Des tueurs aveugles
Lorsque la guerre apparait dans le Donbass les belligérants utilisent dès les premiers mois un arsenal important de mines et de pièges pour neutraliser les accès et défendre leurs positions, et cet usage va s'intensifier dès lors que le front s'enterre entre Lugansk et Novoazovsk.
Aujourd'hui les zones minées, mêmes si elles sont un avantage pour la défense des unités en première ligne, sont devenues un problème majeur pour elles-mêmes mais aussi pour une population civile qui continue de vivre et survivre sur les 427 kilomètres de ce front actif.
Et la récente expertise de l'ONU concernant le Donbass («Examen des besoins humanitaires de la région à compter de 2019») place même cette région en tête des 5 régions les plus minées de la Planète au regard du nombre d'incidents liés à ces engins explosifs au cours des 3 dernières années et le 5 avril 2019, à l'occasion de la "journée internationale pour la sensibilisation aux mines", Darya Morozova, la Commissaire aux Droits de l'Homme de la République Populaire de Donetsk, confirmant le rapport international, a rappelé que «depuis 2016, 440 personnes dont 21 enfants ont été tuées ou blessées sur le territoire de la République populaire de Donetsk suite à des accidents avec des mines et des objets explosifs».
Les mines et pièges, (auxquels il faut rajouter d'innombrables munitions non explosées) polluent en effet ce front militaire et constituent une menace d'autant plus majeure que c'est une zone habitée ou agricole (malgré les conventions internationales qui interdisent les mines antipersonnelles en zones habitées) et que leur pose n'a pas fait fait l'objet, dans la majorité des cas, de relevés cartographiques précis, permettant de les signaler et de déminer les zones concernées.
Sur cette carte tirée d'un rapport de 2018, les zones des incidents causés par les mines et engins explosifs révèlent le tracé de la ligne de front du Donbass. Les autres secteurs correspondent aux anciennes zones où se sont déroilés des combats en 2014, notamment le secteur de Slaviansk et Kramatorsk au Nord et la zone frontalière au Sud.
Du côté militaire, les incidents dûs aux mines et pièges présents sur le front sont nombreux, et personnellement depuis février 2015 dans les groupes de combat servis, 2 camarades ont été tués et 5 autres blessés (dont 3 amputés) par ces tueurs aveugles, que leurs semeurs soient ukrainiens ou républicains...
Du côté civil les pertes dûes aux mines, même si elles sont moindres restent très importantes et surtout médiatiques, ainsi pour exemple le dernier incident intervenu le 23 février dernier à Elenovka, où 2 civils ont été tués lors de l'explosion d'un minibus sur une mine. Dans le donbass ce sont 2 millions de personnes qui sont sous la menace directe des ces mines et engins explosifs, soit plus d'un tiers des familles dont beaucoup sont déjà confrontées au quotidien des bombardements.
De chaque côté du front les services de sécurité des ministères concernés s'activent à dépolluer les zones habitées des mines et engins non explosées qui y sont disséminés depuis 5 ans, et pour la seule République Populaire de Donetsk, dont le territoire est le plus touché par la guerre, ces sont environ 107 000 mines et engins explosifs qui ont été désamorcés ou détruits par les services de déminages républicains parmi lesquels se trouvent aussi des équipes cynophiles et plongeurs spécialisés.
Parallèlement à ces campagnes de déminage et désobusage, des informations et des formations sont réalisées auprès de la population civile confrontée à cette menace permanente, et notamment auprès des écoles. Et dans les magasins, transports en commun et établissements publics, des affiches et des communiqués rappellent quotidiennement la présence des tueurs aveugles dans l'environnment des familles. de nombreux engins explosifs sont d'ailleurs signalés par les civils auorès des autorités.
Lorsque prendra fin cette guerre, le problème des mines et engins explosifs laissés sur cette zone de front fortement habitée restera une menace et priorité majeures, et pour de nombreuses années...
Erwan Castel