Situation sur le front du Donbass


La semaine écoulée fut la pire semaine depuis le début de l'année 2018 en termes de bombardements, combats et victimes civiles sur ce front du Donbass que l'opinion publique dite "internationale" persiste à vouloir ignorer.

Plus de 7000 violations du cessez le feu, 6 morts (dont 4 à Gorlovka) et 11 blessés, de nombreuses pertes militaires principalement du coté des assaillants ukrainiens (au minimum 10 tués) sans compter les innombrables destructions occasionnées lors des bombardements (plus de 90 maisons détruites rien que sur Gorlovka)

Cette aggravation brutale de la guerre, qui depuis 4 ans couve dans cette région coincée entre l'Ukraine et la Russie, était prévisible suite à la mise en oeuvre de la "loi de réintégration du Donbass" votée en février à Kiev et qui prévoit de relancer une dynamique offensive sur le front du Donbass en remplaçant le format d'une "Opération spéciale Antiterroriste" enlisée dans les tranchées par une "Opération des forces conjointes".

Depuis le 9 mai des opérations ukrainiennes croissantes ont commencé sur le front de Gorlovka la deuxième ville de la République populaire de Donetsk et une pierre d'angle majeure du front entre Donetsk et Lugansk. 


En Russie on prend très au sérieux cette nouvelle escalade militaire dans le Donbass tant sur le plan militaire ou de nombreux experts accréditent l'hypothèse d'une prochaine offensive de Kiev avant la coupe du Monde de football (15 juin) que sur le plan politique ou les discussions d'urgence sont réalisées antre le Président Poutine et ses "partenaires occidentaux" des accords de Minsk où à la Douma par exemple où le député Yuri Afonin du bloc communiste  a déclaré que devant l'échec des négociations et la menace d'une offensive la Russie devarit reconnaitre les Républiques de Donetsk et Lugansk afin de protéger leurs citoyens   

Depuis le début de ce mois de mai, date du lancement de cette "opération des forces conjointes" l'armée ukrainienne a repris ses campagnes de bombardements et ses reconnaissances offensives. ces nouvelles pressions correspondent :
  1. soit à une première phase d'une offensive majeure destinée à capturer une ville secondaire, un carrefour stratégique, séparer les républiques ou isoler les forces Sud de la République de Donetsk,
  2. soit à poursuivre la stratégie "des petits sauts de crapaud" et faire reculer progressivement la ligne de front républicaine par des attaques mineures ne générant pas de réaction internationale,
  3. soit de déstabiliser définitivement le processus de paix engagé à Minsk et de forcer la communauté internationale à mettre en oeuvre une mission de l'ONU (casques bleus) par laquelle Kiev espère rejouer le scénario du Kosovo.
Personnellement je pense que Kiev peut tenter de jouer ensemble ces trois options pour reprendre la main dans le dossier du Donbass et surtout consolider par un succès militaire et diplomatique un pouvoir de plus en plus contesté tant sur le plan national que international :

Ainsi on peut imaginer les "forces conjointes" de Kiev dans une première phase mener des pressions offensives mineures (les "sauts de crapaud") pour fixer les forces républicaines loin de leur axe offensif majeur prévu. Ces pressions offensives doivent être faites sur des zones de contact (obtenues suite au précédent grignotage de la zone neutre) proches de points névralgiques (villes, carrefour etc...) obligeant les républicains à renforcer leurs défense. C'est peut-être ce qui se passe en ce moment dans le secteur de Gorlovka où suite aux bombardements et attaques ukrainiennes des unités de réserve de la DNR ont été envoyées en renfort (comme le bataillon blindé "Somali" par exemple)

