Offensive ukrainienne sur Balaklaïa
En préambule et pour prévenir les attaques ad personam continuelles, je demande aux Tartuffe des propagandes manichéistes de passer leur chemin et de s'en retourner auprès de leurs prédicateurs, car ici je m'efforce de rapporter non les fantasmes d'un narratif immature mais la réalité des combats en cours sur le front russo-ukrainien et pour lequel mon engagement pro-russe et radical n'est plus à prouver.
Début mars, à contre courant de l'optimisme immature des communiqués officiels j'évoquais la possibilité que ce conflit russo-ukrainien dure au delà de 2022, du fait de ses moyens limités et d'une sous estimation des capacités de combat ukrainiennes, des problèmes inévitables rencontrés... et malheureusement les événements en cours depuis 6 mois ne m'ont pas contredit.
En ce début septembre 2022, Kiev tente de reprendre l'initiative avec des offensives au Sud (front de Kherson), à l'Ouest (front de Slaviansk) ainsi qu'au Nord (front de Kharkov) dont les objectifs peuvent être multiples:
- alors que les forces russes prépaient une troisième phase stratégique avec notamment l'arrivée de renforts dans le Donbass, tenter de perturber leurs plans en reprenant l'initiative opérative,
- disperser et fixer les réserves russes engagées en Ukraine et ainsi soulager la pression offensive des alliés dans le Donbass où l'actuelle ligne de front ukrainienne est arrivée à un nouveau point de rupture à Artemovsk et Donetsk.
- justifier les aides militaires de l'OTAN qui s'essoufflent et s'interrogent sur leur efficacité et obtenir par des succès tactiques et des pertes russes même minimes qu'elles soient prolongées et même augmentées.
- capitaliser politiquement des gains territoriaux obtenus, même insignifiants, en espérant les conserver à l'approche de la saison froide pour justifier les sacrifices imposés à l'armée et la population.
Situation sur le front Nord
- Dans le secteur de Seversk, des unités de la 80e brigade d'assaut aérien ukrainienne et le bataillon spécial "Donbass" (46e bataillon) ont lancé 2 attaques en direction de Verkhnokamyanske (W Lisichansk) et Ivano-Darivka.(S Lisichansk).
- Entre Slaviansk et Seversk, des unités ukrainiennes du 15ème régiment d'assaut ont traversé au début de la semaine la rivière Donetsk pour attaquer et à priori capturer le village d'Ozerne.
- Dans le secteur de Raîgorodok (N Slaviansk) des unités de la 79ème brigade d'assaut aérien ukrainienne ont traversé la rivière Donets et attaqué Brusivka et Staryi Karavan, et auraient capturé ce dernier village.
- Dans le secteur de Balaklaïa, entre Slaviansk et Kharkov, des unités des 25ème brigade parachutiste ukrainienne, 80e brigade d'assaut aérien et 92ème brigade mécanisée attaquent la ville et en direction de Koupiansk.
C'est ce dernier secteur qui est actuellement le plus critique sur ce front Nord car Balaklaïa (environ 25 000 habitants avant la guerre) est un point d'appui important du front russe sur la rive droite à l'Ouest de la rivière Donets, protégeant Koupiansk (également 25 000 habitants environ avant la guerre) qui est un carrefour contrôlant les principales routes d'approvisionnement du front russe vers Slaviansk.
Dans ce secteur, tout comme dans celui de Kherson des combats acharnés font rage entre les forces ukrainiennes appuyées par l'artillerie guidée de l'OTAN et les forces alliées russes et républicaines appuyées par l'artillerie et l'aviation russes.
1 / Du côté ukrainien du 6 au 8 septembre 2022
Comme dans tous les autres secteurs, les forces ukrainiennes à l'offensive subissent sur ce front de Balaklaïa d'importantes pertes comme l'atteste la mort de Dmitry Rakosiy, le commandant adjoint du 15e régiment séparé de la garde nationale ukrainienne, tué au combat le 7 septembre près de Volokhov Yar.
1.1 / Attaque de Balaklaïa
- Les forces de Kiev, autour des 25ème brigade parachutiste, 80ème brigade d'assaut par air et 92ème brigade d'infanterie mécanisée renforcées par des appuis d'artillerie et blindés, ont dans un premier temps lancé des attaques sur le point d'appui russe de Balaklava adossé à la rivière Donets, mais ont échoué après avoir été freinées par la première ligne de défense tenue par des unités de la République Populaire de Donetsk.
