5 années entre destin et destinée
"Notre choix - Russie !" |
Au moment où sonnent les 5 années de la guerre et de la création, sous des orages d'acier des républiques de Donetsk et Lugansk, dans la ville de Donetsk une immense banderole rappelle le choix et le cap maintenu contre vents et marées par ce peuple russe coincé entre le marteau occidental et l'enclume russe.
5 années, c'est le temps qu'il faut à un enfant pour naître, grandir, marcher, parler et commencer à forger sa personnalité dans le creuset de son environnement, de son héritage, de ses expériencee, de ses larmes et des ses rires.
5 années pour des républiques naissantes, ce n'est rien mais c'est aussi un temps déterminant et très long, surtout lorsqu'elles sont assiégées par une armée en furie qui ne cesse de bombarder leur population depuis près de 2000 jours et 2000 nuits. Il y a 3 jours, 2 soldats républicains ont encore été tués sous les bombardements ukrainiens et ce matin c'est une fillette de 12 ans qui a été sérieusement blessé par un obus de mortier lors du bombardement par Kiev de son village de Zoloto 5, près de la ville de Lugansk.
A la veille des cérémonies traditionnelles de mai, les personnes regardent le chemin parcouru par la rébellion et bien qu'il n'ait pas atteint tous ses objectifs, comme la libération des territoires occupées, la paix avec Kiev et au minimum la reconnaissance des républiques par Moscou, personne aujourd'hui ne regrette, malgré les larmes et le sang, le choix exprimé au printemps 2014 d'en finir avec cette folie russophobe qui s'est emparée de l'Ukraine depuis le coup d'Etat du Maïdan.
Ce peuple du Donbass depuis 5 années est à la fois libre et captif, heureux et déçu, car s'il a pu au prix d'immenses souffrances qui continuent, prendre en main sa destinée, il subit aussi malgré lui le destin de son territoire que les vents injustes de l'Histoire ont placé entre les feux de nouvelles tensions Est-Ouest, et que tout ceux qui sont venus ne serait-ce qu'une demi-journée sur le front militaire et même du Donbass ne peuvent pas être appelées "guerre froide 2.0" mais plutôt "paix chaude" et même bouillante !
Une femme du Donbass sur le seuil de sa maison bombardée par l'artillerie ukrainienne |
Depuis plus de quatre ans je suis dans le Donbass au milieu des ruines, celles du front ou celles du quartier d'Oktyabrsky où j'ai décidé de vivre loin des alcôves ministérielles, des vitrines scintillantes et des rédactions propagandistes qui pérorent à longueur de temps que tout va bien, qu'on est les meilleurs, les invincibles et que demain... ou après demain les habitants de Donetsk et Lugansk seront des citoyens russes à part entière comme l'étaient leurs aïeux au début du siècle dernier.
Hélas, entre destin et destinée il y a une montagne difficilement franchissable quand ce n'est pas un gouffre abyssal, et si pour la Crimée, "l'affaire a été pliée" en 3 semaines et sans un coup de feu, pour le Donbass en revanche le retour vers la mère patrie est entravé par des menaces de plus en plus vives qui pèsent sur Moscou et qui l'empèche, pour le moment souhaitons le, d'exaucer la volonté irrédentiste et légitime de cette terre russe de sang, de culture, d'Histoire et de coeur.
En réalité, le chemin parcouru pendant ces 5 années d'aventure républicaine reste exceptionnel et héroïque, car ce sont aussi 5 années de bombardements et 5 années de solitude où les joies de la liberté gagnée sont assombries par les peines d'une guerre sans fin, et où les espérances alternent avec les déceptions.
Et pourtant, cette population n'a jamais cédé pour autant au désespoir et opppose aux désirs criminels qui rôdent aux portes de ses cités une volonté farouche de vivre, portée par une capacité de résilience qu'il est difficile de décrire ici sans être taxé de menteur par celui qui ne connaît pas cette mentalité russe ou n'est jamais venu ici.
Et preuve en est ce contraste impressionnant existant entre le front, cette zone linéaire de 400km et complétement ravagée par des combats et bombardements incessants, et les centres villes où la vie continue "normalement"; contraste qui est d'autant plus surréaliste que les restaurants et les théâtres bondés ne sont souvent qu'à vingt minutes à peine des casemates et des maisons bombardées.