En effet Gorlovka, non seulement est la deuxième ville en importance de la République Populaire de Donetsk, économiquement un centre principal de production métallurgique et chimique, mais surtout la clef de voûte de la ligne de front entre Donetsk et Lugansk. Les républicains ne peuvent se permettre de voir tomber ce secteur qui supporte la continuité et la force cohésive des leurs armées. Même s'il y a peu de risque que Kiev s'aventure dans des combats urbains suicidaires au cœur de cette immense cité minière, les républicains ne peuvent laisser son armée grignoter sa périphérie dans laquelle circulent des axes logistiques vitaux comme Debalcevo (à l'Est de la ville), ce carrefour routier et ferroviaire majeur à la charnière des 2 républiques.  
Puis Kiev se lancerait dans un coup de force mesuré pas trop meurtrier pour ne pas provoquer une réaction militaire de Moscou car ses parrains occidentaux ne sont pas encore prêts pour une guerre directe avec une Russie dont ils veulent d'abord continuer l'asphyxie économique et la confrontation sur le théâtre levantin. Mais ce coup de force doit cependant "bouger les lignes" de la diplomatie internationale par une envenimation du front provoquant l'abandon définitif du processus de paix de Minsk 2. Pour ce faire il faudrait pour Kiev réussir à prendre une ville secondaire ou un carrefour stratégique pour relancer une dynamique au niveau de la communauté européenne lâchement accrochée à l'épave des accords de Minsk 2.

Enfin, par cet urgence de stabiliser à nouveau ce front qui menace l'Europe entière, les USA et Kiev tenteraient d'amorcer le scénario "casques bleus" en les déployant prioritairement dans la zone conquise par Kiev, ce qui permettrait de verrouiller  le gain de terrain et éviter un nouveau chaudron. Washington compte ensuite étendre une normalisation progressive et pro occidentale du Donbass, donnant à Kiev la possibilité d'y organiser sous couvert d'une pacification internationale un "nettoyage ethnique" du type de celui de la république serbe de la Krajina. Mais Moscou qui a flairé la perversité de la proposition occidentale, mais tout en acceptant le principe d'une mission de l'ONU, demande qu'aucun membre de l'OTAN y participe, espérant par là garantir la neutralité de cette force d'interposition.

Deux autres paramètres extra militaires sont à prendre en compte pour expliquer aussi cette aggravation croissante du front : 
  1. Le sabotage espéré par les occidentaux du Mondial de football 2018 (15 juin) en Russie pourrait trouver un prétexte dans une aggravation de la situation militaire dans le Donbass où la Russie serait accusée d'intervenir.
  2. Les élections présidentielles ukrainiennes 2019 (31 mars) pour lesquelles l'impopulaire Porochenko aurait besoin avant la course, de créditer sa candidature avec une victoire même partielle sur le front du Donbass
On voit bien, dans ce scénario que confirment les propos de différents responsables ukrainiens comme par exemple ceux du Ministre ukrainien de l'intérieur Avakov, qu'il y a encore beaucoup d'inconnues et notamment celle de la capacité militaire des Républiques à contrer les opérations militaires ukrainiennes et étouffer dans l’œuf cette stratégie offensive indirecte de l'OTAN et surtout celle de la réaction russe qui ne peut se permettre de voir se réaliser une seule étape de ce processus de réintégration du Donbass qui provoquerait une militarisation atlantiste accélérée de cette région limitrophe et surtout une vive contestation de palais par une majorité qui refuse d'abandonner la population russe du Donbass.

Donc, soit l' "Opération des forces conjointes" va connaitre un enlisement comparable à celui de feu l' "Opération Spéciale Antiterroriste", soit la guerre éclate à nouveau parce que Kiev a décidé de jouer seul sa destinée ou que Washington qui perd en Syrie cherche à ouvrir un second front en Europe. 

La question est de savoir si des occidentaux sont prêts à mourir pour Donetsk et Lugansk. Pour ce qui est des russes ils ont déjà donné leur réponse depuis 4 ans avec les milliers de volontaires venus rejoindre les rangs des milices du Donbass. 

Erwan Castel

Sur le même sujet : Novorossiya Today 

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