L'Histoire au secours de la realpolitik
"Oui, c'est l'Europe, depuis l'Atlantique jusqu'à l'Oural,
c'est l'Europe, c'est toute l'Europe
qui décidera du destin du Monde"
Charles de Gaulle
Le mardi 11 juillet, l'Union Européenne a ratifié son accord d'association avec l'Ukraine dans un climat de tensions croissantes avec la Russie. Peu de temps avant, le Secrétaire général de l'OTAN Jens Soltenberg et le président ukrainien Piotr Porochenko, avaient confirmé lors d'une rencontre à Kiev l’amorçage du processus politico-militaire devant aboutir à l'intégration de l'Ukraine dans l'organisation atlantiste.
L'atmosphère d'une nouvelle "guerre froide" est devenue d'autant plus de plus en plus palpable que cette dernière, avec les représailles économiques et leurs réponses russes, les manœuvres de l'OTAN dans l'Est européen et les combats qui ne cessent dans le Donbass, prend de plus en plus les allures d'une "paix chaude" ensanglantée.
Ce projet d'association entre l'Union Européenne et l'Ukraine qui vient d'être signé, même s'il correspond à des ambitions économiques réelles apparaît donc vraiment comme un cheval de Troie permettant à l'appareil militaire étasunien occupant l'Europe de rapprocher des frontières de la Russie des sentinelles protégeant un étranglement du pays non aligné qui entrave le plus l'hégémonie de la finance internationale, et constitue le bouclier de bien d'autres pays insoumis tel que l'Iran, la Syrie, l'Inde etc...
Il divise le Monde et fracture l'Europe au lieu d'unir les peuples entre eux
Le Président Porochenko le confirme d'ailleurs à chaque occasion : les associations réalisées entre Kiev et Bruxelles (aides et accord économique, manœuvres et assistance militaires) ne sont que les premières étapes de l'intégration de l'Ukraine au sein de l'Union Européenne et surtout dans l'organisation militaire de l'OTAN qui tous deux en fidèles laquais de Washington ont défini la Russie comme la menace principale.
Cette crise majeure qui secoue l'Europe montre bien que la vision portée sur la Russie et l'Ukraine est américaine et non européenne, car l'Ukraine cette immense territoire entre l'Est et l'Ouest continental n'a jamais été un rempart divisant les empires, mais au contraire un lieu de contact et d'échanges, comme le prouve la longue Histoire entre l'Eurasie et l'Occident.
Comme pour les racines d'un arbre, la perspective historique qui donne de la stabilité à la réflexion doit être la plus profonde possible. Or la stratégie hégémonique engagée par ce Nouvel Ordre Mondial qu'incarne aujourd'hui la thalassocratie étasunienne s'appuie sur la courte parenthèse soviétique. En effet, les USA occupant l'Europe depuis 1945, tant militairement, économiquement que culturellement ont pu, grâce à une confrontation idéologique avec Moscou, faire croire qu'ils lui étaient indispensables.
Progressivement l'idéologie étasunienne relayée chez les individus par un "rêve américain" d'une société du spectacle anesthésiante et l’asservissement des pays par des institutions à leurs ordres (UE OTAN OCDE ONU...) ont pu déformer l'Histoire et l'imaginaire européen.
Il y a 2 ans dans un article intitulé Une amitié éternelle j'essayais de rappeler quelques unes des plus belles pages de l'Histoire européenne écrites par l'amitié franco-russe et dont l'Ukraine, ce berceau de la Russie (la Rus de Kiev") situé de chaque côté du Dniepr entre Occident et Eurasie, a été le plus ancien témoin avec le mariage de la princesse Anna Iaroslavna avec le roi de France Henri 1er.
En effet depuis plus de 1000 ans, la Russie tsariste ou soviétique a toujours entretenu des relations privilégiées avec la France, et les épisodes napoléoniens de la campagne de Russie (1812) ou de la guerre de Crimée (1854) ne sont que les lamentables exceptions françaises qui confirment dans l'Histoire la permanence d'une amitié éternelle forgée par autant par les architectes des rois de France, les soldats russes déployés dans les tranchées de Champagne à partir de 1915, que les aviateurs français de la "Normandie-Niemen" défendant la Russie pendant la seconde Guerre Mondiale.