- Dans un deuxième temps, les forces ukrainiennes ont alors entrepris d'encercler au plus près le bastion russe de Balaklaïa en capturant les villages de ses périphéries Sud, Ouest et Nord, jusqu'à pouvoir réaliser son encerclement opératif avec leur artillerie battant le carrefour de routes situé à la sortie Est de la ville. Aux dernières nouvelles des combats sont toujours en cours dans la banlieue Ouest de Balaklaïa.
- Pour fixer les forces russes potentiellement en mesure de renforcer rapidement Balaklaïa, les 93ème brigade mécanisée et 1ère brigade spéciale ukrainiennes ont également mené au Sud Est des attaques secondaires le long de la Donets, ainsi que des sabotages et bombardements sur les arrières logistiques russes, jusqu'à Koupiansk. Au total, une dizaine de petits villages ont été capturés.
1.2 / Percée vers Koupiansk
- Parallèlement à leurs attaques sur Balaklaïa, les forces ukrainiennes ont engagé sur la rive gauche de la Donets une percée du front russe en suivant la rivière Seredriya Balaklaïa, ouvrant un saillant initial de 20 km sur 15 km de large environ, et capturant une demi douzaine de petits villages agricoles jusqu'à Volokhov Yar qui contrôle un carrefour de routes allant vers Ieioum, la base arrière russe du front de Slaviansk.
- Poursuivant leur progression vers Koupiansk, les forces ukrainiennes sont arrivées devant Bogodarivka et Petropillyia, avant de subir des coups d'arrêt des forces russes appuyées par leur artillerie et leur aviation. La tête du saillant est arrivé à 20 km de du carrefour stratégique de Koupiansk qui est bombardé régulièrement au point que les autorités ont commencé à évacuer sa population (les enfants ce 8 septembre).
- L'objectif intermédiaire pour l'Etat-Major ukrainien avant Koupiansk doit être maintenant Shevchenkovo, une localité / carrefour située au Nord du saillant réalisé et sur une route servant aux ravitaillements du front sur la rive droite de la rivière Oskil, laquelle risque de devenir à son tour une ligne de front si Kiev réussit à capturer Koupiansk et à couper les lignes d'approvisionnements arrivant de Belgorod.
- Dans le secteur de Volokhov Yar, les forces ukrainiennes tentent également d'élargir le saillant réalisé, d'une part pour éviter qu'il ne devienne un chaudron sous des contre-attaques multiples russes et d'autre part, sur son flanc Sud d'étendre le blocus de Balaklaïa son point d'appui majeur du front russe dans ce secteur entre les fronts de Kharkov et Slaviansk.
2 / Du côté russe
- Dès que l'attaque initiale ukrainienne sur Balaklaïa a brisé la première ligne de défense républicaine, des renforts ont été envoyés en urgence d'une part dans la ville pour repousser l'assaut ennemi et d'autre part vers la pointe du saillant pour donner un coup d'arrêt aux blindés ukrainiens menant la percée Grâce à ces renforts russes précipités, les ukrainiens n'ont pas réussi à capturer Balaklaïa et Shevchenkovo sur le flanc Sud-Est et Nord Est de leur saillant et d'atteindre l'autoroute P03 menant vers Koupiansk.
- Dans un deuxième temps les forces russes se sont portées sur les contours du saillant ukrainien pour couvrir ses unités de bombardements d'artillerie et d'aviation intenses où des armes de saturation de zone, notamment thermobariques ont infligé d'importantes pertes ennemies cherchant à bloquer leur offensive le temps que des renforts russes arrivent pour mener des contre attaques et désencercler Balaklaïa.
- La difficulté principale de l'Etat Major russe, toujours contraint d(opérer avec les effectifs restreints caractérisant toute "opération spéciale", est qu'il ne peut déplacer beaucoup d'unités de combats parmi celles déployées dans le secteur car les autres attaques secondaires menées par les ukrainiens, au Nord de Kharkov ou du côté de Slaviansk et Seversk les fixent sur leurs positions Il faut donc résister, le temps que descendent du Nord (et probablement de Russie) des réserves suffisantes pour une contre-offensive.
