Le Donbass apprend à vivre sans Kiev

Un regard occidental hors de la doxa propagandiste

Voici un article du Monde Diplomatique sur le Donbass qui est intéressant est relativement honnête même si la conclusion historique laisse transparaître un positionnement opposé ou au moins sceptique de l'auteur quant au devenir des Républiques de Donetsk et Lugansk.

Personnellement je trouve dommage que Loïc Ramirez fasse le déplacement jusqu'à Donetsk pour se cantonner seulement à un centre ville quasi épargné par la guerre et dont la vie est organisée pour l'oublier, et qu'il n'ait pas entraîné son guide Miquel Puertas qui connait bien le Donbass, à venir rencontrer la population des quartiers de la ligne de front de Petrovsky, Staromikhailovka, Spartak ou Oktyabrsky par exemple où j'habite.

Cela lui aurait donné une vision complète de la situation de la ville de Donetsk où désormais 2 mondes se côtoient à 15 minutes l'un de l'autre : d'un côté une ligne de front aux maisons bombardées et aux chiens abandonnés errants au milieu de vielles personnes fouillant dans les poubelles et de l'autre côté un centre ville rutilant qu'il décrit si bien dans son article...

J'ai moi-même accompagné ce mois-ci un photographe français à Donetsk, sur des zones militaires et civiles, urbaines et péri-urbaines à la rencontre des civils vivants dans des caves ou s'amusant dans des bars, des quartiers silencieux et calcinés ou des avenues bruyantes et illuminées, tout cela dans la même ville de Donetsk, extraordinaire jusqu'au surréalisme...

Car il y a bien aujourd'hui 2 lignes dans Donetsk : la ligne de front et la limite du centre-ville, l'une est une barrière militaire, l'autre économique...Mais il est important et remarquable de noter que cette fracture sociétale n'a pas entamé la cohésion sociale de la population de Donetsk soudée dans la guerre qui continue a frapper aux portes de sa cité. Malgré les disparités économiques impressionnantes existantes entre la périphérie et le centre (un café par exemple est entre 7 et 10 fois plus cher dans le centre ville qu'à Oktyabrsky), le Donbass reste uni dans la résistance et la défense de ses libertés.

Cela dit, et reconnaissant que "la critique est facile quand l'art est difficile" je lui reconnais un témoignage intéressant et honnête à travers lequel on peut apprécier la patte originale de Miquel Puertas, un volontaire espagnol venu s'installer à Donetsk et qui l'a accompagné dans les rues de la ville.

Merci donc à Loïc Ramirez et Miquel Puertas de lever un pan du voile que les propagandistes occidentaux ont jeté sur Donetsk.

Erwan Castel, volontaire en Novorossiya

Source de l'article : Le Monde diplomatique de mai 2017



Cette région séparatiste que ne reconnaissent ni l’Ukraine ni la Russie

Photographies prises par Loïc Ramirez dans la ville de Donetsk en février-mars 2017. 
«Ils ont tiré sur l’immeuble dans la nuit du 3 au 4 février, nous avons rouvert le magasin le 20, cette semaine. » Emmitouflée dans sa belle écharpe et son manteau, la vendeuse nous montre les dégâts provoqués par l’armée ukrainienne, avant de s’en aller accueillir les clients. Sa boutique a été privée de fenêtres à cause du souffle des explosions. Comme toute la périphérie de la ville de Donetsk, le quartier Kievski porte les stigmates du conflit qui oppose le gouvernement de Kiev aux milices séparatistes du Donbass officieusement soutenues par Moscou. Bâtiments éventrés et façades balafrées par les éclats d’obus rappellent l’intensité d’une guerre qui a coûté la vie à près de dix mille personnes depuis avril 2014. « Jusqu’au dernier moment, je ne pensais pas que notre propre armée serait capable de nous tirer dessus ! », s’exclame Sacha, un habitant de Donetsk, tout en se frayant un chemin au milieu des cratères qui trouent les rues du quartier. Alors que les deux camps comptent leurs morts, les perspectives d’une réintégration des « Républiques populaires » autoproclamées de Donetsk (DNR) et de Lougansk (LNR) dans le giron de Kiev s’éloignent. Et avec elles l’objectif ultime des accords de paix de Minsk, signés en février 2015, entre la Russie, l’Ukraine et ses deux soutiens occidentaux, la France et l’Allemagne. D’autant que, dans les territoires séparatistes, la vie reprend son cours, sous perfusion de Moscou et loin de la capitale.