Cet axe Paris Moscou est défendu depuis longtemps "de Dostoievsky à De Gaulle, par des penseurs libres qui considèrent les nations comme des entités vivantes plus résistantes et plus fortes que les systèmes qui pensent les dominer." En 2002, Henri de Grossouvre écrit "Paris-Berlin-Moscou, la voie de l’indépendance et de la paix", actualisant dans un contexte de soumission progressive des pays occidentaux aux USA, cet axe relationnel majeur qui est la colonne vertébrale de l'Europe.
Vouloir cimenter une Europe, l'Atlantique à l'Oural n'est pas une utopie du passé, il est présent dans les esprits des dirigeants européens, lorsque ces derniers sont toutefois libres dans leurs pensées et leurs actes comme le rappelle ce front que les présidents Chirac, Schröder et Poutine ont opposé à l'impérialisme étasunien au moment de l’agression contre l’Irak. Cette coalition anti-mondialiste a fait peur aux néoconservateurs mondialistes qui se sont alors empressés de serrer le collier des piliers européens franco-allemand. Depuis Merkel, Sarkozy et ses successeurs sont rentrés servilement dans la niche de l'Union Européenne gardant les intérêts de la City et de Wall street, et il y a peu de chance que leurs protestations récentes suite aux dommages collatéraux subis à l'occasion des nouvelles "sanctions" étasuniennes, ne dépassent pas le niveau de celui d'un caniche pleurnicheur.
Si l'Europe veut se libérer de la tutelle suicidaire étasunienne et œuvrer pour la Paix, elle doit d'abord renouer ses liens avec la Russie et retrouver ainsi son indépendance. Dans cette dynamique, je pense que l'amitié franco-russe, dont l'écho résonne depuis les palais tsaristes jusqu'aux restaurants moscovites, devrait être aujourd'hui le coeur et le ciment d'un nouveau pont entre l'Est et l'Ouest européens. Mais la France, ce pays qui a inspiré autant la culture que la révolution russes, n'est gouvernée depuis 20 ans que par des laquais étasuniens qui, déformant l'Histoire et léchant des rangers de l'Oncle Sam, participent à précipiter le vieux continent et la civilisation occidentale vers un chaos général.
Car aujourd'hui les européens lobotomisés par la propagande de guerre étasunienne ne regardent Moscou qu'à travers le miroir déformé d'une Union soviétique, avatar éphémère et à jamais disparu de la Russie éternelle qui elle a toujours été ouverte vers l'Occident.
Cette occultation de la réalité historique des relations millénaires entre la Russie et les pays occidentaux, dont l'objectif est de les maintenir asservis aux USA pour mieux les mobiliser contre la Russie, est tout simplement suicidaire, car elle aboutira inévitablement l'Europe à devenir à nouveau le champ de bataille d'une guerre fratricide meurtrière.
Face à cette menace il faut que les européens ouvrent enfin les yeux vers leur passé mais aussi vers leur avenir, car l'Histoire autant que que la realpolitik leurs commandent de reprendre leur destinée en main, de se libérer de l'emprise militaro-industrielle étasunienne et d'élaborer en coopération avec Moscou une grande Europe forte, unie et indépendante. Dans un article pour le Figaro, Alexis Feertchak revient aussi à l'occasion de cette nouvelle division de l'Europe, et qui provoque également un éclatement de ce pays ukrainien situé à cheval entre Eurasie et Occident, sur la priorité urgente de réaliser une "Pax Europa".
En 2003, un vieux bushi nenge de Guyane me disait à Régina, que les corps des animaux venimeux contiennent toujours l'antidote à leur poison, et c'est certainement aussi le cas pour cette Ukraine, cet épicentre du nouveau séisme européen, qui doit se débarrasser des marionnettes néoconservatrices du Maïdan et produire ensuite une nouvelle vision sociétale brisant les nouvelles barrières artificielles et désuètes imposées en Europe par un totalitarisme de la marchandise boulimique. Dans le Donbass, les autorités de la République Populaire de Donetsk ont récemment posé cette problématique sur la table et le front qui menace d'entrer dans une nouvelle éruption, en introduisant par le buzz médiatique de la "Malorossiya", un débat sur une vraie fédéralisation de l'Ukraine organisée pour faire triompher la Paix, mais aussi pour créer un trait d'union entre Occident et Eurasie.
