Mars, et toujours le mois de la guerre



C'est traditionnellement au sortir de l'hiver que les armées antiques retrouvant leur mobilité se mettaient en campagne durant ce mois qui fut logiquement dédié au Dieu de la Guerre.

Les guerres modernes n'ont pas oublié cette tradition et l'Irak ou la Serbie en sont des exemples. Cette année mars voit une accélération d'escalades diplomatico-militaires importante et notamment par les occidentaux qui défient une Russie contrariant leur expansionnisme militaro-industriel.

VoicI un article à lire pour mieux comprendre les menaces qui pèsent sur la Russie et son président Poutine surtout dans le contexte de la crise nouvelle entre Londres et Moscou qui vient d'aggraver une confrontation Est/Ouest déjà très tendue.

Erwan Castel

Source de l'article : Stratediplo

Comment faire sortir la Russie de ses gonds

La Russie fait toujours partie des cibles possibles des Etats-Unis d'Amérique, au même titre que l'Iran et la Corée du Nord, pour l'affirmation ultime de leur suprématie et l'imposition de leur monnaie de singe au reste du monde, à une date dont la détermination appartient à la Chine ce qui les oblige à entretenir des braises dans les foyers qu'ils couvent jusque-là.

Mais l'anarchie qui règne entre les divers centres de pouvoir au sein de l'hyperpuissance peut aboutir au déclenchement du cataclysme non renouvelable au mauvais moment (trop tôt), par un centre de pouvoir imprégné du caractère définitif des hostilités mais ignorant de leur finalité ultime.

