Après l'Ukraine, le Venezuela

"Vu du Donbass" / 02

«En s'impliquant dans les affaires intérieures des autres nations, les États-Unis détruiraient la raison de sa propre existence; les principes fondamentaux de sa politique deviendraient ainsi semblables à l'empire que la révolution américaine a défait. Il ne serait plus ainsi son propre maître mais le dictateur du monde.»

John Quincy Adams (1817-1825), 6e président des États-Unis, le 4 juillet 1821: 


Pour celles et ceux qui suivent et étudient la crise ukrainienne depuis plusieurs années en dehors de la doxa officielle du mainstream occidental affidé au complexe miliraro industriel mondialiste, la crise qui va crescendo au Vénézuéla depuis le début de cette année n'est pas sans rappeler les événements du Maïdan qui ont fait imploser l'Ukraine il y a 5 ans exactement.

Car même si "comparaison n'est raison", on ne peut que constater des similitudes entre Vénézuala et Ukraine dans les situations politiques, les intérêts économiques, les enjeux géostratégiques et surtout les ingérences occidentales dans la politique intérieure d'un pays toujours "non aligné", ingérences qui se traduisent par une volonté de renverser le gouvernement et d'installer au pouvoir une opposition manipulée et asservie aux USA... le tout sur fond d'une nouvelle guerre froide entre Occident et Russie.

Du côté vénézuélien, nous avons :
  • Un président vénézuélien maladroit et qui n'a pas la popularité de Chavez
  • Une économie en grande péril à cause d'une dépendance au pétrole et un blocus extérieur
  • Des acquis sociaux en perte de vitesse qui provoque une impopularité du pouvoir
Du côté occidental, nous avons :
  • Une volonté affichée de faire basculer le Vénézuela dans le pré carré étasunien
  • Une opposition radicale qui refuse une cohabitation politique avec le gouvernement actuel
  • Une campagne médiatico-politique diabolisant Maduro et soutenant son opposition
Et surtout au milieu nous observons :
  • Un pays avec les plus grandes réserves mondiales de pétrole (et proche des USA)
  • Un pouvoir politique chef de file de la résistance anti-mondialiste sud américaine
  • Des relations étroites avec la Russie et la Chine, les concurrents des occidentaux 
Voici une synthèse raide et claire de la situation du Venezuela signée Vincent Lapierre:


Nous observons aujourd'hui une escalade de l'ingérence étasunienne et de ses toutous occidentaux, dans la crise vénézuélienne qu'ils alimentent depuis des années pour s'emparer à la fois de ses réserves pétrolières mais aussi de sa position géo-politique majeure dans la résistance anti-mondialiste du continent latino-américain.

Et cette hystérie occidentale qui se traduit par des soutiens fanatiques et inconditionnels à l'opposant Guaido autant qu'un campagne paroxysmique de diabolisation du président Chavez atteint des sommets de l'incohérence et du ridicule avec dans le peloton de tête des collabos au totalitarisme de la marchandise le français Macron qui toute honte bue condamne Maduro pour les violences de la police vénézuélienne et reconnait Guaido comme président du pays, alors que même l'ONU admet que seul Maduro, élu au suffrage universel dispose de cette légitimité. 


La politique étrangère française

Aujourd'hui la situation est plus qu'explosive et face à l'importante résistance des vénézuéliens à l'éventualité d'un coup d'Etat à Caracas, les Etats Unis avec leurs sbires régionaux dont la Colombie et le Brésil frontaliers menacent même d'intervenir militairement si Maduro se maintient au pouvoir. En menaçant de de rajouter un calque libyen au scénario ukrainien, les USA sans vergogne dévoilent leur rôle de marionnettistes dans cette stratégie de "change power" lancée contre le Venezuela.

Pendant l'hiver 2013-2014, Nuland, Ashton, Mac Cain, Fabius, Baird etc... tous les parangons de la ploutocratie mondialiste, de l'OTAN et de la CIA, du trublion BHL au vice président US Joe Biden sont venus soutenir le coup d'Etat en Ukraine. 
Et pendant cet hiver 2018-2019, pour mener la croisade contre la résistance bolivarienne à leur impérialisme, les néo-conservateurs étasuniens, sous le regard d'un Trump suiviste, ont lâché leurs chiens Bolton qui menace et aboie chaque jour un peu plus contre Maduro, évoquant ouvertement un interventionnisme armé indirect via l'opposition à Maduro, voire direct avec une coalition bombardant le pays. 