Ainsi par exemple ces deux "faits divers" pris cette semaine dans la chronologie du Donbass (et pour regarder la réalité inimaginable de cette vie dans la guerre, voir le lien suivant sur FB par exemple: "Novorossiya News")
L'OSCE constate les dégaits provoqués par un bombardement ukrainien du village de Zoloto 5 sur le front de Lugansk |
...et pendant ce temps là , à portée des canons ukrainiens, un spectacle est donné par l'université de danse de Gorlovka |
Voilà selon moi le miracle du Donbass où, malgré la guerre et ses innombrables victimes et destructions, l'effondrement de la production économique, le blocus avec l'Ukraine (économique mais aussi administratif, social etc), le déchirement des familles et des amis, la dépression financière professionnelle, universitaire etc..., les femmes et les hommes du Donbass ont continué a rester debout dans les vents de l'Histoire et à maintenir dans la tempête de l'Histoire le cap de leurs espérances.
Il ne faut pas croire pour autant que le peuple du Donbass est naïf ou fanatique, bien au contraire, et je suis même surpris par la clairvoyance de son analyse, la justesse de ses mécontentements ou de ses craintes, mais qui n'ont d'égal que sa fidélité au projet commun et sa discipline morale volontaire qu'il met au service d'une foule de devoirs quotidiens, collectifs et individuels où fusionnent harmonieusement la solidarité et l'obéissance citoyenne.
Ainsi voit-on par exemple et jusqu'à quelques centaines de mêtres du front, les services de l'Etat fonctionner mais aussi les us et coutumes perdurer jusqu'au au milieu des ruines, comme l'entretien collectif par la population des abords et espaces publics ...
Ainsi voit-on par exemple et jusqu'à quelques centaines de mêtres du front, les services de l'Etat fonctionner mais aussi les us et coutumes perdurer jusqu'au au milieu des ruines, comme l'entretien collectif par la population des abords et espaces publics ...
Aussi, il faut comprendre que cette banderole "Notre Choix - Russie !" qui avec d'autres et nombreuses affiches qui fleurissent dans Donetsk pendant ces prépartatifs des cérémonies de mai (victoire de 1945 et référendum de 2014) est un message de la population qui est autant adressée à Kiev où l'avenir du Donbass est au coeur du débat électoral en cours, qu'à Moscou où le Kremlin tente de trouver un compromis entre une real politik internationale qui veut éviterla guerre et le devoir patriotique de protéger ce peuple russe du Donbass qui en subit un des prémices, et des plus abjectes.
Certes le Kremlin ne joue pas sur la ligne de front du Donbass, ni militairement ni même politiquement, tout juste intervient-il à Minsk à la table non moins difficile des négociations diplomatiques.
Et ces accords de l'impossible sont enlisées depuis 5 ans justement parce que les enjeux et le menaces qui prennent leur envol depuis le champ de bataille du Donbass vont beaucoup plus loin que son horizon ceinturé de terrils. Au moins les princes d'en haut y gagnent encore du temps avant la guerre, mais à quel prix pour le peuple des terrils.
Et ces accords de l'impossible sont enlisées depuis 5 ans justement parce que les enjeux et le menaces qui prennent leur envol depuis le champ de bataille du Donbass vont beaucoup plus loin que son horizon ceinturé de terrils. Au moins les princes d'en haut y gagnent encore du temps avant la guerre, mais à quel prix pour le peuple des terrils.
Mais peu importe, malgré les morts, les mutilés les blessés, les torturés et des prisonniers, malgré les déplacés et les réfugiés... ce peuple du Donbass fait savoir chaque jour à Moscou qu'il est son enfant, que sa voix et la voie qu'il s'est choisi en 2014 n'ont pas changé et que son amour pour la Russie reste toujours l'essence de son existence, que ce soit avec Zakharchenko, Pushilin ou un autre, car ce "choix de la Russie" qui est celui d'une destinée héroïque et légitime, en réaction à la folie occidentale du Maïdan n'est pas une réaction politique mais bien l'expression d'un "sens commun", cet "inconscient collectif" décrit par Le bon, Jung ou Orwell entre autres et qui forme les racines profondes des peuples. C'est un choix identitaire naturel, historique et culturel et son expression est populaire.
Et 5 ans de solitude, de larmes et de sang sont plus que ce qu'un peuple ordinaire peut supporter, et les Républiques de Donetsk et Lugansk, en renouvelant leur confiance et leur projet d'avenir avec la Russie rappellent à Kiev, malgré les coups reçus, que le divorce est définitivement consommé et à Moscou, malgré les déceptions vécues, que par la terre fraîche réouverte quotidiennement dans leurs cimetières.
Plus que jamais les républiques du Donbass ont démontré qu'elles méritent de la Russie, leur vraie Patrie, tant par le sang recu que par le sang versé jusqu'à aujourd'hui.
Plus que jamais les républiques du Donbass ont démontré qu'elles méritent de la Russie, leur vraie Patrie, tant par le sang recu que par le sang versé jusqu'à aujourd'hui.
Erwan Castel