C'est dans ce cadre-là qu'il faut interpréter les nombreuses provocations depuis 2013, visant à faire commettre à la Russie une faute qui permette de l'attaquer frontalement. Après avoir exigé de l'Ukraine qu'elle choisisse exclusivement entre l'Union Européenne et la Russie on y a commis un coup d'Etat le lendemain même d'un accord de sortie de crise co-signé (le 21 février 2014) et garanti par la France, l'Allemagne et la Pologne. Immédiatement, on a fait révoquer par la junte issue de ce coup d'Etat la constitution par laquelle l'Ukraine avait pris son indépendance de l'URSS (en même temps que la Russie, la Biélorussie, la Géorgie et la Crimée notamment), l'accord par lequel elle avait échangé son armement nucléaire contre la Crimée, et le statut officiel du russe langue maternelle des habitants de Malorussie, de Novorussie et de Crimée, et on a même fait proclamer que ces "russophones" n'étaient plus ukrainiens, leur promettant un statut de diaspora russe dépouillée de tous droits, similaire au statut de métèque reconnu par l'Union Européenne aux russophones des pays baltes. Contrairement aux attentes, la Russie n'a pas réagi. On a envoyé l'armée ex-ukrainienne séparer les régions à l'est et au sud du Dniepr, et on a annoncé qu'on allait en expulser les millions d'habitants en direction de la Russie. La Russie n'a pas réagi. On a commencé à le faire, et la Russie a reçu puis nourri un million et demi de réfugiés sans protester exagérément. On a signifié la prorogation de la junte issue dudit coup d'Etat en lui faisant organiser un simulacre de cooptation unipartite au nord et à l'ouest du Dniepr, et la Russie en a reconnu les résultats. On a bombardé la frontière russe et tiré des missiles sur la région de Rostov, la Russie n'a pas réagi. On a invité le président ukrainien Porochenko à une réunion de l'OTAN à Newport au moment même où l'OSCE organisait les négociations et accords de Minsk parrainés par la Russie et refusés par les Etats-Unis, le 5 septembre 2014, sans que la Russie réagisse. On viole depuis lors les accords de Minsk en apportant un soutien militaire actif au régime de Kiev, sans que la Russie n'apporte un soutien réciproque aux populations ex-ukrainienne attaquées par ledit régime. On multiplie les déclarations martiales, les calomnies et les attaques médiatiques, la Russie ne riposte pas. On impose un blocus économique et financier à la Russie, elle se contente d'en élargir les effets pour s'assurer que ses anciens partenaires commerciaux uniopéens les ressentent également. Chaque année depuis 2011 on bombarde une ambasssade russe, puis on oppose un veto à la condamnation, par le Conseil de Sécurité de l'ONU, de cette violation des lois de la guerre et des conventions diplomatiques, et la Russie se contente de protester par la voie diplomatique. On lance de grandes campagnes médiatiques mondiales mensongères pour accuser la Russie et ses dirigeants de manipuler les élections de pays démocratiques, de soutenir un paradis fiscal (pourtant militairement occupé et financièrement utilisé par les Etats-Unis) et de tricher dans les compétitions sportives, et la Russie se contente de protester. Un pays de l'OTAN a abattu un avion russe dans un pays qui avait demandé à la Russie son assistance défensive après avoir été attaqué par l'Alliance Atlantique et le Conseil de Coopération du Golfe, et la Russie se garde bien d'user de son droit de poursuite voire de riposter. On multiplie les missions aériennes hostiles aux frontières de la Russie, y compris en violation des règles de l'aviation civile et militaire, transpondeurs coupés pour faire croire que cette fois c'est l'attaque annoncée avec tant d'insistance, et la Russie s'interdit de réagir comme le droit international l'y autorise, en abattant les avions en infraction, armés et venant de pays qui se déclarent ennemis de la Russie et se préparent ostensiblement à l'attaquer, y compris sur une frontière ne présentant aucun intérêt stratégique hors celui d'être à cent kilomètres de Saint-Pétersbourg. Dans toute la zone dollar-euro on interdit ou on censure les médias russes pour provoquer une réaction, y compris populaire, contre les gras et nombreux médias "occidentaux" en Russie. On viole grossièrement l'immunité et l'intégrité des représentations diplomatiques russes aux Etats-Unis pour provoquer une riposte symétrique, gouvernementale ou populaire, susceptible d'être érigée en casus belli comme la prise de l'ambassade étatsunienne en Iran en 1979. On va jusqu'à interdire aux pays européens d'importer du gaz russe (loi signée par le président Trump le 2 août 2017), significativement à peine quelques mois avant que les Etats-Unis, eux, en importent pour la première fois (janvier 2018). On va jusqu'à mener des attaques (dans le cadre d'une guerre violant la charte de l'ONU) contre des positions de l'armée syrienne connues pour comprendre des conseillers russes (en vertu d'un accord de défense), puis déclarer avec insistance qu'on a abattu plusieurs centaines de militaires russes, en insinuant que si le gouvernement russe refuse de le reconnaître c'est qu'il ment à ses futurs réélecteurs. Et on multiplie l'adoption de documents officiels déclarant la Russie ennemie, mais elle refuse d'entrer dans le jeu de la confrontation.

Enfin et surtout, peu de gouvernements auraient encaissé sans riposter la tentative de destruction au-dessus de l'Ukraine de l'avion présidentiel russe revenant du sommet BRICS au Brésil le 17 juillet 2014, dont le MH17 malaisien a fait les frais par méprise, puis celle planifiée au large de l'Australie à la fin du sommet G20 le 16 décembre (voir www.stratediplo.blogspot.com/2014/12/deuxieme-tentative-avortee_23.html). Par exemple on peut assurément gager qu'un gouvernement qui tenterait de faire le coup du 6 avril 1994 au président israélien ne s'en sortirait pas indemne, et que la population civile d'un gouvernement qui tenterait de le faire au président étatsunien en sortirait significativement amoindrie.