Cette vision sociétale audacieuse, qui se veut "être fidèle au passé et exemple pour l'avenir" est déjà en cours de réalisation et d'éclosion dans les Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk, devenues un véritable laboratoire d'idées pour l'avenir du vieux continent.
L'atmosphère d'une nouvelle "guerre froide" est devenue d'autant plus de plus en plus palpable que cette dernière, avec les représailles économiques et leurs réponses russes, les manœuvres de l'OTAN dans l'Est européen et les combats qui ne cessent dans le Donbass, prend de plus en plus les allures d'une "paix chaude" ensanglantée.
Ce projet d'association entre l'Union Européenne et l'Ukraine qui vient d'être signé, même s'il correspond à des ambitions économiques réelles apparaît donc vraiment comme un cheval de Troie permettant à l'appareil militaire étasunien occupant l'Europe de rapprocher des frontières de la Russie des sentinelles protégeant un étranglement du pays non aligné qui entrave le plus l'hégémonie de la finance internationale, et constitue le bouclier de bien d'autres pays insoumis tel que l'Iran, la Syrie, l'Inde etc...
Il divise le Monde et fracture l'Europe au lieu d'unir les peuples entre eux
Le Président Porochenko le confirme d'ailleurs à chaque occasion : les associations réalisées entre Kiev et Bruxelles (aides et accord économique, manœuvres et assistance militaires) ne sont que les premières étapes de l'intégration de l'Ukraine au sein de l'Union Européenne et surtout dans l'organisation militaire de l'OTAN qui tous deux en fidèles laquais de Washington ont défini la Russie comme la menace principale.
Cette crise majeure qui secoue l'Europe montre bien que la vision portée sur la Russie et l'Ukraine est américaine et non européenne, car l'Ukraine cette immense territoire entre l'Est et l'Ouest continental n'a jamais été un rempart divisant les empires, mais au contraire un lieu de contact et d'échanges, comme le prouve la longue Histoire entre l'Eurasie et l'Occident.
Comme pour les racines d'un arbre, la perspective historique qui donne de la stabilité à la réflexion doit être la plus profonde possible. Or la stratégie hégémonique engagée par ce Nouvel Ordre Mondial qu'incarne aujourd'hui la thalassocratie étasunienne s'appuie sur la courte parenthèse soviétique. En effet, les USA occupant l'Europe depuis 1945, tant militairement, économiquement que culturellement ont pu, grâce à une confrontation idéologique avec Moscou, faire croire qu'ils lui étaient indispensables.
Progressivement l'idéologie étasunienne relayée chez les individus par un "rêve américain" d'une société du spectacle anesthésiante et l’asservissement des pays par des institutions à leurs ordres (UE OTAN OCDE ONU...) ont pu déformer l'Histoire et l'imaginaire européen.
Il y a 2 ans dans un article intitulé Une amitié éternelle j'essayais de rappeler quelques unes des plus belles pages de l'Histoire européenne écrites par l'amitié franco-russe et dont l'Ukraine, ce berceau de la Russie (la Rus de Kiev") situé de chaque côté du Dniepr entre Occident et Eurasie, a été le plus ancien témoin avec le mariage de la princesse Anna Iaroslavna avec le roi de France Henri 1er.
En effet depuis plus de 1000 ans, la Russie tsariste ou soviétique a toujours entretenu des relations privilégiées avec la France, et les épisodes napoléoniens de la campagne de Russie (1812) ou de la guerre de Crimée (1854) ne sont que les lamentables exceptions françaises qui confirment dans l'Histoire la permanence d'une amitié éternelle forgée par autant par les architectes des rois de France, les soldats russes déployés dans les tranchées de Champagne à partir de 1915, que les aviateurs français de la "Normandie-Niemen" défendant la Russie pendant la seconde Guerre Mondiale.
Cet axe Paris Moscou est défendu depuis longtemps "de Dostoievsky à De Gaulle, par des penseurs libres qui considèrent les nations comme des entités vivantes plus résistantes et plus fortes que les systèmes qui pensent les dominer." En 2002, Henri de Grossouvre écrit "Paris-Berlin-Moscou, la voie de l’indépendance et de la paix", actualisant dans un contexte de soumission progressive des pays occidentaux aux USA, cet axe relationnel majeur qui est la colonne vertébrale de l'Europe.
