Quand les Hommes doivent protéger les Anges
Depuis que j'ai découvert la petite Anya au milieu de ces innombrables lits de souffrance des hôpitaux de Donetsk et partagé son histoire, je reçois de nombreux messages d'encouragements à son intention de personnes qui me demandent des nouvelles de ce petit ange extrait de l'enfer de Marioupol.
Aujourd'hui 11 mars, la petite Anya subit des examens approfondis dans une clinique privée disposant d'une technologie adaptée (IRM...) et une deuxième opération pour évaluer les dommages éventuels subis par son cerveau. Elle reste prostrée, enfermée dans un choc émotionnel encore dominateur mais exprime la faim et la soif et se réalimente tout doucement un peu plus chaque jour.
Le combat est loin d'être terminé mais nous sommes plusieurs à l'aider ainsi que d'autres enfants blessés et traumatisés.
A l'issue de cette journée, les médecins vont mieux pouvoir se prononcer sur son état physique et quelles suites opératoires et où il est préférable de les exécuter. Pour le moment j'ai réussi à prendre en charge tous les frais liés pour ses examens, médicaments et paramédical, mais si des personnes veulent aider Anya lorsque si mes moyens ne suffisent plus et surtout les autres enfants qui sont très nombreux dans des situations dramatiques, je les invite à contacter l'association humanitaire "Urgence Enfants du Donbass" à l'adresse suivante (de ma part):
le lien:
Emmanuel Leroy et son équipe vont venir très bientôt à Donetsk pour une nouvelle mission humanitaire et vous pouvez diriger vos dons vers cette organisation validée par les autorités russes et républicaines pour la qualité de ses actions vis à vis des enfants du Donbass.
Merci de tout coeur pour votre soutien !
Publié sur VK le 9 avril 2022:
Loin des théâtres médiatiques qui instrumentalisent la détresse pour servir des idéologies propagandistes hypocrites il y a la souffrance des anonymes, des sans grades, des oubliés... de tous ceux qui sont recroquevillés par la peur et la douleur dans un lit où gisent blessés, leurs corps, leurs rêves et leurs âmes.
Aujourd'hui, quelques heures de repos m'ont permis de visiter des camarades blessés, mais aussi de civils se tordant dans leurs draps rougis dans un cauchemar interminable...
Bien que peu enclin à sombrer dans ce pathos larmoyant que beaucoup agitent pour d'abord montrer leur gueule, leur signature, et gratter une bonne conscience voire même quelques billets, j'ai décidé de partager, une fois n'est pas coutume, une émotion qui depuis cet après-midi paralyse mes autres pensées.
Alerté par des réfugiés de Marioupol que j'aide avec un ami de Makeevka, je me suis rendu au chevet de Anya, une enfant de 8 ans sauvée in extremis par ces soldats que les médias occidentaux décrivent en boucle comme étant des criminels de guerre.
Anya gisait inerte au milieu des décombres de sa maison où elle tentait de survivre seule depuis 3 semaines, une blessure grave à la tête et qui avait fini par la plonger dans le coma. Incisée à Marioupol pour résorber un œdème puis opérée en urgence à l'hôpital de Novoazovsk (Sud République) la petite fille, sortie du coma a été transférée à Donetsk où elle attend une deuxième opération vitale.
Malgré les souffrances observées au cours de ma putains de bohème je ne peux imaginer ce qu'a vécu cette enfant de 8 ans, grièvement blessée, abandonnée dans sa maison détruite et environnée d'une pluie de balles et d'obus qui depuis 40 jours transforment la ville en champ de ruines.
Sans nourriture, cherchant l'eau dégoulinante au milieu d'une terreur sans nom, Anya a survécu, animée par cet instinct de survie hérité de cette souveraine Nature que pourtant méprise notre humaine vanité.
Dans son lit de l'hôpital Kalinina, le petit corps frêle, tellement amaigri qu'il en déforme à peine le drap, gisait recroquevillé, autour de son innocence brisée.
Anya, aujourd'hui ne parle pas, n'entend pas, encore perdue dans cet abysse intérieur où une terreur inimaginable l'a poussé. Seuls ses doigts répondent aux caresses de réconfort, le majeur croisant l'index comme pour demander, dans le hurlement de son silence que la chance... ou les dieux ne l'abandonnent pas !
Devant cette enfant écrasée par la douleur et la frayeur, je me suis senti tellement impuissant et surtout submergé d'une colère portant ma tristesse vers une rage totale...
Car Anya a été séparée de ses parents, de sa mère et son beau père que l'on m'a décrit sympathisant de cette idéologie banderiste du "Secteur Droit" excitant la haine et de la vodka nourissant la lâcheté humaines.
J'ai vu en à Apatou en Guyane une femelle ocelot attaquer jusqu'à en mourir un bulldozer forestier de la Légion étrangère avant que l'on ne découvre dans l'abattis 3 de ses jeunes qu'elle tentait désespérément de protéger...
A chaque fois que je suis confronté à l'ignominie de cette humanité civilisée, je pense à la noblesse de cette faune sauvage....
Erwan Castel