Une parenthèse de charme
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Avant de retourner dans les salles de torture therapeutique du centre de rééducation de Petrovsky, j'ai profité du retour au positif de la température pour un après midi placé sous le signe de l'amitié... et du charme....
De quoi me faire oublier un instant, autour d'un verre et des sourires, les griffures de la guerre.
Lundi 24 février 2020
Avec cette fin du mois de février, l'Hiver semble vouloir également tirer sa révérence après une prestation qui cette année fut des plus éphémères. Et cette fin de semaine débordant sur le lundi nous permet de mieux profiter des rayons de soleil devant lesquels la neige s'enfuit aussi vite qu'elle était venue.
A l'occasion de ce repos festif passé à Donetsk autour de la journée du défenseur de la patrie, j'ai eu le plaisir de rencontrer à nouveau Kristina et Svetlana autour d'une bonne table du boulevard Pouchkine ainsi que Svetlana (encore !), une charmante jeune femme (encore !) qui, avec son mari et leurs nombreux animaux, ont fui la ville d'Avdeevka lorsque les forces ukrainiennes l'ont investi en 2014.
Lorsque les bombardements de Kiev s'abattent sur cette cité industrielle située au Nord de Donetsk, deux de leurs chevaux sont tués et leur ranch gravement endommagé. Puis c'est l'horreur des bataillons spéciaux qui vont terroriser et piller les habitants d'Avdeevka. Svetlana est agressée et blessée lors d'une razzia de nationalistes ukrainiens. La famille décide alors pour survivre de rejoindre Donetsk, de l'autre côté du front, et d'y ramener progressivement leurs chevaux survivants mais aussi leurs renards, chiens, serpents et autres animaux qui les accompagnent depuis des années.
Photo Svetlana Kissileva |
Naturellement, cet après midi nos conversations vont aussi vers cette commune passion pour les animaux en général et les serpents particulièrement que je partage avec cette singulière sylphide du Donbass, et c'est l'occasion pour moi de participer avec 5000 roubles aux frais d'alimentation et de soins de ses chevaux, que l'hiver rend plus onéreux.
Autour de nous, tandis que la pizza collective arrive sur notre table, le restaurant bat son plein et, me souvenant des rues désertées de février 2015 lorsque j'y débarquais, je suis heureux à la fois de voir Donetsk profiter aujourd'hui pleinement et joyeusement de la vie. Mais je ne peux m’empêcher, malgré la chaleur émolliente du lieu, de penser à celles et ceux qui vivent isolés dans les quartiers bombardés où à mes camarades de Piatnashka qui se préparent à une nouvelle rotation dans les tranchées de Promka, tous à moins de 30 minutes de ces "nappes trop blanches aux poissons ruisselants".
Et en levant mon verre avec ma charmante compagnie, je ne peux m’empêcher d'entendre l'appel de la guerre autant que celui de la forêt.
Aussi, le Donbass bien sûr est aussi au centre de nos conversations et regards, surtout ceux de Svetlana et Kristina, ces deux reporters aux photos capturant avec délicatesse et respect les émotions du Donbass pour mieux libérer la Vérité que beaucoup trop, par honte ou intérêts, cherchent à étouffer.
Svetlana, Kristina, Svetlana, 3 femmes audacieuses qui sont venues à Donetsk pour témoigner chacune à sa manière de la force des gens de Donetsk et Lugansk dont l'amour de leurs traditions et de leur patrie charnelle continue de les guider dans les tempêtes de l'Histoire vers leur Liberté Et loin, très loin de ces revendications féministes occidentales diluant les identités de sexe, d'ethnie, de culture et de conscience dans un grand magma individualiste où tout se confond jusqu'à disparaître, ces 3 femmes comme l'immense majorité des femmes du monde russe revendiquent justement avec force leur féminité que pour mieux être des femmes libres.
Donetsk c'est aussi et surtout cela: des rencontres humaines chaleureuses voire magiques avec des gens de passion, passionnés et passionnants qui aiment profondément cette terre du Donbass qui protègent leurs rêves autant que leurs traditions ainsi qu'une éternelle jeunesse .
Erwan Castel