Vouloir cimenter une Europe, l'Atlantique à l'Oural n'est pas une utopie du passé, il est présent dans les esprits des dirigeants européens, lorsque ces derniers sont toutefois libres dans leurs pensées et leurs actes comme le rappelle ce front que les présidents Chirac, Schröder et Poutine ont opposé à l'impérialisme étasunien au moment de l’agression contre l’Irak. Cette coalition anti-mondialiste a fait peur aux néoconservateurs mondialistes qui se sont alors empressés de serrer le collier des piliers européens franco-allemand. Depuis Merkel, Sarkozy et ses successeurs sont rentrés servilement dans la niche de l'Union Européenne gardant les intérêts de la City et de Wall street, et il y a peu de chance que leurs protestations récentes suite aux dommages collatéraux subis à l'occasion des nouvelles "sanctions" étasuniennes, ne dépassent pas le niveau de celui d'un caniche pleurnicheur.
Si l'Europe veut se libérer de la tutelle suicidaire étasunienne et œuvrer pour la Paix, elle doit d'abord renouer ses liens avec la Russie et retrouver ainsi son indépendance. Dans cette dynamique, je pense que l'amitié franco-russe, dont l'écho résonne depuis les palais tsaristes jusqu'aux restaurants moscovites, devrait être aujourd'hui le coeur et le ciment d'un nouveau pont entre l'Est et l'Ouest européens. Mais la France, ce pays qui a inspiré autant la culture que la révolution russes, n'est gouvernée depuis 20 ans que par des laquais étasuniens qui, déformant l'Histoire et léchant des rangers de l'Oncle Sam, participent à précipiter le vieux continent et la civilisation occidentale vers un chaos général.
Car aujourd'hui les européens lobotomisés par la propagande de guerre étasunienne ne regardent Moscou qu'à travers le miroir déformé d'une Union soviétique, avatar éphémère et à jamais disparu de la Russie éternelle qui elle a toujours été ouverte vers l'Occident.
Cette occultation de la réalité historique des relations millénaires entre la Russie et les pays occidentaux, dont l'objectif est de les maintenir asservis aux USA pour mieux les mobiliser contre la Russie, est tout simplement suicidaire, car elle aboutira inévitablement l'Europe à devenir à nouveau le champ de bataille d'une guerre fratricide meurtrière.
Face à cette menace il faut que les européens ouvrent enfin les yeux vers leur passé mais aussi vers leur avenir, car l'Histoire autant que que la realpolitik leurs commandent de reprendre leur destinée en main, de se libérer de l'emprise militaro-industrielle étasunienne et d'élaborer en coopération avec Moscou une grande Europe forte, unie et indépendante. Dans un article pour le Figaro, Alexis Feertchak revient aussi à l'occasion de cette nouvelle division de l'Europe, et qui provoque également un éclatement de ce pays ukrainien situé à cheval entre Eurasie et Occident, sur la priorité urgente de réaliser une "Pax Europa".
En 2003, un vieux bushi nenge de Guyane me disait à Régina, que les corps des animaux venimeux contiennent toujours l'antidote à leur poison, et c'est certainement aussi le cas pour cette Ukraine, cet épicentre du nouveau séisme européen, qui doit se débarrasser des marionnettes néoconservatrices du Maïdan et produire ensuite une nouvelle vision sociétale brisant les nouvelles barrières artificielles et désuètes imposées en Europe par un totalitarisme de la marchandise boulimique. Dans le Donbass, les autorités de la République Populaire de Donetsk ont récemment posé cette problématique sur la table et le front qui menace d'entrer dans une nouvelle éruption, en introduisant par le buzz médiatique de la "Malorossiya", un débat sur une vraie fédéralisation de l'Ukraine organisée pour faire triompher la Paix, mais aussi pour créer un trait d'union entre Occident et Eurasie.
Cette vision sociétale audacieuse, qui se veut "être fidèle au passé et exemple pour l'avenir" est déjà en cours de réalisation et d'éclosion dans les Républiques Populaires de Donetsk et Lugansk, devenues un véritable laboratoire d'idées pour l'avenir du vieux continent.
