La Foi et l'Espérance
La beauté de la Vie contre la laideur de la Mort
Roland Dorgelès, "Les croix de bois"
Cette fois, je vous invite à rencontrer une famille qui vit au milieu des ruines près de l'aéroport de Donetsk. Avec leur 2 enfants ce jeune couple a vécu la guerre, restant dans leur maison même au plus fort des combats. Leur histoire, à la fois héroïque et banale symbolise la résistance de ce peuple du Donbass, gardien de ses traditions, animé par la Foi et l'espérance et l'exemple de son Histoire.
Nous reviendrons à la rencontre de ses femmes et ses hommes d'Oktyabrsky, héros inconnus et désarmés d'une guerre au caractère génocidaire abject et sournois que les Néo-cons ont lancé contre la Russie
Chroniques d'Oktyabrsky - 2
Depuis 3 ans bientôt la haine de Kiev pour les russes du Donbass qui demandent à vivre dans le respect de leur identité culturelle et historique s'est transformée en guerre à caractère génocidaire. Chaque jour et chaque nuit, des bombardements quotidiens ont transformé une ligne de front en champ de ruines apocalyptique au milieu desquelles, contre toute attente, la vie civile s'accroche encore refusant de céder à la peur et à la mort...
C'est le cas d'Oktyabrsky, un quartier qui appartient au district de Kuybichesky et qui est situé au Nord de Donetsk, à proximité de l'aéroport Sergei Prokoviev lequel, depuis mai 2014 de violents combats opposent les forces républicaines et l'armée ukrainienne pour le contrôle de cette zone stratégique et symbolique située à moins de 20 minutes en voiture du centre ville de Donetsk.
C'est le cas d'Oktyabrsky, un quartier qui appartient au district de Kuybichesky et qui est situé au Nord de Donetsk, à proximité de l'aéroport Sergei Prokoviev lequel, depuis mai 2014 de violents combats opposent les forces républicaines et l'armée ukrainienne pour le contrôle de cette zone stratégique et symbolique située à moins de 20 minutes en voiture du centre ville de Donetsk.
Avant la guerre, autour d'un aéroport international flambant neuf qui avait été modernisé à l'occasion de la coupe de l'Euro 2012 de football, ce quartier bordé d'étangs où de petites maisons individuelles alternent avec des immeubles était réputé pour offrir un cadre de vie paisible tout en restant proche du centre ville. Lorsque la guerre éclate ce quartier se retrouve en première ligne et subit les tirs des "punisseurs" ukrainiens qui depuis l'aéroport bombardent la population civile jusque dans le centre ville de Donetsk. De septembre 2014, les milices républicaines vont se lancer à la reconquête de cette zone aéroportuaire qui sera finalement libérée en janvier 2015 (voir un résumé ici)
Ce 17 mars, accompagné de Svetlana Kissileva et Yana Basha de Novorissiya Today que je remercie pour la qualité de leurs photos (et de leur compagnie !), nous partons à la rencontre de Luyba et d'Alekseï qui survivent depuis 3 ans au milieu des ruines de leur quartier.
Ce 17 mars, accompagné de Svetlana Kissileva et Yana Basha de Novorissiya Today que je remercie pour la qualité de leurs photos (et de leur compagnie !), nous partons à la rencontre de Luyba et d'Alekseï qui survivent depuis 3 ans au milieu des ruines de leur quartier.
Malgré les accords de Minsk (Septembre 2014) le quartier d' Oktyabrsky continue d'être pilonné chaque nuit par l'artillerie ukrainienne. Sur cette carte, les bombardements réalisés dans ce secteur en 2016 (sachant que les pires ont été réalisés en 2014 et début 2015) |
Malgré la violence des combats et bombardements, un nombre important d'habitants décide de rester dans leurs maisons endommagées, par choix ou par obligation, et depuis 3 ans offrent au monde un exemple de résilience héroïque...
Avec Luyba dans son quartier Photo S. Kissileva |
Nous avons donc pour cette rencontre, changé les prénoms et évité les photos identifiables.