Le néo-conservateur US Eliott Abrams, "doctor es change power" 

Il suffit de regarder aussi le CV de Eliott Abrams le nouveau conseiller spécial US pour le Venezuela pour connaitre quelle recette va sortir de la cuisine mondialiste. En effet Abrams est un vieux briscard de 70 ans, spécialiste des coups d'Etat étasuniens à l’étranger : sous l'administration Reagan il organise des livraisons d'armes aux opposants en Iran puis au Nicaragua; sous l'administration de Georges Bush, ce faucon de Washington qui, sous le masque de "directeur du Conseil de sécurité nationale pour la démocratie, les droits de l'homme et les relations internationales" soutient la préparation 
et l'invasion de l'Irak qui aura lieu en 2003, est impliqué dans une première tentative de coup d'Etat au Venezuela contre Hugo Chavez en 2002.

Le doute n'est plus permis quant à la nature de la crise qui secoue le Venezuela et l'identité de ses commanditaires, surtout si on écoute les déclarations tonitruantes et bellicistes des occidentaux et que l'on observe les sanctions économiques hallucinantes qui se multiplient comme une véritable guerre contre un Venezuela qui malheureusement affiche une trop grande dépendance économique à une manne pétrolière prisonnière des marchés internationaux.

Et sur fond de cette crise gravissime nous trouvons aussi une croisade qui continue contre la Russie avec qui le Venezuela entretient des relations grandissantes et l'OTAN qui cherche à s'implanter sur le continent latino-américain (intégration de la Colombie déjà évoquée)...

En résumé, vu du Donbass, cette crise a le goût d'un plat réchauffé, sauf que sur ce continent latino-américain la culture politique vénézuélienne née d'une Histoire tourmentée par des dictatures et des révolutions ne va pas se laisser abattre comme la Libye ou l'Ukraine, mais risque d'assumer son devoir de gardien de la révolution bolivarienne qui lui a offert son indépendance et son rêve d'avenir. 

Il est important que le Venezuela bolivarien reçoive tout le soutien des anti-mondialistes, car au delà des problèmes internes à ce pays il s'agit de défendre son intégrité territoriale et politique face à une ingérence criminelle inadmissible des "démocraties droitdel'hommistes" qui veulent que les citoyens de ce pays non aligné deviennent leurs esclaves leur offrant richesses minières et  bases de l'OTAN...


Erwan Castel


Et je laisse la conclusion au regretté "Commandante Chavez"


"Allez vous faire foutre Yankees de merde !"

En septembre 2008, Hugo Chavez en soutien à la Bolivie subissant les pressions des USA expulse l'ambassadeur des USA à Caracas et tient ce discours d'anthologie bolivarienne où il lâche "Allez vous faire foutre Yankees de merde" avec le ton et le charisme qui n'appartenaient qu'a ce leader vénézuélien historique (à la 2ème minute de l'extrait vidéo).


MISE A JOUR - 6 FEVRIER 2019



Source de l'article : Russie Politics

La crise au Venezuela et la cristallisation de la crise du système globaliste-atlantiste

Manifestation de soutien à Maduro

Karine Bechet Golovko

La crise au Venezuela s'intensifie, non sans l'aide particulière apportée par les pays européens et surtout la France aux Etats-Unis pour se débarrasser (enfin) de Maduro, qui avec sa politique socialiste pose des problèmes. Evidemment en matière de droits de l'homme. Rappelons que les réserves de pétrole au Venezuela sont parmi les plus grandes au monde. Le coup d'Etat contre Maduro se met en place, Trump aux manettes, Macron en première ligne. Reste la Russie, pleine de bon sens, qui tente de sauver l'institution des élections, avant que nos sociétés ne sombrent dans une nouvelle phase de chaos dictatorial, seule apte à préserver les intérêts du clan atlantiste, trop éloignés des aspirations des populations pour maintenir le masque démocratique. Le Venezuela révèle toute l'ampleur de la crise idéologique qui s'empare de nos sociétés.