Erwan Castel, volontaire en Novorossiya
Source de l'article : Le Figaro
Ukraine : après le mur de Berlin, le mur de Kiev ?
FIGAROVOX/TRIBUNE - Alors que l'Ukraine, excédée par la concentration de troupes russes dans l'est séparatiste, se prépare au combat, Alexis Feertchak considère que la France peut encore permettre de désamorcer la crise, à condition de se rapprocher de la Russie.
Par Alexis Feertchak
ll y a vingt-cinq ans, le mur de Berlin tombait. Ceux de l'Ouest l'appelaient le «mur de la honte», ceux de l'Est le «mur de protection antifasciste». Ces mots d'hier paraissent aujourd'hui étrangement familiers alors que le cessez-le-feu en Ukraine, scellé à Minsk en septembre, semble s'effriter à mesure que les combats reprennent dans les Oblasts de Lougansk et Donetsk. Les dépêches de l'AFP se retrouvent de nouveau à la Une des médias: chars venus de Russie, files de camions militaires Kamaz, mise en garde de l'OTAN et de l'OSCE, tout semble mener vers une nouvelle escalade en Ukraine.
C'est l'Europe qui, aux origines de la crise actuelle,
a imaginé l'Ukraine comme un mur et non comme un pont.
L'imaginaire du «mur» ressurgit en Europe, avec le même vocable que pendant la Guerre froide: le Kremlin crie au «fascisme» en regardant vers l'Ouest ; les Occidentaux condamnent l'invasion russe et les provocations du Président Poutine. Arrivé en tête des élections législatives, le Premier Ministre ukrainien Arseni Iatseniouk, plus belliqueux dans ses positions que le Président Petro Porochenko, a été le premier à envisager l'érection d'un mur d'ici à trois ans entre les frontières russe et ukrainienne.
Or, si l'hypothèse d'un tel mur ukrainien, physique ou seulement symbolique, se confirmait à l'Est de l'Europe, il faudrait changer le nom d'Ukraine, car le mot «Ukraine», en ukrainien ou en russe, signifie étymologiquement «marches» et non «mur». Une marche, à la différence d'un mur, ne sert pas à empêcher le passage d'un espace à un autre, mais bien au contraire à aider au franchissement de deux espaces voisins. Les mots sont souvent lourds de sens: jusque dans son nom même, l'Ukraine est un pont entre l'Europe occidentale et la Russie. L'idée d'un mur ukrainien serait un oxymore littéraire, mais aussi une faute historiquement lourde.
Une faute a été commise originellement par l'Union européenne qui, en plaidant pour un accord d'association exclusif avec l'Ukraine, ratifié en septembre 2014, a écarté de fait le partenaire russe des négociations. C'est l'Europe qui, aux origines de la crise actuelle, a imaginé l'Ukraine comme un mur et non comme un pont. Dans une sorte de prolongement anachronique de la doctrine du Containment établie pendant la Guerre froide, les Occidentaux ont fait abstraction de siècles d'histoire qui ont lié l'Ukraine à la Russie, mais aussi la Russie à l'Europe. Alors que l'armistice de 1918 a été commémoré en France et ailleurs, on aurait pu se rappeler que la Russie, au sein de la Triple Entente, fut le pays allié qui compta le plus grand nombre de victimes militaires pendant la Première guerre mondiale et qui ne connut pas la victoire du 11 novembre.
En érigeant Vladimir Poutine et la Russie comme ennemis absolus de l'Occident, le débat public autour de l'Ukraine s'est retrouvé faussé. Des critiques se sont élevées ici ou là pour condamner le manque de clairvoyance et l'agressivité des diplomaties européenne et américaine, mais, dans des tonalités différentes, les voix d'Hubert Védrine, de Dominique de Villepin, de Vladimir Fédorovski, d'Hélène Carrère d'Encausse, de Jacques Sapir ou de Jean-Pierre Chevènement n'ont pas porté assez loin pour réduire le manichéisme ambiant.
Récemment, une conférence d'Alexandre Adler, prononcée à l'Institut Diderot, a éclairé le débat sous un jour intéressant. L'historien a rappelé quelques traits de l'histoire ukrainienne, notamment dans ses relations avec l'Europe occidentale et la Russie, qu'il me paraît important de garder à l'esprit.
