"Comediante, tragediante !"


Le président ukrainien Zelenskiy a souhaité cette semaine que les garants des accords de Minsk se réunissent et décrètent un nouveau cessez-le-feu dans le Donbass. Une manière grossière de la marionette étasunienne de Kiev de reprendre la main dans les discussions du "format Normandie" (Ukraine, Russie, Allemagne, France) et remettre sur le tapis les propositions de Kiev de modifier à son avantage les accords de paix signés à Minsk en septembre 2014 puis février 2015. 

"Comediante, tragediante !" pourrait-on résumer cette déclaration, paraphrasant le pape Pie VII répondant à un Napoléon enjôleur et hypocrite qui en 1813 voulait s'attirer les faveurs de l'Eglise pour mieux imposer sa dictature dans l'Histoire qui d' "empire" n'a que le nom.


Et pour revenir au conflit du Donbass, il n'y a pas eu moins d'une vingtaine de cessez le feu décrétés au fil de ces 6 années de combats et de bombardements continuels, à commencer par l'article premier du protocole signé à Minsk et qui impose en préalable sine qua non au processus de paix qu'un cessez le feu (appelé "régime du silence") soit strictement appliqué. 
Or depuis 5 ans, on ne compte plus le nombre de violations quotidiennes du cessez le feu, majoritairement initiées par les forces ukrainiennes et de plus en plus nombreuses et violentes depuis que ces dernières ont engagé mètre après mètre une occupation de la zone neutre dite 'grise" séparant théoriquement les belligérants (ce qui, par le contact physique des positions adverses (moins de 500 mètres), rend techniquement impossible le cessez le feu)

Aussi, telles des matriochka, ces poupées russes s’emboîtant les unes dans les autres, a pu t-on observer au cours depuis l'hiver 2014, une succession de cessez le feu calendaires tentant de rappeler celui des accords de paix et tous plus pathétiques les uns que les autres car systématiquement rompus par Kiev avant que leur encre n'ait séché : trêve de Noël, de Pâques, du Pain, de l'Ecole etc...

Jusqu'au 17 juillet 2019 ou le groupe de contact chargé de piloter les accords de paix a convenu d'un énième cessez le feu mais défini comme "illimité" à partir du 21 juillet suivant à 00h01.

Quel est le bilan de cette année de cessez le feu à la mode Zelensky ? Malheureusement rien qui puisse affirmer que le nouveau maître de Kiev ait abandonner la feuille de route confiée par les services américains à ces prédécesseurs (Turtchinov puis Porochenko) au lendemain du coup d'Etat du Maïdan (février 2014) :

" Au total, pour la période du 21 juillet 
2019 au 20 juillet 2020, 3879 violations du 
cessez-le-feu ont été détectées, dont plus 
d'un tiers avec l'utilisation de l'artillerie et 
des mortiers. 34189 munitions ont été tirées 
contre le territoire de la République ".

 Bilan du Centre Commun de Contrôle et de Coordination du régime du 
Cessez-le-feu (STKK), pour la seule République Populaire de Donetsk.

Aucune amélioration donc pour la paix, et loin s'en faut car les tirs ukrainiens en direction des populations civiles ont même connu une augmentation sensible depuis de début de l'année comme le souligne ce rapport du STKK qui rappelle que depuis le 1er janvier 2020 et pour la seule RPD, 5 civils ont été tués et 60 autres blessés sous les tirs des forces armées ukrainiennes qui ont endommagé ou détruit également 790 bâtiments d'habitation, 121 infrastructures collectives vitales et 17 véhicules.

Ces violations ukrainiennes du cessez le feu sont bien l'expression d'une volonté politique de Kiev de saboter perpétuellement les accords de paix afin de forcer leur révision à son avantage. Et pour preuves entre autres exemples de cette stratégie cynique et meurtrière,  
  • les escalades des bombardements ukrainiens observées systématiquement juste avant chaque réunion du groupe de travail ou du format Normandie,
  • l'impunité dont bénéficient leurs auteurs alors que cet accord de juillet 2019 stipule l'application de mesures disciplinaires en cas de violation du cessez-le-feu,
  • la poursuite par Kiev d'actions de reconnaissance offensive sur le front et notamment pour faire disparaître cette zone tampon indispensable au cessez le feu, 
  • le redéploiement (et l'emploi) d'armes lourdes (aux calibres supérieurs à 100 mm) sur la première ligne alors qu'ils doivent théoriquement en être retirés à plus de 30 km,
  • l'utilisation permanente de drones d'observation, de réglage et de bombardement sur des objectifs militaires mais aussi civils, 
  • le déploiement de points de tir d'unités de combat dans les réseaux résidentiels pour utiliser les civils comme boucliers humains,
  • Etc.

Même si de leur côté, les forces de défense républicaines restent dans leurs tranchées et appliquant des sanctions disciplinaires sévères aux officiers qui initient des ruptures du cessez le feu (3 sanctions minimum cette année) les violations ukrainiennes du cessez le feu et notamment lorsqu'elles visent les zones résidentielles civiles entraînent logiquement et légitimement des ripostes républicaines ciblées et sévères.


