Régiment Etranger de Cavalerie fut un des premiers régiments russes de la Légion. Fondé en 1921 en Sousse (Tunisie), il se composait de 128 soldats russophones (parmi eux, 30 officiers, en outre un ancien colonel et un ancien général) et 33 cosaques. Selon la légende, quand le colonel français révéla qu’il y avait un général russe sous son commandement (Quelle rang avais-tu ? – J’étais général, mon colonel), il le salua comme un supérieur. Ceci n’est pas un mythe d’ailleurs, mais il illustre bien la misère des anciens militaires russes et la chute des rangs sociaux.
23ème escadron de Légion marocain |
Dès sa naissance, le 1er régiment fut engagé dans les combats en Syrie et au Maroc. Peu après, le flux des russes remplit d’autres régiments de la Légion. Par exemple il y avait 500 russes dans le 3e Régiment Etranger (au Maroc). Dans le 1er régiment, plus de 3500 soldats russes servaient. Dans les années 1920, les russes faisaient 75 % de l’effectif de la Légion entière. 5 % des soldats russes étaient les prisonniers de la Grande Guerre des prisons allemandes (1918), 10 % les anciens soldats du Corps Expéditionnaire Russe(1917), 25 % les restes de l’Armée du Sud de la Russie de Dénikine (1919) et 60 % les réfugiés de la Crimée, débris de L’Armée Russe du général Vrangel (1920).
L’attitude des chefs français envers les soldats russes étaient loin de la légende sur le colonel et le général. Mais d’un autre côté, les russes méritèrent le respect du commandement dans les sanglants combats, d’abord au Maroc pendant la Guerre du Riff (1921-1926) où le 1er régiment fut engagé en particulier. En effet, les légionnaires russes oppressèrent l’insurrection des Druses en Syrie (1925). Ils apparurent aussi en Algérie, en Tunisie, au Liban, en Indochine et combattaient dans les déserts africains et proche-orientales, dans les montagnes libanaises et jungles d’Asie, contre les rebelles qui se dressaient contre L’Empire Colonial Français.
L’implantation des anciens officiers et soldats russes a permis d’augmenter le niveau culturel des certains régiments légionnaires– parmi eux il n’y avait que 2 % d’analphabètes. Ce n’est pas étonnant, la plupart d’entre eux avaient des diplômes civils ou étaient des officiers professionnels. Les crimes des soldats russes étaient relativement rares. Les indigènes arabes qui craignaient autrefois les légionnaires français, n’avaient pas peur de soldats en permission après l’arrivée et l’intégration des russes. Les habitants de la Syrie et de l’Algérie oublieront une coutume bizarre qui, selon les mémoires d’un légionnaire russe (Nicolas Matline, légionnaire 1920 – 1927) existerait dans les endroits où les régiments de légionnaires s’installaient: quand on laissait les légionnaires pour la permission, un trompette faisait signe et tous les magasins, tous les cafés fermaient rapidement et les habitants se cachaient. Au contraire, les légionnaires russes établirent le contact avec les arabes et la mauvaise réputation de la Légion fut oubliée temporairement.
Légionnaires russes. 1925 |
Malgré les conditions difficiles, le besoin de biens nécessaires et les batailles fréquentes, les légionnaires russes tachèrent de maintenir leur niveau culturel. Par exemple, la bibliothèque russophone fut fondée à Sidi Bell Abbès (1ee régiment, Algerie) et elle devint la plus grande bibliothèque de la Légion. En 1925, elle ouvrit une filiale à Fes (3e régiment, Maroc) et deux autres filiales. A Beyrouth, les légionnaires russes avaient même organisé un orchestre. Parmi les hommes russes dans les régiments de la Légion dans les années 1920s-1930s, on peut trouver le poète et historien Turoverov, l’écrivain journaliste Pechkov (filleul de l’écrivain russe Maxim Gorky) et beaucoup d’autres encore.
Certains réfugiés russes ont servi sous la Légion jusqu’à la fin des années 1940s, en Algérie et en Indochine. Selon les données de la Légion, de 1920 à 1933, seuls plus de 100 légionnaires russes furent tués du Maroc en l’Indochine. C’est sans compter des nombreux russes inscrits comme étant allemands, tchèques, polonais, etc. La cause était simple. Dans les années 1920, les dirigeants de l’émigration russe rêvaient de la suite de leur lutte contre les Rouges. Ils comptaient former une troupe en mobilisant les anciens militaires russe en vue d’une soudaine expédition de revanche. Le Général Vrangel – le chef de ROVS (organisation des militaires russes en exile – L’Union générale des combattants russes) était chargé du dénombrement des ex-militaires russes au sein de la Légion. Ceux qui se soustrayaient à ce dénombrement étaient accusés de traitrise de la Cause Blanche et de la Cause russe. C’est ainsi que certains d’entre eux se sont inscrits à la Légion comme originaires d’autres pays pour éviter ce déshonneur. On ignore toujours le nombre de pertes exactes des légionnaires d’origine russe dans les années 1930 et dans les combats au cours de la Deuxième Guerre Mondiale.
Ilia-Lakstygal
Sources de l'article :
- Site la Russie francophone, le lien : ICI
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