Entérinée par référendum le 11 mai 2014, la DNR n’est reconnue par aucun pays membre de l’Organisation des Nations unies (ONU), pas même la Russie. La « République », comme on l’appelle ici, prend pourtant chaque jour davantage de consistance. Sur le fronton des édifices publics, le drapeau bleu et jaune ukrainien a cédé la place à celui de la DNR : un fond noir, bleu et rouge sur lequel trône l’aigle à deux têtes qu’arborent aussi les armoiries russes. « Avant la guerre il y avait 800 élèves, contre 665 aujourd’hui », explique M. Andreï Oudovienko, directeur de l’école 61 dans le quartier de Kievski. Dans le hall d’entrée sont exposées les photographies de vétérans et « héros » morts durant la « grande guerre patriotique » contre l’Allemagne nazie (1941-1945), aux côtés de quelques visages jeunes de miliciens tués durant le récent conflit. « Tous d’anciens élèves de cette école, précise le directeur. Au plus fort des combats, entre 2014 et 2015, les jeunes ont suivi des cours par correspondance pendant six mois. L’école avait été touchée par des bombardements. Ce sont donc les parents et nous autres les professeurs qui avons bénévolement participé à la reconstruction », explique encore M. Oudovienko, avec un doux sourire qui contraste avec son imposante carrure. « Les professeurs recevaient une simple aide de la DNR, 3 000 hryvnias de septembre 2014 à avril 2015 [entre 130 et 180 euros selon le cours, qui a fortement fluctué durant cette période], contre 4 000 hryvnias avant la guerre [350 euros au cours en vigueur au 1er janvier 2014]. Aujourd’hui, la DNR nous verse un vrai salaire, entre 10 000 et 12 000 roubles par mois [entre 170 et 200 euros]. »

Dans le centre-ville de Donetsk, les amoureux flânent main dans la main, les enfants circulent dans les parcs au guidon de leur tricycle en plastique. Sur quelques murs, des inscriptions rudimentaires où l’on lit « abri » suivi d’une flèche troublent l’apparente atmosphère de paix. Soudain, une détonation, puis une autre. Le claquement des coups de feu rappelle que le front n’est qu’à une poignée de kilomètres. Depuis le début de l’année, on enregistre une recrudescence des affrontements sur fond de blocus commercial entre Kiev et les régions séparatistes (lire « Punir ou séduire, le dilemme ukrainien »). Cet hiver, les tensions se sont concentrées autour de la station de filtration d’eau de Iassinovataïa, dans la banlieue de Donetsk, reprise par l’armée ukrainienne le 27 février. L’installation alimente des quartiers situés de part et d’autre de la ligne de contact.

La nuit tombée, les rues se vident. Le couvre-feu interdit la circulation aux civils de 23 heures à 6 heures, laissant les échos des déflagrations seuls maîtres de la ville. Le matin, le trafic des voitures et des autobus ranime les avenues, ne laissant rien paraître des combats de la veille. À l’heure du déjeuner, les cafétérias se remplissent de jeunes étudiants, garçons et filles. Le nez collé à l’écran de leur téléphone, ils profitent d’une pause avant de retourner en cours.

Une ascension sociale permise par la fuite des cadres

« Pendant la guerre, 30 % des étudiants et des professeurs ont quitté l’établissement. Les étudiants sont revenus, mais ce n’est pas le cas de tous les professeurs », se souvient Mme Larissa Kastrovet tout en nous offrant une tasse de thé. Rectrice de l’académie de gestion et d’administration, où elle nous accueille aujourd’hui, Mme Kastrovet s’est vu propulser à ce poste en novembre 2014 en raison du départ de son prédécesseur. Pourquoi d’autres choisissent-ils de rester ? À cette question, deux étudiantes interpellées dans leur salle de cours lâchent comme une évidence : « Parce que c’est chez nous ici. »

La fuite de nombreux cadres a laissé un vide qui a eu pour résultat l’arrivée soudaine de novices à des postes-clés dans l’administration. Ce phénomène d’ascension sociale rapide a profité à plusieurs personnes, parmi lesquelles le président de la DNR lui-même, M. Alexandre Zakhartchenko, électricien de métier. Ancienne institutrice, Mme Maïa Peragova écrivait des articles dans la presse « pour [son] plaisir », avant que l’« opération antiterroriste » contre les insurgés prorusses, déclenchée en mai 2014 par le gouvernement issu de la « révolution de la dignité », bouleverse son existence. Désormais directrice d’un département du ministère de l’information, elle résume bien la reprise en main improvisée des institutions durant les deux premières années du conflit, notamment dans le secteur des médias : « Quand la direction de la chaîne de télévision locale K61 [désormais Premier canal républicain] s’est enfuie, les opérateurs ont récupéré le matériel. Même cas de figure dans les journaux : les rédacteurs en chef sont partis, laissant les journalistes reprendre les publications, sans aucune rémunération. Au début, ils distribuaient même les journaux eux-mêmes aux habitants, car la poste avait cessé de fonctionner. »