Il ne s'agit pas de tomber dans les errements de la propagande russe: les Ukrainiens ne sont pas attirés par un prétendu fascisme hérité de la Seconde guerre mondiale, mais bien plutôt par le modèle européen que la Pologne représente à leurs yeux. Le Président Ianoukovitch a été renversé par le rejet populaire de l'oligarchie régnante, de la corruption, du délitement des libertés publiques et par l'échec répété des réformes économiques et sociales. Il ne s'agit pas non plus de tomber dans l'apologie de Vladimir Poutine, apologie qui agite les milieux identitaires et une partie de l'extrême-droite française, lesquels fantasment le Président russe en Tsar autoritaire et réactionnaire, seul capable de se dresser contre l'impérialisme libéral des Etats-Unis.
Au delà de la langue et de la religion,
c'est leur histoire commune qui lie le plus les Russes aux Ukrainiens,
de la Rus' de Kiev au IXe siècle jusqu'à l'indépendance ukrainienne en 1991.
Ceci étant écrit, il reste à s'interroger sur la nature historique et culturelle de l'Ukraine, questionnement qui a été écarté largement du débat public. Alexandre Adler rappelle ainsi que l'on ne peut faire fi de l'histoire et, qu'on le veuille ou non, l'histoire de l'Ukraine et celle de la Russie sont indissociablement liées. Ainsi, rappelle-t-il l'inexistence historique de la nation et d'un Etat ukrainiens: «A mes yeux, la nation ukrainienne n'existe pas. Il a certes existé des embryons de puissance étatique en Ukraine à chaque fois que la Russie a été faible, notamment au début du XVIIIe siècle. Il y a eu aussi un mouvement nationaliste et politique ukrainien pendant le XIXe siècle. Mais tout cela ne suffit pas à créer une nation».
On comprendra par exemple que la question linguistique n'est pas un point de clivage sérieux entre Russes et Ukrainiens: peu parlée, la langue ukrainienne est comprise des russophones et, au centre l'Ukraine, une majeure partie de la population parle le Surzhik, un mélange entre l'ukrainien et le russe. Alexandre Adler précise ainsi que «l'identité linguistique ukrainienne est une plaisanterie». Il en va de même de l'identité religieuse car Russes comme Ukrainiens sont majoritairement orthodoxes, même s'il existe deux patriarcats distincts.
Au delà de la langue et de la religion, c'est leur histoire commune qui lie le plus les Russes aux Ukrainiens, de la Rus' de Kiev au IXe siècle jusqu'à l'indépendance ukrainienne en 1991. Alexandre Soljenitsyne écrivait ainsi en 1990, juste avant la chute de l'URSS:
«Parler de l'existence depuis le IXe siècle d'un peuple ukrainien à part, parlant une langue non russe spécifique, est une falsification récente. Ensemble nous sommes issus de la noble Kiev d'où provient la terre russe selon la Chronique de Nestor, d'où nous est venue la lumière du christianisme. Nous avons été gouvernés par les mêmes princes».
Alexandre Adler ne dit pas autre chose lorsqu'il rappelle l'histoire commune des Ukrainiens et des Russes lors de la Seconde guerre mondiale, histoire qui dépasse de loin le ralliement au régime nazi d'une partie minoritaire de l'Ukraine occidentale. Cette accusation d'un mauvais comportement de l'Ukraine pendant la Seconde guerre mondiale, qui est à l'origine de la propagande du Kremlin à l'égard des «fascistes» de Kiev, s'explique par le fait qu'historiquement, une partie de l'Ukraine occidentale n'a pas été associée à l'histoire russe, mais a vécu sous la houlette du Royaume de Pologne, puis de l'Empire austro-hongrois. En 1940, dans le sillon de cet arrimage historique à la Mitteleuropa, une partie des Ukrainiens de l'Ouest ont participé de fait aux agissements du IIIe Reich. Mais ces comportements, qui ont existé, ne sont en rien représentatifs de l'Ukraine, ni même de l'Ukraine occidentale.