Depuis 3 ans toutes les vies ici ont été bouleversées, les rêves détruits et l'environnement naturel et social envahi par la mort et les destructions. Lorsque la crise ukrainienne du Maïdan se transforme en coup d'état renversant le gouvernement Ianoukovitch, Lyuba qui suit les événements ne s'imagine pas un seul instant que l'enfer va se déchaîner un jour autour de sa maison. L'inquiétude va commencer à surgir en avril lorsque les premiers combats éclatent à Slaviansk (100km au Nord Ouest de Donetsk) et à partir de là, les événements comme les orages d'acier se précipitent vers la ville aux 1 millions de roses.
Le jardin bombardé quelques minutes après que la famille soit partie se réfugier dans la maison |
Car cette famille habite à quelques centaines de mètres à peine de l'aéroport et se retrouve alors aux premières loges d'une des plus violentes batailles réalisées dans le Donbass et qui va se poursuivre pendant des mois avec des bombardements tellement intenses que les services d'urgence ne peuvent intervenir sur le secteur où chaque jour des civils tombent sous les obus. L'électricité, l'eau et le gaz sont coupés, et autour de Luyba, d'Alekseï et de leurs deux enfants, les maisons s'effondrent sous les incendies et les coups directs de l'artillerie lourde et des chars de combat ukrainiens.
L’aîné des 2 garçons, lorsque les bombardements s'abattent sur le quartier subit un traumatisme psychologique grave, il perd l'usage de la parole et depuis, il est suivi par un pédo-psychiatre qui tente de chasser de son esprit la peur des "orages" qui depuis plus de 2 noëls tonnent en permanence dans le ciel. Grâce aux dons j'espère pouvoir prendre en charge une grande partie des soins qui aujourd'hui sont devenus exorbitants pour ses parents (voir en fin d'article).
Lorsque les canons et les avions de chasse ukrainiens commencent à écraser la population sous leurs tirs, comme beaucoup de pères, de maris, de frères, le compagnon de Luyba s'engage dans la milice pour défendre sa terre. Alexeï se battra sur les fronts de Gorlovka et Donetsk avant d'être réformé suite à une blessure.
Pendant cette période, la mémoire de Luyba déborde de souvenirs à la semblance de cauchemars, hurlements perçant le fracas des combats , les vitres qui explosent les toitures qui s'effondrent sur les incendies, puis les morts et les blessés que l'on évacue comme on peut entre 2 bombardements, plus tard ce sont les chiens et les chats errants affamés qui dévorent mutuellement leurs cadavres rougissant la neige.
Trop d'images sombres se bousculent à l'évocation de cette guerre et le beau regard de Luyba se noie dans ses souvenirs aux plaies encore ouvertes.
L’aîné des 2 garçons, lorsque les bombardements s'abattent sur le quartier subit un traumatisme psychologique grave, il perd l'usage de la parole et depuis, il est suivi par un pédo-psychiatre qui tente de chasser de son esprit la peur des "orages" qui depuis plus de 2 noëls tonnent en permanence dans le ciel. Grâce aux dons j'espère pouvoir prendre en charge une grande partie des soins qui aujourd'hui sont devenus exorbitants pour ses parents (voir en fin d'article).
Lorsque les canons et les avions de chasse ukrainiens commencent à écraser la population sous leurs tirs, comme beaucoup de pères, de maris, de frères, le compagnon de Luyba s'engage dans la milice pour défendre sa terre. Alexeï se battra sur les fronts de Gorlovka et Donetsk avant d'être réformé suite à une blessure.
Pendant cette période, la mémoire de Luyba déborde de souvenirs à la semblance de cauchemars, hurlements perçant le fracas des combats , les vitres qui explosent les toitures qui s'effondrent sur les incendies, puis les morts et les blessés que l'on évacue comme on peut entre 2 bombardements, plus tard ce sont les chiens et les chats errants affamés qui dévorent mutuellement leurs cadavres rougissant la neige.
Trop d'images sombres se bousculent à l'évocation de cette guerre et le beau regard de Luyba se noie dans ses souvenirs aux plaies encore ouvertes.