Selon le ministère de la politique sociale ukrainien, 1,6 million de résidents de Crimée ou du Donbass ont fui les combats. Difficile d’estimer la population restée dans les républiques autoproclamées. Celles-ci couvrent les zones les plus urbanisées d’une région où vivaient 6,5 millions d’habitants avant la guerre et qui, selon les Nations unies, compterait actuellement 2,3 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire.


Pour faire face aux difficultés, nombreux sont ceux qui ont appris à vivre un pied de chaque côté de la ligne de front. Après avoir coupé en novembre 2014 le versement des pensions de retraite aux résidents de Crimée et des territoires non contrôlés par Kiev, le gouvernement ukrainien a instauré une procédure spéciale pour les personnes déplacées (1). « Certains retraités avaient alors pris l’initiative de s’enregistrer chez un parent resté vivre du côté ukrainien et touchaient deux pensions, l’ukrainienne et celle de la DNR. Cette pratique se fait de plus en plus rare, car les autorités ukrainiennes ont renforcé les contrôles. Il faut désormais une présence physique tous les trois mois au guichet pour retirer sa pension », explique M. Andreï k., un jeune salarié d’une entreprise de construction. En tout, de 800 000 à 1 million de personnes, officiellement déplacées, traversent régulièrement l’un des cinq points de passage, toujours bondés, soit un flux quotidien de 20 000 à 25 000 personnes. Fin mars, ce chiffre est passé à près de 42 000 en raison d’une campagne de vérification du lieu de résidence des retraités et des bénéficiaires des aides sociales.

« Je suis l’un des rares étrangers à en posséder une ! », s’exclame, hilare, M. Miquel Puertas, de nationalité espagnole, en exhibant une des 500 000 nouvelles cartes bancaires estampillées « Banque centrale républicaine » mises en circulation et utilisables uniquement sur le territoire de la DNR. Blogueur hostile à la « révolution de la dignité » qui a conduit au renversement du président ukrainien prorusse Viktor Ianoukovitch en février 2014, M. Puertas a quitté la Lituanie pour rejoindre Donetsk à l’été 2016. Enseignant, il exerce désormais son métier à l’Université nationale technique de Donetsk. « Avant, on me payait en liquide. Je vais maintenant pouvoir directement retirer en roubles ou même me payer une bière au bar en utilisant la carte ! »

Dès le mois de mai 2014, face à l’instabilité de la situation, les banques ukrainiennes implantées à Donetsk ont commencé à fermer leurs agences, avant de cesser définitivement de fonctionner dans toute la région séparatiste. Les habitants ne disposant pas d’un laissez-passer pour le territoire ukrainien devaient se rendre dans des « banques clandestines » improvisées qui ponctionnaient 10 % sur la transaction (2). « Pour obtenir du liquide, il fallait passer par des agents privés : contre un transfert d’argent par Internet, ils te fournissaient la somme en liquide après avoir pris leur commission et retiré l’argent en territoire ukrainien », se rappelle M. Andreï k.

En réponse, la DNR a fondé la Banque centrale républicaine (BCR) le 7 octobre 2014. Y transitent notamment les charges d’immeubles ainsi que les pensions de retraite, délivrées en roubles. Au printemps 2015, près de 90 % des transactions économiques s’effectuaient dans la monnaie russe. En mai 2015, la BCR, comme son homologue de Lougansk, a ouvert un compte international dans une banque d’Ossétie du Sud, une république sécessionniste de Géorgie reconnue depuis 2008 par Moscou, qui fait probablement transiter son aide financière par ce canal.