3 / Enjeux et menaces de cette offensive ukrainienne
Comme je l'ai évoqué en introduction, cette offensive ukrainienne vers Koupiansk n'est pas isolée et même certainement coordonnée avec les autres offensives citées. Ailleurs les attaques ukrainiennes ont quasiment toutes échoué mais ici les points faibles repérés (défense disparate et sans moyens lourds suffisants, peu de forces de réserves à l'arrière, objectifs stratégiques très proches de la ligne de contact....) se sont avérés exacts et exploitables.
Cette offensive ukrainienne vers Balaklaïa et Koupiansk représente des enjeux plus importants que celles menées sur les autres fronts, y compris celui de Kherson qui a accaparé toutes les attentions depuis 10 jours. En effet cette percée ukrainienne si elle capture durablement Balaklaïa, la perte de ce point d'appui stratégique de la ligne de front russe, menacera à son tour Koupiansk qui est la principale ville et le carrefour logistique majeur à l'arrière du front de Slaviansk qui se retrouvera avec un deuxième front sur ses arrières et un acheminement logistique plus long et plus compliqué à assurer.
Si sur le front de Kherson, la profondeur stratégique du saillant russe permet de mener contre les unités ukrainiennes à l'offensive une érosion lente à force artillerie et aviation, sur ce saillant de Balaklaïa, profond de plus de 30 km, la proximité de points stratégiques et logistiques vitaux pour le front russe de Slaviansk impose à l'Etat-Major russe d'y déployer rapidement une contre-offensive avant des répercussions graves sur le front du Nord Donbass.
Il ne serait pas étonnant aussi de voir débuter une nouvelle offensive ukrainienne, cette fois dans le secteur de Slaviansk dont la garnison est suffisamment forte pour détacher des groupes tactiques pour des attaques extérieures. Cette offensive ukrainienne pourrait s'orienter vers Izioum pour compléter au Sud les opérations menées vers Koupiansk au Nord.
Quelles que soient les évolutions de ces différentes offensives ukrainiennes qui à terme vont probablement s'enliser dans le sang de leurs soldats sacrifiés, elles marquent une nouvelle étape dans le cours des opérations militaires de ce conflit russo-ukrainien qui va être poussé vers une stratégie plus radicale et une augmentation des moyens et des objectifs russes.
Le 8 septembre soir, Rybar publiait une carte de ce secteur confirmant l'ampleur de la percée
En conclusion
N'en déplaise aux mantras propagandistes qui nous racontent depuis des mois que les forces ukrainiennes sont détruites, qu'elles n'ont plus de moyens, de motivation, de blindés, de commandement, de munitions etc. de facto elles ont fait la démonstration que d'une part elles ont été sous estimées et que d'autres part les forces engagées par la Russie qui n'étaient pas suffisantes pour les faire rompre rapidement sont aujourd'hui vulnérables au point de motiver des attaques limitées contre elles. "Va falloir revoir la liste des effectifs et des moyens !"
On voit bien ici que la prolongation du conflit est arrivée à un point de bascule où le temps pris dans la conduite des opérations russes qui a permis d'économiser leurs forces et de mener une certaine stratégie d'attrition, est devenu également profitable aux ukrainiens qui ont pu reconstituer suffisamment de forces entrainées pour reprendre ici et là une initiative opérative.
Et, sans douter un seul instant de l'inéluctable victoire de la Russie et de la légitimité de son combat sur cette Ukraine dont le pouvoir est devenu le succube du mondialisme et l'armée le proxy de l'OTAN, force est de constater qu'après l'échec de 8 années de diplomatie russe autour des accords de Minsk, se profile l'échec d'une intervention militaire "soft" qui était initialement destinée à contraindre rapidement et sans la détruire l'Ukraine frontalière à rester neutre et cesser sa russophobie criminelle.
Moscou va donc devoir certainement "passer à la vitesse supérieure" et détruire radicalement cette colonie militaire occidentale avec plus d'effectifs et des armes de destruction massive, afin d'éviter "in fine" que sa victoire militaire sur Kiev ne devienne une victoire à la Pyrrhus profitable à l'OTAN et ce, même si sur le champ de bataille économique la Russie réalise depuis des années un sans faute remarquable.
A suivre attentivement car sans nul doute les actions et réactions militaires vont s'accélérer et s'intensifier dans les jours prochains.
Erwan Castel