La Russie, sous la présidence Poutine, garde la tête froide et s'abstient de contre-attaquer, et même de simplement riposter, se contentant de parer les coups qui lui sont portés. Sous la présidence Medvedev elle n'a cependant pas hésité à intervenir rapidement, efficacement tout en se limitant également, mettant fin en quelques jours à la tentative de dépopulation de l'Ossétie du Sud par la Géorgie, tout en s'abstenant de marcher sur Tbilissi et de procéder à un "changement de régime" chez l'ennemi vaincu. Evidemment ce précédent historique récent (2008) pourrait induire les centres de pouvoir qui veulent absolument faire réagir la Russie aux provocations armées, afin de lui imputer l'ouverture tant cherchée de la confrontation totale, à souhaiter une nouvelle présidence Medvedev, dont, passé le 18 mars, l'éventualité sera repoussée à 2024 puisque l'intéressé n'est pas candidat aux élections de dimanche prochain.

Mars est un mois rarement ennuyeux. Les profanes croient avoir remarqué que les Etats-Unis d'Amérique ont tendance à déclencher leurs guerres au début du printemps, comme aux siècles passés où la météorologie avait une influence sur les opérations militaires. Les initiés croient avoir remarqué que les occultistes ont tendance à fomenter le déclenchement des guerres aux Ides de Mars, pour quelque motif cabbalistique que les uns qualifient de superstition et les autres de démoniaque. On ne tentera pas là d'interprétation sortant du champ rationnel, l'attaque de la Serbie le 24 mars 1999 (différée de quelques jours pour les raisons que l'on sait), l'attaque de l'Irak le 19 mars 2003, le génocide des Chrétiens de Kossovo et Métochie du 17 au 21 mars 2004, le printemps sunnite, l'appel des mosquées de Syrie le 18 mars 2011, l'attaque de la Libye le 19 mars 2011, ne constituent certes pas une série statistique suffisante pour infirmer la possibilité d'une coïncidence.

Le gouvernement russe a déjà été l'objet d'attaques de la part d'organisations crypto-gouvernementales à financement étatsunien qui ignorent que le commandement martial étatsunien a plus besoin, à Moscou, d'un gouvernement russe ennemi que d'une marionnette de liquidation vendue comme l'acoolique traître des années quatre-vingt-dix. Ainsi une opération Otpor prématurée priverait les Etats-Unis de leur ennemi, et donc d'un levier (une cible) pour l'affirmation nucléaire ultime du dollar. Par contre une opération qui, sans abattre le gouvernement russe, l'obligerait à réagir enfin après quatre ans de provocations sans effet, peut être souhaitée. Il faudrait pour cela une atteinte suffisamment grave, et intolérable pour les peuples russes, pour que le gouvernement soit obligé devant ceux-ci de riposter. Mais l'instigateur pourrait préférer ne pas se désigner lui-même à la communauté internationale comme l'agresseur, par exemple en faisant intervenir un tiers, ou en choisissant pour l'agression des circonstances pouvant être présentées au monde comme bénignes et exagérément prises à coeur par la Russie.

Une troisième tentative d'assassinat du président russe, cette fois en un lieu où l'hyperpuissance estime qu'il ne devrait pas se trouver, permettrait d'en imputer la responsabilité au gouvernement russe lui-même. Selon les circonstances elle pourrait même être présentée comme la riposte justifiée à une provocation ou à une agression russe. Le président russe actuel, adulé à juste titre par ses peuples, est aussi candidat à sa réélection (contre son gré et pour des raisons que l'on ne développera pas ici), et les sondages d'intentions de vote le donnent gagnant. Son assassinat serait très gravement ressenti par la Russie, tant comme président sortant que comme futur président. Un assassinat antérieur au scrutin présidentiel aurait autorisé la réorganisation des candidatures, et la présentation du président de son parti à sa place. Un assassinat postérieur au scrutin verrait l'interim du vice-président sans rupture du nouveau mandat. Par contre un assassinat pendant le scrutin bousculerait l'ordre institutionnel, forcerait l'interim du vice-président en fin de mandat et la prorogation extraordinaire de celui-ci avec une légitimité démocratique bancale jusqu'à l'organisation et le déroulement d'un nouveau scrutin. Mais ce seraient la légitimité, la transition et donc l'autorité au sommet de l'Etat qui seraient altérées, alors que l'appareil étatique resterait fonctionnel. Pour rassurer et calmer la population, pour asseoir une autorité respectable, fût-elle intérimaire, au moment où la Russie aurait subi une agression majeure (même avec un seul mort), pour rétablir la cohésion de l 'Etat décapité, pour reprendre l'initiative face à l'ennemi, le président intérimaire serait obligé de riposter, voire de contre-attaquer.