Si le Kremlin ne reconnaît aucune des deux républiques séparatistes, le président russe Vladimir Poutine a fait un pas supplémentaire vers la normalisation de ces territoires en signant, le 18 février dernier, un décret qui officialise la reconnaissance « temporaire » des passeports, plaques d’immatriculation, certificats de naissance ou de mariage et autres documents émis par les autorités, tant que les accords de Minsk ne seront pas appliqués.
La russification du territoire se loge dans les détails

De la monnaie au fuseau horaire, désormais aligné sur celui de Moscou, la russification de ce territoire se loge dans les détails de la vie quotidienne. Y compris à l’école, où la langue russe domine plus que jamais. « Dès la rentrée de septembre 2014, le gouvernement de Kiev a refusé de nous envoyer les nouveaux manuels scolaires. Nous avons donc travaillé avec des manuels russes, raconte M. Oudovienko. Nous avons augmenté les heures de langue russe et, désormais, l’examen final d’études secondaires comprend une épreuve de russe obligatoire, et non plus d’ukrainien. Nous avons accru la part d’auteurs russes dans les études littéraires, sans pour autant supprimer les auteurs ukrainiens. En géographie, nous avons ajouté des cartes du Donbass. » La DNR reconnaît les deux langues, le russe et l’ukrainien, bien que le statut officiel de cette dernière ait failli être supprimé en 2015 (3). Il appartient aux parents de choisir la langue dans laquelle leur enfant étudie. « Dès octobre 2014, le nombre de cursus en ukrainien a chuté à 4 %, contre 15 % auparavant. À la rentrée 2016, sur quatre-vingts élèves de première [7 ans], seul un élève souhaitait poursuivre en ukrainien. Nous lui avons donc proposé d’aller dans une autre école, pas loin, où une classe adaptée à son choix était ouverte », affirme notre interlocuteur. Quand on lui demande si une réintégration à l’Ukraine est possible à ses yeux, M. Oudovienko répond : « Pas avec le gouvernement actuellement aux commandes à Kiev. »


« Ici, le chef, c’est le peuple », peut-on lire sur de grands espaces publicitaires dans le centre-ville. Sur l’avenue principale, le visage de Mikhaïl Tolstykh, mieux connu sous le pseudonyme de Givi, s’étale par centaines d’exemplaires. Le commandant, qui s’était illustré durant la bataille de l’aéroport de Donetsk de l’automne 2014, a péri dans un attentat le 8 février dernier. Tout en glorifiant ses héros, le jeune « État » se pare des attributs de la souveraineté. Dans la rue, des voitures de police, à la carrosserie impeccable, arborent les couleurs du drapeau de la DNR, tout comme les écussons des uniformes des agents. Dans les magasins, certains produits, comme les biscuits ou la charcuterie, sont estampillés d’un « fabriqué en dnr », aux couleurs du drapeau.

Même si l’aide économique versée par Moscou, un secret de Polichinelle, reste essentielle pour que fonctionnent les institutions, les nouvelles autorités ont cherché rapidement à prélever quelques ressources sur le territoire. Enfoncé dans son fauteuil, M. Luis Hernando Muñoz, chef d’une entreprise d’importation de café colombien installé à Donetsk depuis trente ans, assure que, durant la première phase de la guerre en 2014 et 2015, plusieurs magasins ont été réquisitionnés pour former la nouvelle chaîne des « supermarchés républicains », devenue très populaire en raison de ses prix accessibles. « Je sais que les recettes de ces magasins ont été envoyées à des fonds utilisés pour payer toute une série de choses, dont les pensions. Un moyen pour stabiliser la situation », prétend M. Muñoz tout en restant discret sur les bénéficiaires directs et les autres usages de ce rudiment de fiscalité. Dans un second temps, le pouvoir a ciblé les petites et moyennes entreprises. « Depuis l’été 2016, elles subissent de fortes pressions pour se réenregistrer auprès des autorités et payer leurs impôts à la République », assure la responsable d’un programme de développement de l’ONU établie jusqu’en décembre 2016 à Donetsk, qui souhaite garder l’anonymat.

Jusqu’à ce que Kiev en perde le contrôle, la plupart des mines et des industries étaient enregistrées officiellement en Ukraine et y reversaient leurs impôts pour continuer à avoir accès au marché national. Un enjeu particulièrement important pour la filière métallurgique, dont les produits — du minerai de fer à l’acier, en passant par le charbon — circulaient, jusqu’à une date récente, de part et d’autre de la ligne de démarcation. Devant l’impuissance du gouvernement ukrainien à lever des blocages organisés par des militants nationalistes, M. Zakhartchenko, le président de la DNR, a annoncé, le 1er mars, la réquisition de quarante-trois entreprises, pour l’essentiel des mines et des actifs du secteur métallurgique possédés par M. Rinat Akhmetov. Oligarque originaire du Donbass (4), M. Akhmetov a soutenu le camp séparatiste quelque temps, avant de se ranger du côté de Kiev. Le propriétaire de la société System Capital Management (SCM) Holding a également perdu le stade Donbass Arena, où il distribuait régulièrement de l’aide humanitaire, un gage d’influence auprès des habitants de Donetsk. Selon les données collectées par une députée auprès de l’administration fiscale, huit entreprises de la liste des réquisitions versaient à elles seules près de 1,3 milliard de hryvnias (45 millions euros) d’impôts par an.

