Réenchanter le monde
Ce 23 décembre a été célébré au coeur de Donetsk "l' Arbre du Nouvel An" autour d'un immense sapin illuminé rassemblant des milliers de familles de la jeune République de Populaire de Donetsk.
Loin des dérives consuméristes et individualistes occidentales, les fêtes de fin d'année, dont la période commencent au moment du solstice d'hiver, culminent avec la célébration de la nativité chrétienne orthodoxe (6 janvier) avant de se terminer avec le nouvel an du calendrier Julien (14 janvier), conservent ici pleinement leurs symboliques originelles et leurs fonctions communautaires. La fête épicurienne étant plutôt réservée à la nuit du 31 décembre...
Ainsi de cet "arbre du nouvel an", dont la date solsticiale de célébration n'est pas sans rappeler cet arbre monde, axe des mythologies européennes anciennes (surtout celtiques et nordiques) dont la tradition du sapin de Noël est issue.
Et dans cette célébration de l'arbre du nouvel an, il est intéressant d'y voir, par delà les rituels religieux du moment historique, la fidélité d'un peuple européen à son passé le plus lointain autant que l'éclairage symbolique qu'elle lui offre pour cheminer dans l'inconnu vers son lointain avenir, car la Tradition, c'est avant tout "ce royaume intérieur, murmure des temps anciens et du futur" comme le rappelait l'historien méditatif Dominique Venner.
La foule ici n'est pas venue ici pour consommer un spectacle, ou se trémousser sur des musiques assourdissantes aux rythmes narcotiques, mais pour communier - au sens étymologique de communiquer - son identité collective profonde qui a forgée son identité culturelle et, par les apports de la nature, de l'histoire et de l'économie, son identité nationale.
Et le sapin, cet arbre restant toujours vert au coeur de l'hiver, symbolise plus que jamais la vitalité de ce peuple du Donbass qui depuis 6 ans bientôt lutte les armes à la main et la main sur le coeur, pour défendre sa liberté et ses traditions réprimées par le nouveau pouvoir communautaro-centré de Kiev.
Et cette période de fin d'année où se rencontrent les traditions anciennes et nouvelles, n'est pas seulement l'occasion pour les familles de Donetsk et Lugansk de rappeler au Monde leur solidarité identitaire mais aussi de borner par leurs traditions toujours vivantes et pures le chemin vers le réenchantement d'un monde moderne dont l'âme est desséchée par le fric, la technologie et la marchandisation de la vie imposés par ces nouvelles tribus urbaines occidentales qui sont sans passé, sans éthique, ni même esthétique.
Henri Atlan, dans "Les étincelles de hasard" écrit justement: "Il vaut peut-être mieux réenchanter le monde avec des histoires de fées, d'elfes, de diablotins et de démons sympathiques - comme l'Achmadaï de la légende - dont nous savons que ce sont des fictions, plutôt qu'avec des gènes, des molécules, des quarks et autres Big Bang, en leur attribuant des vertus de causes cachées bien plus merveilleuses qu'elle n'en ont en réalité dans le cadre limité de leurs domaines de pertinence scientifique, théoriques et opérationnels"
Une ombre au tableau...
Bien sûr, tout n'est pas idéal et parfait dans ces républiques en pleine éclosion, et il serait stupide et même dangereux de s'accrocher comme le font les propagandistes Néant and Co à une vision manichéenne du monde et fermer les yeux sur les trébuchements post-modernes et tentations libérales qui guettent ici aussi les populations du Donbass.
Ainsi de ce saugrenu "Concours miss DNR" qui vient d'être annoncé récemment et dont le budget de 1 million de roubles confine à l'obscénité en cette période de guerre et de difficultés économiques.
25 années de décadence libérale ukrainienne auxquelles se rajoute l'hégémonie culturelle occidentale poussent parfois encore les modes sociétaux locaux vers ces manifestations du superficiel et de l'objetisation du corps.
Il aurait mieux valu, selon moi, organiser un grand bal où la beauté féminine, mais aussi l'élégance et les traditions sont mises à l'honneur avec plus de dignité et noblesse.
Même à l'abri de la ligne de front, Dans le Donbass, la lutte entre les communautés de l'Être et les sociétés de l'Avoir continue de faire rage même au coeur du monde russe, agité lui aussi par des séismes libéraux.
Pour finir sur une note plus positive, je pense que les habitants de Donetsk et Lugansk, à l'occasion de ces festivités de fin d'année, expriment une nouvelle fois et avec une force que 6 années de guerre et de privations n'ont pas entamé, toute leur unité et leur volonté de poursuivre leur chemin vers leur destinée choisie en 2014. Dans le coeur du Donbass, Noël est autant le symbole d'une re-naissance que la célébration d'une naissance !
Et je profite de ce moment de Yule et de Noël,qui commence aujourd'hui en occident, pour souhaiter de bonnes fêtes à mes amis païens et chrétiens qui par delà les véhicules religieux de l'Histoire ont su garder dans leur coeur cette foi universelle et intemporelle qui permet de partager l'espérance des peuples libres et de croire au réenchantement du Monde.