L'arrivée de Maduro au pouvoir en 2014, après Chavez, s'est accompagnée d'une montée en puissance des sanctions adoptées contre le pays, au nom de la sacro-sainte démocratie, de la lutte contre la corruption (qui ne dérangeait pas avant), pour une meilleure répartition (dite libérale) des richesses, etc. Bref, une guerre économique menée contre un pays et un peuple. Un combat qui se livre de l'extérieur (Etats-Unis, Canada, avec l'aide de UE) contre le Venezuela, avec l'appui de certaines structures à l'intérieur et qui permet ainsi d'appauvrir le pays, de provoquer et entretenir une crise socio-économique, ensuite utilisée dans les discours internationaux pour discréditer un Président déclaré incompétent, voire criminel. Rappelons qu'au-delà de la question des droits de l'homme, qui n'intéresse personne lorsque la "bonne" personne est aux commandes, la "voix populaire" devient à nouveau un argument dès lors qu'il s'agit d'un pays dont les réserves de pétrole sont les plus importantes au monde et qui n'est pas dirigé dans le sens exigé de la mondialisation atlantiste. La question des droits de l'homme est évidemment centrale ...

C'est pourquoi le "peuple" vénézuélien sorti dans la rue contre Maduro est soutenu par l'étranger, c'est pourquoi le peuple vénézuélien soutenant Maduro est ignoré, autant que les Gilets Jaunes en France. C'est pour ça que Macron soutient ce "peuple" demandant le départ d'un président dit "illégitime" (car ne mettant pas en place une "juste" répartition des richesses - dans la foulée globaliste) et que ce même Macron gaze et combat son "peuple" des Gilets Jaunes, qui demandent son départ en raison d'une politique de répartition des richesses qu'ils ne considèrent pas comme juste, en raison d'une politique qui oublie l'intérêt national.

Tous les peuples ne sont pas égaux, tous les Présidents non plus. 

Les élections présidentielles se tenant en mai 2018, Guaido, sachant très bien que l'opposition minoritaire, va perdre dans les urnes, commence des négociations secrètes avec Washington, pour préparer des manifestations et obtenir par la contrainte dans la rue ce qu'il ne peut gagner librement par les urnes. Il obtiendra, ainsi, le soutien de la Colombie et du Brésil, avant même les élections, en plus de celui des Etats-Unis. Ce que révèle l'AP dans un article très détaillé. Et le plan fonctionne à merveille, non sans le soutien de l'UE, dont l'indépendance à l'égard des Etats-Unis est une farce grotesque.

Le scénario n'a, par ailleurs, rien de nouveau. il a déjà été testé en Ukraine en 2004, lors de la révolution orange, où un troisième tour des présidentielles a été obtenu de force, après d'énormes pressions de la part des Etats-Unis, de l'UE et de l'OSCE. Ce qui a permis de détruire le système électoral ukrainien et de conduire le pays dans la crise qu'il connaît aujourd'hui : la légitimité ne venant plus du peuple, de l'intérieur, mais de la volonté et des intérêts changeants de puissances extérieures. Et les personnages au pouvoir servent alors non plus les intérêts d'un peuple dont ils n'ont plus besoin pour se maintenir au pouvoir, mais de leurs véritables maîtres.

Avec le Venezuela, nous sommes passés à la vitesse supérieure et les pays du bloc atlantiste n'attendent pas qu'un troisième tour soit organisé pour déjà déclarer qui est "leur" président. Les Etats-Unis, le Canada, le Brésil, la Colombie (ces pays qui ont organisé le coup d'Etat) ont évidemment reconnu Guaido. Mais pour que l'affaire prenne toute son ampleur, il faut aussi le soutien formel des pays européens. C'est pourquoi, après que le Parlement européen, sans en avoir la compétence, ait lui aussi reconnu Guaido, trois pays européens (la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne), pour tenter de donner un léger vernis de légitimité à ce coup d'Etat, ont lancé un absurde ultimatum de 8 jours, afin que Maduro organise de nouvelles élections "libres", qu'il doit évidemment perdre. Pour être "libres". Or, il a réellement un soutien important au sein de la population, quand le soutien de Guaido est très faible à l'intérieur. Maduro refuse évidemment cette farce aux relents impérialistes, il a déjà été élu par le peuple vénézuélien, que sa politique plaise ou non aux pays du bloc atlantiste ne leur donne pas le droit de décider d'un nouveau président, qui leur serait soumis.