Vu de Donetsk, le rapprochement avec Moscou semble moins motivé par un élan nationaliste que par les initiatives de Kiev pour approfondir le fossé avec les républiques autoproclamées. « Nationaliser [les grandes entreprises], ce n’est ni une bonne ni une mauvaise chose : c’est une nécessité pour sauver les emplois et l’activité », argumente Mme Iana Khomenko, professeure au département d’économie internationale à l’Université nationale technique de Donetsk. « À cause du blocus, il nous faut écouler la production vers la Russie », explique-t-elle, sous le regard approbateur de sa cheffe, Mme Loudmila Chabalina. Et cette dernière de conclure : « C’est l’Ukraine qui nous a obligés à répondre au blocus. » Au commencement du conflit, en 2014, M. Muñoz payait 10 000 dollars par camion pour traverser les postes-frontières des milices nationalistes. Avec le renforcement des contrôles en 2015, « impossible de faire entrer quelque chose », affirme-t-il. Désormais, ses produits « passent par la Russie, légalement ».

Éphémère République de Donetsk-Krivoï-Rog

Le 14 mars 2017, les autorités de la DNR ont annoncé l’acheminement des premiers convois de charbon en direction de la Russie, alors qu’au même moment le gouvernement ukrainien communiquait sur l’importation d’anthracite d’Afrique du Sud. Sixième producteur mondial de charbon, le voisin russe n’a aucun besoin d’importer ce combustible. « C’est une décision purement politique. Le but est d’éviter que tout s’effondre ici et que la Russie hérite d’une situation chaotique à sa frontière », présume M. Muñoz. Une partie du charbon du Donbass pourrait retrouver, en faisant un détour par la Russie, le chemin de... l’Ukraine. Une enquête du site de Radio Svoboda a révélé que le charbon utilisé par le combinat métallurgique Azovstal, installé à proximité de Marioupol (en territoire contrôlé par Kiev), transitait désormais par des barges venues de Russie, mais qu’il proviendrait, selon une source locale, des mines des territoires séparatistes (5).

Loin de freiner l’autonomisation de la DNR, la politique de l’Ukraine pousse celle-ci vers l’est. L’immense voisin slave semble offrir une solution de rechange raisonnable pour retrouver la stabilité, tandis que Kiev se fait chaque jour un peu plus lointain pour les gens du Donbass. Sur l’immense bâtiment du gouvernement de la DNR, anciennement siège du gouvernement régional, se détache encore la forme, plus claire, du trident, symbole de l’armoirie ukrainienne pourtant arraché de la façade. « On en apprend beaucoup sur un peuple en voyant ses statues. Ici, celle du poète ukrainien [Taras] Chevtchenko côtoie celle, plus grande, de Lénine. Mais celle d’Artiom est plus importante encore », explique M. Puertas en sortant de l’amphithéâtre où il vient de donner un cours. De son vrai nom Fiodor Andreïevitch Sergueïev, ce révolutionnaire bolchevique est considéré comme le fondateur de l’éphémère République de Donetsk-Krivoï-Rog, qui vit le jour en février 1918, dans la foulée de la révolution d’Octobre à Petrograd. Épisode d’une guerre civile qui déchira l’Ukraine entre l’Armée rouge, les troupes du nationaliste ukrainien Simon Petlioura, les armées blanches du général Anton Denikine, l’armée insurrectionnelle paysanne de l’anarchiste Nestor Makhno, cette république autonome fut finalement rattachée à la république socialiste soviétique d’Ukraine en février 1919, cette dernière étant à son tour intégrée dans l’URSS en 1922. « Les choses, ici, viennent de loin », conclut malicieusement M. Puertas.

Loïc Ramirez
Journaliste. 

Notes :

(1) « Humanitarian response plan 2017 - Ukraine », rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Unocha), novembre 2016.
(2) Stéphane Jourdain, « À Donetsk, les habitants condamnés au système D face aux banques fermées », Agence France-Presse, 1er mars 2015.
(4) Lire Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin, « Ukraine, d’une oligarchie à l’autre », Le Monde diplomatique, avril 2014.




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