Regards croisés sur Oktyabrsky
Cette semaine l'équipe de Novorossiya Today est retournée dans le quartier d'Oktyabrsky, au Nord de Donetsk dont la lisière Nord (d'Ouest en Est : Volvo Center, aéroport et Spartak) est, depuis 4 ans bientôt, une ligne de front dévastée où s'affrontent quotidiennement républicains et ukrainiens.
Il y a 2 ans et demi, j'ai fait le choix d'habiter dans ce quartier accessible à mes moyens financiers et pour rester au contact de cette population bombardée pour laquelle je suis venu dans le Donbass.
Depuis 3 ans Donetsk est une ville assiégée sur ses portes Ouest (Alexandrovka, Marinka et Staromikhailovka) et ses portes Nord (ce secteur de l'aéroport).
Et cette ligne de front qui mord les banlieues de la cité a provoqué le surréalisme de 2 univers complètement différents et pourtant qui ne sont séparés que par une demi douzaine de stations de bus :
- - D'un côté un centre ville où la vie "normale" est réapparue dès 2015 ce qui provoque l'étonnement des visiteurs qui déambulent au milieu des magasins achalandés, des cafés-restaurants, des salles de concert, opéra, théâtre ou cinéma bondés. Ici l'ambiance réussie à faire oublier la guerre qui gronde aux portes de la cité.
- - De l'autre côté, cette ligne de front qui s'annonce par les cicatrices des maisons en plus nombreuses au fur et à mesure qu'on avance vers le Nord de Donetsk. Là, au milieu des ruines la vie s'est maintenue malgré le danger des bombardements persistants. Si les supermarchés et la plupart des restaurants n'ont pas survécu à la guerre, en revanche les marchés et les magasins de proximité eux sont toujours là, malgré le départ d'une partie de la population et la baisse importante du pouvoir d'achat de celle qui est restée.
La fracture sociétale entre un centre ville qui revit et une périphérie qui survit s'est agrandie considérablement depuis 2 ans. Par exemple, du côté de la gare ferroviaire, on trouve à louer des maisons et des appartements pour 2000 roubles par mois, le café est à 12 roubles en moyenne et on mange bien dans les rares restaurants encore ouverts avec 200-300 roubles. Dans le centre ville vous pouvez en moyenne multiplier les prix par 4.
Cependant il est remarquable de constater que la cohésion sociale résiste à cette fracture économique et que l'état de droit restauré dès le deuxième semestre 2014 par le jeune République de Donetsk est présent jusqu'aux tranchées de ses défenseurs..
Oktyabrsky, qui est à la fois zone militaire et quartier civil, est à ce titre un exemple magistral de la force naturelle de cette population du Donbass qui est armée d'une capacité de résilience exceptionnelle, d'une discipline volontaire et d'une rusticité héritée des épreuves de l'Histoire...
Merci à Svetlana Kissileva pour ce reportage et le partage de quelques uns de mes témoignages.
Erwan Castel
Source de l'article : Novorossiya Today
(PHOTOS) LA ZONE DE L'AÉROPORT DE DONETSK, UNE PLAIE JAMAIS REFERMÉE
Nous gravons lentement les marches de l’escalier à l’intérieur du célèbre « Deviat étages », l’immeuble de 9 étages qui domine la zone de l’aéroport de Donetsk. Toujours débout, c’est sans doute le bâtiment le plus bombardé de tout le Donbass. A cause de son hauteur, il permet d’observer toute la ligne de front depuis le village de Peski jusqu’à la ville de Iassinovataïa ce qui a fait de lui l’épicentre des combats de cette guerre qui, au printemps de 2014, a embrasé l’Est de l’Ukraine.
Voilà ce qu’avait écrit à ce sujet Erwan Castel, engagé comme volontaire auprès des forces républicaines de Donetsk :
« De novembre 2014 à janvier 2015, une guerre urbaine difficile et violente s'engage alors dans les ruines de l'aéroport, au cours de laquelle les forces républicaines mètre après mètre, étage après étage, s'emparent du terminal de l'aéroport et sécurisent les réseaux souterrains utilisés par les "cyborgs" ukrainiens. C'est au cours de ces mois de bataille difficiles que les bombardements ukrainiens qui s'étendent sur le quartier d'Oktiabrski vont être les plus importants.