Voici maintenant l'analyse contextuelle de ce bilan annuel du cessez le feu, signée Karine Bechet Golovoko et qui souligne parfaitement ce jeu de dupe et criminel mené par Kiev dans le Donbass

Erwan Castel


Source de l'article: Russie Politics


Le Donbass ou l'impossibilité 
d'épuiser les conflits post-modernes

Karine Bechet Golovko

Le 17 juillet 2019, le groupe de contact de Minsk était parvenu à tomber d'accord sur l'importance d'un cessez-le-feu entre Kiev et le Donbass, qui devait, formellement, entrer en vigueur le 21 juillet 2019 au matin. Un cessez-le-feu pour une période illimitée, c'est une tentative de mettre fin de facto à un conflit. Faire taire les armes pour ensuite trouver une solution. Dès le lendemain de l'accord, l'armée ukrainienne a repris les hostilités et les données publiées par la jeune république de Donetsk (DNR) soulignent à quel point l'on ne peut mettre un terme à un conflit lorsqu'il n'est pas épuisé, dans ses diverses dimensions. L'on ne peut qu'épuiser la population, en le laissant traîner, devenir une nouvelle normalité pour des enfants, qui déjà ont passé 6 ans de leur vie sans connaître la paix. Certains d'entre eux n'ont jamais rien connu d'autre. Combien de temps encore va-t-on confortablement se cacher derrière un discours de paix pour ne pas avoir à assumer une réalité dérangeante? Ni Kiev, ni ses curateurs, n'ont besoin d'une paix dans le Donbass; ils mènent une politique de terreur et d'usure contre la population civile.
Un an après, DNR publie un compte-rendu de ce cessez-le-feu, en voici les grandes lignes en français.

Il y a un an, le groupe de Minsk avait décidé de l'importance pour les parties au conflit, à savoir Kiev et le Donbass, de formaliser un cessez-le-feu, de sanctionner les violations qui auraient lieu, de s'abstenir de toute mesure offensive et de placer de l'artillerie lourde dans les villages et à proximité des écoles, hôpitaux et ouvrages civils.

Le 20 juillet 2019, DNR a adopté une déclaration de cessez-le-feu, ce qui n'a pas été fait par Kiev. Comme nous le voyons, les cessez-le-feu unilatéraux ne sont pas viables.


Selon le schéma, en orange la quantité d'armement interdit par les accords de Minsk utilisés et en bleu le nombre de violations du cessez-le-feu. A savoir, du 21 juillet 2019 au 20 juillet 2020 l'on compte en tout l'utilisation de 10 102 armements interdits et 3879 violations du cessez-le-feu, dont plus d'un tiers avec recours à l'artillerie et aux lances-mortier. Cela sans compter le recours aux blindés (9316 unités) ou encore l'artillerie légère. En tout, l'on compte, l'utilisation de 34 189 munitions de divers calibres et natures. 

D'une manière générale, l'on observe deux pics d'activité dans cette période. Le premier, en octobre 2019, correspond à la préparation d'un sommet à Paris avec les dirigeants français, allemand, russe et ukrainien dans le cadre du Format Normandie et la relance du discours sur un statut spécial pour le Donbass. Alors des manifestations sont organisées à Kiev "contre la capitulation devant Moscou", parallèlement à la reprise de l'offensive. Le second pic d'activité se situe en mars-avril 2020, lorsqu'une tentative de sortie pacifique est faite et que l'espace d'un instant Kiev entrevoit la possibilité d'un discours direct avec les représentants du Donbass. Autrement dit, à chaque fois qu'une légère avancée politique surgit à l'horizon, le conflit militaire s'intensifie sur le terrain.

L'OSCE a noté la présence, lors de cette période, de 1937 unités d'artillerie lourde, comme des tanks ou lance-missiles. Rien qu'au printemps 2020, l'on compte plus de 500 unités situées en violation de la ligne de séparation.

Les pertes humaines affichées pour cette 6e année de conflit sont relativement peu importantes, car la technique utilisée n'est pas celle d'une guerre classique : 5 morts, 60 blessés. Cela est particulièrement significatif des conflits post-modernes : il n'est médiatiquement pas jouable de mener des opérations avec d'importantes pertes civiles, surtout que les images peuvent fuiter. Nous sommes à l'époque des guerres médiatiques et "propres", presqu'humanitaires. Les guerres post-modernes ne tuent plus, elles "sauvent". C'est en tout cas la soupe, même refroidie, régulièrement resservie par les médias en appui des politiques. C'est plus une guerre d'usure qui se mène.

Les pertes matérielles sont plus importantes, surtout si l'on se souvient que le cessez-le-feu est en vigueur. 37 habitations ont été détruites, 753 touchées, 121 sites d'infrastructures civiles vitales et 17 moyens de transport.

Lorsque l'on voit ces chiffres, l'on comprend parfaitement que Kiev dans le Donbass mène une politique de terreur contre la population. Par ailleurs, l'on ne peut qu'être d'accord avec la conclusion de ce rapport quant à l'absence totale de volonté de l'Ukraine à trouver un compromis. L'Ukraine post-Maïdan, et surtout ses curateurs, ont besoin de faire traîner le conflit, car sur le plan géopolitique, c'est une épine dans le pied de la Russie. C'est un des éléments de la construction de l'image de l'ennemi, indispensable au conflit primaire pour un monde unilatéral ou multilatéral, dont découle celui du Donbass.

Karine Bechet Golovko

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