Rencontre hors du temps
Yan Morvan
Yann Morvan et sa chambre à Saur Moghila (Sud DNR) |
Yan Morvan est un photographe hors normes. D'abord parce qu'il est breton (humour !).... et surtout parce qu'il a choisi le métier difficile de reporter de guerre pendant plus de 20 ans, témoignant des conflits pour des grandes agences de presse. Chaque guerre est devenue pour lui une compagne, mais aussi un maillon d'une longue chaîne des guerres du passé qui bornent avec une intensité dramatique le court chemin parcouru par les hommes depuis qu'ils ont ramassé une pierre à l'approche d'un feu de camp inconnu.
Depuis plus de 10 ans, Yan Morvan parcourt les champs de batailles du Monde ceux de l'Antiquité dont on ne sait plus s'il sont légendes ou réalités historiques, ceux qui hier ont forgé le grand échiquier du Monde et ceux d'aujourd'hui qui animent une tectonique géopolitique de plus en plus brûlante...
Sa longue "queste" à la recherche des paysages où soufflent encore, pour qui sait les comprendre, les échos de l'acier et des cris de guerre, a donné naissance à un premier tome de "Champs de batailles"
Pour ce livre ou l'art rencontre l'Histoire, Yan Morvan a recueilli le souffle de ces batailles,, sur 250 sites façonnés par les obus les tranchées, les bunkers ou mes cimetières et dont les noms sont à jamais écrits avec le sang des héro.
Pour cette collecte notre magicien utilise une chambre photographique mythique comme celles qui ont capturé au XIXème siècle, dans le secret de leur vision ésotérique inversée les premiers soldats d'ailleurs déployés sur même champ de bataille de la Mer Noire, en Crimée (1854-1855)
Aujourd'hui Yan est parti sur les chemins de guerre du deuxième tome de "Champs de bataille" et le Donbass en est sa première étape.
Lorsque Nicolas Donetti m'a proposé de rencontrer et d'accompagner Yan Morvan, j'ai aussitôt accepté, heureux de rencontrer un breton et curieux d'accompagner cette démarche si particulière et intemporelle.
Yan est un personnage atypique, passionné et passionnant, son regard, son expérience, son humilité, sa passion sont autant d'ingrédients alchimiques et dont la chambre photographique est un athanor mystérieux. De cette transmutation sortent de véritables peintures photographiques où l'esprit des lieux rayonne d'une profondeur quasi palpable où ne manque aucun détail, y compris ceux que le regard fugace n'a pas décelé.
La manipulation et l'utilisation de ce type d'appareil relève d'un cérémonial quasi ésotérique qui est à la fois un hymne à la perfection et un éloge de la lenteur, valeurs devenues si rares pour ne pas dire dénigrées dans notre monde ou la stupidité d'un consumérisme frénétique a remplacé la cupidité d'une consommation bâclée.
La chambre photographique par la liturgie de sa mise en oeuvre devient un acteur du champ de bataille qu'elle fixe pour l'éternité.
Avec Yan, nous sommes allés ensemble sur cette ligne de front où les échos du passé et du présent s’entremêlent comme par exemple à Saur Moghila, ce haut lieu de la Seconde guerre Mondiale à nouveau âprement disputé lors des premiers combats de 2014. Puis ce furent les fronts Nord et Ouest de Donetsk, à la rencontre des soldats et des civils chahutés dans les orages d'acier d'une nouvelle guerre européenne que peu osent encore nommer et regarder en face.
Yan est accompagné pour l'occasion de Donetti Nicolas, un jeune reporter de guerre qui a déjà effectué plusieurs missions sur le front du Donbass et de Sarah Constantin qui réalise un film sur l'un des derniers magiciens de l'image utilisant une chambre photographique venue d'un autre âge....
Aujourd'hui, nous sommes allés aux milieu des ruines en compagnie de Sebastien Hairon, que je remercie pour une la dernière photo partagée ici, ainsi que Svetlana Kissileva, qui hier nous a permis de rencontrer Zakhar Prilepine, l'écrivain-soldat russe venu mettre son idéal au bout d'un fusil protégeant le peuple du Donbass.
Bref une nouvelle et belle rencontre réalisée sur cette terre noire héroïque où souffle encore et toujours ce vent de l'Histoire et la mémoire des héros immortels.
Merci à Yan et Sarah pour leur gentillesse (et patience) et pour ces moments partagés où l'éthique et l'esthétique harmonieusement entremêlées ont su s'imposer avec noblesse au milieu de cette guerre qui dénude autant les bâtiments et les paysages que l'âme humaine.
Erwan Castel
Photo 2 : dans la rue Stratanovtov à Oktyabrsky (Nord de Donetsk)
Photo 3 : à Azotnoi avec Zakar Prilepine (Ouest de Donetsk)
Photo 4 : à Saur Moghila
Photo 5 : à proximité de l'aéroport (Nord de Donetsk) pour un portrait de mézigue
Photo 6 : sur le pont de Putilovka (Nord de Donetsk) photo Donetti Nicolas
PS : Dès que j'en aurai à nouveau les moyens je publierai un reportage plus complet car actuellement je n'ai plus accès à mes blogs suite aux signalements intempestifs et malveillants de français débiles qui cherchent psychotiquement le monopole de l'information francophone dans le Donbass, sacrifiant la cause commune sur l'autel de leurs egos surdimensionnés, et qui ont obtenu leurs blocages temporaires.