En 2015, après que les soldats républicains aient chassé les derniers "cyborgs" ukrainiens du labyrinthe d'un aéroport complètement détruit, la situation dans le quartier s'est stabilisée malgré la persistance de bombardements et de combats sur une ligne de front qui s'est éloignée seulement dun kilomètre.
Mais pour cette jeune femme de 30 ans le cauchemar continue, son mari qui avait été admis à l'hôpital 21 du quartier (lequel subit plusieurs bombardements) après plusieurs mois de coma et 3 opérations cérébrales décède. Luyba est effondrée mais reste debout au milieu des ruines en protégeant ses 2 garçons comme elle le peut. Cette année là, rue après rue, maison après maison, l'eau et l'électricité sont rétablis progressivement et en 2016, les réparations des logements encore habités peuvent commencer grâce à l'aide humanitaire en provenance de la Russie et l'organisation remarquable du jeune Ministère des situations d'urgences.
Mais pour cette jeune femme de 30 ans le cauchemar continue, son mari qui avait été admis à l'hôpital 21 du quartier (lequel subit plusieurs bombardements) après plusieurs mois de coma et 3 opérations cérébrales décède. Luyba est effondrée mais reste debout au milieu des ruines en protégeant ses 2 garçons comme elle le peut. Cette année là, rue après rue, maison après maison, l'eau et l'électricité sont rétablis progressivement et en 2016, les réparations des logements encore habités peuvent commencer grâce à l'aide humanitaire en provenance de la Russie et l'organisation remarquable du jeune Ministère des situations d'urgences.
Photo Svetlana Kissileva |
Mais malgré cela, la vie continue et l'espérance fleurit dans toutes les conversations autour d'un café servi selon les traditions de l'hospitalité qui maintiennent élevés la dignité et le respect qu'elle inspire en retour.
Luyba nous a invité à découvrir son quartier où dans les ruelles silencieuses et sans voiture; bornées de maisons, d'écoles et de magasins totalement détruits, survit une population incroyable qui réalise même toujours, au milieu des cratères d'obus et des débris de la guerre, le nettoyage printanier coutumier des jardins et parterres...
Luyba nous a invité à découvrir son quartier où dans les ruelles silencieuses et sans voiture; bornées de maisons, d'écoles et de magasins totalement détruits, survit une population incroyable qui réalise même toujours, au milieu des cratères d'obus et des débris de la guerre, le nettoyage printanier coutumier des jardins et parterres...
Car c'est aussi dans ces gestes quotidiens, ménagers et traditionnels qu'au milieu des ruines d'Oktyabrsky la Vie gagne son combat sur la Mort et tel un Phoenix réaniment Oktyabrsky de ses cendres. Lorsque l'on évoque les guerres on parle souvent des héros qui écrivent en lettres de sang l'Histoire militaire et glorieuse, mais il ne faut pas oublier ces civils qui dans l'ombre des maisons silencieuses continuent malgré la peur et la misère à entretenir la flamme du foyer qui brûle dans le coeur des soldats et leur donne le courage de se battre.
Nous continuons la discussion, tandis que dehors résonnent des tirs de lance grenades automatiques (AGS 17) qui explosent dans le secteur de l'aéroport dont le terminal est tenu depuis 2 ans par la bataillon Sparta.
Plus tard, en fin d'après-midi, passant par les secteurs de Volvo Center et de la Gare, récemment touchés par des bombardements, nous retournons dans le centre ville bruyant de Donetsk, cet autre facette du Donbass, elle aussi surréaliste, et aux antipodes d'une ligne de front pourtant toute proche, que je m'empresse de rejoindre...
Nous continuons la discussion, tandis que dehors résonnent des tirs de lance grenades automatiques (AGS 17) qui explosent dans le secteur de l'aéroport dont le terminal est tenu depuis 2 ans par la bataillon Sparta.
Plus tard, en fin d'après-midi, passant par les secteurs de Volvo Center et de la Gare, récemment touchés par des bombardements, nous retournons dans le centre ville bruyant de Donetsk, cet autre facette du Donbass, elle aussi surréaliste, et aux antipodes d'une ligne de front pourtant toute proche, que je m'empresse de rejoindre...
