Quartet Normandie: bis repetita !
Lundi 9 décembre s'est tenue à Paris une nouvelle réunion du "format Normandie" entre les présidents Poutine, Merkel, Macron et Zelensky. En marge de la réunion des 4 en elle même qui devait tenter de réanimer le processus de paix dans le Donbass, s'est tenue une première rencontre bilatérale entre Poutine et Zelensky qui n'aura duré que 15 minutes, c'est dire le niveau de dialogue ouvert autour du Donbass !
De fait chacun est venu avec ses idées et surtout ses intérêts dont la paix dans le Donbass n'est pas un des objectifs prioritaires.
- Ainsi Zelensky est venu pour asseoir sa légitimité, confirmer la confiance - et les deniers - des occidentaux; tout en protégeant son trône des menaces des nationalistes qui considèrent que Minsk avec le retrait des troupes, le statut spécial, les élections etc est une capitulation devant la Russie. D'ailleurs une poignée de vétérans ukrops est venue jouer les trublions dans les rues parisiennes en déchirant le drapeau russe:
- Ainsi Poutine est venu pour s'assurer que les accords déjà difficiles de Minsk ne soient pas détournés vers un nouveau scénario à la croate de capture politico-militaire du Donbass ouvrant une épuration ethnique soutenue par l'Occident. Le Kremlin dans le cadre de la sécurisation de ses frontières occidentales veut que les républiques puissent faire entendre leur voix et faire valoir leur droit à choisir leur destinée russe librement.
- Quant à Merkel et Macron ils sont venus tous deux, dans une concurrence pour le leadership européen, faire valoir leurs intérêts économiques dans lequel un réchauffement des relations avec Moscou est vital vu l'importance des importations russes vers l'Europe (gaz notamment) et les préjudices commerciaux subis dans les exportations vers la Russie suite aux sanctions économiques orchestrées par Washington.
C'est ainsi que les seuls résultats importants ont été fait dans le dossier du gaz européen plus que dans la destinée des territoires du Donbass occupés par Kiev par exemple ou dans le retrait effectif des armes lourdes de la ligne de front sans lequel toute démilitarisation localisée est un échec.
Dès le soir même, les commentaires avaient du mal a cacher derrière un optimisme de façade - qui se faisait l'écho de la conférence de presse finale des 4 - une déception quant à l'évolution réelle de la situation sur le terrain. Certes il y a eu un consensus pour procéder à un nouvel échange de prisonniers en décembre. Certes il a été convenu de poursuivre le retrait des forces avec la démilitarisation de 3 nouvelles zones critiques de la ligne de front.
Mais il faut reconnaitre aussi que les lignes rouges principales fixées par Kiev et Moscou n'ont pas bougé d'un iota et restent un nœud gordien pour la résolution du conflit. D'un côté on a un Zelensky obligé par les pressions menaçantes des nationalistes de refuser toute forme de fédéralisation de l'Ukraine et de l'autre un Poutine qui veut octroyer aux Républiques via un statut acté une reconnaissance internationale qui leur permettra de mieux faire entendre leur volonté populaire de rejoindre la Fédération de Russie. C'est ainsi que des points de divergences et d'opposition persistent comme par exemple le contrôle ukrainien des frontières du Donbass ou le désarmement des milices demandés par Kiev ou les élections locales et la modification de la constitution ukrainienne autorisant l'autonomie du Donbass demandées par Moscou (et stipulées par les accords de Minsk).
Pour le reste on peut dire que nous avons assisté à une nouvelle représentation du quartet Normandie qui nous a interprété la même symphonie désaccordée, tandis que sur le front continuent d'aboyer les canons et mortiers ukrainiens. Aussi je considère comme superflu de m'épancher dans de longues diatribes propagandistes car seuls les actes sur le terrain comptent à mes yeux.
Si certains peuvent se demander comment une crise touchant si petite région ne peut être résolue depuis 6 ans, il suffit de se rappeler les enjeux et les menaces internationales qui l'environnent et dont elle est devenu malgré elle le détonateur armé d'un nouveau conflit mondial. Voilà pourquoi je vous laisse en guise de conclusion cette petite vidéo synthétisant la problématique géostratégique globale Est-Ouest dont l'Ukraine est le pivot.
Erwan Castel