Le premier tour du scrutin présidentiel se tiendra ce dimanche 18 mars, coïncidant fortuitement avec le quatrième anniversaire de la réunion de la Crimée à la Russie, demandée avec une légitimité démocratique bien plus incontestable que la demande d'annexion de Mayotte à la France (d'ailleurs interdite d'avance par l'ONU à trois reprises) de 2009, mais considérée comme invalide par l'ex-Ukraine qui avait pourtant poussé la Crimée à la sécession en déclarant sa population étrangère et en l'attaquant pour la déporter. Les Etats-Unis, justement, considèrent la Crimée comme une région ukrainienne occupée par la Russie, soutiennent militairement le régime de Kiev (en violation des accords de Minsk) et lui promettent régulièrement de l'aider à reconquérir la Crimée. Ils ont introduit en mer Noire la semaine dernière un navire dédié aux opérations amphibies, et porteur de troupes de débarquement, censé prendre part aux manoeuvres navales Spring Storm (Tempête de Printemps) 2018 commanditées par les Etats-Unis mais localement dirigées par la Roumanie. Bien que le gouvernement étatsunien ait déclaré que ces manoeuvres sont un support aux pays est-européens membres de l'OTAN, et s'inscrivent dans le cadre de l'opération Atlantic Resolve (Détermination Atlantique), elles incluent une participation de la France, de la Bulgarie, de la Géorgie et de l'Ukraine, en plus des Etats-Unis et de la Roumanie, c'est-à-dire quatre membres de l'OTAN dont deux seulement sont est-européens et riverains de la mer Noire, deux sont des pays atlantiques et puissances mondiales, et deux autres sont riverains de la mer Noire mais ne font partie ni de l'OTAN ni de l'Alliance Atlantique. La Géorgie est fameuse pour avoir attaqué sur recommandations étatsunienne le dispositif russe de maintien de la paix en Ossétie du Sud (pour expulser la petite population de cette dernière), et l'Ukraine est fameuse pour avoir sur recommandations étatsuniennes recruté le président géorgien de l'époque et attaqué plusieurs fois la Russie à laquelle elle a officiellement déclaré la guerre le 18 mars 2014. Le thème tactique de ces manoeuvres est une opération de débarquement en territoire tenu par l'ennemi, dont la population est acquise à l'ennemi mais dont les côtes doivent être conquises sur l'ennemi, un ennemi dont la description correspond en tous points à celle de l'armée russe. Parmi les participants on trouve surtout des unités de débarquement, mais aussi de plongeurs de combat, de minage naval, évidemment aussi de guerre électronique... Et à vrai dire ces manoeuvres "atlantiques" regroupent tous les pays riverains de la mer Noire sauf la Russie et, du moins d'après les communiqués officiels, la Turquie. Elles devraient se terminer trois jours avant le scrutin présidentiel.

On peut se demander comment réagiraient les Etats-Unis si le régime issu du coup d'Etat en Ukraine décidait de profiter de leur couverture pour tenter une action contre le président russe en visite en un lieu que tant ledit régime que leur allié américain considèrent comme faisant encore partie de l'Ukraine. Pour honorer le peuple criméen qui se considère bien plus russe qu'un Moscovite pourrait l'imaginer, ainsi que les ouvriers qui mettent la dernière main au trait d'union logistique et symbolique promis il y a quatre ans, le président Vladimir Poutine viendra remplir son devoir de citoyen dans un bureau de vote établi sur le pont de Kertch. Il a la foi.

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