Le "canon-réveil" ukrainien


Depuis 1 an, je découvre ce quartier martyrisé dans lequel j'ai choisi de vivre, loin des lumières artificielles d'un centre ville où se pavanent, toute honte bue, des vautours narcissiques jouant les nouveaux apparatchiks. 
Ici, ce sont les corbeaux qui volent au dessus de ruines toujours bombardées et au milieu desquelles tente de survivre une population exceptionnelle.
Je veux simplement témoigner ici, par ces "chroniques d'Oktyabrsky", de tout mon amour pour ce Donbass martyrisé et oublié des hommes... mais non des dieux !

Chronique d'Oktyabrsky (01) 

15 mars 2017, 6h53, tirs ukrainiens sur Spartak et la zone de l'aéroport. Ce pilonnage aux premières lueurs du jour est tellement quotidien depuis des mois que certaines personnes croisées dans la rue après avoir levé la tête pour identifier le secteur touché, en commentant d'un "Normal !" balaient d'un geste de la main les détonations qui circulent dans la fraîcheur du matin...

Maison détruite rue Stratonavtiv à Oktyabrsky
Mais il ne faut pas croire cependant qu'il s'agit d'indifférence ou de stoïcisme car l'usure est bien là, s'insinuant dans les coeurs et les corps comme un virus sournois. Dans ce quartier d'Oktyabrsky où je vis le danger est devenu une banalité insupportable. Hier soir tandis que des imbéciles se faisaient des selfies dans les cafés luxueux et bondés de Donetsk (à 15mn seulement en voiture) une amie, en écoutant les vitres de la maison trembler, me confiait, les mains serrées autour d'un verre trop vite bu : "cela fait 3 ans bientôt que cela dure et aujourd'hui, je suis tellement épuisée d'avoir peur" 

A 7h15, les tirs ont cessé, les gens ressortent dans la rue pour vaquer à leur survie quotidienne, un minibus zigzague entre les trous de la route tandis que 2 anciens fouillent une poubelle pour ne pas mourir de faim. Des groupes de personnes plus chanceuses marchent vers la gare de Donetsk où les attendent un travail trouvé ici ou là souvent un petit job temporaire autour d'un marché qui permet de payer le gaz, l'électricité (quand le service fonctionne encore) et quelques provisions pour la journée...

La rue Stratonavtiv à Oktyabrsky reliant Spartak à l'Est et Peski à l'Ouest 
longe la zone aéroportuaire sur laquelle passe la ligne de front depuis mai 2014
(désolé pour la qualité de la vidéo faite avec mon téléphone portable)

Avant hier 4 civils ont été blessés dans un rayon de 500 mètres, victimes d'une haine aveugle stupide et meurtrière, et hier soir les bombardements reprenaient dès 19h00 poussant les gens à se réfugier dans leurs maisons.

Cette guerre que mène Kiev contre le Donbass est pour la population de la ligne de front un supplice chinois monstrueux où chaque goutte d'eau s'écrasant sur le front d'un prisonnier enchaîné est remplacé par un obus destructeur...


Cénotaphes de la guerre, boulevard Joukov 
Sur le chemin vers Donetsk où je viens un moment y rechercher une connexion suffisante pour le travail, je passe devant les cénotaphes rappelant le noms des martyrs civils du quartier. 
Plus de 200 noms d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants sont gravés ici dans la pierre et les coeurs, pour rappeler les souffrances d'une Histoire toujours en mouvement. Et autour de ces stèles régulièrement fleuries, la vie continue malgré la peur, car sur cette terre russe aux frontières de l'Empire, depuis toujours "le souvenir des morts est la force des vivants"


Erwan Castel, volontaire en Novorossiya

La clef de voûte de l'église d'Oktyabrsky (proche de l'aéroport) témoigne de la violence des bombardements 
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Projet humanitaire pour Oktyabrsky

Lorsque les dons personnel reçus dépassent mes besoins minima de vie quotidienne  je consacre alors le surplus à aider les gens de mon quartier, notamment les personnes âgées et les familles bombardées. 

Même si la Russie et la République de Donetsk apportent une aide importante notamment pour les matériaux de reconstruction des maisons bombardées, il manque encore pour de nombreuses habitants des besoins importants pour leur permettre de survivre. (alimentation, équipements, vêtements, fournitures scolaires, médicaments)

Il faut savoir qu'ici la majorité des personnes qui sont restées dans le quartier vivent avec moins de 50 euros par mois et même si la vie est beaucoup moins chère que dans notre Occident consumériste et décadent, cela ne permet pas malgré tout de restaurer le confort de vie minimum que la guerre a détruit. 

Chaque jour c'est un billet glissé dans la poche d'un mendiant, une facture de gaz payée, ou des réparations réalisées, mais j'avoue que cette aide est autant une pierre de Sysiphe qu'une goutte d'eau dans l'océan... Grâce à la générosité des personnes qui me soutiennent j'ai pu aider une trentaine de personnes depuis de début de l'année, et je veux continuer et si possible développer cette action.

Si vous voulez aider les gens d'Oktyabrsky, merci d'envoyer vos contributions de soutien sur le compte référencé ci après à partir duquel sont envoyés des virements vers le Donbass, en mentionnant "OKTYABRSKY" et aussi si possible vos coordonnées.

Observation : la plus petite somme (l'équivalent d'un paquet de cigarette) est ici la bienvenue et vitale ici.

En vous remerciant par avance de votre soutien moral et matériel 

Bien à vous 


Erwan



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