Le 21 janvier 2015, Kiev admet enfin avoir perdu le contrôle de l'aéroport où l'armée ukrainienne a perdu beaucoup de soldats et de mercenaires occidentaux.
Lors de cette bataille de l'aéroport de nombreuses unités de Donetsk se sont jetées dans la mêlée, payant chèrement la reconquête de ce lieu autant stratégique que symbolique. le fer de lance bicéphale de cette grande victoire républicaine était les bataillons "Somali" (blindés) du colonel "Givi" et "Spartak" du Colonel "Motorola", tous deux disparues il y a un an dans des attentats terroristes perpétrés au cœur de Donetsk.
Aujourd'hui cette zone particulièrement sensible de la défense de Donetsk continue d'être le théâtre de bombardements et de combats réguliers, notamment sur les zones de "Volvo Center" à l'Ouest et de "Spartak" à l'Est de la zone aéroportuaire qui continue à être bombardée quotidiennement. »
Bien que situé à l’intérieur de l’immeuble, l’escalier est couvert de neige, et il faut faire extrêmement attention où on met le pied pour ne pas glisser sur les décombres qui s’entassent partout. Ce bâtiment, qui au moment des combats a été touché par 6 impacts d’artillerie ukrainienne en une journée, n’a quasiment plus de murs, mais des trous béantes un peu partout.
Arrivés tout en haut, nous avons sous nos pieds Oktiabrski, les ruines de ce qui fut jadis l’aéroport le plus beau de l’Ukraine, entièrement reconstruit à l’occasion de l’Euro 2012, et un peu plus loin les fumées de la cokerie d’Avdeïevka, ville occupée par les soudards ukrainiens d’où ils bombardent la zone urbaine autour de Donetsk.
Après « Deviat étages », nous passons devant les maisons d’Oktiabrski, pour la plupart désertées de leurs habitants et offrant à chaque passant la vue sur leurs entrailles, pour arriver au couvant Iversky et son cimetière. Parole de nouveau à Erwan Castel :
Le monastère crucifié d'Iversky
« Juste au Sud de la piste de l'aéroport se trouve un lieu de silence, squelette dressé entre les dieux et les hommes qui témoigne autant de leur folie que de leur foi : c'est le monastère des moniales d'Iversky.
Le sanctuaire d'Iver abritait depuis 2001 une communauté de moniales orthodoxes. Lorsque les combats pour l'aéroport commencent, le monastère est rapidement sous le feu de l'armée ukrainienne et, en août 2014, les premiers projectiles ukrainiens touchent les bâtiments religieux. Le clocher de l'église, frappé par l'artillerie prend feu et les femmes qui se trouvent alors à l'intérieur (la mère Mikhaïla et trois moniales) quittent précipitamment l'église qui menace de s'effondrer.
Pendant cette journée où les feux de l'enfer semblent vouloir s'abattre sur Saint Iver; 2 événements incompréhensibles vont survenir, qualifiés aussitôt de miraculeux par les communautés civile et religieuse : le clocher qui sera à nouveau touché une deuxième fois brûle entièrement mais sans s'effondrer à l'intérieur de l'église, et l'icône de Notre Dame d'Iviron sera ressortie intacte d'un lieu où tous les autres objets sont criblé par les balles et les éclats.
Les combats vont continuer chaque jour endommageant de plus en plus le sanctuaire qui est régulièrement touché par les bombardements de Kiev.
Le 18 décembre 2014, le monastère a été pillé par les soudards de Kiev avant qu'ils ne soient repoussés par les forces républicaines.
Si les premiers tirs touchant le monastère pendant l'été 2014 pouvaient passer éventuellement pour des "dommages collatéraux" des bombardements ukrainiens, la fréquence, l'intensité et la durée des tirs suivants montrent bien que ce lieu sacré de la communauté de Donetsk est devenu rapidement une cible symbolique de l'agression génocidaire engagée par Kiev. Depuis 2 ans ce ne sont pas moins de 9 églises orthodoxes qui ont été détruites sur la ligne de front de Donetsk et Lougansk, sans compter une vingtaine d'autres touchées également par les bombardements ».
Photos de Svetlana Kissileva