Sans attendre cette fois-ci la tenue d'une nouvelle élection, les pays européens, la France en tête, se lancent dans une étrange reconnaissance d'un individu qui n'a pas été élu, mais est simplement monté sur des barricades après une tournée internationale. Dans la forme, il s'agit de déclarations à la presse ou sur twitter. Les mécanismes juridiques sont laissés de côté, il est vrai que le droit n'a ici pas sa place, c'est de la comm et de la politique. L'on notera l'étrange tweet de Macron:



Ce texte appelle plusieurs questions. Tout d'abord, pourrait-on m'expliquer ce que, juridiquement, signifie "président en charge" ? Absolument rien, ça n'existe pas et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'expression est entre guillemets dans le texte. C'est, en fait, une sorte de manager qui, n'ayant aucune légitimité intérieure pour avoir une quelconque chance d'être élu (même avec l'aide étrangère), doit organiser la mise sous tutelle du pays. Ainsi, l'on appréciera le lien entre la volonté du peuple et finalement le "Groupe de contact créé avec l'UE", qui va se charger de déterminer ce que veut le peuple vénézuélien. Et le meilleur reste à venir avec ce Groupe de contact :

  • Un groupe de contact international constitué par l’UE pour favoriser l’organisation d’élections présidentielles « libres, transparentes et crédibles » doit se réunir le 7 février à Montevideo, ont annoncé dimanche la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini et le président uruguayen Tabare Vazquez.
  • L’UE et huit de ses États membres (Allemagne, Espagne, France, Italie, Portugal, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) en font partie, ainsi que la Bolivie, le Costa Rica, l’Équateur et l’Uruguay pour les pays d’Amérique latine.

Donc, pour ne pas se salir les mains, les Etats-Unis refilent le bébé à l'UE, qui va être en charge de s'occuper de la finalisation du coup d'Etat. En plus, pour revenir à la question de la "volonté populaire", ce fameux Groupe ne va pas se réunir au Venezuela, où il pourrait notamment discuter avec la population. Non. Il va se réunir dans un autre pays ... en Uruguay. Aucun effort n'est fait, ne serait-ce que pour protéger les apparences. Le but est de placer le pays sous tutelle, il y a trop de ressources naturelles, l'on ne plaisante pas avec ça. En matière de transparence et de crédibilité, on ne fait pas mieux ...

Dans ce chaos mal odorant, reste la Russie, droite dans ses bottes. Rappelant que le Venezuela n'est pas une question internationale à discuter au Conseil de sécurité de l'ONU, mais un problème intérieur - sauf à considérer l'intervention du clan atlantiste. Que dans ce cas, la Russie pourrait aussi soulever la question des Gilets Jaunes en France ... mais (dommage) elle ne le fera pas. Voir ici les paroles du représentant de la Russie, Nebenzia :



La crise vénézuélienne est caractéristique non pas d'une crise socio-politique dans ce pays, mais de la crise du système idéologique globaliste et atlantiste qui se joue aujourd'hui. Le décalage entre les objectifs des élites et les aspirations des peuples atteint un tel niveau, que l'institution des élections, comme modalité légitime d'accession au pouvoir de dirigeants (mêmes factices), devient inefficace, puisqu'elle ne permet plus de maîtriser la prévisibilité du résultat. Par ailleurs, une fois en place, le mécontentement populaire gonfle et met en péril les représentants de ces systèmes, qui ne sont plus rééligibles, mais doivent être sacrifiés à chaque tour. Ce qui met en danger le système idéologique lui-même - la pénurie de cadres éligibles se préparant. Les élections, comme mécanismes de légitimité intérieure (ce qui fait la démocratie), doivent donc être remplacées par des mécanismes de légitimité extérieure (comme dans le cas de l'Ukraine ou du Venezuela), permettant un contrôle total des résultats, pour ensuite être importés dans les autres pays. Et l'UE devient le bras armé de ce système anti-démocratique. 

En ce sens, le conflit avec la Russie ne peut que s'intensifier, car en protégeant de toutes ses forces le système électoral, les autorités russes s'opposent frontalement au mouvement de radicalisation de la gouvernance atlantiste que nous observons. Or, ce système idéologique ne peut plus se permettre même l'illusion électorale, il doit maîtriser et contrôler les peuples et les paroles. Ce que nous voyons parfaitement se profiler en France avec la farce électorale qui a conduit Macron à l'Elysée et les dernières évolutions législatives liberticides et anti-nationales.


Karine Bechet Golovko

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