Il est 6h30 ce samedi 18 mars, et comme chaque matin, l'artillerie ukrainienne ouvre la journée par des aboiements de haine meurtrière...
Je pense à Yulia, Katia, Luyba, Alexandra, Sergeï, Andreï et tant d'autres qui sont dans ce quartier où j'ai décidé de vivre depuis 2016, et où l'on peut côtoyer chaque jour des personnes dont le courage et l'humilité sont animés par une foi indestructible et qui leur donnent encore la force, au milieu de ruines toujours bombardées, d'offrir aux passants un sourire chargé d'espérance.
Je pense à Yulia, Katia, Luyba, Alexandra, Sergeï, Andreï et tant d'autres qui sont dans ce quartier où j'ai décidé de vivre depuis 2016, et où l'on peut côtoyer chaque jour des personnes dont le courage et l'humilité sont animés par une foi indestructible et qui leur donnent encore la force, au milieu de ruines toujours bombardées, d'offrir aux passants un sourire chargé d'espérance.
Erwan Castel, volontaire en Novorossiya
Pour retrouver de nombreuses autres photos de ce reportage :
Le reportage en russe, le lien ici : Espoir et foi
Lyuba dans son petit magasin avec ses 2 enfants |
Pour lire les autres chroniques et articles sur ce quartier de l'aéroport, le lien ici : Oktyabrsky
*
* *
Projet humanitaire pour Oktyabrsky
Lorsque les dons personnel reçus dépassent mes besoins minima de vie quotidienne je consacre alors le surplus à aider les gens de mon quartier, notamment les personnes âgées et les familles bombardées. S'il est impossible d'aider tout le monde, il est aussi difficile de choisir vers qui diriger es actions importantes tant il y a de personnes prioritaires. Hier par exemple c'était Yulia et Alex pour la réparation de leur maison bombardée (38 500 roubles environ) et aujourd'hui, pour la famille de Luyba, grâce aux dons, j'ai pu déjà leur donner 8000 roubles pour aider au règlement des frais médicaux de leur enfant malade. Mais ce n'est pas assez car ces frais s'élèvent à 50 000 roubles par trimestre sans compter les déplacements vers la ville où est traité l'enfant et qui est située à plus de 200 km.
Même si la Russie et la République de Donetsk apportent une aide importante notamment pour les matériaux de reconstruction des maisons bombardées, il manque encore pour de nombreuses habitants des besoins importants pour leur permettre de survivre. (alimentation, équipements, vêtements, fournitures scolaires, médicaments,travaux, transports etc...)
Il faut savoir qu'ici la majorité des personnes qui sont restées dans le quartier vivent avec moins de 50 euros par mois et, même si la vie est beaucoup moins chère que dans notre Occident consumériste et décadent, cela ne permet pas malgré tout de restaurer le confort de vie minimum que la guerre a détruit.
Chaque jour c'est un billet glissé dans la poche d'un mendiant, une facture de gaz payée, ou des réparations réalisées, mais j'avoue que cette aide est autant une pierre de Sysiphe qu'une goutte d'eau dans l'océan... Grâce à la générosité des personnes qui me soutiennent j'ai pu aider une quarantaine de personnes depuis de début de l'année, et je veux continuer et si possible développer cette action.
Si vous voulez aider les gens d'Oktyabrsky, merci d'envoyer vos contributions de soutien sur le compte référencé ci après à partir duquel sont envoyés des virements vers le Donbass, en mentionnant "OKTYABRSKY" et aussi si possible vos coordonnées.
Les dons sont ensuite regroupés et directement adressés aux personnes aidées par mandat Western Union, le seul moyen de faire parvenir de l'argent en international.
Les dons sont ensuite regroupés et directement adressés aux personnes aidées par mandat Western Union, le seul moyen de faire parvenir de l'argent en international.
Observation: la plus petite somme (l'équivalent d'un paquet de cigarette) est ici la bienvenue et vitale ici.
En vous remerciant par avance de votre soutien moral et matériel
Bien à vous