Retour sur Promka
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Le rythme du front, malgré une tension permanente permet, missions et services, de se reposer, écrire et méditer sur la destinée humaine. J'emporte désormais au fond de mon sac un "kit de communication", composé de mon vieux smartphone à l'écran tout ridé des chocs et maladresses de son propriétaire, un modem portatif qui quelques minutes par jour (et surtout par nuit) réussit à accrocher un fil du réseau se perdant au milieu des ruines, et des batteries de secours pour assurer un minimum de vie à cette communication d'extraits de mon journal que je me suis promis de faire depuis 1 mois.
Mercredi 1er novembre 2017
(Je profite de quelques étincelles de connexion pour partager des extraits de mon journal)
08h00 Le programme prévu (sport et entraînement) est annulé. Nous avons été mis en alerte pour un retour immédiat sur position.
Une nouvelle attente commence dans la chambrée. Attente d'un "davaï !" électrisant les masses alourdies par les équipements, affalées au milieu d'un fatras d'armes, de paquetages, de sacs de vivres et caisses de munitions.
En milieu d'après midi nous descendons enfin au cul de la vieille camionnette civile qui assure les liaisons vers la première ligne (quand je pense à la championne française de l'imposture qui, pour ne pas salir son kangoo a le culot de s'acheter avec des dons un 4×4 pour faire des reportages à l'arrière du front tout en accusant les français de détourner leurs dons à des fins personnelles.... ça me fait gerber)
18h00 Nous arrivons par le dédale des tranchées boueuses sur notre position entre Yasinovataya et Avdeevka sous les tirs de grenades propulsées ukrainiennes.
Le groupe relevé va pouvoir accompagner leur camarade "Filin" cet enfant d'Ivano Frankiz (Ouest Ukraine) tué dimanche par un sniper, pour son dernier voyage. Les visages sont fatigués par la tristesse de cette perte d'un camarade qui était en première ligne depuis 2014...
La force de vivre de cet homme, touché en pleine tête, était telle qu'il a survécu à sa mortelle blessure pendant plus d'une heure agonisant dans un silence et une dignité rares avant de rendre son dernier souffle dans le véhicule qui l'évacuait vers Donetsk.
Paix à son âme.
Pour nous autres, les vivants, le devoir du front reprend le commandement de nos pensées et nos actes, au milieu des miaulements de Mourra, notre féline mendiante nous attendant dans la chaleur rougeoyante d'un poêle à bois ressuscité....
Erwan Castel
Les autres extraits de ce journal du front peuvent être retrouvés ici : Journal du Front