L'histoire témoigne in fine de ce que l'Ukraine est bien une marche et un pont vers la Russie, en aucun cas un mur: l'aspiration européenne des Ukrainiens ne peut se réaliser contre la Russie. C'est précisément ce que l'Union européenne n'a pas compris dans la crise qui agite aujourd'hui l'Ukraine. Elle n'a pas compris que la demande légitime du peuple ukrainien doit s'inscrire dans une coopération politique plus large qui englobe la Russie.
Dans le respect de la tradition gaulliste et mitterrandienne,
il est probable que la solution se trouve entre Paris, Berlin et Moscou,
dans un rapprochement et une coopération politique entre l'Europe occidentale et la Russie,
pour construire une Pax Europa autonome qui ne repose plus sur la Pax Americana.
La crise ukrainienne nous renvoie en creux au rêve gaulliste d'une Europe qui irait de l'Atlantique à l'Oural. François Mitterrand fut le dernier chef d'Etat français à avoir tenté de donner corps à ce projet européen. Le 31 décembre 1989, il lançait le projet d'une Confédération européenne, espace de coopération politique qui devait être proprement européen, c'est-à-dire capable de se passer du leadership américain et capable d'inclure à long terme la Russie (qui était encore l'Union soviétique). Comme l'a écrit par la suite Roland Dumas, le projet fut mort-né, même s'il fut bien accueilli par le chancelier allemand Helmut Kohl et le président tchèque Vaclav Havel. En réalité, la construction européenne et l'élargissement aux pays d'Europe de l'Est se sont faits sous l'auspice de la «doctrine Baker», du nom du Secrétaire d'Etat américain de Georges Bush (père). Cette Pax Americana fut rendue possible par l'extension progressive aux anciennes républiques satellites de l'Organisation pour la sécurité et la coopération européenne (OSCE) et de l'OTAN, deux organisations historiquement atlantistes.
La sénateur Marie-Noëlle Lienemann révélait récemment qu'en 1995, le Président François Mitterrand lui avait confié qu'il craignait qu'une guerre se déclarât entre l'Ukraine et la Russie. L'escalade de violences que connaît aujourd'hui l'Ukraine rend la prophétie de François Mitterrand chaque jour plus pertinente. En un sens, elle est même déjà réalisée. Alors, que faire? Dans le respect de la tradition gaulliste et mitterrandienne, il est probable que la solution se trouve entre Paris, Berlin et Moscou, dans un rapprochement et une coopération politique entre l'Europe occidentale et la Russie, pour construire une Pax Europa autonome qui ne repose plus sur la Pax Americana. Quant à la question de savoir si les Russes seraient d'accord pour une plus grande coopération avec l'Europe, l'histoire russe nous en donne une certaine idée: la grandeur de la Russie a rarement existé sans une certaine complicité avec l'Europe. Vladimir Poutine, en bon stratège, doit certainement le savoir. L'histoire russe en Ukraine est d'ailleurs un condensé de cette Russie tournée vers l'Europe. Pouchkine écrivait qu'Odessa, fondée en Ukraine par Catherine II en 1794, était une ville où l' «on peut sentir l'Europe».
Partisan d'une plus grande coopération avec la Russie, le philosophe Dominique Lecourt, qui dirige l'Institut Diderot, introduisait ainsi la conférence d'Alexandre Adler: «L'Union soviétique est désormais bien loin de nous! Il serait grave de donner à la Russie de demain le sentiment que, après un quart de siècle, nous ne nous en sommes pas encore aperçus». Si un certain idéalisme européen ne nous fait pas avancer dans ce sens, qu'au moins, en tirant les leçons de l'histoire, un réalisme de bon sens nous convainque de le faire.
Alexis Feertchak
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Ce blog est le premier des 3 blogs que j'ai ouvert autour du soutien aux Républiques Populaires du Donbass, un travail d'information passionnant mais long et bénévole qui réclame votre soutien financier pour être réalisé et me permettre de vivre dans ce Donbass où je suis arrivé en janvier 2015 pour concrétiser mon engagement auprès de la population civile victime d'une guerre à caractère génocidaire lancée contre elle par les succubes occidentaux du Maïdan depuis avril 2014.
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Des comptes rendus financiers et d'actions seront réalisés régulièrement sur ce blog ainsi que celui dédié à Oktyabrsky (lien ci dessus)
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